Les Origines de la Bible/03

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Les Origines de la Bible
Revue des Deux Mondes3e période, tome 78 (p. 522-550).
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LES
ORIGINES DE LA BIBLE

LA LOI
PREMIERE PARTIE


I

Le profond mouvement religieux qui s’opéra dans le royaume d’Israël, au IXe siècle avant Jésus-Christ, se résumait en l’affirmation obstinée que Iahvé est un Dieu juste, qu’il veut le bien et demande à l’homme de se conformer aux règles absolues du droit. Le corollaire presque immédiat d’une telle conception était une loi écrite, censée émaner de Iahvé et se donnant pour l’expression de sa volonté. Il n’est pas douteux que l’écrivain sacré qu’on est convenu d’appeler « le Jéhoviste, » en entreprenant son histoire sacrée, n’ait eu pour but principal d’y insérer un code résumant d’une manière abrégée les préceptes de Iahvé. Moïse fut censé l’intermédiaire de ces communications divines, le législateur par excellence. Moïse avait-il déjà ce caractère dans les livres antérieurs, en particulier dans le livre des Guerres de Iahvé ? On en peut douter. Il était naturel que le chef qui tirait le peuple de l’Egypte au nom de Iahvé devînt l’interprète du pacte de Iahvé avec son peuple. Mais cette idée même d’un pacte moral entre le Dieu libérateur et la tribu délivrée supposait un immense progrès moral. Nous avons cherché à montrer, ici même[1], que ce progrès doit être rapporté à la grande école des prophètes, en partie légendaires, Élie et Elisée.

C’est surtout par la manière dont il fixa les contours de la législation censée mosaïque que le premier rédacteur de l’Histoire sainte se fit dans l’évolution d’Israël une place à part. Son livre fournit le cadre de tous les développemens postérieurs de la Thora. Le deutéronomiste ne fit que l’imiter ; les pandectes juridiques, résultat du travail religieux qui amena, accompagna et suivit la restauration du temple de Jérusalem, ne firent que le copier et le commenter.

La révélation a lieu, selon le jéhoviste, dans ce redoutable entassement de montagnes rocheuses et métalliques qu’on rencontre dans la péninsule arabique, six ou sept jours après avoir quitté l’isthme en allant vers le sud. Un effroyable orage couronne les sommets. Le peuple tremble, se tient à distance, Moïse seul s’approche des ténèbres où est Dieu. Il en rapporte le petit code que voici[2] :

Tu me feras un autel de terre, et tu immoleras dessus tes oloth et tes selamim[3], tes brebis et tes bœufs. En tout lieu où j’attacherai mon nom[4], je viendrai vers toi et je te bénirai, et si tu me fais un autel de pierres, tu ne le bâtiras pas en pierres de taille (de telles pierres sont profanées par cela seul qu’on a passé le fer sur elles). Et tu ne monteras pas à mon autel par des degrés, de peur que, quand tu es dessus, ta nudité ne paraisse.

Le prêtre, dominant les foules du haut d’un autel élevé, déplaisait à ces tribus restées nomades et patriarcales. On se rabattait, pour critiquer les autels exhaussés par des marches, sur un inconvénient tout matériel. Les gens placés au pied d’un escalier raide pouvaient avoir la vue choquée. A Jérusalem, les degrés sont prescrits[5] ; aussi les prêtres portent-ils des caleçons[6]. Après ce résumé du culte de Iahvé, comme l’entendaient les tribus du nord, venait un petit code, à la fois civil, criminel, moral, religieux, qui fut sûrement, le jour où on la rédigea (huit cents ans au moins avant Jésus-Christ), la loi la plus humaine et la plus juste qui eût été écrite jusque-là. Nous disons à dessein qui eût été écrite ; ce ne sont pas ici, en effet, des lois ayant eu, dès leur publication, une force exécutoire. Ces lois ne sont pas promulguées par l’autorité publique. Les prophètes, bien qu’ayant une grande puissance morale, n’avaient aucun pouvoir législatif. Ce sont donc ici des règles idéales, des utopies si l’on veut. C’est le code parfait, tel que le concevait un sage iahvéiste du IXe siècle avant Jésus-Christ.


L’esclavage est, aux yeux de l’auteur, la première chose qui demande à être légiférée.

Quand tu auras acheté un esclave hébreu, il servira six ans, et la septième année, il s’en ira libre sans rien payer. S’il est venu seul, il s’en ira seul ; s’il est venu marié, sa femme sortira avec lui. Si son maître lui donne une femme, et que celle-ci lui donne des fils ou des filles, la femme et les enfans de cette dernière seront à son maître, et lui il sortira seul. Mais si l’esclave dit : « J’aime mon maître, ma femme et mes fils ; je ne veux pas m’en aller libre, » on l’amènera devant Ha-élohim[7], et on l’approchera du battant de la porte ou du montant de la porte[8], et son maître lui percera l’oreille avec un poinçon, et l’esclave alors servira à perpétuité.

Si quelqu’un a vendu sa fille comme concubine domestique, elle ne s’en ira point libre comme les [autres] esclaves. Si [à l’âge nubile] elle déplaît à son maître, qui se l’était destinée, celui-ci doit la laisser racheter. [Dans le cas où personne ne se présenterait], le maître n’a pas le droit de la vendre à un étranger, puisque c’est lui qui a manqué de parole. S’il l’a destinée à son fils, qu’il la traite de la même manière que ses filles. Si [après avoir eu des rapports avec elle] il se choisit une autre [concubine], qu’il ne fasse aucune diminution à la première sur sa viande, ses vêtemens et sa demeure ; s’il ne lui donne pas satisfaction sur ces trois points, elle peut s’en aller sans rien payer en argent.

Celui qui frappe un homme, si celui-ci meurt, doit être mis à mort. Celui qui a tué sans intention, Ha-élohim ayant choisi sa main pour faire arriver la chose[9], je te fixerai un lieu où il pourra se réfugier[10]. Mais si quelqu’un va jusqu’à dresser des embûches à un autre pour le tuer, vous l’arracherez même de mon autel, pour qu’il meure.

Celui qui frappe son père ou sa mère doit mourir. Celui qui enlève un homme et le vend, ou entre les mains duquel on le trouve, qu’il soit mis à mort. Celui qui injurie son père ou sa mère, qu’il soit mis à mort.

Si des hommes se querellent et que l’un d’eux en frappe un autre avec une pierre ou avec le poing, le coup n’entraînant point la mort, mais forçant seulement le blessé à s’aliter ; quand ce dernier se lève et peut se promener dehors en s’appuyant sur son bâton, celui qui a frappé est hors de cause. Seulement il indemnisera l’autre pour son repos [forcé] et pour les frais de guérison.

Quand un homme frappe son esclave ou sa servante avec un bâton, de façon à ce qu’ils meurent sous sa main, il sera puni. Cependant si l’esclave ou la servante survivent un jour ou deux, il ne sera pas puni ; car, après tout, c’est son argent.

Quand des hommes se battent et qu’une femme enceinte est atteinte d’un coup et qu’elle fait une fausse couche, sans autre dommage, [celui qui a donné le coup] sera puni d’une amende, conformément à la demande du mari de la femme, légalisée par des arbitres ; et s’il y a d’autres dommages, vous appliquerez [le talion, c’est-à-dire] vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure.

Si quelqu’un frappe l’œil de son esclave ou l’œil de sa servante, et qu’il le crève, il les renverra libres en compensation de leur œil, et s’il fait tomber la dent de son esclave ou la dent de sa servante, il les renverra libres en compensation de leur dent.

Si un bœuf frappe un homme ou une femme et qu’ils en meurent, le bœuf sera lapidé, et sa chair ne sera pas mangée ; mais le propriétaire du bœuf sera indemne. Cependant, si le bœuf avait de longue date l’habitude de frapper, et que son maître, dûment averti, ne l’ait pas surveillé, le bœuf homicide sera lapidé, et son maître aussi sera mis à mort. Si une rançon est proposée pour lui [par les parens du mort], il paiera, comme rachat de sa vie, la totalité de la somme qui lui sera imposée. Si c’est un jeune garçon ou une jeune fille qui ont été frappés, on suivra la même règle que ci-dessus. Si c’est un esclave ou une servante que le bœuf a frappés, [le propriétaire du bœuf] donnera au maître de l’esclave 30 sicles d’argent, et le bœuf sera lapidé.

Si quelqu’un laisse ouvert l’orifice d’une citerne, ou, en creusant une citerne, ne recouvre pas l’ouverture, et qu’il y tombe un bœuf ou un âne, le maître de la citerne dédommagera en argent leur propriétaire, et la bête morte lui appartiendra.

Si le bœuf de quelqu’un frappe le bœuf d’un autre et que le bœuf frappé meure, ils vendront le bœuf vivant, et ils s’en partageront le prix, et ils se partageront également le bœuf mort. S’il est notoire que le bœuf avait depuis longtemps l’habitude de frapper, et que son propriétaire ne l’ait pas surveillé, celui-ci donnera son bœuf en compensation pour l’autre bœuf, et l’animal mort lui appartiendra.

Si un homme vole un bœuf ou un mouton, et le tue ou le vend, il donnera cinq bœufs en compensation du bœuf et quatre moutons pour le mouton. Si le voleur est surpris dans l’effraction [nocturne], qu’il soit frappé et qu’il en meure, il n’y a pas là d’homicide. Si le soleil était levé, il y aurait homicide. Le voleur [surpris] doit payer compensation ; s’il n’a rien, il sera vendu pour la valeur de son vol. Si l’objet volé est trouvé vivant en sa possession, que ce soit bœuf, âne ou mouton, il en restituera deux. Si quelqu’un faisant paître ses bêtes dans un champ ou un verger, les laisse aller paître dans le champ d’un autre, il compensera le mal en donnant de son champ selon son produit, et, si tout le champ est brouté, il donnera en compensation le meilleur produit de son champ ou de son verger.

Si un feu éclate, rencontre des broussailles [qui le propagent] et consume des tas de gerbe, ou une moisson sur tige ou [tous les produits] d’un champ, celui qui aura allumé le feu compensera le dommage.

Quand un homme donne à un autre de l’argent ou des objets à garder et que le dépôt est volé dans la maison de ce dernier, le voleur, s’il est trouvé, paie le double. Si le voleur n’est pas trouvé, le maître de la maison est amené à Ha-élohim [pour jurer] qu’il n’a pas porté la main sur la chose de l’autre. En cas de manque, qu’il s’agisse d’un bœuf, d’un âne, d’un mouton, d’un manteau, de tout objet dont [le propriétaire, en le voyant] dit : C’est celui-là, l’affaire des deux [contendans] vient à Ha-élohim. Celui que Ha-élohim condamnera[11] paiera le double à l’autre. Si quelqu’un donne à garder à un autre un âne, ou un bœuf, ou un mouton, ou toute autre bête, et que cette bête meure ou ait un membre cassé ou soit enlevée [par l’ennemi], sans que personne l’ait vu, le serment de Iahvé interviendra entre les deux ; [le défendeur jurera] qu’il n’a pas porté la main sur la chose de l’autre : le propriétaire acceptera [ce serment], et [le défendeur] ne paiera rien. Mais si [la bête] a été volée d’auprès de lui, il dédommagera le propriétaire. Si elle a été déchirée [par une bête féroce], il apportera comme témoin [les restes de la bête] ; dans ce cas, il n’y aura pas de compensation. Et quand un homme empruntera [une bête] à un autre et qu’elle se cassera un membre, ou qu’elle mourra sans que le propriétaire soit présent, [l’emprunteur] compensera [le dommage]. Si le propriétaire était présent ; il n’y aura point de compensation. S’il s’agit d’un mercenaire, [les dédommagemens] entreront dans ses gages[12].

Si quelqu’un séduit une vierge non fiancée et couche avec elle, qu’il paie la somme voulue pour en faire sa femme. Si le père de la jeune fille refuse de la lui donner, qu’il compte en argent [au père] ce qu’on donne pour les vierges.

Tu ne laisseras pas vivre une sorcière.

Quiconque couchera avec une bête sera mis à mort.

Celui qui sacrifiera aux dieux, hors le seul Iahvé, sera anathème[13].

Quant à l’étranger, tu ne le vexeras ni ne l’opprimeras, car vous avez été étrangers en la terre de Mesraïm.

Tu n’affligeras ni la veuve ni l’orphelin. Si vous les affligez, et qu’ils élèvent leur cri vers moi, j’entendrai leur cri, et ma colère s’allumera, et je vous tuerai par l’épée et vos filles deviendront veuves et vos fils orphelins.

Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, au pauvre qui vit à côté de toi, tu ne seras pas à son égard comme un usurier, tu n’exigeras pas d’intérêts de lui. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil ; car c’est son unique couverture ; c’est le vêtement de sa peau. Sur quoi se coucherait-il ? Et il arriverait que, s’il criait vers moi, je l’écouterais ; car je suis bon.

Tu ne blasphémeras pas Dieu ; tu ne maudiras pas le prince de ton peuple.

Tu ne mettras pas de retard à [m’apporter la primeur de] ce qui s’entasse [en] les [granges] et de ce qui coule [en] tes [celliers]. Tu me donneras l’aîné de tes fils[14]. Tu feras de même pour les bœufs et les moutons. [Le petit] restera sept jours avec sa mère ; le huitième jour, tu me le donneras.

Vous serez pour moi des hommes de sainteté[15] ; vous ne mangerez pas la chair [d’un animal trouvé] égorgé dans les champs : vous la jetterez aux chiens. Tu ne répandras pas de faux bruits ; tu ne seras pas complice du méchant dans ses faux témoignages. Tu ne le mettras pas à la suite de la majorité, quand elle va vers le mal. Tu n’opineras pas, dans un procès, selon le sens où incline la majorité, contrairement au droit. Tu ne favoriseras pas l’homme puissant dans son procès.

Quand tu rencontreras le bœuf de ton ennemi ou son âne égaré, tu le lui ramèneras. Quand tu verras l’âne de ton ennemi tombé à terre sous son fardeau, ne reste pas les bras croisés ; unis les efforts aux siens pour remettre la bête sur pied.

Tu ne feras pas fléchir le droit de ton pauvre[16] en son procès. Évite l’œuvre de mensonge ; ne fais pas mourir l’innocent, le juste ; car je n’absoudrai pas le méchant. Tu ne recevras pas de cadeaux ; car les cadeaux font du clairvoyant un aveugle et amènent à trouver mauvaise la cause juste. Tu ne vexeras pas l’étranger ; vous savez bien l’état d’âme de l’étranger, car vous avez été étrangers en la terre de Mesraïm.

Durant six années, tu ensemenceras la terre et tu en recueilleras les produits ; et, la septième année, tu la laisseras et l’abandonneras, pour que les pauvres de ton peuple en mangent [les produits] ; et le reste, les bêtes des champs le mangeront. Tu feras de même pour la vigne et ton champ d’olivier.

Durant six jours, tu vaqueras à ton travail, et, le septième jour, tu te reposeras, afin que ton bœuf et ton âne se reposent, et que le fils de la servante et l’[esclave] étranger puissent reprendre haleine.

Mettez vos soins à observer tout ce que je vous ai dit ; ne prononcez jamais le nom d’autres dieux ; qu’on n’entende jamais ces noms dans la bouche.

Trois fois, dans l’année, tu me feras fête. Tu observeras la fête des azymes : pendant sept jours, tu mangeras des pains azymes, comme je le l’ai ordonné[17], à la date du mois d’abib ; c’est à cette date que tu sortis de Mesraïm ; [en cette fête], on ne paraîtra pas devant moi les mains vides ; — puis la fête de la moisson, [où tu apporteras] les prémices de ce que tu auras semé dans les champs ; — puis la fête de la récolte [des fruits], à la fin de l’année, quand tu récolteras de les champs [le fruit de] ton travail. Trois fois dans l’année, chacun de tes mâles se présentera devant la face du Seigneur Iahvé.

Tu ne feras pas couler sur le pain fermenté le sang de mon sacrifice, et la graisse de ma fête ne durera pas jusqu’au matin.

Les prémices des fruits de la terre, tu les apporteras à la maison de Iahvé ton Dieu[18]. Tu ne cuiras pas le chevreau dans le lait de sa mère[19].


Telle est cette première Thora, simple, grossière encore, mais qui contient en réalité tous les principes civilisateurs dont on fait honneur à Moïse. Un esprit d’humanité et de douceur a pénétré la religion : Iahvé est juste et miséricordieux ; il est le protecteur du faible ; on lui plaît par la bonté ; il punit l’homme injuste et cruel. La base du pacte de Iahvé avec Israël est de la sorte toute morale. Le sort en est jeté : ce peuple est bien le peuple de Dieu ; il créera dans le monde la vraie religion.


Et Moïse vint, et il rapporta au peuple toutes les paroles de Iahvé, et le peuple répondit d’une seule voix et dit : « Tout ce que Iahvé a dit, nous le ferons. » Et Moïse écrivit toutes les paroles de Iahvé, et le lendemain matin il bâtit un autel au pied de la montagne, et il y avait douze cippes pour les douze tribus d’Israël. Et il envoya les plus jeunes des fils d’Israël pour accomplir des holocaustes et offrir à Iahvé des génisses en sacrifices selamim. Et il prit la moitié du sang, et il le mit dans les bassins, et, de l’autre moitié, il aspergea l’autel. Et il prit le Livre de l’alliance, et il le fut aux oreilles du peuple, et ils dirent : « Tout ce qu’a dit Iahvé nous le ferons, et nous obéirons. » Alors Moïse prit le sang [des bassins], et il aspergea le peuple, et il dit : « Voici le sang de l’alliance que Iahvé a frappée avec nous sur la base de ces commandemens. »


Ce serait, nous l’avons déjà dit, une très grande erreur de s’imaginer que de pareils textes eurent tout d’abord, quand ils furent écrits, une valeur légale. Hors les cas où ils ne faisaient qu’énoncer un droit coutumier existant, ces codes, censés émanés du Sinaï ou du Horeb, n’étaient que des théories personnelles au prophète, des exposés idéalistes de la façon dont il concevait une société parfaite. On ne peut tenir, par exemple, que pour une création d’utopiste exalté l’essai que fait le jéhoviste d’appliquer le principe du sabbat hebdomadaire aux années.

Plein de l’idée du sabbat, qu’il conçoit comme une institution de miséricorde, comme une trêve de Dieu en faveur du faible, il l’applique bien au-delà de ce que la tradition des hommes pieux avait déjà sanctionné. Il veut que l’esclavage cesse la septième année ; il veut même que la terre ait son sabbat, et, comme à ses yeux la pauvreté des uns vient de la richesse des autres, il s’imagine que ce sabbat de la terre sera très favorable aux pauvres. Cette loi ne fut certainement jamais appliquée ; l’idée qu’une telle institution serait bonne pour les pauvres suppose une économie politique assez naïve. Les préceptes sur le prêt, sur le gage, sont aussi plutôt inspirés par un sentiment d’humanité que par un esprit positif de légalité. Il en est de ces passages comme de tant de préceptes de l’Évangile, insensés si on en fait des articles de code, excellens si on n’y voit que l’expression hyperbolique de hauts sentimens moraux.

Plus tard, on exagéra encore les paradoxes humanitaires de notre prophète. Les organisateurs du second temple voulurent que l’année sabbatique tombât en même temps pour toute la nation, ce qui eût été établir la périodicité de la famine. Leur imagination de l’année jubilaire acheva le cycle des utopies qui ont fait de la Thora le plus fécond des livres sociaux et le plus inapplicable des codes. L’erreur des écrivains de législation comparée, qui mettent en parallèle les lois du Pentateuque et celles des autres peuples, est de méconnaître ce point fondamental que les lois du Pentateuque ne sont pas des lois réelles, des lois faites par des législateurs ou des souverains, ayant été promulguées, connues du peuple, appliquées par des juges ; ce sont des rêves d’ardens réformateurs qui restèrent en leur temps sans application dans l’état, qui ne furent réellement observées que quand il n’y eut plus d’état juif, et d’où devait sortir non une société complète, une polis, mais une ecclesia, une société religieuse et morale vivant, selon ses règles intérieures, sous le couvert d’un état profane, fortement organisé.

Le Livre de l’Alliance fut, en réalité, le père de tous les codes qui suivirent. S’il n’a pas été adopté comme le Décalogue pour la loi morale de l’humanité tout entière, c’est qu’il appartenait trop particulièrement au royaume du Nord et qu’il renfermait une part considérable de législation civile, dénuée de caractère absolu. La rédaction hiérosolymitaine, dite élohiste, qui a donné au monde le récit initial : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre… » devait fournir à la conscience religieuse du genre humain un élément encore plus essentiel, une législation courte, d’un caractère exclusivement moral, pouvant convenir à toutes les races, exprimée en cette forme concise et, si j’ose le dire, cordée, pour laquelle l’ancienne langue hébraïque possède un don spécial.

II

Selon une hypothèse que nous avons ici même exposée[20], le travail d’élaboration d’une Histoire sainte contenant un rudiment de Thora, qui se fit dans le royaume du Nord, au IXe siècle avant Jésus-Christ, se répéta à Jérusalem environ cent ans plus tard, vers 750, dans la génération qui prépara le règne d’Ézéchias. L’Histoire sainte de Jérusalem se distinguait pur un caractère particulièrement sensé, peu mythologique, presque déiste. Pas plus que le livre dit jéhoviste, le livre de Jérusalem, l’élohiste, n’avait de Thora développée. Mais, comme le livre du Nord contenait le livre de l’Alliance, le livre de Jérusalem avait ce qu’on appelle improprement le Décalogue[21]. Le Décalogue est la loi de Moïse telle qu’on la conçut d’abord à Jérusalem[22]. Rien ne porte à croire que l’auteur élohiste ait connu la rédaction jéhoviste du Nord. Le Décalogue et le Livre de l’Alliance furent écrits séparément sans aucune entente réciproque. Les traits de ressemblance qu’on trouve entre les deux morceaux viennent du commun fonds traditionnel où les deux auteurs ont puisé. A tous égards, d’ailleurs, le Décalogue présente des formules plus mûres, plus analytiques, plus dégagées.

Et Dieu dit toutes les paroles que voici :

Je suis Iahvé, ton Dieu[23], qui t’ai fait sortir de la terre de Mesraïm, de la maison aux esclaves. Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi. Tu ne le feras pas d’idole ni d’image des choses qui sont dans le ciel en haut, ou sur la terre en bas, ou dans les eaux sous la terre. Tu ne le prosterneras pas devant elles et tu ne les adoreras pas ; car moi, Iahvé, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, poursuivant le crime des pères sur les fils jusqu’à la troisième et quatrième génération de mes ennemis, et faisant miséricorde jusqu’à la millième génération à ceux qui m’aiment et gardent mes commandemens. Tu ne prendras pas le nom de Iahvé, ton Dieu, pour garant du (2) mensonge ; car Iahvé ne laisse pas sans le punir celui qui prend son nom pour garant du mensonge.

Note le jour du sabbat pour le sanctifier. Durant six jours, tu travailleras et te livreras à tes occupations ; mais le septième jour est un jour de repos, consacré à Iahvé, ton Dieu ; tu n’y feras nulle besogne, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton esclave, ni ta servante, ni tes bêtes, ni ton hôte qui demeure chez toi. Car, en six jours, Iahvé a fait les deux et la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve, et il se reposa le septième jour ; voilà pourquoi Iahvé a béni le septième jour et l’a sanctifié.

Respecte ton père et la mère, pour que tu vives longtemps sur la terre que Iahvé ton Dieu doit le donner.

Tu ne tueras point.

Tu ne commettras pas d’adultère.

Tu ne voleras point.

Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain.

Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain.

Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son esclave, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain.


On le voit, le progrès religieux qui caractérise le Livre de l’Alliance est encore plus sensible dans la petite Thora en une dizaine d’articles élaborée par les sages de Jérusalem. Ce que Iahvé commande est exclusivement la morale. La condition du pacte de Iahvé avec ses serviteurs est de bien faire. Les récompenses de Iahvé sont les biens de ce monde ; il les donne à qui lui plaît ; or, celui qui lui plaît, c’est l’honnête homme. Pour vivre longtemps, pour être heureux, il faut éviter le mal. Le pas est franchi. Les vieilles religions où le Dieu octroie ses biens à celui qui lui offre les plus beaux sacrifices et pratique le mieux ses rites sont entièrement dépassées. Le Livre de l’Alliance avait déjà inauguré des idées du même ordre dans le royaume du Nord ; mais le Décalogue lui est supérieur en netteté. La fortune incomparable qu’a eue cette page, devenue le code de la morale universelle, n’a pas été imméritée.

Dans le Décalogue, en effet, est achevé le cycle de retour au culte pur de Dieu qu’on entrevoit aux origines de la vie patriarcale et dont Israël avait dévié en adoptant un dieu national. Iahvé n’est plus seulement le Dieu d’Israël, il est le Dieu du ciel, de la terre, du genre humain. Il aime le bien ; il ordonne le bien. Il est le vrai Dieu. Ainsi, Israël réussit à faire le bien et le vrai avec ce qui en était la négation. Le progrès en religion peut se faire de deux manières, soit en attaquant de face un culte mauvais, en détruisant et supprimant les dieux méchans ; soit en améliorant le dieu particulier sans changer son nom, en le ramenant peu à peu au type du Dieu universel. L’aristocratie morale d’Israël était si profondément pénétrée par l’idée du culte pur qu’elle réussit à faire de Iahvé le Dieu absolu. Ce funeste nom propre de Iahvé, elle a fini par le supprimer en le déclarant imprononçable. Pareille fortune n’arriva ni au Camos des Moabites, ni au Rimmon des Ammonites, ni au Salm des Arabes, ni même à Baal, ni à Milik. De même, le temple de Jérusalem, qui semblait le plus grand malheur au point de vue de l’élohisme pur, finit par servir au développement de l’idée religieuse. Le Décalogue fut écrit probablement dans les chambres qui entouraient le temple. Plusieurs fois, dans son histoire, Israël est arrivé à aimer ce qu’il avait d’abord haï et à faire contribuer à son œuvre ce qui pouvait y sembler le plus contraire. Même Iahvé a plié sous ce génie de fer. Une idole, un faux Dieu, s’il en fut, est devenu, sous l’action constante d’une intense volonté, le seul Dieu véritable, celui qu’on sert en étant juste, qu’on honore par la pureté du cœur.

Nous avons expliqué[24] comment, selon toutes les apparences, la fusion des deux histoires saintes se fit, après la destruction du royaume de Samarie, vers la fin du règne d’Ézéchias. Dans l’Histoire sainte unifiée, la partie législative était représentée par le Livre de l’Alliance, conservé intégralement, et par le Décalogue, tel qu’il est aujourd’hui dans l’Exode. On peut admettre que le code du temps d’Ezéchias se terminait par le cantique qui occupe aujourd’hui le chapitre XXXII du Deutéronome, morceau mis dans la bouche de Moïse, et dont la rhétorique rappelle bien celle des prophètes de l’époque classique. One seule pensée résume ce morceau : le bonheur ou le malheur d’Israël seront toujours en proportion de sa fidélité à la loi de Iahvé.

Il n’est sûrement pas impossible que l’Histoire sainte du temps d’Ézéchias ne renfermât quelques autres prescriptions amenées par la formule : « Et Dieu dit à Moïse… » Le temple pouvait dès lors avoir des règlemens écrits, les ordonnances sur les lépreux, la liste des choses impures, par exemple[25]. Quand les railleurs, pour se moquer des prophètes, allaient répétant sur leur passage d’un ton nasillard : Qav-laqav, sav-lasav[26], « règles sur règles, lois sur lois, » c’était bien le commencement de la casuistique rituelle, qui plus tard devait dévorer Israël. Un dicton sans cesse répété était celui-ci :


De Sion sortira la Thora
Et la parole de Iahvé de Jérusalem[27].


Mais beaucoup de ces préceptes nouveaux ne s’écrivaient pas encore. Les petits codes comme celui des lépreux, qui furent rédigés de bonne heure, formaient des livrets à part[28], et n’ont été réunis que plus tard pour constituer cet ensemble de lois, sans suite, qui remplissent une partie de l’Exode, le Lévitique tout entier et plusieurs chapitres des Nombres.

Le mot d’ordre des prophètes était Iahvé mehoqeqénou, « Iahvé est notre législateur. » Outre le Livre de l’Alliance, dont quelques parties avaient vieilli, et le Décalogue, toujours jeune, il y avait des petites Thora, si l’on peut s’exprimer ainsi, tel que le Psaume XV[29], où l’on énumérait en quelques lignes excellentes les devoirs du serviteur de Iahvé. Isaïe affectionnait ces sortes de résumés[30]. Il n’y avait pas pour ces préceptes de texte consacré, de rédaction unique ; mais le fond était bien toujours le même. Quant à l’esprit, « les Commandemens de Dieu » étaient complets du temps d’Ézéchias.


III

La mort d’Ézéchias, arrivée l’art 696 avant Jésus-Christ, fut le signal d’une réaction complète dans l’histoire religieuse de Jérusalem. Le parti des prophètes, dont Isaïe avait été le chef, tomba dans une complète disgrâce. Toute coterie piétiste, quand elle est au pouvoir, amène des froissemens ; puis elle en supporte le contrecoup. Sous les longs règnes de Manassès et d’Amou, même pendant la minorité de Josias, la tendance religieuse de l’école prophétique fut énergiquement refrénée. Il paraît qu’il y eut même des violences et que plusieurs saints personnages furent victimes de leur zèle, peut-être intempérant. Cela fit comme une interruption de soixante-quinze ans dans la vie religieuse d’Israël. Le prophétisme sembla se taire. La rage concentrée des exaltés s’exprima dans un grand nombre de Psaumes, où l’auteur se présente comme en détresse, abandonné de Dieu, entouré de méchans, en butte aux railleries de l’impiété triomphante. Les saints persécutés s’appellent eux-mêmes anavim ou aniim, « les doux, les humbles, » ebionim, dallim, « les pauvres. » Sûrement, la Thora ne se grossit pas durant ce temps. Ce n’est pas que le culte de Iahvé fût interrompu ; mais le pouvoir était tolérant pour les cultes étrangers, et le parti religieux, qui poussait aux écritures sacrées, subissait dans son activité une suspension momentanée.

Tout fut changé quand Josias, arrivé à la vingt-cinquième année de son âge (622 avant J.-C), et sous l’empire de circonstances que nous ignorons, reprit en l’exagérant la tradition du iahvéisme pur, purifia les lieux souillés d’idolâtrie, et rendit le pouvoir aux anavim persécutés par Manassès et Amon.

La principale cause des abus religieux dont se plaignent si âprement les prophètes était le peu d’organisation officielle du culte. Le roi faisait des sacrifices à son dieu Iahvé dans le temple, qui était en quelque sorte une annexe du palais ; les gens de Jérusalem et les personnages considérables obtenaient de sacrifier dans ce même temple. Mais ou sacrifiait aussi dans une foule d’endroits consacrés des territoires de Juda et de Benjamin. Ces cultes locaux n’étaient pas surveillés ; les impuretés étrangères s’y mêlaient facilement. Une mesure capitale était nécessaire, une mesure qui fixât à Jérusalem le centre unique du culte. La petite étendue du territoire de Juda rendait cela possible. Aucune localité du royaume n’était éloignée de la capitale de plus d’une douzaine de lieues.

Josias prit cette mesure avec une décision qui étonne. Tous les sanctuaires autres que le temple de Jérusalem furent supprimés. Il dut en résulter un étrange bouleversement dans les familles sacerdotales des petites villes de province. Par suite de la suppression des bamoth ou hauts lieux de province, une foule de lévis se trouvèrent sans pain ; on les transféra à Jérusalem. On ne leur donna pas le droit de monter à l’autel de Iahvé avec les prêtres attitrés du temple ; ils restèrent des desservans de bas étage, des espèces de sacristains ; mais une part leur fut assignée dans la distribution des dons en nature, surtout des massot ou azymes.

Ainsi s’augmenta dans une énorme proportion le personnel du temple. A partir de cette époque, le nom de prêtre lévitique commença d’être employé. Le mythe d’une prétendue tribu de Lévi, prélevant un préciput sur ses frères, prit alors tous ses développemens. Le germe en existe dans la rédaction de l’auteur jéhoviste ; cependant ce n’est qu’après Josias que ce troupeau de prêtres entassé à Jérusalem devint une institution d’Israël et peut-être celle qui pesa de la manière la plus capitale sur ses destinées.

La révolution opérée par ces mesures ne fut pas en province aussi sensible qu’on pourrait le croire ; car le mouvement de centralisation du culte avait commencé à s’effectuer depuis la destruction du royaume d’Israël et depuis Ézéchias. Des mesures furent prises pour que la boucherie, qui jusque-là avait été inséparable des sacrifices, ne fût pas trop gênée par la centralisation. Une seule boucherie centrale pour Juda, c’était trop peu. La boucherie fut en quelque sorte laïcisée, et on admit des tueries profanes. C’est à Jérusalem que la réforme fut profonde et changea entièrement la face de la religion. Le temple prit une importance toute nouvelle. Il devint ce qu’était le temple de Melkarth à Tyr, le sanctuaire national unique d’un Dieu qui n’a qu’un temple et est seul dans son temple[31]. Le monothéisme absolu fut fondé sur un signe évident et tangible. Les prophètes, qui jusque-là n’avaient pas tenu grand compte du temple, commencèrent à se grouper autour de lui, dans les liska[32], qui formaient une sorte de galerie autour de l’édifice sacré. Le temple en vint, de la sorte, à ressembler beaucoup à une mosquée musulmane, avec ses qobbé, servant à l’enseignement. D’un autre côté, une véritable armée de sacristains se forma autour du temple. Un long travail d’organisation commença. Le lévitisme, qui jusque-là n’avait pas été un rival sérieux pour le prophétisme, devint une puissance, ou pour mieux dire un obstacle avec lequel l’esprit libre d’Israël dut compter.

Les fêtes se trouvèrent, du même coup, fixées et généralisées. Elles ne purent plus être célébrées qu’à Jérusalem ; le pèlerinage devint ainsi une obligation et prit une importance capitale. La Pâque surtout fut fixée dans ses moindres détails. Tout souvenir naturaliste fut écarté. La Pâque ne fut plus qu’un souvenir de la délivrance de l’Égypte, considérée comme le grand bienfait qui rattachait Iahvé à son peuple.

En devenant ainsi le centre panégyrique de la nation, le temple devenait le centre du mouvement national. Les réunions de foules au temple, pour les jeûnes et les fêtes, étaient l’occasion choisie par tous les agitateurs. C’est dans ces réunions que Jérémie récitait ou faisait lire ses pièces les plus incendiaires. C’était quelque chose d’analogue aux réunions antéislamiques de la vallée de La Mecque, où tout le mouvement de l’Arabie aboutissait. Jésus, six cent cinquante ans après Jérémie, sera en cela, comme sur bien d’autres points, son imitateur. Juda avait désormais un sensorium commun. Cette petite nation, si pauvre en institutions politiques, était la plus richement douée qui fut jamais pour l’agitation religieuse. La fièvre qui la dévore ne s’éteindra plus.

Les lévites étaient très pauvres, n’ayant guère, pour vivre, que les aubaines du temple. Le peuple des anavim ou pauvres de Dieu, vivant de son autel, oisifs à l’ombre de son temple, grossit démesurément. La poésie du temple était créée. L’enceinte qui l’entourait fut le point d’attache de mille sentimens. Il fut clair que, si ce temple venait à être détruit, il serait rebâti par l’amour qu’il avait inspiré. À cette heure-ci, le judaïsme est véritablement fondé ; ses racines ne seront plus ébranlées ; il vivra éternellement, poussant de droite et de gauche les rameaux les plus féconds. L’œuvre idéale, vaguement aperçue par tous les voyans d’Israël, est maintenant réalisée en une maison de pierre, qu’on peut croire indestructible pour l’éternité.

Cette savante façon d’enguirlander la vie dans un cycle de fêtes et de pratiques ayant un sens spirituel, dont le christianisme a réalisé le chef-d’œuvre au moyen âge, est bien en effet la création du judaïsme. Un pieux juif du temps de Josias était presque aussi heureux, par sa religion, qu’un chrétien du temps de saint Louis. Toutes les passes difficiles de la vie étaient enchantées ou désinfectées. On ne voit pas que le mariage juif fût accompagné de cérémonies religieuses. Les funérailles étaient une triste nécessité, comme tant d’autres, que l’on ne chercha pas à sanctifier. Mais la circoncision, qui ne fut à l’origine qu’une opération préalable au mariage, prit de bonne heure un sens mystique ; elle signifia purification et consécration. On l’appliqua aux dispositions intérieures ; on parla de circoncision du cœur. Le jeûne, comme manifestation publique, allait prendre une extension extraordinaire et s’attacher aux anniversaires de deuils nationaux. On touchait aux sacremens. Les conditions essentielles de ce qui a fait le côté attachant de la vie juive et de la vie chrétienne étaient déjà posées.

L’état tout à fait fragmentaire où nous est parvenue l’histoire des rois de Juda ne nous permet de voir, de toutes ces grandes choses, que le résultat. Qui inspira, qui assista Josias dans cette grande réforme, où il eut sans doute une faible part personnelle ? Le nom de Jérémie se présente de lui-même. Sur tous les points l’accord est parfait entre les vues du prophète et les mesures prises par le roi. Les prophètes de l’école d’Amos, de Michée, d’Isaïe n’auraient nullement conseillé de donner cette importance au temple, dont ils se souciaient assez peu. Mais Jérémie était bien plus prêtre que les prophètes antérieurs. Il était naturel qu’il versât du côté du culte. Son idéal impliquait la religion d’état et un roi protégeant par son glaive le culte pur de Iahvé. Les mesures de Josias répondent si parfaitement à ce programme qu’on ne peut se défendre de l’idée que, derrière tous ses actes de réforme, était Jérémie. Si l’on objecte qu’un prêtre d’Anatoth a pu difficilement participer à la suppression des cultes locaux, on peut répondre que ce prêtre d’Anatoth était en guerre ouverte avec sa famille, qui voulait le tuer. Qui sait si cette haine n’avait pas pour origine les sentimens que put exprimer de bonne heure le jeune Jérémie sur les abus de ces cultes de village, où devaient se mêler tant de détails indignes de la Divinité ?


IV

Toutes les réformes de Josias furent faites en exécution d’une loi de Iahvé, censée révélée à Moïse. Avant le règne de Josias, on avait souvent parlé d’une loi ou thora de Iahvé, renfermant l’ensemble de ses volontés, son pacte en quelque sorte avec Israël. Nous avons vu que la rédaction de l’Histoire sainte dite jéhoviste contenait un petit code de ce genre, appelé le Livre de l’Alliance, conçu particulièrement au point de vue du royaume d’Israël et censé révélé au Sinaï. La rédaction élohiste contenait des prescriptions morales analogues (ce qu’on appelle le Décalogue), d’un caractère plus général, censées également révélées au Sinaï. Les deux petites législations religieuses étaient réunies et se complétaient l’une l’autre, dans le texte combiné que nous croyons avoir été fait vers la fin du règne d’Ézéchias. Le temple vit se former, peut-être dès le temps d’Ézéchias, de petits codes relatifs à des points spéciaux, par exemple, les règlemens concernant les lépreux, la liste des animaux impurs, etc. Il y avait, en outre, des petits poèmes moraux, des psaumes, ayant la prétention de renfermer en quelques articles tout l’enseignement moral de Iahvé.

Tout cela constituait un ensemble suffisant pour justifier des phrases comme celle-ci : « Observer la loi de Iahvé,.. conformément à la loi, c’est-à-dire aux préceptes de Iahvé. » Il n’y avait pas, cependant, un livre qui pût précisément s’appeler la Thora. Il faut se souvenir, d’ailleurs, que la vieille Histoire sainte avait une publicité très restreinte, qu’il n’en existait peut-être qu’un seul exemplaire, que le livre à cette époque était comme la stèle de pierre, une chose sans seconde. On ne savait pas ce que c’était que recopier. Quand on avait à recopier un livre, on faisait un autre livre, en ajoutant, en retranchant, en combinant. Parmi les inscriptions d’Asoka, qui sont ce que nous appellerions des affiches, et qu’on s’attendrait à trouver partout les mêmes, il n’y en a pas deux qui soient identiques. L’ancienne Histoire sainte était ainsi presque inconnue. L’intention du parti piétiste étant de frapper un grand coup, son plan consista bien moins à tirer de l’oubli les parties législatives de l’ancien texte, qu’à composer un texte nouveau, où les prescriptions anciennes fussent enchâssées d’une façon mieux accommodée aux idées du temps.

Le besoin d’un tel livre se faisait particulièrement sentir depuis que l’activité religieuse de l’entourage de Josias avait singulièrement perfectionné et complété la religion. On voulait un livre qui résumât tout l’idéal législatif de l’école théocratique, la règle d’un état parfait selon Iahvé. Naturellement la révélation de ce code fut censée avoir été faite à Moïse. Mais la révélation du Sinaï (ou, comme on disait alors, du Horeb) était censée un fait complet et achevé. On supposa donc une seconde révélation plus compréhensive que la première, que Iahvé aurait faite à Moïse, au-delà du Jourdain dans la plaine d’Arboth-Moab, avant le moment solennel de l’entrée dans la terre promise. Très peu de personnes étaient en mesure de soulever une objection capitale, qui eût été d’opposer le texte ancien au texte nouveau. La nouvelle révélation, d’ailleurs, n’excluait pas l’ancienne ; elle était censée n’en être que la conclusion et le résumé[33]. Enfin, l’intrigue pieuse d’où sortit le texte nouveau avait probablement pour complices toutes les personnes qui connaissaient les vieux livres et qui eussent pu provoquer à la comparaison. Sans parler de Jérémie, qui parait avoir été l’âme de toute cette fraude, nous y voyons figurer en première ligne le chef des prêtres Helqiab, le sofer Safan, fils d’Asaliah, fils de Mesullam ; deux grands personnages, Ahiqam, fils d’un autre Safan, et Akbor, fils de Mikaïah ; un officier royal nommé Asaïah, enfin la prophétesse Hulda, femme du maître de la garde-robe Sallum, fils de Tiqva[34].

Un jour donc, en la dix-huitième année du règne de Josias, le sofer Safan, fils d’Asaliah, vint au temple surveiller la comptabilité des travaux qui s’exécutaient, et s’entendre à ce sujet avec Helqiah. Quand les affaires furent réglées, le prêtre lui fit une confidence des plus singulières :

« J’ai trouvé dans le temple le livre de la Loi. »

Helqiah donna en même temps le livre à Safan, qui le lut. Safan, après avoir fait son rapport au roi sur les travaux, ajouta : « J’ai là un livre que m’a donné le prêtre Helqiah, » et il le fut devant le roi. « Or, lorsque le roi eut entendu les paroles du livre de la Loi et les menaces terribles qui les accompagnaient, il déchira ses vêtemens, et il dit au prêtre Helqiah, et à Ahiqam, et à Akbor, et à Safan le sofer, et à Asaïah : Allez consulter Iahvé pour moi et pour tout Juda, au sujet des paroles du livre qui vient d’être trouvé ; car c’est une terrible chose que la colère de Iahvé, qui s’est allumée contre nous, parce que nos pères n’ont pas obéi aux paroles de ce livre, de façon à exécuter tout ce qui nous y est prescrit. » Le roi n’avait pas de doutes sur l’authenticité du livre ; mais, comme il était clair que, depuis l’avènement de Manassès, on avait négligé d’observer la Loi, il se demandait si Iahvé reviendrait sur ses menaces et s’il valait la peine de se convertir, puisque le mal était fait. Les envoyés du roi vinrent trouver la prophétesse Hulda, qui demeurait à Jérusalem, dans le quartier appelé Misné ; ils lui exposèrent l’affaire. La prophétesse, d’accord sans doute avec Jérémie, répondit que Iahvé était justement irrité, mais qu’on l’apaiserait en revenant à l’observation stricte de la Loi.

Le nouveau code fut adopté comme le programme du iahvéisme réformé que les piétistes de la nouvelle école voulaient introduire. Selon le récit du Livre des Rois, Josias fit assembler tous les habitans de Jérusalem. On fut devant eux les paroles du livre de pacte trouvé dans le temple. Le roi, debout sur une estrade, proclama le pacte avec Iahvé, consistant « à suivre Iahvé de cœur et d’âme, à garder ses commandemens, préceptes et ordonnances, selon qu’il est écrit dans ce livre. » Tout le peuple conclut le pacte, et Israël fut consacré de nouveau à Iahvé, comme on croyait qu’il l’avait été du temps de Moïse et de Josué.

On ne saura jamais avec la précision exigée par nos habitudes historiques les circonstances de cet événement capital ; ce qu’il y a de sûr, c’est que le volume découvert si à propos par Helqiah, nous le possédons. C’est l’ouvrage, parfaitement bien composé, qui s’étend depuis le verset 45 du chapitre IV de la section de l’Histoire sainte appelée Deutéronome par les traducteurs grecs, jusqu’à la fin du chapitre XXVIII de cette même section.

Le code en question a la prétention d’être le code suprême, non le code unique d’Israël. Le pacte du Sinaï ou du Horeb dure encore[35]. La loi révélée à Arboth-Moab n’en est qu’une nouvelle promulgation, mais une promulgation qui rend inutile la première. La base du pacte de Iahvé avec le peuple est le Décalogue tel que le donnait l’ancien texte. Ce document capital est reproduit avec des variantes insignifiantes[36]. Dans le détail des préceptes, l’auteur du code nouveau fait de grands emprunts au Livre de l’Alliance. Il a sûrement copié sa liste des bêtes pures et impures dans un texte plus ancien[37], qu’il a corrigé et écourté. Sur une foule de points de casuistique, il n’a fait qu’abréger des règlemens antérieurs. Pour les lépreux, il renvoie à un code qui nous a été conservé ailleurs[38].

Ce qui appartient bien à notre auteur, c’est le schema, la pierre angulaire du judaïsme, la courte formule de son Credo, à travers les siècles : « Écoute, Israël ; Iahvé, notre Dieu, est unique. Tu aimeras Iahvé, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes les forces. Que les choses que je le prescris aujourd’hui soient toujours présentes à ta pensée. Tu les inculqueras à tes fils et tu en feras ton entretien, quand tu demeureras dans la maison, et quand tu seras en voyage, en te couchant, en te levant. Tu les attacheras en signes sur les mains, en bandeau sur ton front ; tu les écriras sur les jambages de ta maison et sur tes portes. »

En prenant ce précepte à la lettre et en l’exécutant d’une façon toute matérielle, le judaïsme n’a pas manqué d’une sorte de sagacité historique. La Thora découverte (c’est-à-dire fabriquée) sous Josias a été la base de la religion particulière qui s’est fondée au VIIe siècle avant Jésus-Christ, en Palestine. Elle a été la pire ennemie de la religion universelle que rêvaient les prophètes du VIIIe siècle ; Jésus n’a pu faire triompher l’esprit des grands prophètes qu’en la brisant, en la niant en face. Mais les choses humaines sont composées de matière et d’esprit. La liberté et la chaîne, ce qui excite et ce qui retient, le sublime et le terre-à-terre sont également nécessaires pour construire un grand ensemble qui dure. Sans la Thora, les prédications des prophètes fussent restées infécondes et seraient à l’état de tant de manifestations de l’esprit dont la trace même est perdue.

Le Iahvé de la Thora née sous Josias ressemble tellement à celui de Jérémie, que l’on est tenté de croire qu’ils ont tous deux le même père. Le Iahvé de la Thora est en même temps le Dieu du ciel et de la terre et le Dieu d’Israël. C’est, à la fois, le Dieu universel, comme tel absolument juste, et un Dieu provincial, souverainement injuste. Quand il s’agit de son peuple, il est égoïste, immoral. Pour prix d’une fidélité peu méritoire, puisqu’elle est intéressée, il promet à Israël le comble du bonheur humain ; ce comble du bonheur, c’est de posséder de grandes et belles villes qu’il n’aura pas bâties, des provisions qu’il n’aura pas amassées, des citernes qu’il n’aura pas creusées, des vignes et des oliviers qu’il n’aura pas plantés[39]. Ces récompenses ordinaires de la bravoure et du travail sont ici la récompense d’une vertu théologique, la croyance à un seul Dieu. Iahvé est un Dieu fidèle ; il garde son pacte. Il aime Israël, il a juré ; cela suffit. Ce n’est pas un mérite quelconque d’Israël qui lui vaut ces faveurs ; c’est le choix libre de Iahvé.

Le crime par excellence est de s’attribuer quelque chose. Celui qui dit : C’est par ma propre force que je me suis procuré tout cela, fait un vol à la gloire de Iahvé. Ce Dieu jaloux donne à ceux qui le servent tout, excepté l’impossible, c’est-à-dire l’immortalité ; ils ont la vie, la forte multiplication de la race, la prospérité parfaite, la pluie en son temps, tous les biens de la terre. Le monde n’existe que pour eux : « Vous dévorerez tous les peuples que Iahvé, votre Dieu, vous livre ; votre œil n’aura pas pitié d’eux[40]. »

Une législation fondée sur de telles prémisses ne pouvait être tolérante. Les mesures de précaution pour maintenir le monothéisme jahvéique sont empreintes d’une férocité extrême. Sous ce rapport, l’auteur du code deutéronomique n’a pas été dépassé, même par le code de l’inquisition dominicaine, au XIIIe et au XIVe siècle. Extermination des infidèles, défense de tout rapport avec eux, interdiction des mariages mixtes, par suite de cette idée que les infidélités religieuses sont la conséquence des séductions féminines ; broiement impitoyable de tout objet idolâtrique, iconoclastie absolue. « Vous exterminerez le mal d’au milieu de vous, » telle est la formule sanglante par laquelle sont motivés ces arrêts. Les accusations pour crime contre le iahvéisme entraînent les plus terribles solidarités. Un prophète, même thaumaturge, qui prêcherait d’abandonner Iahvé, doit être mis à mort.

« Si ton frère, le fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou la femme de ton sein, ou l’âme qui est comme ta propre âme, voulait te séduire secrètement en disant : « Allons servir d’autres dieux,.. » tu ne I’écouteras pas. Vous n’aurez pas pitié de lui ni ne l’épargnerez ; au contraire, vous devez le faire mourir. Ta main sera la première à lui donner la mort ; les mains du reste du peuple l’achèveront. Vous l’assommerez de pierres, parce qu’il a cherché à vous détourner de Iahvé. Que tout Israël l’apprenne pour l’exemple. »

Plus terrible encore est le cas d’une ville d’où sort un (1) séducteur. L’enquête ayant été faite, si l’accusation se trouve vraie : « Vous ferez passer au fil de l’épée les habitans de cet endroit, en les mettant au herem avec tout ce qui s’y trouve et en égorgeant les bêtes ; puis vous amasserez tout le butin au milieu de la place et vous brûlerez la ville et tout le butin comme un holocauste à Iahvé. La ville sera à jamais un monceau de ruines, elle ne sera pas rebâtie. »

On frémit quand on songe que, dans ces sortes d’enquêtes, il suffisait de la dénonciation de deux ou trois témoins, avec la garantie assez illusoire que les témoins jetteraient la première pierre. Deux personnes qui s’entendaient pouvaient perdre un homme sans appel. Au VIIe siècle avant Jésus-Christ, nous croyons que ces textes-là ne tuèrent personne. C’étaient des utopies, prouvant beaucoup de naïve imprudence chez ceux qui les rêvaient ; ce ne furent pas des lois réelles, régulièrement appliquées. C’est déjà beaucoup qu’il y ait eu des fanatiques pour faire ces mauvais rêves. Deux mille ans plus tard, ces textes malsains devaient porter leurs fruits. Ils envoyèrent, en particulier, au bûcher, des foules de malheureux Israélites. Notre Occident, avec sa lourde bonhomie, n’a pu comprendre que, par simple figure de style et par hyperbole, on ait écrit de telles horreurs, avec l’arrière-pensée qu’il n’y aurait personne pour les appliquer et les prendre au sérieux. Le terrible Directorium inquisitorum de Nicolas Eymeric est calqué sur le Deutéronome, et cette fois, des milliers d’infortunés furent victimes de la coupable légèreté de notre rêveur.

Les institutions judiciaires étaient, du reste, la partie la plus défectueuse de ces vieux codes. L’ordalie, base du Livre de l’Alliance, n’est pas commandée dans le Deutéronome ; mais dans les cas difficiles, on doit aller à Jérusalem exposer l’affaire aux prêtres lévites et au juge du temps ; celui qui ne leur obéirait pas doit être mis à mort[41]. D’autres textes prouvent, du reste, que l’ordalie, en particulier celle des eaux amères pour la femme accusée d’adultère, continuait d’être en usage[42].

La conception de la royauté est bien celle que devait se former un anav, un ébion, ennemi du faste et de l’apparat. Le roi sera choisi par Iahvé ; il sera choisi parmi ses frères d’Israël. Le luxe des chevaux est signalé comme un danger ; si le roi s’y abandonnait, il serait capable, pour s’en procurer, de ramener le peuple en Égypte. Or, c’est là un chemin qu’il ne faut plus reprendre[43]. Le roi doit s’interdire les harems nombreux. Il ne doit pas posséder trop d’or ni d’argent. Il doit éviter l’orgueil et ne pas dédaigner ses frères, pour qu’il règne longtemps. Il se procurera une copie de cette loi, dont il demandera le texte aux prêtres lévites. Il l’aura toujours par devers lui et la lira pour l’observer de point en point.

On sent un esprit fortement antimilitaire. Le piétiste veut un roi à son image. Mais c’est là de sa part une grande inconséquence. Le roi est surtout établi pour les cas de guerre. Or la guerre est une chose de race. Le tempérament militaire est affaire d’hérédité et d’éducation. Une caste militaire ne saurait se laisser morigéner par des saints ; un roi ne doit tenir le programme de sa maison ni de démocrates ni de bigots.

Toutes les innovations religieuses de Josias se retrouvent dans le code qui fut l’œuvre de ses conseillers. L’invraisemblance et le manque de couleur locale eussent été trop choquans si Moïse, avant le passage du Jourdain, eût désigné Jérusalem pour le lieu unique du culte. D’un autre côté, la singulière invention par laquelle on chercha à rendre concevable l’unité du lieu de culte dès les temps mosaïques, la fiction du tabernacle, n’était pas née encore. L’auteur du code deutéronomique se sert d’une expression indéterminée : « A l’endroit que Dieu choisira, d’entre vos tribus, pour y établir son nom et pour y demeurer. » Cet endroit sera le seul où l’israélite pourra offrir ses holocaustes, ses sacrifices, ses dîmes, ses prémices, ses offrandes votives et volontaires, les premiers-nés de son gros et menu bétail. Les trois grandes fêtes de l’année doivent s’y célébrer en famille, avec les lévites, devant Iahvé. Nous l’avons déjà dit, le monde auquel convenait un tel code était extrêmement petit.

Ce devait être un étrange et touchant spectacle que celui de ces familles en voyage avec leurs offrandes, leur batterie de cuisine, leur clientèle de lévites et de pauvres. Les festins autour du temple, pleins de joie pieuse et de confiance en Iahvé, laissaient un précieux souvenir. A Jérusalem, les prêtres du temple s’y joignaient ; ces jours-là les lévites étaient rassasiés, ce qui n’arrivait pas fréquemment. Il est clair qu’une telle vie de voyages continuels n’aurait pu exister bien longtemps. Il faut toujours se souvenir que ces lois représentent un état de choses que l’homme de Dieu aurait désiré voir établi bien plutôt qu’un état réel de société. Il faut se souvenir, d’ailleurs, que Josias mourut en 609, que sa mort fut suivie d’une réaction antipiétiste qui ne finit qu’avec le royaume de Juda, si bien que le bel idéal rêvé par l’auteur du Deutéronome n’a guère duré que treize ans ; et certes plus de treize années eussent été nécessaires pour mettre en train un régime aussi extraordinaire et le faire fonctionner.

Le culte intérieur du temple de Jérusalem ne parait avoir subi sous Josias que peu de changemens. La théorie des sacrifices est des plus simples ; ils sont de deux sortes : holocaustes où la victime est consumée ; sacrifices où l’animal est tué, puis mangé en famille. On éprouva le besoin d’établir des règles pour le partage des victimes entre les prêtres et le fidèle qui offrait le sacrifice, mais sans entrer dans les détails qui plus tard furent jugés nécessaires. Les préoccupations de l’auteur du Deutéronome, tout en étant sacerdotales à un haut degré, ne sont pas exclusivement liturgiques. Elles sont avant tout morales et puritaines. Les devins, les sorciers, les faux prophètes, la prostitution religieuse, l’érection des aseroth, les incisions au front et l’habitude de se taillader les cheveux, surtout l’horrible pratique de faire passer les enfans par le feu, voilà ce qu’il abomine. C’était la reprise, avec une rigueur nouvelle, du programme de réforme essayé mollement sous Ézéchias.

La situation qu’avaient faite aux lévites les innovations de Josias entraînait les conséquences les plus singulières. Pour l’auteur du code deutéronomique, lévite est synonyme de prêtre ; son expression favorite est : prêtres lévitiques ; il n’a pas l’idée d’une hiérarchie entre les cohanim. Le grand-prêtre, évidemment, n’existait pas encore. Tous les lévites, selon notre code, fonctionnent à l’autel. Le lévite à qui il plaît de venir de son village demeurer à Jérusalem prend rang immédiatement parmi ses frères, sert à l’autel, reçoit sa part comme les autres, indépendamment du prix qu’il a pu tirer de son patrimoine. Ces lévites formaient ainsi comme une armée sacerdotale famélique, cantonnée en partie à Jérusalem, en partie dans les petites villes de province, et vivant en parasites du reste de la nation. L’auteur du code josiaque aime cette classe de déshérités. Il veut que la communauté les adopte. « Vous vous réjouirez en présence de Iahvé, votre Dieu, vous et vos fils et vos filles, vos esclaves et vos servantes, et les lévites qui demeureront parmi vous, » est pour lui une formule souvent répétée. La dîme et les prémices doivent être consommées à Jérusalem. Le cas où le fidèle demeure trop loin de Jérusalem est prévu ; il peut réaliser sa dîme en argent, qu’il dépensera ensuite à Jérusalem, toujours sans oublier les lévites. La dîme triennale doit être abandonnée dans les villages, pour que les lévites, les étrangers, les orphelins et les veuves mangent et se rassasient.

V

Notre opinion arrêtée, à nous autres modernes, étant que le meilleur code religieux est la liberté, puisque les croyances sont le domaine propre de la conscience de chacun, ces vieilles législations de l’Orient se présentent à notre jugement dans des conditions très défavorables. Le côté civil et politique, le côté moral, social, religieux, y sont confondus. Or, à tort ou à raison, nous ne voulons pas que l’état s’occupe des questions morales, sociales, religieuses. La charité et le droit nous paraissent deux domaines distincts. Peut-être est-il bon qu’ils soient maintenant séparés ; mais il est bon sûrement qu’autrefois ils aient été réunis. La force était l’unique reine de l’humanité primitive. Le faible n’eut d’avocats que bien tard. Nous croyons que les plus anciens avocats de l’opprimé furent les prophètes d’Israël. Le code né sous Josias, ce qu’on appelle le Deutéronome, est le premier code un peu étendu où l’on ait voulu établir pour le faible un système de garanties aux dépens des riches et des forts. Sans doute, le Livre de l’Alliance, antérieur de deux cents ans au Deutéronome, présente déjà, à côté de prescriptions assez barbares, de singulières attentions de propreté, d’humanité, de politesse. L’auteur du Deutéronome abonde encore plus dans ce sens. On ne poussa jamais plus loin l’amour des humbles, des délaissés. Nous l’avons vu, dans tous les actes religieux, faire la part du pauvre. Il aime le lévite, car le lévite est un pauvre. La veuve, l’orphelin, l’étranger isolé dans le pays, ne sont jamais oubliés.

Sur le prêt à intérêt, le Deutéronome ne fait guère que reproduire les prescriptions du Livre de l’Alliance. L’usure est interdite absolument entre Israélites ; elle est permise, encouragée même envers l’étranger. L’usure, à vrai dire, n’aurait pas de place en un Israël fidèle, puisque l’Israélite fidèle, spécialement protégé de Iahvé, serait à l’abri du plus grand des malheurs, celui d’avoir besoin d’emprunter.

Il n’y aura plus de pauvres parmi vous, car Iahvé vous bénira si vous l’écoutez. Vous prêterez à beaucoup de gens, sans avoir besoin d’emprunter vous-mêmes, et vous dominerez sur beaucoup de gens, et ils ne domineront point sur voue. S’il se trouve parmi vous un pauvre d’entre vos frères dans l’une de vos villes ou l’un de vos villages, vous n’endurcirez point votre cœur ni ne fermerez votre main, et vous lui prêterez de quoi pourvoir à ses besoins autant qu’il lui faudra. Gardez-vous d’avoir dans le cœur une vilaine pensée, de vous dire : « La septième année approche, l’année de relâche, » et de voir de mauvais œil votre pauvre frère et de ne lui rien donner, de peur qu’il n’invoque Iahvé contre vous et que vous ne vous chargiez d’un péché. Donnez-lui plutôt, et que votre cœur ne lui donne pas à regret ; car, à cause de cela, Iahvé, votre Dieu, vous bénira dans tous vos travaux et dans toutes vos entreprises. Car les pauvres ne manqueront jamais dans le pays[44]. C’est pourquoi je vous donne ce commandement : « Ouvrez vos mains pour vos pauvres et vos indigens dans votre pays. »


Le code de l’esclavage, presque tout emprunté au Livre de l’Alliance, ajoute aux prescriptions de l’ancien code des règles inspirées, elles aussi, par un sentiment d’humanité. Le droit d’asile est développé, de façon à créer un contrepoids à la cruelle loi du sang pour le sang. La confiance funeste que toutes les vieilles justices ont dans le témoignage est atténuée d’une manière assurément fort insuffisante. Le lévirat, enfin, institution dont seul notre législateur donne la théorie, implique un souci des droits de la femme bien rare dans l’antiquité.

En somme, le code de Iahvé trouvé par Helqiah est un des essais les plus hardis que l’on ait faits pour garantir le faible. C’est le programme d’une sorte de socialisme théocratique procédant par la solidarité, ignorant l’individu, réduisant à presque rien l’ordre militaire et civil, supprimant le luxe, l’industrie et le commerce lucratifs. Les restrictions apportées au droit de prendre des gages dépassent de beaucoup les prescriptions déjà très humaines du Livre de l’Alliance. Le passage sur le mercenaire est excellent : « Vous ne ferez point de tort au mercenaire pauvre et indigent, qu’il soit de vos frères ou des étrangers qui demeurent dans votre terre et dans vos villages ; vous lui donnerez son salaire chaque jour avant le coucher du soleil (car il est pauvre et il l’attend avec impatience), de peur qu’il n’invoque Iahvé contre vous et que cela ne vous soit compté comme un péché. » Déjà une efficacité toute spéciale est attachée à la malédiction du pauvre. On est près d’admettre que sa prière a une valeur particulière auprès de Dieu, idée dont le moyen âge fera découler de si graves conséquences sociales et économiques. La recommandation de ne pas museler le bœuf, pendant qu’il dépique le blé dans l’aire, se rattache au même ordre d’idées, dont le socialisme moderne ne se fait une arme que parce que la saine économie politique ne sait pas s’en saisir.

Les éliminations opérées dans les rangs par le prêtre, avant la bataille[45], sont une des choses les plus aimablement naïves qui se puissent imaginer. Les règles de guerre pour la ville assiégée, vu la cruauté antique, furent en leur temps un progrès. Les droits de la belle captive sont conçus avec tact. Les prescriptions relatives à l’homme qui a deux femmes, à l’homme qui vient de prendre une femme, au fils indocile, à l’adultère, au viol, aux nids d’oiseaux, certaines recommandations de propreté, et surtout la raison qui en est donnée[46], les bizarres prescriptions sur la virginité[47], eurent en leur temps une justesse relative. L’homicide par imprudence est sagement prévu. La règle sur l’esclave fugitif a semblé anarchique à des états modernes censés libéraux. La cueillette des grappes et des épis paraîtrait également trop libérale à certains pays. La peine de mort est follement prodiguée, comme dans tous les codes antiques ; mais les punitions corporelles sont limitées. Tout respire une horreur instinctive du sang versé.

Quoi de plus délicat que la recommandation d’oublier des gerbes en moissonnant, de ne pas dépouiller complètement les branches de l’olivier, de laisser de quoi grappiller après la vendange, pour que le pauvre ait sa part[48] ? L’auteur de ce code n’aima sûrement qu’Israël ; mais comme il l’aima ! Il ne comprit rien à la liberté ; dans sa pensée, les membres d’une société se garantissent tous et sont responsables de tous. Mais comme il conçut bien le bonheur de frères qui vivent ensemble ! Comme les panégyries qu’il rêva, ces théories de riches paysans apportant au temple leurs nouveaux fruits, en compagnie des lévites et des pauvres, durent bien chanter en chœur le beau cantique :


Oh ! qu’il est bon ! oh ! qu’il est doux à des frères d’habiter ensemble !

C’est comme un parfum sur la tête, qui découle sur la barbe d’Aaron[49] et humecte le bord de sa tunique.

Comme la rosée du ciel qui descend sur la montagne de Sion ; car c’est là que Iahvé a placé le bonheur, la vie pour l’éternité[50].


Devant tant de belles et bonnes choses, on oublie certaines taches, quelques prescriptions cruelles, qui jamais, nous le répétons, n’ont été appliquées, des abus du principe de la solidarité, qui gâteraient tout le livre si, par une heureuse contradiction, l’auteur lui-même, quand il n’est pas aveuglé par sa frénésie monothéiste, ne s’élevait contre ce principe. Les pères ne seront plus mis à mort à cause de leurs fils, et les fils ne seront plus mis à mort à cause de leurs pères ; chacun sera mis à mort pour son péché. Progrès immense sur le Décalogue, où Dieu punit le crime des pères sur les enfans jusqu’à la troisième et quatrième génération ! Le vieux principe de la réversibilité du crime perdait du terrain. Il faut se rappeler que ce qui répond chronologiquement en Grèce au code deutéronomique est la législation du mythique Dracon. Le code hébreu de l’art 622 a des erreurs ; il renferme quelques pages fanatiques qu’on voudrait effacer, mais il a aussi des articles qui pourraient faire envie aux modernes. Ce code a été à son jour une loi de progrès.

Qui fut l’auteur d’un livre dont les parrains nous sont si bien connus et dont la paternité nous est comme à dessein dissimulée ? C’est pour la critique un vif sujet d’étonnement que le nom de Jérémie ne soit pas prononcé au chapitre XXIIe du deuxième livre des Rois, quand il s’agit de l’apparition de la Thora. D’un bout à l’autre, cette Thora est remplie de l’esprit de Jérémie ; ce sont ses idées, c’est son style. La Thora deutéronomique est la réalisation complète de l’idéal prêché par le prophète d’Anatoth. Comment Jérémie ne figure-t-il pas dans le récit de la découverte du livre, quand sept ou huit autres personnes sont nommées ? Parmi ces personnes, nous en trouvons au moins deux, Safan et Ahiqam, qui sont nommés ailleurs parmi les amis intimes et les protecteurs de Jérémie[51]. Comment, pour s’édifier sur les menaces du livre, va-t-on consulter la prophétesse Hulda et non Jérémie ? Jérémie était pourtant bien en vue. Il était l’agent le plus actif de la réforme. Chaque jour, il allait se placer aux portes de la ville pour prêcher. Il commandait au roi, aux officiers[52]. Que le code qui résumait ses idées ait été promulgué sans lui être communiqué, c’est chose tout à fait invraisemblable. Si ce code fut publié d’accord avec lui, il faut dire qu’il en fut l’auteur ou à peu près. Aucun texte historique ne nous apprendrait que les articles de Smalkalde sont l’œuvre de Luther, que nous aurions le droit d’affirmer que ces articles, résumant solennellement les idées de Luther, n’ont pas été publiés à l’insu de Luther.

Le prêtre Helqiah, l’inventeur de la nouvelle Thora, est, selon quelques-uns, identique au prêtre Helqiah, père de Jérémie. Jérémie, en 622, était jeune encore ; les préoccupations que trahit le code deutéronomique au sujet des prêtres-lévites réduits à la misère, et en particulier au sujet des lévites qui viennent des sanctuaires supprimés en province s’établir à Jérusalem, conviendraient bien à un prêtre d’Anatoth, prétendant traiter de pair à égal avec les autres ministres du temple. Mais Helqiah était un nom très commun ; l’identité des deux personnages n’est pas probable. Nous n’avons donc aucun moyen pour déchirer le voile dont on a voulu envelopper cette affaire. La part de fraude pieuse qu’elle impliquait a entraîné des combinaisons qui nous déroutent et ne se trahissent que par des invraisemblances et des manques de logique. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le code désigné sous le nom de Deutéronome a été composé du temps de Jérémie, dans l’entourage de Jérémie, d’après les idées de Jérémie.

Ajoutons que le livre de Jérémie contient une pièce[53] qui semble être la promulgation du code récemment découvert. Dans un autre passage[54], le prophète a l’air de citer ce même code et de l’alléguer à titre de parole de Dieu.

Le petit livre lancé si habilement eut son plein succès. Il se présentait comme un code à part, complet, réunissant ce qui jusque-là avait été épars. Le nombre des exemplaires de l’Histoire sainte était si peu considérable que personne ne faisait des objections qui, dans des temps de plus grande publicité, eussent été accablantes. A ceux qui connaissaient les parties de législation iahvéique déjà existantes, on répondait par la distinction de deux révélations faites à Moïse, celle du Sinaï ou du Horeb et celle de la plaine de Moab, avant le passage du Jourdain. Il ne faut pas prêter à ces siècles reculés nos exigences critiques. La nouveauté était une cause de force ; un livre récemment paru jouissait d’un temps de vogue, comme les remèdes, durant lequel il avait sa plus grande efficacité. C’est l’explication de tous les apocryphes, Daniel, Baruch, Hénoch, etc. Ces livres, quand ils paraissaient, plaisaient plus que les vieux livres ; car ils répondaient mieux aux sentimens du temps. Il fallait sans cesse au peuple de nouvelles révélations, et l’on n’admettait pas que la source en fût tarie. Jérémie, s’il composa le Deutéronome, ne commit pas, après tout, un plus grave attentat que ceux qu’on réitéra bien souvent après lui. C’est une des lois de l’histoire religieuse qu’une révélation, une dévotion, un livre, un pèlerinage, vieillissent vite ; il faut du nouveau à la piété ; cet ordre de choses, que l’on présente souvent comme voué à l’immobilité, est, au contraire, sujet à un perpétuel renouvellement. Les vérités éternelles sont celles sur lesquelles notre pauvre humanité a coutume de varier le plus.


ERNEST RENAN.

  1. Voyez la Revue du 15 mars.
  2. Exode, XX, 24 et suiv. jusqu’à XXIII, 10, inclusivement. Le chapitre XXXIV de l’Exode est une reprise postérieure et affaiblie, que le dernier rédacteur n’a pas voulu perdre.
  3. Noms de formes particulières de sacrifices.
  4. Les anciens lieux de culte ont été désignés par Iahvé, qui y a attaché son nom par quelque manifestation. On saisit ici l’opposition contre le temple unique de Jérusalem.
  5. Exode, XXVII, 1 ; Lévit., IX, 82 (textes se rapportant au second temple).
  6. Exode, XXVIII, 42 et suiv.
  7. Ha-élohim semble indiquer un reste de polythéisme. Il s’agit, en tout cas, du temple local où Iahvé rendait ses oracles et recevait les sermens.
  8. La porte du temple peut-être. Je crois pourtant qu’il s’agit plutôt de la porte de la maison du maître.
  9. Il s’agit de l’homicide par hasard, le hasard n’étant jamais que la réalisation d’un arrêt divin contre quelqu’un. En ce cas, le vrai coupable, c’est le tué.
  10. Lieux de refuge, non distincts des lieux de culte.
  11. Origine du jugement de Dieu.
  12. C’est-à-dire seront retenus sur ses gages.
  13. Hors la loi, voué à une mort certaine.
  14. Sûrement avec rachat. Cette offrande des premiers-nés, reste d’un primitif molekisme, avait été réduite, surtout par les progrès du prophétisme, à quelque chose d’assez inoffensif. Le passage élohiste, Exode, XIII, 2, ne prête plus à l’équivoque. (Voir II Rois, XII, 3).
  15. La sainteté n’est ici que la pureté extérieure, consistant à éviter tout ce qui est souillé.
  16. Ces recommandations sont adressées à Israël dans son ensemble.
  17. Exode, XII, aujourd’hui combiné de jéboviste et d’élohiste.
  18. Silo ou Béthel. Israël eut son temple, moins développé que celui de Jérusalem. (Voir Amos, VII, 13 ; IX entier ; Osée, IX, 4, et Jérémie, VII, 12 et suiv. ; XXVI, 9 ; peut-être ci-dessus, p. 524. L’inscription de Mésa, ligne 17-18, suppose également qu’il y avait un temple en Israël. En tous cas, l’expression « du temps où la maison de Dieu était à Silo » désigne une période qui dura jusqu’à la fin du royaume d’Israël. II Sam., XII, 20, montre l’expression « maison de Dieu » employée avant la construction du temple de Salomon.
  19. On trouvait cruel de cuire la pauvre petite bête dans le lait qui aurait dû servir à la nourrir.
  20. Voyez la Revue du 15 mars.
  21. Exode, ch. XX. Deutér., V, est une reproduction. Comp. Ps. LXXXI, 10-11. La division en dix articles est peu justifiée. La principale particularité élohiste du Décalogue est la connexité de ce qui concerne le repos du septième jour avec la cosmogonie élohiste. Gen., I. le récit de la création en sept jours n’existait pas dans le jéhoviste.
  22. Je vois une allusion à ces rédactions multipliées de la Thora dans Osée, VIII, 12.
  23. Rappelons qu’à partir de la révélation du nom de Iahvé, le prétendu élohiste se sert, aussi bien que le jéhoviste, du nom de Iahvé.
  24. Voyez la Revue du 15 mars.
  25. Ces deux morceaux tels qu’ils figurent dans les chapitres XI, XIII et XIV du Lévitique sont antérieurs au Deutéronome.
  26. Isaie, XXVIII, 10.
  27. Isaïe, II, 3, et Michée, IV, 3.
  28. Le code des lépreux est cité par le Deutéronome, XXIV, 8.
  29. Comp. Ps. CI.
  30. Qui est le juste ? C’est celui qui,.. etc.
  31. Monœcus. Se rappeler Hercules Monœcus, Monaco.
  32. Comparez le grec Λέσχη.
  33. Deut., I, 6 ; IV, 10, 15 ; V, 2, et surtout XXVIII, 69. Le Deutéronome suppose connues toute l’histoire de Moïse et même l’histoire patriarcale, telle qu’elle est donnée dans les livres plus anciens.
  34. II Rois, ch. XXII.
  35. Deuter., ch. V, plusieurs fois.
  36. Deutér., ch. V.
  37. Lévit., ch. XI. L’interdiction des mélanges hétérogènes a aussi une physionomie plus ancienne dans Lévit., XIX, 19, que dans le Deutéronome.
  38. Lévit., XIII et XIV ; Deut., XXIV, 8.
  39. Deut., Vi, 10 et suiv.
  40. . Deut., VII, 16.
  41. Deut., XVII, 8-13.
  42. Nombres, V, 11 et suiv., loi ancienne.
  43. Allusion aux essais d’alliance égyptienne, qui furent la grande préoccupation du règne de Josias, et auxquels Jérémie fut toujours opposé.
  44. Légère contradiction avec ce qui précède. L’auteur sent bien que son rêve d’un Israël pratiquant parfaitement la loi de Iahvé ne sera jamais réalisé.
  45. Ch. XX, 1-9. Cf. XXIV, 6.
  46. Ch. XXIII, 10 et suiv.
  47. Ch. XXII.
  48. Levit., XIX, 9, XXIII, 22, parait antérieur.
  49. Ce trait indique les temps du second temple.
  50. Ps. CXXXIII, texte fortement altéré.
  51. Jérémie, ch. XXVI et suiv.
  52. Ch. XVII, 10 et suiv.
  53. Ch. XI.
  54. Jér., VII, 23. Cf. Deut., XXVI, 17 et suiv. XXIX, 12.