Les Principes de 89 et le Socialisme/Livre 3/Chapitre 18

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Inconséquences des collectivistes
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CHAPITRE XVIII


Inconséquences des collectivistes.



La propriété de la nation. — Cette propriété est un monopole. — Où commence la nation ? — Saint-Marin et la Chine.


Je me sers du mot « nation » que M. Jaurès veut bien substituer au mot « société ».

Je m’étonne de cette concession de la part de M. Jaurès, qui est habitué aux subtilités de la langue et de l’argumentation. Du moment qu’il abandonne la propriété « sociale », et en fait une propriété « nationale », il abandonne le principe même du collectivisme : car qu’est-ce qu’une nation ?

Une nation est une fraction plus ou moins grande de l’humanité. Elle s’est installée sur un coin de terre. Elle a donc établi un monopole du sol au profit d’un nombre plus ou moins limité et à l’exclusion du reste des 1.500 millions d’habitants du globe.

Si M. Jaurès me dit que lorsque ce sont des millions d’hommes qui occupent un point de la surface planétaire, c’est du collectivisme, je lui demande à combien de millions commence le collectivisme ? La Grèce, la Sicile, la Norvège, le Danemark forment-ils des unités collectivistes ? Ce sont de bien petites nations, comme population et comme territoire.

Si le collectiviste me répond : Oui, alors je lui demande s’il reconnaît la République de Saint-Marin, et s’il me répond affirmativement, il se met en contradiction avec son principe : car il aboutit à une petite propriété, à un petit monopole au profit de quelques milliers d’individus ; et s’il reconnaît le monopole de la terre à quelques milliers, pourquoi pas à des centaines, à des dizaines et aussi à des unités ?

Si, au contraire, le collectiviste n’accepte comme unités collectivistes que des nations se composant de plusieurs millions d’individus, il en arrivé à supprimer toutes les petites nations : et, comme de toutes les nations la plus grande et la plus peuplée c’est la Chine, il lui réserve d’englober toute l’humanité.