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CHAPITRE XXV
Moyens économiques.
Dans l’histoire il y a eu un certain Philippe le Bel célèbre par la désinvolture avec laquelle il rognait les monnaies. Les socialistes voudraient prendre ces traditions.
M. Camille Pelletan avait déjà dit, à propos des compagnies des chemins de fer : « Il faut bousculer les contrats. » Mais on sait que, par rapport à ses amis de la Petite République, il est modéré. M. Clémenceau parle, sans cesse, des mines qui ont fait des bénéfices et s’écrie : — « Est-ce admissible ? » d’où cette conclusion : — « Quiconque ne se ruine pas est coupable. » M. Goblet, ancien garde des sceaux, a déposé un projet de loi par lequel il confisque chaque mine dont les ouvriers auront fait grève pendent plus de deux mois, et il justifie cette mesure par la théorie suivante :
« Les successeurs des premiers concessionnaires ont assez longtemps joui de tous ces avantages pour qu’il soit juste d’en faire profiter, dans une certaine mesure, à leur tour, les familles de ceux dont le travail pénible et si mal rétribué d’abord a été le principal agent de cette prospérité. »
Cette théorie de la rotation des fortunes s’applique tout aussi bien à la propriété foncière.
M. Goblet avait parlé de l’exploitation des mines par l’État : mais il transige dans sa proposition ; il ne la rend pas obligatoire. On lui a dit, sans doute, qu’il y avait des mines voisines de la France, à Saarbruck, exploitées par l’État prussien, et que, là les accidents étaient plus fréquents que dans les mines de Westphalie, que les ouvriers y avaient tenté deux grèves, l’une en 1891 et l’autre en 1893, mais que le directeur avait déclaré aussitôt que, « tout ouvrier, ayant rompu le contrat de travail » serait immédiatement renvoyé, s’il ne le reprenait pas immédiatement et que le chef de la grève Warken, avait été condamné à neuf mois de prison.
Il n’a pas insisté, mais ces considérations ne sauraient influer sur ses amis, les collectivistes, car il est bien évident que s’ils entendent que la mine soit exploitée par l’État, ce n’est pas pour qu’il y ait à sa tête un directeur qui prenne ses fonctions au sérieux. Il s’agit pour eux d’une exploitation collectiviste, dirigée collectivement, dans laquelle on abattrait beaucoup plus de bocks et de discours que de charbon.
Transformer toutes les industries en services publics : tel est le plan qu’ils ont tracé dans leurs divers Congrès et qu’ils poursuivent avec une persévérance que n’ébranle aucun échec.
En 1888, les deux groupes socialistes du Conseil municipal de Paris, les possibilistes broussistes, et les socialistes révolutionnaires, à la suite de M. Vaillant, proposèrent de rétablir la taxe du pain, avec un service d’inspection pour en assurer la bonne qualité ; d’établir des services municipaux d’achats de denrées alimentaires sur les lieux de production et des bazars de vente au prix de revient[1].
Ce beau projet fut repoussé. Mais nous voyons les municipalités de Roubaix, de Saint-Denis, de Montluçon, faire des efforts, contrariés, malheureusement pour elles et heureusement pour les habitants de ces communes, par la législation, essayer d’en mettre en pratique, tantôt une partie, tantôt une autre.
Le Congrès socialiste de Marseille de 1892 et les socialistes suisses dans leur programme électoral de 1893, ont demandé le monopole par l’État du commerce des produits alimentaires. M. Jaurès annonce qu’il va déposer une proposition de loi d’après laquelle l’importation des blés étrangers ne se fera que par l’État qui les revendra « à un cours constant et raisonnable de 20 fr. par hectolitre ». Et, ô honte ! on se voit réduit à l’obligation de discuter ces idées !
Mais le monopole des denrées alimentaires n’est qu’une partie du programme. Il continue :
Établissement par la commune d’industries municipales, pour qu’en vertu de leur droit à l’existence, les travailleurs mis à pied par les crises, les grèves et les transformations de l’outillage, reçoivent du travail, et que la commune s’achemine ainsi du régime de la propriété privée[2] au régime de la propriété publique.
Si un jour, par un hasard quelconque, les socialistes sont les maîtres du pouvoir, le neuvième Congrès ouvrier de la fédération du Centre leur dicte leur devoir :
Les travailleurs devront se hâter d'organiser les services publics producteurs et à l’aide d’une concurrence implacable d’anéantir toutes les entreprises privées, afin qu’au plus tôt se puisse établir la production au compte et sous la direction de l’État communiste.[3]
Tel est l’usage que les socialistes comptent faire du pouvoir et des ressources qu’il leur donnera : administrer dans l’intérêt général, c’est le vieux jeu, jeu bourgeois : employer les ressources fiscales pour la sûreté de tous, quelle naïveté ! On les emploiera pour « anéantir toutes les entreprises privées ! »
Voilà le programme du gouvernement des socialistes !
Tout le programme socialiste se résume en cette phrase :
Prendre aux autres pour notre compte.