Les Pères de l’Église/Tome 4/Doctrine de saint Clément

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Les Pères de l'Église
Texte établi par M. de GenoudeSapia (Tome quatrièmep. 85-95).

DOCTRINE

DE SAINT CLÉMENT.


Sur l’Écriture.

Saint Clément enseigne que les écrivains sacrés, tant de l’ancien que du nouveau Testament, n’ont rien écrit que par l’inspiration du Saint-Esprit, soit les choses qu’ils ont apprises de Dieu, soit les choses qu’ils savaient d’eux-mêmes, et qui étaient connues de tout le monde ; que bien que l’Écriture Sainte soit claire et intelligible à tous selon le sens grammatical, la vérité ne laisse pas d’y être enveloppée d’obscurités en plusieurs endroits, afin qu’elle ne soit connue que de ceux à qui il est donné de la connaître. Il déclare que Moïse est l’auteur du Pentateuque ; que les Proverbes, le livre de la Sagesse et l’Ecclésiastique sont de Salomon ; que ce dernier est canonique, de même que celui de Job. Il cite les livres d’Esther, de Judith et des Machabées, sans dire qui en sont les auteurs : mais il attribue à Esdras le quatrième de ceux qui portent son nom. À l’exemple de quelques anciens, il cite les Proverbes sous le titre de la Sagesse. Il attribue à saint Marc l’évangile de ce nom, à saint Luc les Actes des apôtres et la traduction grecque de l’épître aux Hébreux ; cette épître à saint Paul ; à saint Jude celle que nous avons de lui, et à saint Jean l’Apocalypse. Il cite aussi la première épître de cet apôtre, qu’il nomme la grande, pour la distinguer de la seconde, qui est plus petite ; et la première de saint Pierre. On trouve dans ses écrits beaucoup de leçons de l’Écriture, différentes de celles que nous lisons dans nos exemplaires. Quelquefois il cite des passages sans marquer d’où ils sont tirés, et il y en a que l’on ne trouve point dans nos Bibles. Il dit que l’amour et la crainte font la différence des deux testaments ; que la version de l’Écriture faite sous Ptolémée-Philadelphe par les Septante, est l’ouvrage du Saint-Esprit ; il n’admet que quatre évangiles.

Sur la tradition.

Un autre canal par lequel la doctrine de Jésus-Christ nous a été communiquée, c’est la tradition. Elle est fondée sur le témoignage des apôtres et de leurs successeurs. Chacun d’eux ayant reçu cette semence divine, comme un fils reçoit l’héritage de son père, elle est parvenue jusqu’à nous. Quiconque se révolte contre la tradition de l’Église, pour se jeter dans des opinions humaines, cesse d’être fidèle à Dieu.

Sur la Trinité des personnes en Dieu, la divinité du Fils et du Saint-Esprit. Sur la divinité de Jésus-Christ, le temps de sa naissance, et son impassibilité.

Saint Clément distingue nettement trois personnes en Dieu, qu’il nomme Trinité, et leur attribue également l’immensité, ce qui ne laisse aucun lieu de douter qu’il ne les ait reconnues pour Dieu. Le Père est le Seigneur et le créateur de toutes choses, tout-puissant et en tout lieu. Le Fils réunit en lui toutes les perfections. Il est la sagesse et la vertu du Père, la science, la vérité. Renfermé dans le sein du Père avant tous les temps, il en est, pour ainsi dire, sorti, premièrement pour créer le monde, ensuite pour se faire homme. Saint Clément nomme génération cette prolation extérieure du Verbe par laquelle Dieu dit : que la lumière soit faite. Parlant de la nature du Fils, il dit qu’elle est la plus parfaite, la plus sainte, la plus rapprochée de celle du Tout-Puissant. Par où il semblerait qu’il distingue la nature du fils de Dieu de celle du Père, et qu’il la croit moins parfaite, s’il ne disait ailleurs que le Père et le Fils sont un, c’est-à-dire, Dieu ; qu’il y a entre eux une égalité parfaite de toutes choses ; que le Fils est dans le Père ; que tout est en lui, de même que dans le Père et dans le Saint-Esprit. La qualité de ministre du Père, d’instrument de Dieu, qu’il donne encore au Fils, n’enferme aucune imperfection, et ne signifie autre chose, sinon que Dieu a tout fait par son Verbe, qui, parce qu’il procède du Père, est appelé son ministre dans la création du monde, quoiqu’elle soit également l’ouvrage de l’un et de l’autre. Dans un autre endroit, saint Clément paraît dire que le Verbe a été enseveli avec Jésus-Christ. Mais le vrai sens de ces paroles est que Jésus-Christ, en qui le Verbe était uni hypostatiquement à la nature humaine, est mort et a été enseveli selon cette nature, et qu’il est ressuscité, selon la même nature humaine, par la puissance de la nature divine. C’est dans le même sens que saint Pierre a dit que Jésus-Christ, étant mort en sa chair, est ressuscité par l’Esprit. Au reste, il marque clairement la divinité de Jésus-Christ ; et pour montrer l’accomplissement de la prophétie de Daniel, touchant la venue du Messie, il fait, comme nous l’avons dit, une supputation des temps, jusqu’au règne de Vespasien, et compte en tout quatre cent quatre-vingt-six ans quatre mois. Il entend par les semaines de Daniel des semaines d’années, et par les années, des années solaires ; il met la naissance de Jésus-Christ en la vingt-huitième année du règne d’Auguste ; son baptême, et le commencement de sa prédication en la quinzième de Tibère. À prendre à la lettre ce qu’il dit de l’humanité de Jésus-Christ, on croirait qu’il ne l’a pas crue sujette aux besoins de la vie, tels que la faim et la soif. Cependant il recoupait ailleurs que Jésus-Christ a souffert véritablement dans sa chair, et non en apparence ; en sorte qu’on doit expliquer ce qu’il dit de l’impassibilité du Sauveur par le pouvoir qu’il avait sur lui-même. Dans nous, les passions préviennent ordinairement notre volonté, et s’emparent des puissances de notre âme souvent malgré nous, au lieu que Jésus-Christ en était le maître. C’était volontairement qu’il avait faim et soif, ayant le pouvoir de conserver son corps sans le secours de la nourriture matérielle. Il dit qu’il est le seul juge des hommes, parce qu’il est le seul qui n’ait point péché.

Sur la sainte Vierge, sur les anges et la gloire des saints. Sur le démon.

Il rejette l’opinion de quelques-uns, qui disaient que la sainte Vierge avait enfanté comme les autres femmes. Il distingue différents degrés dans les anges, et dit qu’il y a des anges préposés pour conduire ceux qui vont au ciel ; qu’il y en a d’autres placés de distance en distance depuis le firmament jusqu’à nous, et d’autres destinés pour nous garder. Il semble distinguer le ciel où sont les bienheureux, du troisième ciel dans lequel saint Paul fut ravi. Il soutient, contre les Gnostiques, que le salut est pour tous les fidèles ; mais il ne nie pas qu’il doive y avoir entre eux différents degrés de gloire suivant la différence de leurs mérites. Il croit que l’ange à qui l’on donne le nom de diable, soit parce qu’il calomnie les hommes, soit parce qu’il dénonce les pécheurs, pouvait faire pénitence de son apostasie ayant le libre arbitre.

Sur la nature de l’homme, sur le libre arbitre et la nécessité de la grâce.

L’homme est aussi doué du libre arbitre, étant raisonnable de sa nature. Il a toutefois besoin du secours de la grâce pour faire le bien, pour nourrir de bonnes pensées, pour connaître Dieu, pour surmonter les tentations, pour embrasser la foi, pour vivre dans la continence. Il enseigne que la grâce ne nécessite point le libre arbitre. L’âme, une des parties dont l’homme est composé, n’est point engendrée comme le corps. La plus noble de ses facultés est le pouvoir qu’elle a de choisir. Elle est immortelle, celle des impies comme celle des justes.

Sur les causes et les remèdes du péché. Sur les effets de la charité et de la crainte.

Le péché est une injustice volontaire ; l’ignorance et la cupidité en sont les causes. Mais il est en notre pouvoir de réprimer les mouvements de l’une, et de dissiper les ténèbres de l’autre, en travaillant à nous instruire. Nous pouvons effacer nos péchés par l’aumône et par la foi ; et la crainte du Seigneur nous donnera de l’éloignement pour le mal. Celui qui n’a point ouï prêcher la parole de Dieu, ne sera pas puni pour n’y avoir point obéi ; mais celui qui l’ayant ouïe, demeure dans l’incrédulité, sera puni, surtout si son incrédulité est volontaire et de son choix. Il distingue deux sortes de justice ; l’une, qui est le fruit de la charité ; l’autre, de la crainte du Seigneur ; et deux sortes de craintes, l’une chaste et filiale, l’autre servile. Nos bonnes œuvres ne seront pas sans récompense ; elles nous accompagneront dans le ciel.

Sur l’Église et ses ministres.

Il n’y a qu’une véritable Église, qui est l’ancienne, et qui renferme les justes, selon le décret de Dieu. Les hérésies sont postérieures, et s’efforcent de la diviser en plusieurs parties. Dans elle seule est la doctrine la plus exacte, conformément aux divines Écritures. Les mauvais Chrétiens, les Chrétiens qui ne le sont que de nom, ne laissent pas d’en être membres ; mais ils n’en ont pas l’esprit ni la sainteté. On donnait aux Églises matérielles le nom de maisons du Seigneur. L’évêque en était le chef, il devait n’avoir été marié qu’une fois, de même que ceux que l’on choisissait parmi les personnes mariées pour être prêtres ou diacres. Saint Clément ne dit point en termes exprès si l’évêque, depuis son ordination, était obligé à la continence ; mais il fait assez entendre que tel était l’usage de l’Église, lorsqu’il dit que les apôtres, qui avaient été mariés et avaient eu des enfants, saint Pierre et saint Philippe, par exemple, vécurent dans le célibat depuis qu’ils eurent été appliqués au ministère de l’apostolat.

Sur le sacrement de Baptême et de Confirmation, et sur l’Eucharistie.

On se préparait au Baptême par la pénitence, et l’on y était régénéré par la triple immersion. L’effet de cette régénération est de nous purifier de nos péchés, de dissiper nos ténèbres, de régler nos mœurs, et de nous remplir de cette sainte et salutaire lumière, par le moyen de laquelle nous connaissons les choses divines. Nous appelons frères tous ceux qui sont régénérés de cette sorte. Le nouveau baptisé recevait ensuite le sceau du Seigneur, c’est-à-dire la Confirmation, que l’on regardait comme la perfection de la vertu du Chrétien. Le pain et le vin que Melchisédech offrit en sacrifice étaient la figure de l’Eucharistie. Ceux qui y participent dignement sont sanctifiés dans leur corps et dans leur âme par la coopération du Verbe et du Saint-Esprit. Car l’Eucharistie est la propre chair du Verbe incarné. C’est pourquoi il nous ordonne de nous dépouiller de l’homme charnel et corrompu, de nous abstenir des anciens aliments pour participer à la nouvelle nourriture qu’il nous a préparée, afin que la présence du Sauveur, que nous renfermons dans nos cœurs, puisse sanctifier notre chair et purifier toutes nos inclinations et tous nos désirs. Saint Clément ne pouvait mieux marquer sa croyance sur la présence réelle. Ce qu’il ajoute est encore une preuve qu’il ne doutait pas que Jésus-Christ ne l’eût enseignée par ces paroles : « Mangez ma chair et buvez mon sang. » Peut-être, dit-il, souhaitez-vous qu’on vous donne une explication plus commune. La chair est un symbole allégorique du Saint-Esprit, parce que c’est lui qui a formé le corps du Sauveur : le sang nous désigne le Verbe, qui est le principe de la vie, etc. Dans quelques Églises, après que l’Eucharistie avait été partagée, selon la coutume, on laissait aux fidèles la liberté d’en prendre une partie, avec la faculté de communier ou de s’abstenir de la communion, selon qu’ils le jugeraient à propos, mais en supposant toujours en eux de saintes dispositions.

Sur le mariage, sur les secondes noces et la virginité.

Saint Clément prescrit sur l’usage du mariage les mêmes règles que l’apôtre ; mais il remarque que l’on ne peut montrer par l’Écriture qu’aucun des anciens ait connu son épouse dans le temps qu’elle était enceinte ou qu’elle allaitait son enfant. Il reconnaît que les secondes noces sont permises, et dit que celui qui se remarie ne pèche point. Cependant il les nomme fornication, soit à cause de l’esprit d’incontinence qui conduit, pour l’ordinaire, ceux qui s’engagent plusieurs fois dans le mariage, soit parce que, comme il le dit lui-même, celui qui se marie une seconde fois ne parvient pas à l’état de perfection que l’Évangile nous propose. Il veut que celui qui s’est engagé dans le mariage y persévère, et que celui qui a résolu de garder la virginité demeure vierge, chacun de ces deux états ayant ses avantages. La polygamie était permise aux anciens ; dans le temps où il était besoin que les hommes se multipliassent ; mais elle ne l’est plus prestement.

Sur le serment et sur le mensonge, sur les images, sur les heures de prières et les jours de jeûne.

Il définit le serment une affirmation dans laquelle on prend Dieu à témoin de la vérité de ce qu’on avance. On ne doit point jurer, et le mensonge est interdit en toute occasion, fût-il nécessaire pour sauver sa vie. Il croit cependant qu’il y a de certaines circonstances où il est permis de feindre ; et il autorise son opinion de l’exemple de saint Paul, qui, pour gagner les Juifs et se les rendre favorables, circoncit Timothée, quoique dans tous ses discours il s’efforçât de faire voir l’inutilité de la circoncision. Il dit que les Chrétiens ne conservaient aucune figure sensible et matérielle de la Divinité ; ce qui apparemment a donné lieu à Photius de dire qu’il parlait des images dans un de ses Traités. Ils célébraient les divins mystères pendant la nuit, pour y apporter plus d’attention ; mais ils ne laissaient pas d’avoir plusieurs heures réglées pendant le jour pour prier, savoir, tierce, sexte et none. On se tournait vers l’orient, et la posture ordinaire, en priant, était de lever la tête et les mains au ciel : on faisait même quelques mouvements des pieds, en répondant à la conclusion de la prière. On jeûnait deux fois la semaine, le mercredi et le vendredi.

Sur l’utilité de la philosophie.

Saint Clément dit que Dieu a donné la philosophie aux Grecs, afin qu’elle leur servît de préparation à l’Évangile, comme il a donné la loi aux Hébreux. Il semble même dire qu’avant la venue de Jésus-Christ la philosophie les justifiait. Mais si l’on fait attention à toute la suite de son raisonnement sur cette matière, on verra qu’il était très-éloigné d’attribuer une si grande vertu à des sciences purement humaines. Car, 1o  il dit qu’il en est de la philosophie des Grecs par rapport à la connaissance de la vérité, comme d’un homme qui veut marcher sans pieds. 2o  Il s’explique sur cette justice prétendue, et dit que celle que produisait la philosophie était imparfaite, ou plutôt qu’elle n’était qu’une disposition éloignée pour acquérir la vraie justice, de même que la granulaire est une disposition à la philosophie, et le degré un moyen pour monter à un étage supérieur. 3o  Il dit en termes exprès qu’il n’y avait point de salut à espérer pour les philosophes, s’ils ne quittaient le culte des idoles et ne croyaient en Jésus-Christ ; que sans la foi toutes leurs bonnes œuvres ne leur serviraient de rien pour le salut. 4o  S’il avait cru que la philosophie seule justifiât les Grecs, il n’aurait pas dit que Dieu avait permis que nos divines Écritures fussent traduites en leur langue, afin de leur ôter tout prétexte d’avoir ignoré la vérité qu’il leur était facile de connaître. Le raisonnement de saint Clément se réduit donc à celui-ci : que la philosophie, n’étant autre chose que la recherche de la vérité, contribue beaucoup à nous la faire trouver. C’est pourquoi il l’appelle ailleurs le fondement de la philosophie chrétienne.

Sur Adam, sur les Apôtres et sur la Pâque.

Il dit qu’Adam est sorti parfait des mains de Dieu ; que s’il est déchu de la justice dans laquelle il avait été créé ce fut par sa faute, Dieu l’ayant laissé le maître de choisir le bien ou le mal ; que lorsqu’on dit qu’il a été fait à l’image et ressemblance de Dieu, c’est-à-dire de son Verbe, qu’il a perdu par le péché les prérogatives de sa naissance, étant devenu sujet à la mort ; que l’élection des apôtres n’a pas eu lieu en raison de leur mérite, mais parce qu’ils étaient propres au ministère auquel Dieu devait les employer ; que Jésus-Christ ne baptisa que saint Pierre, et que les autres apôtres se baptisèrent l’un l’autre ; qu’après sa résurrection il communiqua le don de la science à saint Pierre, afin qu’eux-mêmes le communiquassent ensuite aux autres apôtres, aux soixante-dix disciples ; que saint Jacques ayant prié pour celui qui l’avait traduit devant les tribunaux, le persécuteur se convertit et souffrit le martyre avec ce saint apôtre. Un ancien auteur cite saint Clément pour prouver que Jésus-Christ ne mangea point l’agneau pascal la veille de sa mort.

Sur le Purgatoire et sur quelques autres points importants.

On peut encore remarquer que saint Clément a cru que les fidèles qui mouraient sans avoir entièrement expié leurs péchés en ce monde devaient les expier en l’autre, avant que d’entrer dans le ciel ; que le disciple à qui Jésus-Christ dit : « Suivez-moi, et laissez aux morts le soin d’ensevelir leurs morts, » était Philippe ; que les actions des infidèles sont défectueuses, faute d’être rapportées à une fin légitime ; qu’après le jour du jugement les anges seront déchargés du soin de ceux qui leur étaient confiés ; que Jésus-Christ a prêché l’Évangile dans les enfers à ceux d’entre les Gentils qui avaient bien vécu sans le secours de la loi, parce qu’ils se tenaient à eux-mêmes lieu de la loi ; que la foi sans les bonnes œuvres ne nous sauve pas ; que tous les hommes naissent avec le péché originel ; que les Ébionites ne se servaient que d’eau dans la célébration de l’Eucharistie ; que quelques-uns célébraient le jour de la naissance de Jésus-Christ au 25 décembre, et que les disciples de Basilide fêtaient aussi le jour de son baptême, et passaient la nuit qui précède ce jour en lectures ; qu’Adam, Abraham, Isaac et plusieurs autres anciens ont prédit l’avenir ; que de raconter aux enfants les fables des poëtes et autres semblables fictions, c’est leur inspirer de l’amour pour l’impiété.

Jugement des écrits de saint Clément.

Il y a dans les ouvrages de saint Clément quelques fautes contre la pureté de la doctrine et la vérité de l’histoire. Par exemple, il y enseigne que les anges, épris de l’amour des femmes, leur révélèrent des mystères qu’ils auraient dû tenir secrets ; que Jésus-Christ prêcha pendant un an, et qu’il est mort à l’âge de trente et un ans ; que les apôtres ont, à l’exemple du Sauveur, annoncé l’Évangile dans les enfers. Peut-être avait-il puisé ces sentiments dans quelques livres apocryphes ; car il en cite plusieurs, entre autres ceux de la sibylle d’Hydaspe, l’Évangile selon les Hébreux, les prédications de saint Pierre, les traditions de saint Mathieu, etc. Il a coutume de rapporter dans ses discours les sentiments et les propres paroles des philosophes et des hérétiques. Souvent il cite l’Écriture de mémoire, et joint plusieurs passages ensemble, sans dire de quel livre ils sont tirés ; ce qui fait que l’on trouve dans ses écrits beaucoup de leçons de l’Écriture différentes des nôtres, et qu’il cite quelquefois un passage entier sans nom, quoique le passage soit tiré de plusieurs auteurs. Il explique ordinairement l’Écriture dans le sens allégorique, à l’exemple de Philon. La philosophie des Stoïciens est celle qu’il paraît avoir suivie ; mais il ne laisse pas de la combattre sur certains points, surtout en ce que ces philosophes disaient que les hommes égalaient Dieu en vertu. Dans tous ses écrits, il s’étend beaucoup plus sur la morale que sur le dogme, et c’est apparemment une des raisons pour laquelle ils étaient entre les mains de tout le monde dès le temps d’Eusèbe. Le pape Gélase les mit au rang des apocryphes, sans doute à cause des erreurs dont les hérétiques avaient rempli les livres des Hypotyposes.