Les Quatre Évangiles (Crampon 1864)/Évangile selon S. Matthieu

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Traduction par Augustin Crampon.
Tolra et Haton (p. 33-168).


LE SAINT ÉVANGILE


DE JÉSUS-CHRIST


SELON
SAINT MATTHIEU[1]




CHAPITRE PREMIER


TABLE GÉNÉALOGIQUE DE JÉSUS-CHRIST (Luc, iii, 23, sv.) ;
SA NAISSANCE (Luc, ii, sv.).


1 Livre de la génération de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham[2].

2 Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob ; Jacob engendra Juda et ses frères ; Juda engendra, de Thamar, Pharès et Zara ; Pharès engendra Esron ; Esron engendra Aram ; Aram engendra Aminadab ; Aminadab engendra Naasson ; Naasson engendra Salmon ; Salmon, de Rahab[3], engendra Booz ; Booz, de Ruth, engendra Obed ; Obed engendra Jessé ; Jessé engendra le roi David ; le roi David engendra Salomon, de celle qui fut la femme d’Urie[4] ; Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abias ; Abias engendra Asa ; Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra Joram ; Joram engendra Ozias[5] ; Ozias engendra Joathan ; Joathan engendra Achaz ; Achaz engendra Ézéchias ; Ézéchias engendra Manassé ; Manassé engendra Aman ; Aman engendra Josias ; Josias engendra Jéchonias et ses frères, au temps de la transmigration de Babylone[6] ; et après la transmigration de Babylone, Jéchonias engendra Salathiel ; Salathiel engendra Zorobabel ; Zorobabel engendra Abiud ; Abiud engendra Éliacim ; Éliacim engendra Azor ; Azor engendra Sadoc ; Sadoc engendra Achim ; Achim engendra Eliud ; Eliud engendra Éléazar ; Éléazar engendra Mathan ; Mathan engendra Jacob ; et Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle est né Jésus[7], qu’on appelle Christ[8].

17 Donc la somme des générations depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations ; depuis David jusqu’à la transmigration de Babylone, quatorze générations ; et depuis la transmigration de Babylone jusqu’au Christ, quatorze générations[9].

18 Or, la naissance du Christ arriva ainsi. Marie, sa mère, étant fiancée à Joseph[10], il se trouva, avant qu’ils vinssent ensemble, qu’elle avait conçu par l’opération du Saint-Esprit. Joseph, son mari, qui était un homme juste, ne voulant pas la diffamer, résolut de la renvoyer secrètement. Comme il était dans cette pensée, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe[11], et lui dit : Joseph, fils de David[12], ne craignez point de prendre avec vous Marie votre épouse, car ce qui est formé en elle est l’ouvrage du Saint-Esprit. Et elle enfantera un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus[13] ; car il sauvera son peuple de ses péchés. Or tout cela se fit afin que fût accompli ce qu’avait dit le Seigneur par le Prophète : « La Vierge concevra et enfantera un fils ; et on le nommera Emmanuel[14], » c’est-à-dire Dieu avec nous. Réveillé de son sommeil, Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait commandé et prit Marie son épouse. Mais il ne la connut point jusqu’à ce qu’elle enfantât son Fils premier-né[15], et il lui donna le nom de Jésus.


CHAPITRE II


ADORATION DES MAGES. — FUITE DE JÉSUS EN ÉGYPTE. — MASSACRE DES SS. INNOCENTS. — RETOUR D’ÉGYPTE.


1 Jésus étant né à Bethléem de Juda, aux jours du roi Hérode[16], voilà que des Mages[17] vinrent d’Orient à Jérusalem, disant : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient et nous sommes venus l’adorer. Ce qu’ayant appris le roi Hérode, il fut troublé et tout Jérusalem avec lui[18]. Et assemblant tous les Princes des prêtres et les Scribes du peuple, il s’enquit d’eux où devait naître le Christ. Ils lui dirent : À Bethléem de Juda, selon ce qui a été écrit par le Prophète : « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas la moindre parmi les principales villes de Juda, car de toi sortira le Chef qui doit régir Israël, mon peuple[19]. » Alors Hérode, ayant fait venir secrètement les Mages, les interrogea avec soin sur le temps où l’étoile leur était apparue. Et, les envoyant à Bethléem, il leur dit : Allez, informez-vous exactement de l’Enfant, et lorsque vous l’aurez trouvé, faites-le moi savoir, afin que moi aussi j’aille l’adorer. Ayant entendu les paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue en Orient allait devant eux[20] jusqu’à ce que, venant au-dessus du lieu où était l’Enfant[21], elle s’y arrêta. À la vue de l’étoile, ils se réjouirent d’une grande joie. Et entrant dans la maison[22], ils trouvèrent l’Enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l’adorèrent ; puis, ouvrant leur trésor, ils lui offrirent pour présents de l’or, de l’encens et de la myrrhe[23]. Mais ayant été avertis en songe de ne point retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

13 Après leur départ, voici qu’un ange du Seigneur apparut à Joseph pendant son sommeil, et lui dit : Levez-vous, prenez l’Enfant et sa mère, fuyez en Égypte, et n’en partez pas que je ne vous le dise ; car Hérode va rechercher l’Enfant pour le faire périr[24]. Joseph se leva, et, la nuit même, prenant l’Enfant avec sa mère, il se retira en Égypte[25]. Et il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplît ce qu’avait dit le Seigneur par son Prophète : « J’ai rappelé mon fils de l’Égypte[26]. » Alors Hérode, voyant que les Mages l’avaient trompé, entra dans une grande colère, et il fit tuer tous les enfants qui étaient dans Bethléem et dans les environs, depuis l’âge de deux ans et au-dessous, selon le temps dont il s’était enquis auprès des Mages[27]. Alors fut accompli ce qu’avait annoncé le prophète Jérémie. « Une voix a été entendue dans Rama, des plaintes et des cris lamentables : Rachel pleurant ses enfants ; et elle ne veut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus[28]. »

19 Hérode étant mort[29], voici qu’un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph dans la terre d’Égypte, et lui dit : Levez-vous, prenez l’Enfant et sa mère, et allez dans la terre d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l’Enfant sont morts. Joseph s’étant levé, prit l’Enfant et sa mère, et vint dans la terre d’Israël. Mais apprenant qu’Archélaüs régnait en Judée à la place d’Hérode, son père[30], il n’osa y aller, et, averti en songe, il se retira dans la Galilée et vint habiter une ville nommée Nazareth, afin que s’accomplit ce qu’avaient dit les prophètes : « Il sera appelé Nazaréen[31]. »



CHAPITRE III


PRÉDICATION DE JEAN-BAPTISTE. — BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST.
(Marc, iii, 1-8 ; Luc, iii, 1-22).


1 En ces jours-là[32] vint Jean-Baptiste[33], prêchant dans le désert de Judée[34], et disant : Faites pénitence, car le royaume des cieux[35] approche. C’est lui qui a été annoncé par le prophète Isaïe, disant : « Une voix a retenti au désert : préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers[36]. » Or, Jean avait un vêtement de poil de chameau, et autour de ses reins une ceinture de cuir, et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage[37]. Alors venait à lui Jérusalem et toute la Judée, et tout le pays que baigne le Jourdain[38]. Et, confessant leurs péchés, ils recevaient de lui le baptême dans le Jourdain[39].

7 Voyant un grand nombre de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit : Race de vipères, qui vous a montré à fuir devant la colère qui vient[40] ? Faites donc de dignes fruits de pénitence. Et ne vous complaisez point à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père. Car je vous dis que de ces pierres mêmes Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la cognée est à la racine de l’arbre : donc tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau pour la pénitence ; mais celui qui doit venir après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter sa chaussure[41] ; il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et dans le feu[42]. Sa main tient le van, et il nettoiera son aire, il amassera son froment dans son grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint point[43].

13 Alors Jésus, venant de Galilée, alla trouver Jean au Jourdain pour être baptisé par lui. Jean s’en défendait en disant : C’est moi qui dois être baptisé par vous, et vous venez à moi ! Jésus lui répondit : Laissez maintenant, car il convient qu’ainsi nous accomplissions toute justice[44]. Alors Jean le laissa. Jésus ayant été baptisé sortit aussitôt de l’eau, et voilà que les cieux lui furent ouverts, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et du ciel une voix disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis mes complaisances.

CHAPITRE IV


JEÛNE ET TENTATION DE JÉSUS (Marc, i, 12, 13 ; Luc, iv, 1-13). — IL SE FIXE À CAPHARNAÜM, EN GALILÉE (Marc, i, 14, 15). — VOCATION DE PIERRE ET D’ANDRÉ, DE JACQUES ET DE JEAN (Luc, v, 11). — LA RENOMMÉE DE JÉSUS S’ÉTEND AU LOIN (Marc, i, 32-34 ; Luc, iv, 40).


1 En ce temps-là, Jésus fut conduit par l’Esprit dans le désert pour y être tenté par le démon[45]. Et lorsqu’il eut jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Et le tentateur s’approchant, lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent des pains[46]. Jésus lui répondit : Il est écrit : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu[47]. » Alors le démon le transporta dans la ville sainte, et l’ayant placé sur le haut du temple, il lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu, jetez-vous en bas ; car il est écrit : « Il vous a confié à ses Anges, et ils vous porteront dans leur main, de peur que votre pied ne heurte contre la pierre[48]. » Jésus lui dit : Il est écrit aussi : « Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu[49] ». Le démon, de nouveau, le transporta sur une montagne très-élevée, et lui montrant tous les royaumes du monde avec leur gloire, il lui dit : Je vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, vous m’adorez[50]. Alors Jésus lui dit : Retire-toi, Satan, car il est écrit : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul[51]. » Alors le démon le laissa ; aussitôt des anges s’approchèrent, et ils le servaient[52].

12 Quand Jésus eut appris que Jean avait été mis en prison, il se retira en Galilée[53]. Et laissant la ville de Nazareth, il vint demeurer à Capharnaüm, sur les bords de la mer, aux confins de Zabulon et de Nephtali : afin que s’accomplît cette parole du prophète Isaïe : « Terre de Zabulon et terre de Nephtali, qui confines à la mer, pays au delà du Jourdain, Galilée des Gentils ! Le peuple qui était assis dans les ténèbres, a vu une grande lumière ; la lumière s’est levée pour ceux qui étaient assis dans la région de l’ombre de la mort[54] ». Dès lors Jésus commença à prêcher, en disant : Faites pénitence, car le royaume de Dieu est proche.

18 Un jour qu’il marchait le long de la mer de Galilée[55], Jésus vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et André son frère, qui jetaient leurs filets dans la mer (car ils étaient pêcheurs). Et il leur dit : Suivez-moi, et je vous ferai des pêcheurs d’hommes. Eux aussitôt, laissant leurs filets, le suivirent. Et s’avançant de là, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, dans une barque avec leur père Zébédée, réparant leurs filets, et il les appela. Eux aussi, laissant à l’heure même leurs filets[56] et leur père, le suivirent.

23 Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans les synagogues[57], prêchant l’Évangile du royaume de Dieu[58], et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple. Et sa renommée se répandit dans toute la Syrie, et on lui présenta tous les malades atteints d’infirmités et de souffrances diverses, des possédés[59], des lunatiques[60], des paralytiques, et il les guérit. Et une grande multitude le suivit de la Galilée, de la Décapole[61], de Jérusalem, de la Judée et d’au delà du Jourdain.


CHAPITRE V


SERMON SUR LA MONTAGNE. — LES HUIT BÉATITUDES (Luc, vi, 20 sv.). — APÔTRES, SEL DE LA TERRE ET LUMIÈRE DU MONDE. — LOI NON ABOLIE. — CHARITÉ FRATERNELLE. — ADULTÈRE DANS LE CŒUR. — SCANDALE DE L’ŒIL ET DE LA MAIN. — INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE. — NE JUREZ POINT, SOUFFREZ QU’ON VOUS PERSÉCUTE, ET AIMEZ CEUX QUI LE FONT.


1 Jésus voyant cette foule, monta sur la montagne, et lorsqu’il se fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. Alors ouvrant sa bouche, il les instruisait en disant[62] :

3 Bienheureux les pauvres en esprit[63], car le royaume des cieux est à eux.

4 Bienheureux ceux qui sont doux[64], car ils posséderont la terre[65].

5 Bienheureux ceux qui pleurent[66], car ils seront consolés.

6 Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice[67], car ils seront rassasiés.

7 Bienheureux ceux qui font miséricorde, car ils obtiendront eux-mêmes miséricorde.

8 Bienheureux ceux qui ont le cœur pur[68], car ils verront Dieu.

9 Bienheureux les pacifiques[69], car ils seront appelés enfants de Dieu.

10 Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux est à eux[70].

11 Heureux êtes-vous, lorsque les hommes vous maudissent et vous persécutent, et disent faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’ils ont persécuté les prophètes qui ont été avant vous.

13 Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s’affadit, avec quoi lui rendra-t-on sa saveur ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes[71]. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Qu’ainsi votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.

17 Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir[72]. Car, je vous le dis en vérité, plus tôt le ciel et la terre passeront, que passe un seul iota ou un seul point de la Loi, sans que tout soit accompli[73]. Celui-là donc qui violera l’un de ses moindres commandements, et enseignera ainsi aux hommes, sera le moindre dans le royaume des cieux ; mais celui qui les gardera et enseignera à les garder, sera grand dans le royaume des cieux[74]. Car je vous dis que si votre justice n’est pas plus abondante que celle des Scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux[75].

21 Vous avez appris qu’il a été dit par les Anciens[76] : « Tu ne tueras point, et celui qui tuera sera soumis au tribunal du jugement. » Et moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sera soumis au tribunal du Jugement ; et celui qui dira à son frère : Raca[77], sera soumis au tribunal du Conseil ; et celui qui lui dira : Fou[78], sera digne de la géhenne du feu. Si donc, lorsque vous offrez votre don à l’autel, vous vous souvenez que votre frère a quelque chose contre vous, laissez-là votre offrande devant l’autel, et allez d’abord vous réconcilier avec votre frère ; venant alors, vous offrirez votre don.

25 Accordez-vous au plus tôt avec votre adversaire, pendant que vous allez ensemble au tribunal, de peur qu’il ne vous livre au juge, que le juge ne vous livre à l’appariteur[79], et que vous ne soyez jeté en prison. En vérité, je vous le dis, vous n’en sortirez point que vous n’ayez payé jusqu’à la dernière obole[80].

27 Vous avez appris qu’il a été dit par les Anciens :

28 « Tu ne commettras point d’adultère[81]. » Et moi, je vous dis que quiconque regarde une femme avec concupiscence, a déjà commis l’adultère dans son cœur.

29 Que si votre œil droit vous scandalise, arrachez-le et jetez-le loin de vous ; car il vaut mieux pour vous qu’un de vos membres périsse, que votre corps tout entier soit jeté dans la géhenne. Et si votre main droite vous scandalise, coupez-la et la jetez loin de vous ; car il vaut mieux pour vous qu’un de vos membres périsse, que votre corps tout entier soit jeté dans la géhenne[82].

31 Il a été dit aussi : « Quiconque renverra sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation[83]. » Et moi, je vous dis : Quiconque renvoie sa femme, hors le cas d’adultère, la rend adultère ; et quiconque épouse la femme renvoyée, commet un adultère[84].

33 Vous avez encore appris qu’il a été dit par les Anciens : « Tu ne te parjureras point ; mais tu tiendras les serments faits au Seigneur. » Et moi, je vous dis de ne faire aucune sorte de serments ; ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu, ni par la terre, parce que c’est l’escabeau de ses pieds, ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand Roi. Ne jurez pas non plus par votre tête, parce que vous ne pouvez en rendre un seul cheveu blanc ou noir[85]. Mais que votre langage soit : Cela est, cela n’est pas. Ce qui se dit de plus vient du Malin[86].

38 Vous avez appris qu’il a été dit : « Œil pour œil et dent pour dent. » Et moi, je vous dis de ne pas résister à l’homme qui vous maltraite ; mais si quelqu’un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre. Et à celui qui veut vous appeler en justice pour avoir votre tunique, abandonnez encore votre manteau[87]. Et si quelqu’un veut vous obliger à faire mille pas avec lui[88], faites-en deux autres mille. Donnez à qui vous demande, et ne vous détournez point de celui qui veut vous emprunter.

43 Vous avez appris qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi[89]. » Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis[90] ; faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et vous maltraitent : afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants[91], et descendre la pluie sur les justes et sur les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains[92] mêmes ne le font-ils pas ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens mêmes ne le font-ils pas ? Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait[93].


CHAPITRE VI


SUITE DU SERMON SUR LA MONTAGNE. — AUMÔNE, JEÛNE. — TRÉSOR DANS LE CIEL. — L’ŒIL SIMPLE. — NE POINT SERVIR DEUX MAÎTRES. — CONFIANCE EN LA PROVIDENCE.


1 Prenez garde à ne pas faire vos bonnes œuvres devant les hommes, pour être vus d’eux : autrement vous ne recevrez pas de récompense de votre Père qui est dans les cieux. Quand donc vous faites l’aumône, ne sonnez pas de la trompette devant vous, comme font les hypocrites dans les synagogues et sur les places publiques, afin d’être honorés des hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour vous, quand vous faites l’aumône, que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre droite : afin que votre aumône soit dans le secret ; et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra[94].

5 Lorsque vous priez, ne faites pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et au coin des rues, afin d’être vus des hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour vous, quand vous voulez prier, entrez dans votre chambre, et, en ayant fermé la porte, priez votre Père dans le secret ; et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra[95]. Dans vos prières, ne multipliez point les paroles, comme font les païens, qui s’imaginent être exaucés à force de paroles. Ne leur ressemblez point, car votre Père sait tout ce dont vous avez besoin, avant que vous le demandiez[96]. Vous prierez donc ainsi :

10 Notre Père, qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié. Que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donnez-nous aujourd’hui le pain nécessaire à notre subsistance. Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons les leurs à ceux qui nous doivent. Et ne nous induisez point en tentation, mais délivrez-nous du Malin[97]. Ainsi soit-il.

14 Car si vous remettez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous remettra aussi vos péchés. Mais si vous ne les remettez point aux hommes, votre Père céleste ne vous remettra pas non plus vos péchés.

16 Lorsque vous jeûnez, ne soyez pas tristes comme les hypocrites qui exténuent leur visage, afin que leur jeûne paraisse aux regards des hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. Pour vous, quand vous jeûnez, parfumez votre tête et lavez votre face, afin qu’il ne paraisse pas aux hommes que vous jeûnez, mais à votre Père qui est présent dans le secret ; et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra.

19 Ne vous amassez point des trésors[98] sur la terre, où la rouille et les vers rongent, et où les voleurs percent les murs et dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni les vers ni la rouille ne rongent, et où les voleurs ne percent pas les murs et ne dérobent point. Car où est ton trésor, là est aussi ton cœur[99].

22 La lampe de votre corps, c’est votre œil. Si votre œil est simple, tout votre corps sera dans la lumière. Mais si votre œil est mauvais, tout votre corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en vous est ténèbres, que seront les ténèbres elles-mêmes[100] ?

24 Nul ne peut servir deux maîtres : car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon[101].

25 C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez point pour votre vie, de ce que vous mangerez[102], ni pour votre corps, de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment, ni ne moissonnent, ni ne recueillent dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui de vous pourrait, à force d’industrie, ajouter à sa taille la hauteur d’une coudée[103] ? Et le vêtement, pourquoi vous en inquiétez-vous ? Considérez les lis des champs, comment ils croissent : ils ne travaillent, ni ne filent. Et cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme l’un d’eux. Que si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui est aujourd’hui, et demain sera jetée dans le four, combien plus le fera-t-il pour vous, gens de peu de foi ? Ne vous mettez donc point en peine, disant : Que mangerons-nous, ou que boirons-nous, ou de quoi nous vêtirons-nous ? Car ce sont les Gentils qui s’inquiètent de toutes ces choses, et votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. N’ayez donc point de souci du lendemain ; le lendemain aura soin de lui-même. À chaque jour suffit sa peine[104].


CHAPITRE VII


SUITE DU SERMON SUR LA MONTAGNE. — NE POINT JUGER. — LES PERLES DEVANT LES POURCEAUX. — DEMANDEZ ET VOUS RECEVREZ. — FAIRE AUX AUTRES COMME NOUS DÉSIRONS QU’ON NOUS FASSE. — PORTE ÉTROITE. — FAUX PROPHÈTES. — BÂTIR SUR LA PIERRE.


1 Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car selon que vous jugerez, on vous jugera, et selon que vous aurez mesuré, on vous mesurera. Pourquoi voyez-vous une paille dans l’œil de votre frère, et ne voyez-vous pas une poutre dans votre œil ? Ou comment dites-vous à votre frère : Laissez-moi ôter la paille de votre œil, lorsqu’il y a une poutre dans le vôtre ?

5 Hypocrites, ôtez d’abord la poutre de votre œil, et alors vous verrez à ôter la paille de l’œil de votre frère.

6 Ne donnez pas aux chiens ce qui est saint, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, et que, se retournant, ils ne vous déchirent[105].

7 Demandez, et on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez et on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, et qui cherche trouve, et on ouvrira à celui qui frappe. Qui de vous, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre ? Ou, s’il lui demande un poisson, lui donnera un serpent ? Si donc vous, tout méchants que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il ce qui est bon à ceux qui le prient ? Ainsi[106] tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur aussi.

13 Entrez par la porte étroite ; car la porte est large et la voie spacieuse qui conduit à la perdition : et nombreux sont ceux qui entrent par elle. Combien étroite est la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie[107], et qu’il en est peu qui la trouvent !

15 Gardez-vous des faux prophètes[108], qui viennent à vous sous des vêtements de brebis, et sont au dedans des loups ravissants. Vous les connaîtrez à leurs fruits[109] : cueille-t-on du raisin sur des épines, ou des figues sur des ronces ? Ainsi, tout bon arbre porte de bons fruits, et tout arbre mauvais de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un arbre mauvais porter de bons fruits. Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. Vous les connaîtrez donc à leurs fruits.

21 Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n’entreront pas dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là entrera dans le royaume des cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en votre nom ? N’avons-nous pas chassé les démons en votre nom ? Et n’avons-nous pas, en votre nom, fait beaucoup de miracles ? Alors je leur dirai hautement : Je ne vous connus jamais. Retirez-vous de moi, vous qui faites des œuvres d’iniquité.

24 Quiconque[110] entend ces paroles que je vous dis, et les met en pratique, sera comparé à l’homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre. Et la pluie est tombée, et les fleuves se sont débordés, et les vents ont soufflé, et ils ont fondu sur cette maison, et elle n’a pas été renversée, car elle était fondée sur la pierre. Mais quiconque entend ces paroles que je vous dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à l’insensé qui a bâti sa maison sur le sable. Et la pluie est tombée, et les fleuves se sont débordés, et les vents ont soufflé, et ils ont fondu sur cette maison, et elle a été renversée, et grande a été sa ruine.

28 Or, Jésus ayant achevé ce discours, le peuple était dans l’admiration de son enseignement. Car il les enseignait comme ayant autorité, et non comme leurs Scribes et leurs Pharisiens[111].


CHAPITRE VIII


JÉSUS GUÉRIT UN LÉPREUX (Marc, i, 40-46) ; Luc, v, 12-15). — LE SERVITEUR DU CENTURION (Luc, vii, 1-10) ET LA BELLE-MÈRE DE SAINT PIERRE (Marc, i, 29-34 ; Luc, iv, 38-42). — TEMPÊTE APAISÉE (Marc, iv, 35-41 ; Luc, viii, 22-25). — DÉMONS CHASSÉS ET ENVOYÉS DANS DES POURCEAUX (Marc, v, 1-20 ; Luc, viii, 26-39).


1 Jésus étant descendu de la montagne, une grande multitude le suivit. Et un lépreux vint à lui, et l’adora en disant : Seigneur, si vous voulez, vous pouvez me guérir. Jésus étendant la main, le toucha en disant : Je le veux, soyez guéri. Et à l’instant sa lèpre fut guérie. Alors Jésus lui dit : Gardez-vous d’en parler à personne ; mais allez vous montrer au prêtre, et offrez le don prescrit par Moïse, pour qu’il leur soit un témoignage[112].

5 Ensuite, Jésus étant entré dans Capharnaüm, un centurion[113] l’aborda et lui fit cette prière : Seigneur, mon serviteur est couché dans ma maison, frappé de paralysie, et il souffre cruellement. Jésus lui dit : J’irai et je le guérirai. Seigneur, répondit le centurion, je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit ; mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri[114]. Car moi qui suis un homme soumis à la puissance d’un autre, je dis à l’un des soldats que je commande : Va, et il va ; et à un autre : Viens, et il vient ; et à mon serviteur : Fais cela, et il le fait[115]. En entendant ces paroles, Jésus fut dans l’admiration, et dit à ceux qui le suivaient : En vérité, je vous le dis, je n’ai pas trouvé une si grande foi dans Israël[116]. C’est pourquoi je vous dis que beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident, et auront place au festin[117] avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux, tandis que les enfants du royaume[118] seront jetés dans les ténèbres extérieures[119] : là seront les pleurs et le grincement des dents. Alors Jésus dit au centurion : Allez, et qu’il vous soit fait selon votre foi ; et à l’heure même son serviteur fut guéri.

14 Jésus vint ensuite dans la maison de Pierre, et il y trouva sa belle-mère qui était au lit, tourmentée par la fièvre[120]. Il lui toucha la main, et la fièvre la quitta ; aussitôt elle se leva, et se mit à les servir. Sur le soir, on lui présenta plusieurs démoniaques, et par sa parole il chassa les esprits, et il guérit tous les malades : afin que s’accomplît cette parole du prophète Isaïe : « Il a pris sur lui nos infirmités, et s’est chargé de nos maladies[121]. »

18 Or, Jésus voyant une grande multitude autour de lui, ordonna à ses disciples de le passer sur l’autre bord du lac. Alors un Scribe s’approchant, lui dit : Maître, je vous suivrai en quelque lieu que vous alliez. Jésus lui répondit : Les renards ont leurs tanières, et les oiseaux du ciel leurs nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. Un autre, qui était un de ses disciples[122], lui dit : Seigneur, permettez-moi d’aller auparavant ensevelir mon père. Mais Jésus lui répondit : Suivez-moi, et laissez les morts ensevelir leurs morts[123]. Il monta alors dans la barque, suivi de ses disciples.

24 Et voilà qu’une grande agitation se fit dans la mer, de sorte que les flots couvraient la barque : lui, cependant, dormait. Ses disciples venant à lui l’éveillèrent et lui dirent : Seigneur, sauvez-nous, nous périssons. Jésus leur dit : Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ? Alors, se levant, il commanda aux vents et à la mer, et il se fit un grand calme. Et saisis d’admiration, tous[124] disaient : Quel est celui-ci, à qui les vents et la mer obéissent ?

28 Jésus ayant abordé de l’autre côté du lac, dans le pays des Géraséniens, deux démoniaques, si furieux que personne n’osait passer par ce chemin, sortirent des sépulcres[125] et s’avancèrent vers lui. Et ils se mirent à crier : Qu’y a-t-il entre nous et vous, Fils de Dieu ? Êtes-vous venu ici avant le temps pour nous tourmenter[126] ? Or il y avait, non loin d’eux, un nombreux troupeau de porcs qui paissaient[127]. Et les démons firent à Jésus cette prière : Si vous nous chassez d’ici, envoyez-nous dans ce troupeau de porcs[128]. Il leur dit : Allez. Et, sortant du corps des possédés, ils entrèrent dans ces pourceaux. Au même instant, tout le troupeau prenant sa course se précipita d’un endroit escarpé dans la mer, et ils périrent dans les eaux[129]. Les gardiens s’enfuirent, et ils vinrent dans la ville où ils racontèrent toutes ces choses, et ce qui était arrivé aux démoniaques[130]. Aussitôt toute la ville sortit au devant de Jésus, et dès qu’ils le virent, ils le conjurèrent de s’éloigner de leur pays.


CHAPITRE IX


GUÉRISON D’UN PARALYTIQUE (Marc, ii, 1-12 ; Luc, v, 17-26) — VOCATION DE SAINT MATTHIEU (Marc, ii, 13-22 ; Luc, v, 27-39) — POURQUOI LES DISCIPLES DE JÉSUS NE JEÛNENT PAS (ibid.) — JÉSUS GUÉRIT L’HEMORRHOÏSSE ET RESSUSCITE LA FILLE DE JAÏR (Marc, v, 21-43 ; Luc, viii, 41-56). — IL REND LA VUE À DEUX AVEUGLES ET LA PAROLE À UN MUET — MOISSON ABONDANTE, PEU D’OUVRIERS (Luc, x, 2).


1 Jésus étant monté dans la barque, repassa le lac et vint dans sa ville[131]. Et voilà qu’on lui présenta un paralytique étendu sur un lit. Et Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis[132]. Aussitôt quelques-uns des Scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème. Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : Pourquoi pensez-vous le mal dans vos cœurs ? Lequel est le plus aisé de dire : Vos péchés vous sont remis ; ou de dire : Levez-vous et marchez ? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il au paralytique, prenez votre lit, et vous en allez dans votre maison. Et il se leva, et s’en alla dans sa maison. La multitude voyant ce prodige fut saisie de crainte, et rendit gloire à Dieu qui avait donné une telle puissance aux hommes[133].

9 Étant parti de là, Jésus vit un homme, nommé Matthieu[134], assis à un bureau de péage, et lui dit : Suivez-moi[135]. Et se levant, il le suivit. Or, il arriva que Jésus étant à table dans la maison de Matthieu, un grand nombre de publicains et de pécheurs vinrent s’y asseoir avec lui et ses disciples. Ce que voyant, les Pharisiens disaient à ses disciples[136] : Pourquoi votre maître mange-t-il avec des publicains et des pécheurs. Jésus, entendant cela, leur dit : Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez donc apprendre ce que signifie cette parole : « Je veux la miséricorde, et non le sacrifice[137]. » Car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs[138].

14 Alors les disciples de Jean vinrent le trouver, et lui dirent : Pourquoi, tandis que les Pharisiens et nous, nous jeûnons souvent[139], vos disciples ne jeûnent-ils pas ? Jésus leur répondit : Les amis de l’Époux[140] peuvent-ils s’attrister pendant que l’Époux est avec eux ? Mais viendront des jours où l’Époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. Personne ne met une pièce d’étoffe neuve à un vieux vêtement ; car elle emporte du vêtement tout ce qu’elle recouvre, et la déchirure devient plus grande. On ne met pas non plus de vin nouveau dans des outres vieilles ; autrement, les outres venant à se rompre, le vin se répand et les outres sont perdues. Mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et tous les deux se conservent[141].

18 Comme il leur parlait ainsi, un chef de synagogue[142] s’approcha, et l’adorant, il lui dit : Seigneur, ma fille vient de mourir ; mais venez, imposez votre main sur elle, et elle vivra. Et Jésus se levant, le suivit avec ses disciples. Et voilà qu’une femme, affligée d’un flux de sang depuis douze années, s’approcha par derrière[143], et toucha la houppe de son manteau[144]. Car elle disait en elle-même : Si je touche seulement son vêtement, je serai guérie. Jésus se retourna, et la voyant, il lui dit : Ayez confiance, ma fille, votre foi vous a guérie. Et cette femme fut guérie à l’heure même.

23 Lorsque Jésus fut arrivé à la maison du chef de synagogue, voyant les joueurs de flûte et une foule qui faisait grand bruit[145], il leur dit : Retirez-vous ; car la jeune fille n’est pas morte, mais elle dort[146] ; et ils se riaient de lui. Lorsqu’on eut fait sortir cette foule, il entra ; et il prit la main de la jeune fille, et elle se leva. Et le bruit s’en répandit dans tout le pays.

27 Comme Jésus poursuivait sa route, deux aveugles se mirent à le suivre, en disant à haute voix : Fils de David, ayez pitié de nous. Lorsqu’il fut entré dans la maison, les aveugles s’approchèrent de lui, et Jésus leur dit : Croyez-vous que je puisse faire cela pour vous ? Ils lui dirent : Oui, Seigneur. Alors il toucha leurs yeux en disant : Qu’il vous soit fait selon votre foi. Aussitôt leurs yeux furent ouverts, et Jésus leur dit d’un ton sévère : Prenez garde que personne ne le sache. Mais s’en étant allés, ils répandirent sa renommée dans tout ce pays.

32 Après leur départ, on lui présenta un homme muet, possédé du démon. Et le démon étant chassé, le muet parla[147], et la multitude, saisie d’admiration, disait : On n’a jamais rien vu de semblable en Israël. Les Pharisiens disaient au contraire : C’est par le prince des démons qu’il chasse les démons[148].

35 Et Jésus parcourait toutes les villes et les bourgades, enseignant dans les synagogues, prêchant l’Évangile du royaume, et guérissant toute maladie et toute infirmité. Et voyant cette multitude d’hommes, il fut ému de compassion pour eux, parce qu’ils étaient harassés et abattus[149], comme des brebis sans pasteur. Alors il dit à ses disciples : La moisson est abondante, mais les ouvriers en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson, qu’il envoie des ouvriers à sa moisson[150].


CHAPITRE X


MISSION DES APÔTRES (Marc, iii, 13-19 ; Luc, vi, 13-16) ;
INSTRUCTIONS QUE JÉSUS LEUR DONNE.


1 Ayant assemblé ses douze disciples, Jésus leur donna puissance sur les esprits impurs pour les chasser, et pour guérir toute maladie et toute infirmité. Or voici les noms des douze apôtres[151] : Le premier, Simon, appelé Pierre, et André son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean[152] son frère ; Philippe[153] et Barthélemi[154] ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques[155], fils d’Alphée, et Thaddée[156] ; Simon le Zélé[157], et Judas Iscariote[158], qui le trahit.

5 Jésus envoya ces douze, après leur avoir donné ses instructions[159] : N’allez point, leur dit-il, vers les Gentils, et n’entrez point dans les villes des Samaritains[160] ; mais plutôt allez aux brebis perdues de la maison d’Israël. Partout, dans vos courses, annoncez que le royaume des cieux est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons : vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement[161].

9 Ne prenez ni or, ni argent, ni aucune monnaie dans vos ceintures[162], ni sac pour la route, ni deux tuniques, ni chaussure, ni bâton ; car à l’ouvrier est due sa nourriture. En quelque ville ou village que vous entriez, informez-vous qui en est digne[163], et demeurez chez lui jusqu’à votre départ. En entrant dans sa maison, saluez-la en disant : Paix à cette maison[164]. Et si cette maison en est digne, votre paix viendra sur elle ; si elle n’en est pas digne, votre paix reviendra à vous[165]. Si l’on refuse de vous recevoir et d’écouter votre parole, sortez de cette maison ou de cette ville en secouant la poussière de vos pieds[166]. Je vous le dis en vérité, il y aura moins de rigueur, au jour du jugement, pour la terre de Sodome et de Gomorrhe que pour cette ville.

16 Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme des serpents[167], et simples comme des colombes. Gardez-vous des hommes[168] ; car ils vous traduiront devant leurs tribunaux, et vous flagelleront dans leurs synagogues[169]. Vous serez conduits à cause de moi devant les gouverneurs et les rois, pour être en témoignage à eux et aux Gentils[170]. Lorsqu’on vous livrera, ne pensez ni à la manière dont vous parlerez, ni à ce que vous devrez dire : ce que vous devrez dire vous sera donné à l’heure même. Car ce n’est pas vous qui parlez ; mais c’est l’Esprit de votre Père[171] qui parle en vous. Le frère livrera son frère à la mort, et le père son fils, et les enfants s’élèveront contre leurs parents, et les feront mourir[172]. Et vous serez en haine à tous à cause de mon nom[173] ; mais celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. Lorsqu’on vous poursuivra dans une ville, fuyez dans une autre ; en vérité, je vous le dis, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël, avant que le Fils de l’Homme vienne[174]. Le disciple n’est pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur. Il suffit au disciple d’être comme son maître, et au serviteur comme son seigneur. S’ils ont appelé le père de famille Béelzébub[175], combien plus ses serviteurs ? Ne les craignez donc point. Car rien de caché qui ne doive être révélé, rien de secret qui ne doive être connu[176]. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le au grand jour, et ce qui vous est dit à l’oreille, prêchez-le sur les toits[177].

28. Ne craignez point ceux qui tuent le corps, et ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut précipiter dans la géhenne l’âme et le corps[178]. Deux passereaux ne se vendent-ils pas une obole[179] ? Et il n’en tombe pas un sur la terre, sans que votre Père le permette. Les cheveux même de votre tête sont tous comptés. Ne craignez donc point : vous êtes de plus de prix que plusieurs passereaux. Celui donc qui m’aura confessé devant les hommes, moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux ; et quiconque m’aura renié devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux[180]. Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Car je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, et la bru de sa belle-mère : et l’homme aura pour ennemis les gens de sa propre maison[181]. Celui qui aime son père et sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi. Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi[182]. Celui qui veut sauver sa vie, la perdra ; et celui qui perdra sa vie pour l’amour de moi, la sauvera[183]. Quiconque vous reçoit, me reçoit, et quiconque me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. Quiconque reçoit un prophète en qualité de prophète, recevra la récompense du prophète ; et quiconque reçoit un juste, en qualité de juste, recevra la récompense du juste. Quiconque donnera seulement un verre d’eau froide à boire à l’un de ces plus petits, parce qu’il est de mes disciples, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense[184].


CHAPITRE XI


JÉSUS ET LES ENVOYÉS DE SAINT JEAN-BAPTISTE. — ÉLOGE DU PRÉCURSEUR. — JÉSUS ET JEAN-BAPTISTE REJETÉS PAR LES JUIFS (Luc, vii, 1835). — MALHEUR AUX VILLES IMPÉNITENTES (Luc, 12-10). — HEUREUX CEUX QUI PORTENT LE JOUG DE JÉSUS-CHRIST.


1 Après avoir donné ces instructions à ses disciples, Jésus partit de là pour aller enseigner et prêcher dans les villes de la Galilée.

2 Or, Jean, dans sa prison[185], ayant entendu parler des œuvres de Jésus-Christ, envoya deux de ses disciples lui dire : Êtes-vous celui qui doit venir[186], ou devons-nous en attendre un autre ? Jésus leur répondit : Allez, rapportez à Jean ce que vous avez entendu et vu : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés[187]. Et bienheureux celui qui ne se scandalisera pas de moi[188] !

7 Comme ils s’éloignaient, Jésus se mit à parler de Jean à la foule : Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent[189] ? Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un homme vêtu mollement ? Mais ceux qui se vêtent avec mollesse sont dans les maisons des rois. Et qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète. Car c’est de lui qu’il est écrit : « Voici que j’envoie mon ange devant vous, pour vous précéder et vous préparer la voie[190]. » En vérité, je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste ; mais le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui[191]. Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent le royaume des cieux souffre violence, et les violents le ravissent. Car, jusqu’à Jean, les Prophètes et la Loi ont annoncé des choses futures. Et si vous voulez le comprendre, lui-même est Élie qui doit venir[192]. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

16 Mais à qui comparerai-je cette génération ? Elle ressemble à des enfants assis dans la place et qui crient à leurs compagnons : Nous vous avons chanté des airs joyeux[193], et vous n’avez point dansé ; nous avons chanté des airs lugubres[194], et vous n’avez point frappé votre poitrine. Jean est venu ne mangeant ni ne buvant, et ils disent : Il est possédé du démon. Le Fils de l’homme est venu mangeant et buvant, et ils disent : Voilà un homme de bonne chère et qui aime le vin, ami des publicains et des pécheurs. Et la Sagesse a été justifiée des reproches de ses enfants[195].

20 Alors il commença à reprocher aux villes où il avait opéré le plus grand nombre de ses miracles, de n’avoir pas fait pénitence. Malheur à toi, Corozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïde ! Car si les miracles qui ont été faits au milieu de vous, l’avaient été dans Tyr et dans Sidon, elles eussent depuis longtemps fait pénitence dans le cilice et dans la cendre[196]. Oui, je vous le dis, il y aura, au jour du jugement, moins de rigueur pour Tyr et pour Sidon, que pour vous. Et toi, Capharnaüm, qui t’élèves jusqu’au ciel[197], tu seras abaissée jusqu’aux enfers[198], car si les miracles qui ont été faits dans tes murs, avaient été faits dans Sodome, peut-être serait-elle restée debout jusqu’à ce jour. Oui, je vous le dis, il y aura, au jour du jugement, moins de rigueur pour Sodome que pour vous.

25 En ce même temps, Jésus dit encore : Je vous bénis, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et les avez révélées aux petits[199]. Oui, je vous bénis, mon Père, de ce qu’il vous a plu ainsi. Toutes choses m’ont été données par mon Père[200]. Nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler. Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau[201], et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug[202], et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur[203], et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger.


CHAPITRE XII


ÉPIS CUEILLIS (Marc, ii, 23-27 ; Luc, vi, 1-5) ET GUÉRISON OPÉRÉE LE JOUR DU SABBAT (Marc, iii, 1-5 ; Luc, vi, 6-11). — DOUCEUR DU MESSIE — CE N’EST PAS AU NOM DE BÉELZEBUB QUE JESUS-CHRIST CHASSE LES DÉMONS ; PÉCHÉ CONTRE LE SAINT-ESPRIT (Marc, iii, 22-27 ; Luc, xi, 14-23). — SIGNE DE JONAS (Luc, xi, 29-32). — DÉMON QUI REVIENT (Luc, xi, 24-26). — MÈRE ET FRÈRES DE JÉSUS-CHRIST (Marc, iii, 31-33 ; Luc, viii, 19-21).


1 En ce temps-là[204], Jésus marchait le long des champs de blé un jour de sabbat, et ses disciples ayant faim, se mirent à cueillir des épis et à les manger. Les Pharisiens voyant cela, lui dirent : Voilà que vos disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire le jour du sabbat[205]. Mais il leur dit : N’avez-vous pas lu ce que fit David, lorsqu’il eut faim, et ceux qui étaient avec lui ? Comme il entra dans la maison de Dieu[206] et mangea les pains de proposition[207], qu’il ne lui était pas permis de manger, ni à ceux qui étaient avec lui, mais aux prêtres seuls ? Ou n’avez-vous pas lu dans la Loi qu’au jour du sabbat les prêtres violent le sabbat dans le temple[208] sans commettre de péché ? Or, je vous dis qu’il y a ici quelqu’un plus grand que le temple. Si vous compreniez cette parole : « Je veux la miséricorde, et non le sacrifice[209], » vous n’auriez jamais condamné des innocents. Car le Fils de l’homme est maître même du sabbat[210].

9 Étant parti de ce lieu, il vint dans leur synagogue. Or, il se trouvait là un homme qui avait la main desséchée, et ils demandèrent à Jésus : Est-il permis de guérir le jour du sabbat[211] ? afin d’avoir un prétexte pour l’accuser. Il leur répondit : Quel est celui d’entre vous qui, ayant une brebis, si cette brebis tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne la prenne et ne l’en retire ? Combien l’homme n’est-il pas au-dessus d’une brebis ? Il est donc permis de faire le bien le jour du sabbat. Alors il dit à cet homme : Étendez votre main. Il l’étendit, et elle devint saine comme l’autre.

14 Les Pharisiens, étant sortis, tinrent conseil contre lui sur les moyens de le perdre. Mais Jésus, le sachant, partit de là, et une grande foule le suivit, et il guérit tous leurs malades. Et il leur commanda de ne pas le publier : afin que s’accomplit la parole du prophète Isaïe : « Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé, en qui mon âme s’est complue. Je ferai reposer sur lui mon esprit, et il annoncera la justice aux nations. Il ne disputera point, il ne criera point, et personne n’entendra sa voix dans les places publiques. Il n’achèvera point de rompre le roseau brisé, ni d’éteindre la mèche qui fume encore, jusqu’à ce qu’il fasse triompher la justice[212]. En son nom les nations mettront leur espérance[213]. »

22 On lui présenta alors un possédé aveugle et muet[214], et il le guérit, de sorte que cet homme parlait et voyait. Et tout le peuple, saisi d’étonnement, disait : N’est-ce point là le fils de David[215] ? Mais les Pharisiens, entendant cela, disaient ; Il ne chasse les démons que par Béelzébub, prince des démons. Jésus, qui connaissait leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera détruit, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne pourra subsister. Si Satan chasse Satan, il est divisé contre lui-même : comment donc son royaume subsistera-t-il ? Et si moi je chasse les démons par Béelzébub, par qui vos fils[216] les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Que si c’est par l’esprit de Dieu que je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc venu à vous[217]. Ou bien encore, comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison du fort[218] et enlever ses meubles, si auparavant il ne lie le fort ? Et alors il pillera sa maison. Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe[219]. C’est pourquoi je vous dis : Tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes ; mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. Et quiconque aura parlé contre le Fils de l’homme, il lui sera remis ; mais à celui qui aura parlé contre l’Esprit-Saint[220], il ne sera remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle futur. Ou estimez l’arbre bon, et son fruit bon ; ou estimez l’arbre mauvais, et son fruit mauvais : car c’est par son fruit qu’on connaît l’arbre[221]. Race de vipères, comment, étant mauvais, pourriez-vous dire des choses bonnes ? Car la bouche parle de l’abondance du cœur. L’homme bon tire du bon trésor de son cœur des choses bonnes, et l’homme mauvais, d’un mauvais trésor, tire des choses mauvaises. Je vous dis qu’au jour du jugement les hommes rendront compte de toute parole oiseuse[222] qu’ils auront dite. Car tu seras justifié par tes paroles et condamné par tes paroles[223].

38 Alors quelques-uns des Scribes et des Pharisiens lui dirent : Maître, nous voulons voir un signe de vous. Il leur répondit : Cette race mauvaise et adultère[224] demande un signe, et il ne lui sera donné d’autre signe que celui du prophète Jonas. Car, comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits[225]. Les Ninivites s’élèveront au jour du jugement contre cette race et la condamneront, parce qu’ils firent pénitence à la voix de Jonas, et il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi[226] s’élèvera au jour du jugement contre cette race et la condamnera, parce qu’elle est venue des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et il y a ici plus que Salomon.

43 Lorsque l’esprit impur est sorti d’un homme[227], il va par des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit : Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti. Et, revenant, il la trouve libre, purifiée et ornée[228]. Alors il s’en va prendre sept autres esprits plus méchants que lui, et, entrant dans cette maison, ils y fixent leur demeure, et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. Ainsi en sera-t-il de cette race perverse[229].

46 Comme il parlait encore au peuple, voilà que sa mère et ses frères[230], qui étaient dehors, cherchaient à lui parler. Quelqu’un lui dit : Voici votre mère et vos frères qui sont là dehors, cherchant à vous parler. Mais il répondit à l’homme qui lui disait cela : Qui est ma mère et qui sont mes frères ? Et, étendant la main vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère.


CHAPITRE XIII


LES SEPT PARABOLES : DE LA SEMENCE, DE L’IVRAIE, DU GRAIN DE SÉNEVÉ, DU LEVAIN, DU TRÉSOR CACHÉ, DE LA PERLE, DU FILET. — JÉSUS MÉPRISÉ DANS SA PATRIE.


1 Ce jour-là, Jésus étant sorti de la maison s’assit sur le bord de la mer. Et une grande foule s’étant assemblée près de lui, il monta sur une barque où il s’assit, tandis que la foule se tenait debout sur le rivage ; et il leur dit beaucoup de choses en paraboles.

4 Celui qui sème sortit pour semer. Et pendant qu’il semait, des grains tombèrent le long du chemin, et les oiseaux du ciel vinrent et les mangèrent. D’autres grains tombèrent sur un sol pierreux où il n’y avait pas beaucoup de terre, et ils levèrent aussitôt, parce que la terre[231] était peu profonde. Mais le soleil s’étant levé, la plante, en proie à ses ardeurs et n’ayant point de racine, sécha. D’autres tombèrent parmi les épines, et les épines crûrent et les étouffèrent. D’autres tombèrent dans une bonne terre et produisirent des fruits, les uns cent pour un, les autres soixante, les autres trente. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

10 Alors ses disciples s’approchant lui dirent : Pourquoi leur parlez-vous en paraboles ? Il leur répondit : À vous, il a été donné de comprendre les mystères du royaume des cieux, mais à eux il n’a point été donné[232]. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a[233]. C’est pourquoi je leur parle en paraboles, parce que voyant, ils ne voient point, et, entendant, ils n’entendent ni ne comprennent[234]. En eux s’accomplit la prophétie d’Isaïe : Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point ; vous verrez de vos yeux, et vous ne verrez point. Car le cœur de ce peuple s’est appesanti ; ils ont endurci leurs oreilles et fermé leurs yeux, de peur que[235] leurs yeux ne voient et que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, et que, se convertissant, je ne les guérisse. Pour vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent ! Car, je vous le dis en vérité, beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu ; entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. Vous donc, comprenez la parabole de celui qui sème.

19 Quiconque entend la parole du royaume[236] et ne la comprend pas, le Mauvais[237] vient, et il enlève ce qui a été semé dans son cœur : c’est le chemin qui a reçu la semence. Le terrain pierreux où elle est tombée, c’est celui qui entend la parole et la reçoit aussitôt avec joie : mais il ne la laisse pas prendre racine en lui ; il est inconstant ; dès que survient la tribulation et la persécution à cause de la parole, aussitôt il succombe. Les épines qui ont reçu la semence, c’est celui qui entend la parole ; mais les sollicitudes du siècle et l’illusion des richesses étouffent la parole, et elle ne porte point de fruits. Mais la bonne terre qui a reçu la semence, c’est celui qui entend la parole, la comprend et porte du fruit, produisant l’un cent, l’autre soixante, et l’autre trente[238].

24 Il leur proposa une autre parabole, en disant : Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bon grain dans son champ. Mais pendant que cet homme dormait, son ennemi vint et sema de l’ivraie au milieu du froment, et s’en alla. Quand l’herbe eut poussé son fruit, alors apparut aussi l’ivraie. Et les serviteurs du père de famille vinrent lui dire : Seigneur, n’avez-vous pas semé de bon grain dans votre champ ? D’où vient donc qu’il s’y trouve de l’ivraie ? Il leur répondit : C’est l’homme ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui dirent : Voulez-vous que nous allions l’arracher ? Il répondit : Non, de peur qu’avec l’ivraie vous n’arrachiez aussi le froment. Laissez croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson, et au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Cueillez d’abord l’ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler[239], et amassez le froment dans mon grenier.

31 Il leur proposa une autre parabole, en disant : Le royaume des cieux est semblable à un grain de senevé, qu’un homme prit et sema dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences ; mais, lorsqu’elle a crû, elle est plus grande que toutes les plantes, et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses rameaux.

33 Il leur dit encore cette parabole : Le royaume des cieux est semblable au levain qu’une femme prend et mêle dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que le tout ait fermenté[240].

34 Jésus dit toutes ces choses en paraboles au peuple, et il ne parlait qu’en paraboles, afin que s’accomplît la parole du prophète : « J’ouvrirai ma bouche en paraboles, et je révélerai des choses cachées depuis la création du monde[241]. »

36 Puis, ayant renvoyé le peuple, il revint dans la maison, et ses disciples s’approchant lui dirent : Expliquez-nous la parabole de l’ivraie semée dans le champ. Il leur répondit : Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme. Le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les enfants du royaume[242] ; l’ivraie, les enfants du Malin. L’ennemi qui l’a semée, c’est le monde ; la moisson, la consommation du siècle[243], et les moissonneurs, les anges. Comme donc on cueille l’ivraie et qu’on la brûle dans le feu : ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son royaume tous les scandales[244], et ceux qui commettent l’iniquité. Et ils les jetteront dans la fournaise ardente : là seront les pleurs et le grincement des dents. Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

44 Le royaume des cieux est semblable à un trésor enfoui dans un champ ; un homme le trouve et le cache, et, dans sa joie, il s’en va, vend tout ce qu’il a, et achète ce champ[245].

45 Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherchait de bonnes perles. Ayant trouvé une perle de grand prix, il s’en alla, vendit tout ce qu’il avait, et l’acheta.

47 Le royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté dans la mer et recueillant des poissons de toutes sortes[246]. Lorsqu’il est rempli, les pêcheurs le retirent, et, assis près du rivage, ils choisissent les bons pour les mettre dans des jarres, et rejettent les mauvais. Il en sera de même à la fin du monde : les anges viendront et sépareront les méchants d’avec les justes, et ils les jetteront dans la fournaise ardente : là seront les pleurs et le grincement des dents. Avez-vous compris toutes ces choses ? Ils lui dirent : Oui, Seigneur. Et il ajouta : C’est pourquoi tout Scribe instruit de ce qui touche le royaume des cieux, est semblable au père de famille qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes[247].

53 Après que Jésus eut achevé ces paraboles, il partit de là. Et venant en son pays[248], il les instruisait dans leurs synagogues ; de sorte que, saisis d’étonnement, ils disaient : D’où lui vient cette sagesse et cette puissance ? N’est-ce pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères[249] Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? D’où lui viennent donc toutes ces choses ? Et ils se scandalisaient de lui. Mais Jésus leur dit : Un prophète n’est sans honneur que dans sa patrie et dans sa maison. Et il ne fit pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité[250].


CHAPITRE XIV


DÉCOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE (Marc, vi, 14-29 ; Luc, ix, 7-9). — PREMIÈRE MULTIPLICATION DES PAINS (Marc, vi, 30-44 ; Luc, ix, 10-17 ; Jean, vi, 1-15). — JÉSUS ET SAINT PIERRE MARCHENT SUR LES EAUX (Marc, vi, 45-52 ; Jean, vi, 16-21). — L’ATTOUCHEMENT DES VÊTEMENTS DE JÉSUS GUÉRIT LES MALADES (Marc, vi, 53-56).


1 En ce temps-là, Hérode le Tétrarque apprit ce qui se publiait de Jésus[251]. Et il dit à ses serviteurs : C’est Jean-Baptiste qui est ressuscité des morts : voilà pourquoi il fait des miracles.

3 Car Hérode, s’étant saisi de Jean, l’avait chargé de chaînes et jeté en prison, à cause d’Hérodiade, femme de son frère[252], parce que Jean lui disait : Il ne vous est pas permis de l’avoir pour femme. Volontiers il l’eût fait mourir, mais il craignait le peuple, qui regardait Jean comme un prophète. Or, au jour de la naissance d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa devant les convives et plut à Hérode, de sorte qu’il promit avec serment de lui donner tout ce qu’elle lui demanderait. Elle, instruite d’avance par sa mère : Donnez-moi, dit-elle, ici dans un plateau[253], la tête de Jean-Baptiste. Le roi fut contristé ; mais, à cause de son serment et de ceux qui étaient à table avec lui, il commanda qu’on la lui donnât, et il envoya décapiter Jean dans sa prison[254]. Et sa tête, apportée dans un bassin, fut donnée à la jeune fille, qui la porta à sa mère. Alors ses disciples vinrent prendre son corps et lui donnèrent la sépulture, puis ils allèrent en porter la nouvelle à Jésus. Jésus l’ayant appris, partit de là dans une barque pour se retirer à l’écart dans un lieu désert[255] ; mais le peuple le sut, et le suivit à pied des villes voisines.

14 Et sortant de sa retraite[256], il vit une grande foule, et il en eut compassion, et il guérit leurs malades. Sur le soir, ses disciples s’approchèrent de lui en disant : Ce lieu est désert, et déjà l’heure est avancée ; renvoyez le peuple, afin qu’ils aillent dans les villages acheter de quoi manger. Mais Jésus leur dit : Il n’est pas nécessaire qu’ils y aillent ; donnez-leur vous-mêmes manger. Ils lui répondirent : Nous n’avons ici que cinq pains et deux poissons. Il leur dit : Apportez-les-moi ici. Et après avoir commandé au peuple de s’asseoir sur l’herbe, il prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il les bénit ; puis, rompant les pains, il les donna à ses disciples, et ses disciples au peuple[257]. Tous mangèrent et furent rassasiés, et on emporta douze corbeilles pleines des morceaux qui restèrent. Or, le nombre de ceux qui mangèrent fut de cinq mille hommes[258], sans compter les femmes et les enfants.

22 Aussitôt Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à passer avant lui sur le bord opposé du lac, tandis qu’il renverrait la foule. Après qu’il l’eut renvoyée, il monta seul sur la montagne pour prier[259] ; et, le soir étant venu, il était là seul. Cependant la barque était agitée par les flots au milieu de la mer, car le vent était contraire. Mais à la quatrième veille de la nuit[260], Jésus vint à eux, marchant sur la mer. Le voyant marcher sur la mer, ils furent troublés, et dirent : C’est un fantôme, et ils poussèrent des cris de frayeur. Aussitôt Jésus leur parla, disant : Ayez confiance, c’est moi, ne craignez point. Pierre prenant la parole : Seigneur, dit-il, si c’est vous, ordonnez-moi d’aller à vous sur les eaux. Il lui dit : Viens ; et Pierre, descendant de la barque, marchait sur les eaux pour aller à Jésus. Mais voyant la violence du vent, il eut peur, et comme il commençait à enfoncer, il s’écria : Seigneur, sauvez-moi ! À l’instant, Jésus étendant la main le saisit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Et lorsqu’ils furent montés dans la barque, le vent s’apaisa. Alors ceux qui étaient dans la barque, s’approchant de lui, l’adorèrent en disant : Vous êtes vraiment le Fils de Dieu.

34 Ayant traversé le lac, ils abordèrent à la terre de Génésareth. Et les habitants de ce pays l’ayant reconnu, envoyèrent des messagers dans la contrée et lui présentèrent tous les malades. Et ils le priaient de leur laisser seulement toucher la houppe de son manteau, et tous ceux qui la touchèrent furent guéris.


CHAPITRE XV


FAUSSES MAXIMES DES PHARISIENS (Marc, vii, 1-23). — LA CHANANÉENNE (Marc, vii, 24-30). — DEUXIÈME MULTIPLICATION DES PAINS (Marc, viii, 1-9).


1 Alors les Scribes et les Pharisiens vinrent de Jérusalem trouver Jésus, et lui dirent : Pourquoi vos disciples transgressent-ils la tradition des Anciens ? Car ils ne lavent pas leurs mains lorsqu’ils prennent leur repas[261]. Il leur répondit : Et vous, pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu pour votre tradition ? Car Dieu a dit : « Honore ton père et ta mère ; » et : « Quiconque maudira son père ou sa mère, qu’il soit puni de mort[262]. » Mais vous, vous dites : Quiconque dit à son père ou à sa mère[263] : « Toute offrande que je fais à Dieu vous profite ! » il n’est pas besoin qu’il honore autrement son père ou sa mère[264], — anéantissant ainsi le commandement de Dieu pour votre tradition. Hypocrites, Isaïe a bien prophétisé de vous quand il a dit : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Vain est le culte qu’ils me rendent, enseignant des maximes et des ordonnances humaines[265]. »

10 Puis, ayant fait approcher la foule, il leur dit : Écoutez et comprenez. Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui souille l’homme[266]. Alors ses disciples venant à lui, lui dirent : Savez-vous que les Pharisiens, entendant cette parole, se sont scandalisés ? Mais il leur répondit : Toute plante[267] que n’a point plantée mon Père céleste, sera arrachée. Laissez-les ; ce sont des aveugles, conducteurs d’aveugles. Or, si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse. Pierre, prenant la parole, lui dit : Expliquez-nous cette parabole[268]. Jésus répondit : Êtes-vous encore, vous aussi, sans intelligence ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche va au ventre, et est rejeté au lieu secret ? Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur, et c’est là ce qui souille l’homme. Car du cœur sortent les mauvaises pensées, les homicides, les adultères, les fornications, les vols, les faux témoignages, les blasphèmes[269]. Voilà ce qui souille l’homme ; mais manger sans avoir lavé ses mains, ne souille point l’homme.

21 Jésus, étant parti de ce lieu, se retira du côté de Tyr et de Sidon. Et voilà qu’une femme chananéenne[270], qui venait de ces contrées, se mit à crier à haute voix : Ayez pitié de moi[271], Seigneur, fils de David ; ma fille est cruellement tourmentée du démon. Jésus ne lui répondit pas un mot. Alors ses disciples, s’étant approchés, le prièrent en disant : Renvoyez-la[272], car elle nous poursuit de ses cris. Il répondit : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël[273]. Elle, cependant, s’approcha de lui et l’adora en disant : Seigneur, secourez-moi. Il répondit : Il n’est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens[274]. Il est vrai, Seigneur, dit-elle ; mais les petits chiens mangent au moins des miettes qui tombent de la table de leur maître. Alors Jésus lui répondit : Ô femme, votre foi est grande : qu’il vous soit fait selon votre désir ; et sa fille fut guérie à l’heure même.

29 Partant de là, Jésus vint près de la mer de Galilée, et, étant monté sur une montagne, il s’y assit. Et de grandes troupes de gens s’approchèrent de lui, ayant avec eux des muets, des aveugles, des boiteux, des estropiés et beaucoup d’autres malades ; et ils les mirent à ses pieds, et il les guérit. De sorte que la multitude était dans l’admiration, en voyant les muets parler, les boiteux marcher, les aveugles voir, et elle glorifiait le Dieu d’Israël.

32 Cependant Jésus, ayant appelé ses disciples, leur dit : J’ai compassion de cette foule ; car voilà déjà trois jours qu’ils restent près de moi, et ils n’ont pas de quoi manger. Je ne veux pas les renvoyer sans nourriture, de peur que les forces ne leur manquent en chemin. Ses disciples lui répondirent : Où trouver dans le désert assez de pain pour rassasier une si grande foule ? Jésus leur dit : Combien avez-vous de pains ? Sept, lui dirent-ils, et quelques petits poissons. Alors il commanda à la multitude de s’asseoir sur la terre, prit les sept pains et les poissons, et, rendant grâces, il les rompit et les donna à ses disciples, et ses disciples les distribuèrent au peuple. Tous mangèrent et furent rassasiés, et, des morceaux qui étaient restés, ils remportèrent sept corbeilles pleines. Or, ceux qui mangèrent étaient au nombre de quatre mille, sans les femmes et les enfants. Ayant ensuite renvoyé le peuple, Jésus monta dans une barque, et vint dans le pays de Magédan[275].


CHAPITRE XVI


UN SIGNE DU CIEL (Marc, viii, 11-12. — LEVAIN DES PHARISIENS (Marc, viii, 13-20). — CONFESSION ET PRIMAUTÉ DE SAINT PIERRE (Marc, viii, 27-38 ; Luc, ix, 18-27). — JÉSUS PRÉDIT SA PASSION, SA MORT ET SA RÉSURRECTION (Ibid.).


1 Les Pharisiens et les Sadducéens vinrent trouver Jésus pour le tenter, et ils le prièrent de leur faire voir un signe du ciel. Mais il leur répondit : Le soir vous dites : Il fera beau, car le ciel est rouge ; et le matin : Il y aura aujourd’hui de l’orage, car le ciel est d’un rouge sombre. Vous savez[276] donc discerner les aspects du ciel, et vous ne savez pas reconnaître les signes des temps ? Une race méchante et adultère demande un signe, et il ne lui sera pas donné d’autre signe que celui du prophète Jonas[277]. Et, les laissant, il s’en alla.

5 En passant de l’autre côté du lac, ses disciples oublièrent de prendre des pains. Et il leur dit : Gardez-vous avec soin du levain des Pharisiens et des Sadducéens. Et ils pensaient et disaient en eux-mêmes : Nous n’avons pas pris de pain. Mais Jésus, qui voyait leur pensée, leur dit : Hommes de peu de foi, pourquoi vous entretenez-vous de ce que vous n’avez point de pains ? Ne comprenez-vous pas encore, et ne vous souvenez-vous pas des cinq pains distribués à cinq mille hommes, et combien de paniers vous avez remportés ? Ni des sept pains distribués à quatre mille hommes, et combien de corbeilles vous avez remportées ? Comment ne comprenez-vous point que je ne parlais pas de pain quand je vous ai dit : Gardez-vous du levain des Pharisiens et des Sadducéens ? Alors ils comprirent qu’il n’avait pas dit de se garder du levain qu’on met dans le pain, mais de la doctrine des Pharisiens et des Sadducéens.

13 Jésus étant venu aux environs de Césarée de Philippe[278], interrogeait ses disciples, disant : Qui dit-on qu’est le Fils de l’homme ? Ils lui répondirent : Les uns disent que c’est Jean-Baptiste, d’autres Élie, d’autres Jérémie ou quelqu’un des Prophètes[279]. Et vous, leur demanda Jésus, qui dites-vous que je suis ? Simon-Pierre, prenant la parole, dit : Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant[280]. Jésus lui répondit : Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux[281]. Et moi je te dis que tu es Pierre[282], et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle[283]. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aussi dans les cieux[284]. En même temps, il défendit à ses disciples de dire à personne qu’il était Jésus le Christ[285].

21 Jésus commença dès lors à découvrir à ses disciples qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem, qu’il y souffrît beaucoup de la part des Anciens, des Scribes et des Princes des Prêtres, qu’il fût mis à mort et qu’il ressuscitât le troisième jour. Pierre, le prenant à part, commença à le reprendre, en disant : À Dieu ne plaise, Seigneur ! cela ne vous arrivera point[286]. Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre : Retire-toi de moi, Satan[287], tu m’es à scandale ; car tu ne goûtes pas les choses de Dieu, mais celles des hommes.

24 Alors Jésus dit à ses disciples[288] : Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à soi-même, qu’il prenne sa croix et me suive. Car celui qui voudra conserver sa vie, la perdra ; et celui qui perdra sa vie pour l’amour de moi, la trouvera. Et que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il vient à se perdre soi-même ? Et que donnera l’homme en échange de soi-même[289] ? Car le Fils de l’homme viendra dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. En vérité, je vous le dis, plusieurs sont ici présents, qui ne goûteront point la mort, qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venant dans l’éclat de son règne[290].


CHAPITRE XVII


TRANSFIGURATION (Marc, ix, 2-13 ; Luc, ix, 28-36). — GUÉRISON D’UN ENFANT LUNATIQUE (Marc, ix, 14-29 ; Luc, ix, 37-43). — JÉSUS PAYE LE TRIBUT.


1 Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, son frère, et les conduisit sur une haute montagne[291] en un lieu écarté. Et il fut transfiguré devant eux : sa face resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la neige[292]. Et voilà que Moïse et Élie leur apparurent conversant avec lui[293]. Prenant la parole, Pierre dit à Jésus : Seigneur, il nous est bon d’être ici ; si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et une pour Élie. Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les[294] couvrit, et, du sein de la nuée, une voix se fit entendre, disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances : écoutez-le. En entendant cette voix, les disciples tombèrent la face contre terre, et furent saisis d’une grande frayeur. Mais Jésus, venant à eux, les toucha ; et leur dit : Levez-vous et ne craignez point. Alors, levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus seul. Et, comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur fit ce commandement : Ne parlez à personne de cette vision, jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts[295].

10 Ses disciples l’interrogèrent alors, et lui dirent : Pourquoi donc les Scribes disent-ils qu’il faut qu’Élie vienne auparavant[296] ? Il leur répondit : Élie doit venir en effet, et rétablir toutes choses[297]. Mais, je vous le dis, Élie est déjà venu, et ils ne l’ont pas connu, mais ils lui ont fait souffrir tout ce qu’ils ont voulu[298] : ainsi le Fils de l’homme sera traité par eux. Alors les disciples comprirent qu’il leur avait parlé de Jean-Baptiste.

14 Jésus étant retourné vers le peuple, un homme s’approcha de lui, et, tombant à genoux devant lui, il lui dit : Seigneur, ayez pitié de mon fils qui est lunatique[299] et souffre cruellement ; car il se jette[300] souvent dans le feu et souvent dans l’eau. Je l’ai présenté à vos disciples, et ils n’ont pu le guérir. Jésus répondit : race incrédule et perverse, jusques à quand serai-je avec vous ? Jusques à quand vous souffrirai-je[301] ? Amenez-le-moi ici. Et Jésus commanda au démon avec empire, et le démon sortit de l’enfant qui fut guéri à l’heure même. Alors les disciples vinrent trouver Jésus en particulier, et lui dirent : Pourquoi n’avons-nous pas pu le chasser ? Jésus leur dit : À cause de votre incrédulité. Car, en vérité, je vous le dis, si vous avez de la foi comme un grain de sénevé[302], vous direz à cette montagne : Passe d’ici là, et elle se mettra en mouvement[303], et rien ne vous sera impossible. Mais ce genre de démon n’est chassé que par la prière et le jeûne[304].

21 Comme ils étaient en Galilée, Jésus leur dit : Le Fils de l’homme doit être livré entre les mains des hommes, et ils le mettront à mort, et il ressuscitera le troisième jour ; et ils en furent attristés profondément.

23 Lorsqu’ils furent de retour à Capharnaüm, ceux qui recueillaient le didrachme s’approchèrent de Pierre[305] et lui dirent : Votre Maître ne paye-t-il pas le didrachme[306] ? Il le paye, dit Pierre. Et comme ils entraient dans la maison, Jésus, le prévenant, lui dit : Que t’en semble, Simon, de qui les rois de la terre reçoivent-ils le tribut[307] ou le cens[308] ? De leurs enfants, ou des étrangers ? Pierre répondit : Des étrangers. Les enfants, lui dit Jésus, sont donc libres[309]. Néanmoins, pour ne pas les scandaliser, va à la mer, jette l’hameçon, et le premier poisson qui montera, tire-le sur le rivage ; puis, ouvrant sa bouche, tu y trouveras un statère[310], que tu prendras et donneras pour moi et pour toi.


CHAPITRE XVIII


SE FAIRE PETIT ENFANT (Marc, ix, 33-37 ; Luc, ix, 46-48). — ÉVITER LE SCANDALE (Marc, ix, 42-48 ; Luc, xvii, 1-2). — BREBIS ÉGARÉE (Luc, xv, 4-7). — CORRECTION FRATERNELLE (Luc, xvii, 4). AVANTAGE DE LA CONCORDE. — PARDON DES INJURES, PARABOLE DU CRÉANCIER ET DU DÉBITEUR.


1 En ce même temps, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : Quel est le plus grand dans le royaume des cieux[311] ? Jésus, faisant venir un petit enfant, le plaça au milieu d’eux et leur dit : En vérité, je vous le dis, si vous ne changez et ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. Celui donc qui s’abaisse comme cet enfant est le plus grand dans le royaume des cieux. Et celui qui reçoit en mon nom un enfant tel que celui-ci[312], c’est moi qu’il reçoit. Mais celui qui scandalise[313] un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui attachât au cou la meule qu’un âne tourne[314], et qu’on le précipitât au fond de la mer.

7 Malheur au monde à cause des scandales[315] ! car il est nécessaire qu’il arrive des scandales ; mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! Que si votre main[316] ou votre pied vous scandalise, coupez-le et le jetez loin de vous : il vaut mieux pour vous entrer dans la vie mutilé ou boiteux, que d’être jeté, ayant deux pieds ou deux mains, dans le feu éternel. Et si votre œil vous scandalise, arrachez-le et le jetez loin de vous : il vaut mieux pour vous entrer dans la vie avec un seul œil, que d’être jeté, ayant deux yeux, dans la géhenne du feu.

10 Prenez garde de mépriser[317] aucun de ces petits, car je vous dis que leurs anges dans le ciel voient sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux[318]. Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui avait péri[319]. Que vous en semble, si un homme a cent brebis, et qu’une d’elles s’égare, ne laisse-t-il pas dans la montagne les quatre-vingt-dix-neuf pour aller chercher celle qui s’est égarée[320] ? Et, s’il arrive qu’il la trouve, en vérité, je vous le dis, il a plus de joie pour elle que pour les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. Ainsi votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu’il se perde un seul de ces petits.

15 Que si votre frère a péché contre vous[321], allez, reprenez-le entre vous et lui seul ; s’il vous écoute, vous aurez gagné votre frère. S’il ne vous écoute pas, prenez encore avec vous une ou deux personnes, afin que toute cause se décide en présence de deux ou trois témoins[322]. S’il ne les écoute pas, dites-le à l’Église[323] ; et s’il n’écoute pas l’Église, qu’il vous soit comme un païen et un publicain[324]. En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié aussi dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans le ciel. Je vous le dis encore[325], si deux d’entre vous s’accordent sur la terre, quelque chose qu’ils demandent, ils l’obtiendront de mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.

21 Alors Pierre s’approchant de lui : Seigneur, dit-il, si mon frère pèche contre moi, combien de fois lui pardonnerai-je ? Jusqu’à sept fois ? Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante fois sept fois[326].

23 C’est pourquoi le royaume des cieux est comparé à un roi[327] qui voulut faire rendre compte à ses serviteurs. Lorsqu’il eut commencé à le faire, on lui en présenta un qui lui devait dix mille talents[328]. Et, comme il n’avait pas de quoi les rendre, son maître ordonna qu’on le vendît avec sa femme, ses enfants et tout ce qu’il avait, pour payer sa dette. Le serviteur, se jetant à ses pieds, le conjurait en disant : Prenez patience, et je vous rendrai tout. Touché de compassion, le maître de ce serviteur le renvoya et lui remit sa dette. Mais le serviteur à peine sorti trouva un de ses compagnons qui lui devait cent deniers[329], et, le saisissant à la gorge, il l’étouffait en disant : Rends ce que tu dois. Son compagnon, se jetant à ses pieds, le conjurait en disant : Prenez patience, et je vous rendrai tout. Mais lui, sans vouloir l’entendre, s’en alla et le fit mettre en prison jusqu’à ce qu’il payât sa dette. Ce que voyant les autres serviteurs, ils en eurent une grande tristesse, et ils vinrent raconter à leur maître tout ce qui s’était fait. Alors le maître l’appela et lui dit : Serviteur méchant, je vous ai remis toute votre dette, parce que vous m’en avez prié. Ne deviez-vous pas avoir pitié de votre compagnon, comme j’ai eu pitié de vous ? Et son maître irrité le livra aux exécuteurs jusqu’à ce qu’il payât toute sa dette. Ainsi vous traitera mon Père céleste, si chacun de vous ne pardonne à son frère du fond du cœur.


CHAPITRE XIX


INDISSOLUBILITÉ DU MARIAGE ; VIRGINITÉ (Marc, x, 1-12). — PETITS ENFANTS BÉNIS (ibid). — LE JEUNE HOMME QUI ASPIRE À LA PERFECTION ; DANGER DES RICHESSES ; RÉCOMPENSE DE LA PAUVRETÉ VOLONTAIRE (Marc, x, 17-31 ; Luc, xviii, 18-30).


1 Jésus, ayant achevé ce discours, partit de la Galilée, et vint aux confins de la Judée, par le pays

situé au delà du Jourdain[330]. Et une grande multitude le suivit, et il les guérit[331]. Alors les Pharisiens s’approchèrent de lui pour le tenter, et ils lui dirent : Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme pour quelque cause que ce soit[332] ? Il leur répondit : N’avez-vous pas lu que celui qui créa l’homme au commencement, le fit mâle et femelle[333], et qu’il dit : « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair[334]. » Ainsi ils ne seront plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu donc a uni, que l’homme ne le sépare point[335]. Ils lui dirent : Pourquoi donc Moïse a-t-il réglé qu’on la renvoyât en lui donnant un acte de répudiation ? Il leur répondit : C’est à cause de la dureté de vos cœurs que Moïse vous a permis de renvoyer vos femmes : au commencement, il n’en fut pas ainsi. Mais je vous le dis, quiconque renvoie sa femme, hors le cas d’adultère, et en épouse une autre, commet un adultère ; et celui qui épouse une femme renvoyée, se rend adultère[336].

10 Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de l’homme à l’égard de sa femme, il n’est pas bon de se marier. Il leur dit : Tous ne comprennent pas cette parole[337], mais seulement ceux à qui il a été donné. Car il y a des eunuques nés tels dès le sein de leur mère ; il y a des eunuques qui le sont devenus par la main des hommes ; et il y a des eunuques qui volontairement se sont rendus ainsi pour le royaume des cieux[338]. Que celui qui peut comprendre, comprenne.

13 Alors on lui présenta des petits enfants pour qu’il leur imposât les mains en priant. Et comme les disciples les[339] repoussaient, Jésus leur dit : Laissez ces enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux appartient à ceux qui leur ressemblent. Et, leur ayant imposé les mains, il partit de là[340].

16 Et voici qu’un jeune homme, l’abordant, lui dit : Bon Maître[341], quel bien dois-je faire pour acquérir la vie éternelle ? Jésus lui répondit : Pourquoi m’interrogez-vous en m’appelant bon[342] ? Dieu seul est bon. Que si vous voulez entrer dans la vie, gardez les commandements. Lesquels ? dit-il. Jésus lui répondit : « Tu ne tueras point ; tu ne commettras point d’adultère ; tu ne déroberas point ; tu ne rendras point de faux témoignage. Honore ton père et ta mère, et aime ton prochain comme toi-même[343]. » Le jeune homme lui dit : J’ai gardé tous ces commandements depuis mon enfance ; que me manque-t-il encore ? Jésus lui dit : Si vous voulez être parfait, allez, vendez ce que vous avez, et le donnez aux pauvres[344], et vous aurez un trésor dans le ciel ; puis venez et suivez-moi. Lorsqu’il eut entendu cette parole, le jeune homme s’en alla triste, car il avait de grands biens.

23 Et Jésus dit à ses disciples : En vérité, je vous le dis, difficilement un riche entrera dans le royaume des cieux. Je vous le dis encore une fois : un chameau passera plus facilement par le trou d’une aiguille[345], qu’un riche n’entrera dans le royaume des cieux. En entendant ces paroles, les disciples étaient fort étonnés, et ils disaient : Qui pourra donc être sauvé ? Jésus, les regardant, leur dit : Cela est impossible aux hommes ; mais tout est possible à Dieu[346].

27 Alors Pierre, prenant la parole : Voici, dit-il, que nous avons tout quitté pour vous suivre ; quelle sera notre récompense ? Jésus leur répondit : Je vous le dis en vérité, vous qui m’avez suivi, lorsqu’au jour de la régénération[347] le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous siégerez aussi sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël[348]. Et quiconque aura laissé sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses champs à cause de mon nom, il recevra le centuple et possédera la vie éternelle[349]. Mais plusieurs qui avaient été les premiers[350] seront les derniers[351], et plusieurs qui étaient les derniers seront les premiers.


CHAPITRE XX


PARABOLE DES OUVRIERS. — PASSION PRÉDITE (Marc, X, 32-34). — AMBITION DES FILS DE ZÉBÉDÉE (Marc, x, 33-45). — GUÉRISON DE DEUX AVEUGLES AU SORTIR DE JERICHO (Marc, x, 46-52).


1 Le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sortit de grand matin, afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Or, étant convenu avec les ouvriers d’un denier[352] par jour, il les envoya à sa vigne. Vers la troisième heure[353] il sortit de nouveau, et en vit d’autres qui se tenaient oisifs sur la place publique. Il leur dit : Allez, vous aussi, à ma vigne, et ce qui sera juste, je vous le donnerai ; et ils y allèrent. Il sortit encore vers la sixième et vers la neuvième heure, et fit la même chose. Enfin, étant sorti vers la onzième heure, il en trouva d’autres qui étaient là oisifs, et il leur dit : Pourquoi êtes-vous ici tout le jour sans rien faire ? Ils répondirent : Parce que personne ne nous a loués. Il leur dit : Allez, vous aussi, à ma vigne. Le soir étant venu, le maître de la vigne dit à son intendant : Appelez les ouvriers et payez-les, en commençant par les derniers jusqu’aux premiers. Ceux donc qui étaient venus vers la onzième heure s’étant présentés, reçurent chacun un denier. Les premiers, venant ensuite, pensaient qu’ils recevraient davantage ; mais ils reçurent aussi chacun un denier. Et, en le recevant, ils murmuraient contre le père de famille, en disant : Ces derniers ont travaillé une heure, et vous les faites égaux à nous, qui avons porté le poids du jour et de la chaleur. Mais, s’adressant à l’un d’eux, le maître répondit : Mon ami, je ne vous fais point d’injustice : n’êtes-vous pas convenu avec moi d’un denier ? Prenez ce qui est à vous, et vous en allez. Je veux donner à ce dernier autant qu’à vous. Est-ce qu’il ne m’est pas permis de faire ce que je veux[354] ? et votre œil est-il mauvais parce que je suis bon[355] ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers, les derniers ; car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus[356].

17 Or Jésus, montant à Jérusalem, prit à part ses douze disciples et leur dit : Voilà que nous montons à Jérusalem[357], et le Fils de l’homme sera livré aux Princes des prêtres et aux Scribes, qui le condamneront à mort, et le livreront aux Gentils pour être moqué, flagellé et crucifié ; et il ressuscitera le troisième jour.

20 Alors la mère des fils de Zébédée[358] s’approcha de Jésus avec ses fils, et se prosterna devant lui pour lui demander quelque chose. Il lui dit : Que voulez-vous ? Elle répondit : Ordonnez que mes deux fils, que voici, soient assis l’un à votre droite, l’autre à votre gauche, dans votre royaume[359]. Jésus leur dit[360] : Vous ne savez ce que vous demandez. Pouvez-vous boire le calice que je dois boire ? Nous le pouvons, lui dirent-ils. Il leur répondit : Vous boirez en effet mon calice ; mais d’être assis à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; ce sera le partage de ceux à qui mon Père l’a réservé. Entendant cela, les dix autres furent indignés contre les deux frères. Mais Jésus, les ayant fait venir près de lui, leur dit : Vous savez que les princes des nations leur commandent en maîtres, et que les grands exercent sur elles l’empire. Il n’en sera pas ainsi parmi vous ; mais quiconque, parmi vous, voudra devenir le plus grand, qu’il se fasse votre serviteur[361], et quiconque, parmi vous, voudra être le premier, qu’il se fasse votre esclave, comme le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour la rédemption d’un grand nombre[362].

29 Comme ils sortaient de Jéricho, une grande foule le suivit. Et voilà que deux aveugles, qui étaient assis sur le bord du chemin, entendant dire que Jésus passait, s’écrièrent : Seigneur, fils de David[363], ayez pitié de nous. Et la foule les gourmandait pour les faire taire ; mais ils n’en criaient que plus haut encore : Seigneur, fils de David, ayez pitié de nous. Jésus, s’arrêtant, les appela et dit : Que voulez-vous que je vous fasse ? Seigneur, lui dirent-ils, que nos yeux soient ouverts. Ému de compassion pour eux, Jésus toucha leurs yeux, et aussitôt ils recouvrèrent la vue et le suivirent[364].


CHAPITRE XXI


ENTRÉE DE JÉSUS-CHRIST DANS JÉRUSALEM (Marc, xi, 1-20 ; Luc, xix, 29-46 ; Jean, xii, 12-15). — VENDEURS CHASSÉS DU TEMPLE. — ACCLAMATIONS DES ENFANTS (ibid). — FIGUIER DESSECHÉ ; PUISSANCE DE LA FOI (Marc, xi, 12-14, 20-24). — PARABOLE DES DEUX FILS ENVOYÉS À LA VIGNE (Marc, xi, 27-33 ; Luc, xx, 1-8) ; DES VIGNERONS HOMICIDES ET DE LA PIERRE ANGULAIRE (Marc, xii, 1-13 ; Luc, xx, 9-19).


1 Lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem et furent venus à Bethphagé[365], près de la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux de ses disciples, en leur disant : Allez au village qui est devant vous[366], et vous y trouverez tout d’abord[367] une ânesse attachée et son ânon avec elle ; détachez-les, et me les amenez. Et si quelqu’un vous dit quelque chose, dites-lui que le Maître en a besoin, et aussitôt il les laissera aller. Or tout cela fut fait, afin que s’accomplit cette parole du prophète : « Dites à la fille de Sion[368] : « Voici que votre roi vient à vous plein de douceur, assis sur une ânesse et sur l’ânon[369] de celle qui porte le joug. » Les disciples s’en allèrent et firent ce que Jésus leur avait commandé. Ils amenèrent l’ânesse et l’ànon, mirent dessus[370] leurs vêtements, et l’y firent asseoir. Le peuple en foule étendit ses vêtements le long de la route ; d’autres coupaient des branches d’arbres et en jonchaient le chemin[371]. Et toute cette multitude, ceux qui précédaient et ceux qui suivaient, criaient : Hosanna[372] au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux[373] ! Lorsqu’il fut entré dans Jérusalem, toute la ville fut émue ; on demandait : Qui est celui-ci ? Et le peuple répondait : C’est Jésus le Prophète, de Nazareth en Galilée.

12 Jésus étant entré dans le temple de Dieu, chassa tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple, renversant les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient des colombes[374] ; et il leur dit : est écrit : « Ma maison sera appelée une maison de prières, et vous en avez fait une caverne de voleurs[375]. »

14 Alors des aveugles et des boiteux vinrent à lui dans le temple, et il les guérit. Mais les Princes des prêtres et les Scribes, voyant les merveilles qu’il faisait, et les enfants qui criaient dans le temple : Hosanna au Fils de David, s’indignèrent, et ils lui dirent : Entendez-vous ce qu’ils disent ? Jésus leur répondit : Oui, n’avez-vous jamais lu : « De la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle, vous avez tiré une louange parfaite[376] ? » Et les ayant quittés, il sortit de la ville, et s’en alla à Béthanie, où il passa la nuit[377].

18 Le lendemain matin, comme il retournait à la ville, il eut faim ; et voyant un figuier près du chemin, il s’en approcha ; mais n’y ayant trouvé que des feuilles, il lui dit : Que jamais de toi ne naisse aucun fruit ! Et à l’instant le figuier sécha[378]. À cette vue, les disciples dirent avec étonnement : Comme il a séché en un instant[379] ! Jésus leur répondit : En vérité, je vous le dis, si vous avez de la foi et que vous n’hésitiez point, non-seulement vous ferez comme à ce figuier ; mais quand même vous diriez à cette montagne : Lève-toi et te jette dans la mer, il se fera ainsi. Et tout ce que vous demanderez avec foi dans la prière, vous l’obtiendrez.

23 Étant venu dans le temple, comme il enseignait, les Princes des prêtres et les Scribes s’approchèrent de lui[380] et lui dirent : Par quelle autorité faites-vous ces choses, et qui vous a donné ce pouvoir ? Jésus leur répondit : Je vous ferai, moi aussi, une question, et, si vous y répondez, je vous dirai par quelle autorité je fais ces choses : Le baptême de Jean, d’où était-il ? du ciel, ou des hommes[381] ? Mais ils faisaient en eux-mêmes cette réflexion : Si nous répondons : Du ciel, il nous dira : Pourquoi donc n’avez-vous pas cru en lui[382] ? Et si nous répondons : Des hommes, nous avons à craindre le peuple : car tous tenaient Jean pour un prophète. Ils répondirent donc à Jésus : Nous ne savons. Et moi, dit Jésus, je ne vous dis pas non plus par quelle autorité je fais ces choses[383].

28 Mais que vous en semble ? Un homme avait deux fils ; s’adressant au premier, il lui dit : Mon fils, allez aujourd’hui travailler à ma vigne. Celui-ci répondit : Je ne veux pas ; mais ensuite, touché de repentir, il y alla. Puis, s’adressant à l’autre, il lui fit le même commandement. Celui-ci répondit : J’y vais, Seigneur ; et il n’y alla point. Lequel des deux a fait la volonté de son père ? Le premier, lui dirent-ils. Alors Jésus : En vérité, je vous le dis, les publicains et les courtisanes vous précéderont dans le royaume de Dieu[384]. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n’avez point cru en lui ; mais les publicains et les courtisanes ont cru en lui, et vous, le voyant, vous ne vous êtes point encore repentis pour croire en lui.

33 Écoutez une autre parabole. Il y avait un père de famille qui, ayant planté une vigne, l’entoura d’une haie, y creusa un pressoir[385] et y bâtit une tour[386] ; et, l’ayant louée à des vignerons, il partit pour un pays lointain. Or, le temps des fruits étant proche, il envoya aux vignerons ses serviteurs pour recevoir les fruits de sa vigne. S’étant saisis de ses serviteurs, les vignerons battirent l’un, tuèrent l’autre et en lapidèrent un autre. Il envoya de nouveau d’autres serviteurs en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. Enfin il leur envoya son fils, disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais, voyant son fils, les vignerons dirent en eux-mêmes[387] : Voici l’héritier ; venez, tuons-le et nous aurons son héritage. Et s’étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui répondirent : Il frappera sans pitié ces pervers, et louera sa vigne à d’autres vignerons, qui lui rendront les fruits en leur temps[388].

42 Jésus leur dit encore : N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : « La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, est devenue le sommet de l’angle. C’est le Seigneur qui a fait cela, et nos yeux le voient avec admiration[389]. » C’est pourquoi je vous dis que le royaume de Dieu vous sera ôté, et qu’il sera donné à un peuple qui en produira les fruits. Et celui qui tombera sur cette pierre se brisera, et celui sur qui elle tombera en sera brisé.

45 Les Princes des prêtres et les Pharisiens ayant entendu ces paraboles, comprirent qu’il parlait d’eux. Et ils cherchaient à se saisir de lui ; mais ils craignirent le peuple, qui le regardait comme un prophète.


CHAPITRE XXII


PARABOLE DU FESTIN DES NOCES (Luc, xvi, 16-24). — RENDRE À CÉSAR CE QUI EST À CÉSAR (Marc, xii, 13-17 ; Luc, xx, 20-26). — RÉSURRECTION DES MORTS (ibid). — LE PLUS GRAND DES COMMANDEMENTS (Marc, xii, 28-31). — LE MESSIE, FILS ET SEIGNEUR DE DAVID (Marc, xii, 33-37 ; Luc, xx, 45-46).


1 Jésus, continuant de parler en paraboles, leur dit : Le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit les noces de son fils. Et il envoya ses serviteurs appeler ceux qui étaient conviés aux noces, et ils ne voulurent point venir. Il envoya encore d’autres serviteurs, disant : Dites aux conviés : Voilà que j’ai préparé mon festin ; on a tué les bœufs et les animaux engraissés ; tout est prêt, venez aux noces. Mais ils n’en tinrent compte, et ils s’en allèrent, l’un à sa ferme, l’autre à son négoce. Les autres se saisirent de ses serviteurs, et, après les avoir outragés, ils les tuèrent. Le roi, l’ayant appris, entra en colère, et envoyant ses armées, il extermina ces homicides et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : Le festin des noces est prêt, mais ceux qui étaient conviés n’en étaient point dignes. Allez donc à l’issue des chemins[390], et tous ceux que vous trouverez, appelez-les aux noces. Et ses serviteurs, s’étant répandus par les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, bons et mauvais ; et la salle des noces fut remplie de convives. Or le roi entra pour voir ceux qui étaient à table, et ayant aperçu un homme qui n’était point revêtu de la robe nuptiale[391], il lui dit : Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir la robe nuptiale ? Et cet homme resta muet. Alors le roi dit à ses serviteurs : Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures : là seront les pleurs et le grincement des dents[392]. Car il y en a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus[393].

Alors les Pharisiens s’étant retirés, se concertèrent pour surprendre Jésus dans ses paroles. Et ils lui envoyèrent quelques-uns de leurs disciples, avec des Hérodiens[394], lui dire : Maître, nous savons que vous êtes véridique, et que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, sans souci de personne ; car vous ne considérez point la condition des hommes. Dites-nous donc ce qui vous semble : Est-il permis, ou non, de payer le cens[395] à César ? Mais Jésus, connaissant leur malice, leur dit : Hypocrites, pourquoi me tentez-vous ? Montrez-moi la monnaie du cens. Ils lui présentèrent un denier[396]. Et Jésus leur dit : De qui est cette image et cette inscription ? De César, lui dirent-ils. Alors Jésus leur répondit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Cette réponse les remplit d’admiration, et, le quittant, ils s’en allèrent.

23 Le même jour, des Sadducéens, qui nient la résurrection, vinrent à lui et lui proposèrent cette question : Maître, Moïse a dit : « Si un homme meurt sans laisser d’enfant, que son frère épouse sa femme et suscite des enfants à son frère[397]. » Or il y avait parmi nous sept frères ; le premier, ayant pris une femme, mourut, et n’ayant pas eu d’enfant, il laissa sa femme à son frère. La même chose arriva au second et au troisième, jusqu’au septième. Enfin la femme aussi mourut après eux tous. Au temps de la résurrection, duquel des sept frères sera-t-elle l’épouse ? car tous l’ont eue. Jésus leur répondit : Vous vous trompez, ne comprenant ni les Écritures[398], ni la puissance de Dieu[399]. Car, après la résurrection, les hommes n’auront point de femmes, ni les femmes de maris ; mais ils seront comme les anges de Dieu dans le ciel[400]. Et tou chant la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu ce qui vous a été dit par Dieu même : « Je suis le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob[401]. » Or Dieu n’est point le Dieu des morts, mais des vivants. Et le peuple, en l’écoutant, était rempli d’admiration pour sa doctrine.

34 Mais les Pharisiens, apprenant qu’il avait réduit les Sadducéens au silence, s’assemblèrent. Et l’un d’eux, Docteur de la loi, lui demanda pour le tenter[402] : Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? Jésus lui dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit[403]. » C’est là le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même[404]. » Dans ces deux commandements sont renfermés toute la Loi et les Prophètes.

41 Les Pharisiens étant rassemblés, Jésus leur fit cette question : Que vous semble du Christ ? De qui est-il fils ? Ils lui répondirent : De David. Comment donc, leur dit-il, David inspiré l’appelle-t-il son Seigneur, en disant : « Le Seigneur[405] a dit à mon Seigneur[406] : Asseyez-vous à ma droite[407], jusqu’à ce que[408] je fasse de vos ennemis l’escabeau de vos pieds[409] ? » Si donc David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils[410] ? Personne ne pouvait lui rien répondre, et, depuis ce jour, nul n’osa plus l’interroger.



CHAPITRE XXIII


REPROCHES ADRESSÉS PAR JÉSUS-CHRIST
AUX SCRIBES ET AUX PHARISIENS.


1. Alors Jésus, s’adressant au peuple et à ses disciples, leur dit[411] :

2 Les Scribes et les Pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse[412]. Observez donc et faites tout ce qu’ils vous disent[413] ; mais n’imitez pas leurs œuvres, car ils disent et ne font pas. Ils attachent sur les épaules des hommes des fardeaux pesants et insupportables[414], qu’ils ne veulent pas même remuer du doigt. Ils font toutes leurs œuvres pour être vus des hommes portant de plus larges phylactères et des houppes plus longues[415]. Ils aiment les premières places dans les festins, et les premiers sièges dans les synagogues ; ils aiment qu’on les salue dans les places publiques, et qu’on les appelle Rabbi[416]. Pour 8 vous, ne vous faites point appeler Rabbi ; car vous n’avez qu’un seul docteur, et vous êtes tous frères[417]. Et ne donnez à personne sur la terre le nom de Père[418] ; car vous n’avez qu’un seul Père qui est dans les cieux. Qu’on ne vous appelle pas non plus Maître[419] ; car vous n’avez qu’un seul Maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Mais quiconque s’élèvera sera abaissé, et quiconque s’abaissera sera élevé.

13 Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n’y entrez point, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui le désirent[420].

14 Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, parce que, sous le semblant de vos longues prières, vous dévorez les maisons des veuves[421] ; c’est pourquoi vous recevrez un jugement plus rigoureux.

15 Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous courez les mers et la terre pour faire un prosélyte, et, quand il l’est devenu, vous faites de lui un fils de la géhenne[422] deux fois plus que vous.

16 Malheur à vous, guides aveugles, qui dites : Si un homme jure par le temple, ce n’est rien ; mais s’il jure par l’or du temple[423], il est lié. Insensés et aveugles ! car lequel est le plus grand, l’or, ou le temple qui sanctifie l’or ? Et si un homme jure par l’autel, ce n’est rien ; mais s’il jure par l’offrande déposée sur l’autel, il est lié. Aveugles[424] ! car lequel est le plus grand, l’offrande, ou l’autel qui sanctifie l’offrande ? Celui donc qui jure par l’autel, jure par l’autel et par tout ce qui est dessus ; et celui qui jure par le temple, jure par le temple et par celui qui y habite ; et celui qui jure par le ciel, jure par le trône de Dieu et par celui qui y est assis.

23 Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin[425], et qui négligez les points les plus graves de la loi, la justice, la miséricorde et la foi. Il fallait remplir ces devoirs, et ne pas omettre ceux-là. Guides aveugles, qui filtrez le moucheron, et avalez le chameau[426].

25 Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et au dedans vous êtes pleins[427] de rapine et de souillure. Pharisien aveugle, nettoie d’abord le dedans de la coupe et du plat[428], afin que le dehors aussi soit pur.

27 Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis[429], qui au dehors paraissent beaux aux hommes, mais au dedans sont pleins d’ossements de morts et de toute sorte de pourriture. Ainsi au dehors vous 28. paraissez justes aux hommes, mais au dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité.

29 Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites, qui bâtissez des tombeaux aux prophètes et ornez les monuments des justes, et qui dites : Si nous avions vécu aux jours de nos pères, nous ne nous fussions pas joints à eux pour verser le sang des prophètes. Ainsi vous rendez de vous-mêmes ce témoignage, que vous êtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes. Comblez donc la mesure de vos pères ! Serpents, race de vipères[430], comment éviterez-vous d’être condamnés à la géhenne ? C’est pourquoi voilà que je vous envoie des prophètes, des sages et des docteurs, et vous tuerez et crucifierez les uns, vous en flagellerez d’autres dans vos synagogues, et les poursuivrez de ville en ville : afin que[431] retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang du juste Abel, jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l’autel[432]. En vérité, je vous le dis, ce mal viendra sur cette génération.

37 Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois n’ai-je pas voulu rassembler tes enfants, comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! Voilà que votre maison[433] sera laissée déserte. Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur[434] !


CHAPITRE XXIV


PROPHÉTIE DE LA RUINE DE JÉRUSALEM ; SIGNES AVANT-COUREURS DE CETTE CATASTROPHE ET DU DERNIER AVÈNEMENT DE JÉSUS-CHRIST (Marc, xiii ; Luc, xxi, 5-36).


1 Jésus, étant sorti du temple, s’en allait, et ses disciples s’approchèrent de lui pour lui en faire remarquer les bâtiments. Mais, prenant la parole, il leur dit : Voyez-vous toutes ces choses ? En vérité, je vous le dis, il n’y sera pas laissé une pierre sur une autre pierre qui ne soit renversée.

3 Lorsqu’il se fut assis sur la montagne des Oliviers, ses disciples s’approchèrent, et, seuls avec lui, lui dirent : Dites-nous quand ces choses arriveront, et quel sera le signe de votre avénement et de la consommation du siècle ? Jésus leur répondit[435] :

5 Prenez garde que nul ne vous séduise. Car plusieurs viendront sous mon nom, disant : Je suis le Christ, et ils en séduiront un grand nombre. Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerre ; n’en soyez pas troublés, car il faut que ces choses arrivent ; mais ce n’est pas encore la fin. On verra s’élever peuple contre peuple, royaume contre royaume, et il y aura des pestes, des famines et des tremblements de terre en divers lieux. Ce n’est là que le commencement des douleurs[436]. Alors on vous livrera aux tortures et on vous fera mourir, et vous serez en haine à toutes les nations, à cause de mon nom. Et alors beaucoup failliront, et les hommes se livreront et se haïront les uns les autres. Et il s’élèvera plusieurs faux prophètes, qui en séduiront un grand nombre. Et parce que l’iniquité sera venue à son comble, la charité d’un grand nombre se refroidira. Mais celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé. Cet évangile du royaume sera prêché dans le monde entier, pour être un témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la consommation[437].

15 Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation[438], annoncée par le prophète Daniel, présente dans le lieu saint, — que celui qui lit, entende[439], — alors que ceux qui sont dans la Judée s’enfuient sur les montagnes ; et que celui qui est sur le toit ne descende pas pour emporter quelque chose de sa maison[440] ; et que celui qui est dans les champs ne revienne pas pour prendre son manteau. Mais malheur aux femmes enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là[441] ! Priez pour que votre fuite n’arrive pas en hiver, ni le jour du sabbat[442] ; car alors la tribulation sera si grande, que depuis le commencement du monde jusqu’ici, il n’y en a point eu de semblable, et qu’il n’y en aura jamais. Et si ces jours n’avaient été abrégés, nulle chair ne serait sauvée ; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés[443].

23 Si quelqu’un vous dit alors : Le Christ est ici, ou il est là, ne le croyez point. Car il s’élèvera de faux christs et de faux prophètes, et ils feront de grands prodiges et des choses extraordinaires, jusqu’à séduire, s’il se pouvait, les élus mêmes. Voilà que je vous l’ai prédit. Si donc on vous dit : Le voici dans le désert, ne sortez point ; le voici dans le lieu le plus retiré de la maison, ne le croyez point[444]. Car, comme l’éclair part de l’Orient et brille jusqu’à l’Occident[445], ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme. Partout où sera le corps, là les aigles s’assembleront[446].

29 Aussitôt après ces jours d’affliction[447], le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les Vertus des cieux[448] seront ébranlées. Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme[449], et toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec une grande puissance et une grande majesté. Et il enverra ses anges rassembler, au son éclatant de la trompette, ses élus des quatre vents de la terre, depuis une extrémité du ciel jusqu’à l’autre. Écoutez une comparaison prise du figuier. Quand ses rameaux sont tendres[450], et qu’il pousse ses feuilles, vous savez que l’été est proche. Ainsi, lorsque vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est proche, qu’il est à la porte. En vérité, je vous le dis, cette génération[451] ne passera point que toutes ces choses n’arrivent. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point[452].

36 Le jour et l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges du ciel, mais le Père seul. Comme aux jours de Noé, ainsi sera l’avénement du Fils de l’homme. Car, comme les hommes, aux jours qui précédèrent le déluge, mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs filles, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et qu’ils n’ouvrirent point les yeux jusqu’à ce que le déluge survint et les emporta tous : ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme. Alors de deux hommes qui seront dans un champ, l’un sera pris et l’autre laissé[453] ; de deux femmes qui moudront ensemble, l’une sera prise et l’autre laissée. Veillez donc, car vous ne savez pas à quelle heure votre Seigneur doit venir. Mais sachez que si le père de famille savait à quelle heure le voleur doit venir, il ne manquerait pas de veiller et ne laisserait pas percer sa maison. Vous aussi, tenez-vous donc prêts ; car le Fils de l’homme viendra à l’heure que vous ne pensez pas.

45 Quel est le serviteur fidèle et prudent que son maître a établi sur les gens de sa maison, pour leur distribuer leur nourriture en son temps[454] ? Heureux ce serviteur que son maître, à son retour, trouvera faisant ainsi ! En vérité, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens. Mais, si ce serviteur est méchant, et que, disant en son cœur : Mon maître n’est pas près de venir, il se mette à battre ses compagnons, à manger et à boire avec des gens adonnés au vin, le maître de ce serviteur viendra au jour où il ne l’attend pas, et à l’heure qu’il ignore, et il le fera couper en morceaux, et lui assignera sa place parmi les hypocrites : là seront les pleurs et les grincements de dents[455].


CHAPITRE XXV


PARABOLE DES DIX VIERGES, DES TALENTS. — TABLEAU DU JUGEMENT DERNIER.


1 Alors le royaume des cieux sera semblable[456] à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l’époux et de l’épouse. Cinq d’entre elles étaient folles[457], et cinq étaient sages. Les cinq folles, ayant pris leurs lampes, ne se pourvurent point d’huile ; les sages, au contraire, prirent de l’huile dans leurs vases avec leurs lampes. Or, l’époux tardant à venir, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Mais au milieu de la nuit un cri s’éleva : Voici l’époux qui vient, allez au-devant de lui. Alors toutes ces vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes. Et les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Les sages répondirent : Nous craignons qu’il n’y en ait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt à ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Mais, pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux vint, et celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Enfin les autres vierges vinrent aussi, disant : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous. Il leur répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais point. Veillez donc, parce que vous ne savez ni le jour, ni l’heure[458].

14 C’est comme un homme[459] qui, partant pour un long voyage, appela ses serviteurs et leur remit ses biens. À l’un il donna cinq talents[460], à un autre deux, à un autre un, selon la capacité de chacun, et aussitôt il partit. Celui qui avait reçu cinq talents, s’en étant allé, les fit valoir, et en gagna cinq autres. De la même manière celui qui en avait reçu deux en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un, s’en alla creuser la terre, et y cacha l’argent de son maître. Longtemps après, le maître de ces serviteurs étant revenu, leur fit rendre compte. Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha et lui en présenta cinq autres, en disant : Seigneur, vous m’aviez remis cinq talents ; en voici de plus cinq autres que j’ai gagnés. Son maître lui dit : Bien, serviteur bon et fidèle ; parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous établirai sur beaucoup : entrez dans la joie de votre seigneur. Celui qui avait reçu deux talents, vint aussi, et dit : Seigneur, vous m’aviez remis deux talents, en voici deux autres que j’ai gagnés. Son maître lui répondit : Bien, serviteur bon et fidèle ; parce que vous avez été fidèle en peu de choses, je vous établirai sur beaucoup. S’approchant à son tour, celui qui n’avait reçu qu’un talent, dit : Seigneur, je sais que vous êtes un homme dur ; vous moissonnez où vous n’avez pas semé, et recueillez où vous n’avez pas vanné. Craignant donc, je m’en suis allé, et j’ai caché votre talent dans la terre ; le voici, je vous rends ce qui est à vous. Son maître lui répondit : Serviteur mauvais et paresseux, vous saviez que je moissonne où je n’ai point semé, et que je recueille où je n’ai point vanné ; il fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j’eusse retiré avec usure ce qui est à moi. Otez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui en a dix. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il semble avoir. Pour ce serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres extérieures : là seront les pleurs et le grincement des dents[461].

31 Or, quand le Fils de l’homme viendra dans sa majesté[462], et tous les anges avec lui, alors il s’asseoira sur le trône de sa gloire. Et toutes les nations étant rassemblées devant lui, il séparera les uns d’avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d’avec les boucs. Et il placera les brebis à sa droite, les boucs à sa gauche[463]. Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume préparé pour vous dès l’origine du monde : car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais sans asile, et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi[464]. Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu ayant faim, et que nous vous avons donné à manger ; ayant soif, et que nous vous avons donné à boire ? Quand est-ce que nous vous avons vu sans asile, et que nous vous avons recueilli ; nu, et que nous vous avons vêtu ? Et quand est-ce que nous vous avons vu malade ou en prison, et que nous sommes venus à vous ? Et le Roi leur répondra : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. S’adressant ensuite à ceux qui seront à sa gauche, il dira : Loin de moi, maudits, allez au feu éternel, préparé pour le diable et ses anges. Car j’ai eu faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif, et vous ne m’avez pas donné à boire. J’étais sans asile, et vous ne m’avez pas recueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité. Alors eux aussi lui diront : Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu ayant soif, ou sans asile, ou nu, ou malade, ou en prison, et que nous ne vous avons point assisté ? Mais il leur répondra : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. Et ceux-ci s’en iront à l’éternel supplice, et les justes à la vie éternelle.


CHAPITRE XXVI


COMPLOT DES JUIFS (Marc, xiv, 1 ; Luc xxii, 1, sv.). — PARFUM RÉPANDU SUR LA TÊTE DE JÉSUS (ibid). — JUDAS PROMET DE LE LIVRER (ibid ; Jean, xii, 21). — INSTITUTION DE L’EUCHARISTIE (Marc, xiv, 12 sv. ; Luc, xxii, 7 sv.). — RENIEMENT DE SAINT PIERRE PRÉDIT (Marc, xiv, 30 ; Jean, xiii, 38). — AGONIE AU JARDIN DES OLIVIERS (Marc, xiv, 32 sv. ; Luc, xxii, 40 sv.). — JÉSUS TRAHI PAR JUDAS CONDUIT CHEZ CAÏPHE (Marc, xiv, 43 sv. ; Luc, xxii, 47 sv. ; Jean, xviii, 3 sv.). — PIERRE LE RENIE ET FAIT PÉNITENCE (Marc, xiv, 66 sv. ; Luc, xxii, 56 sv. ; Jean, xviii, 12 sv.).


1 Jésus ayant achevé tous ces discours, dit à ses disciples[465] : Vous savez que la Pâque se fera dans deux jours, et que le Fils de l’homme sera livré pour être crucifié. Alors les Princes des prêtres et les Anciens du peuple s’assemblèrent dans le palais du grand-prêtre, appelé Caïphe, et tinrent conseil pour se saisir de Jésus par ruse et le faire mourir[466]. Mais, disaient-ils, que ce ne soit pas pendant la fête, de peur qu’il ne s’élève quelque tumulte parmi le peuple[467].

Or, comme Jésus était à Béthanie[468], dans la maison de Simon le lépreux, une femme s’approcha de lui, tenant un vase d’albâtre plein d’un parfum de grand prix[469], et le répandit sur sa tête lorsqu’il était à table. Ce que voyant ses disciples[470], ils dirent avec indignation : À quoi bon cette perte ? Car on aurait pu vendre ce parfum une grosse somme d’argent et la donner aux pauvres. Mais Jésus, sachant leurs murmures[471], leur dit : Pourquoi inquiétez-vous cette femme ? C’est une bonne action qu’elle a faite à mon égard. Car vous avez toujours les pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours[472]. En répandant ce parfum sur mon corps, elle l’a fait en vue de ma sépulture. En vérité, je vous le dis, dans le monde entier, partout où sera prêché cet évangile, on racontera ce qu’elle a fait, et elle en sera louée.

14 Alors l’un des Douze, appelé Judas Iscariote, alla trouver les Princes des prêtres, et leur dit : Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai ? Ils convinrent avec lui de trente pièces d’argent[473]. Et, depuis ce moment, il cherchait une occasion favorable pour le livrer entre leurs mains.

17 Or, le premier jour des Azymes[474], les disciples vinrent trouver Jésus, et lui dirent : Où voulez-vous que nous préparions le repas pascal ? Jésus leur répondit : Allez dans la ville chez un tel[475] et dites-lui : Le Maître vous mande : Mon temps est proche, je ferai chez vous la Pâque avec mes disciples. Les disciples firent ce que Jésus leur avait commandé, et ils préparèrent la Pâque.

20 Le soir étant venu, il se mit à table avec ses douze disciples ; et pendant qu’ils mangeaient, il dit : En vérite, je vous le dis, un de vous me trahira. Et, pleins d’une grande tristesse, ils commencèrent chacun à lui demander : Est-ce moi, Seigneur ? Il leur répondit : Celui qui met avec moi la main dans le plat, est celui qui me trahira[476]. Pour ce qui est du Fils de l’homme, 24. il s’en va selon ce qui a été écrit de lui ; mais malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme sera trahi ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne fût pas né. Judas, celui qui le trahit, prenant aussi la parole : Est-ce moi, Maître ? dit-il. Tu l’as dit, répondit Jésus[477].

26 Pendant qu’ils soupaient[478], Jésus prit du pain ; et, l’ayant béni, il le rompit et le donna à ses disciples en disant : Prenez et mangez, ceci est mon corps. Et prenant le calice, il rendit grâces et le leur donna en disant : Buvez-en tous : car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour un grand nombre en rémission des péchés[479]. Or, je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père[480]. Et, après le chant de l’hymne[481], ils s’en allèrent au jardin des Oliviers.

31 Alors Jésus leur dit : Vous serez tous scandalisés cette nuit à cause de moi[482], car il est écrit : « Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées[483]. » Mais après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. Pierre, prenant la parole, lui dit : Quand tous se scandaliseraient à votre sujet, pour moi, je ne me scandaliserai jamais. Jésus lui dit : Je te le dis, en vérité, cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. Pierre lui dit : Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai point. Et tous les autres disciples dirent de même.

36 Alors Jésus vint avec eux en un lieu appelé Gethsémani[484], et dit à ses disciples : Demeurez ici pendant que j’irai là pour prier. Et ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à être triste et affligé. Alors il leur dit : Mon âme est triste jusqu’à la mort ; demeurez ici et veillez avec moi[485]. Et, s’étant un peu avancé, il se prosterna la face contre terre, priant et disant : Mon Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme vous voulez. Il vint ensuite à ses disciples, et les trouvant endormis, il dit à Pierre : Ainsi vous n’avez pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez, afin que vous n’entriez point en tentation[486] ; l’esprit est prompt, mais la chair est faible. Il s’en alla une seconde fois, et pria, disant : Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté se fasse. Étant venu de nouveau, il les trouva encore endormis, car leurs yeux étaient appesantis. Il les laissa, et s’en alla prier pour la troisième fois, disant les mêmes paroles. Puis il revint à ses disciples et leur dit : Dormez maintenant et vous reposez[487] ; voici que l’heure approche, où le Fils de l’homme sera livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons, celui qui doit me trahir est près d’ici.

47 Il parlait encore, lorsque Judas, un des Douze, arriva, et avec lui une troupe nombreuse de gens armés d’épées et de bâtons, envoyée par les Princes des prêtres et les Anciens du peuple. Or celui qui le trahit leur avait donné ce signal : Celui que je baiserai, c’est lui, arrêtez-le. Et aussitôt, s’approchant de Jésus, il dit : Salut, Maître, et il le baisa. Jésus lui dit : Mon ami, dans quel dessein es-tu venu ? En même temps ils s’avancèrent, se jetèrent sur Jésus et se saisirent de lui. Et voilà qu’un de ceux qui étaient avec Jésus[488], étendant la main[489] et tirant son glaive, en frappa un des serviteurs du grand-prêtre[490] et lui coupa l’oreille. Alors Jésus lui dit : Remets ton glaive en son lieu ; car tous ceux qui prendront le glaive, périront par le glaive[491]. Penses-tu que je ne puisse prier mon Père, et il m’enverrait aussitôt plus de douze légions d’anges ? Comment donc s’accompliront les Écritures, qui attestent qu’il doit être fait ainsi ? En même temps, Jésus dit à cette troupe : Vous êtes venus à moi, comme à un voleur, avec des épées et des bâtons pour me prendre. J’étais tous les jours assis parmi vous enseignant dans le temple, et vous ne m’avez point pris. Mais tout cela s’est fait, afin que s’accomplissent les oracles des prophètes. Alors tous les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent.

57 Ayant donc pris Jésus, ils l’emmenèrent chez Caïphe[492] le grand-prêtre, où s’étaient assemblés les Scribes et les Anciens du peuple. Or Pierre le suivit de loin jusque dans la cour du grand-prêtre[493], et, y étant entré, il s’assit avec les serviteurs pour voir la fin. Cependant les Princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mourir. Et ils n’en trouvèrent point, quoique plusieurs faux témoins se fussent présentés. Enfin il vint deux faux témoins qui dirent : Cet homme a dit : Je puis détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours[494]. Et le grand-prêtre, se levant, lui dit : Vous ne répondez rien à ce que déposent ceux-ci contre vous. Mais Jésus se taisait. Et le grand-prêtre lui dit : Je vous adjure par le Dieu vivant de nous dire si vous êtes le Christ, le Fils de Dieu ? Jésus lui répondit : Vous l’avez dit[495] ; oui, je vous le dis, vous verrez un jour le Fils de l’homme assis à la droite de la majesté divine et venant dans les nuées du ciel. Alors le grand-prêtre déchira ses vêtements, en disant : Il a blasphémé, qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème : que vous semble ? Ils répondirent : Il mérite la mort. Alors ils lui crachèrent au visage, et le frappèrent avec le poing ; d’autres le souffletèrent en disant : Christ, prophétise-nous qui est celui qui t’a frappé.

69 Cependant Pierre était au dehors assis dans la cour[496], et une servante l’abordant lui dit : Vous aussi vous étiez avec Jésus le Galiléen. Mais il le nia devant tous en disant : Je ne sais ce que vous dites. Et, comme il sortait dans le vestibule, une autre servante le vit et dit à ceux qui étaient là : Celui-ci aussi était avec Jésus de Nazareth. Et il le nia une seconde fois avec serment : Je ne connais point cet homme. Ceux qui étaient là s’approchèrent de Pierre, lui disant : Certainement vous êtes aussi de ces gens-là, car votre langage même vous trahit[497]. Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer qu’il ne connaissait point cet homme : et aussitôt le coq chanta. Et Pierre se ressouvint de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois ; et, étant sorti dehors, il pleura amèrement.


CHAPITRE XXVII


CONSEIL TENU CONTRE JÉSUS. — DÉSESPOIR DE JUDAS. — JÉSUS DEVANT PILATE. — BABABBAS. — COURONNE D’ÉPINES. — CALVAIRE. — MORT ET SÉPULTURE DE JÉSUS-CHRIST. — GARDES AU SÉPULCRE (Marc, xv ; Luc, xxiii ; Jean, xviii, xix).


1 Dès le matin, tous les Princes des prêtres et les Anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire mourir[498]. Et, l’ayant lié, ils l’emmenèrent et le livrèrent au gouverneur Ponce Pilate[499].

3 Judas, celui qui le trahit, voyant qu’il était condamné, fut touché de repentir, et reporta les trente pièces d’argent aux Princes des prêtres et aux Anciens, disant : J’ai péché en livrant le sang innocent. Ils répondirent : Que nous importe ? c’est votre affaire. Alors, ayant jeté l’argent dans le temple, il se retira et alla se pendre. Mais les Princes des prêtres, ayant pris l’argent, dirent : Il n’est pas permis de le mettre dans le trésor, parce que c’est le prix du sang. Et, après s’être consultés entre eux, ils en achetèrent le champ d’un potier[500] pour la sépulture des étrangers. C’est pourquoi ce champ est encore aujourd’hui appelé Haceldama, c’est-à-dire le champ du sang. Alors fut accomplie la parole du prophète Jérémie : « Ils ont reçu trente pièces d’argent, prix de celui dont les enfants d’Israël ont estimé la valeur ; et ils les ont données pour le champ d’un potier, comme le Seigneur me l’a ordonné[501]. »

11 Or Jésus comparut devant le gouverneur[502], et le gouverneur l’interrogea en disant : Êtes-vous le roi des Juifs ? Jésus lui répondit : Vous le dites. Et comme les Princes des prêtres et les Anciens l’accusaient, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit : N’entendez-vous pas de combien de choses ils vous accusent ? Mais il ne répondit à aucun grief, de sorte que le gouverneur en était dans l’admiration[503].

15 Chaque année, à la fête de Pâque, le gouverneur avait coutume d’accorder au peuple la délivrance d’un prisonnier, de celui qu’il souhaitait. Or il y avait alors dans la prison un criminel fameux, nommé Barabbas. Les ayant donc assemblés, Pilate leur dit : Lequel voulez-vous que je vous délivre, Barabbas, ou Jésus appelé Christ ? Car il savait que c’était par envie qu’ils l’avaient livré[504]. Pendant qu’il siégeait sur son tribunal, sa femme[505] lui envoya dire : N’ayez rien à démêler avec ce juste ; car j’ai été aujourd’hui étrangement tourmentée dans un songe à cause de lui. — Mais les Princes des prêtres et les Anciens persuadèrent au peuple de demander Barabbas, et de faire périr Jésus. Aussi, lorsque le gouverneur, prenant la parole, leur dit : Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ? ils répondirent : Barabbas. Pilate leur dit : Que ferai-je donc de Jésus, appelé Christ ? Ils répondirent : Qu’il soit crucifié. Le gouverneur leur dit : Quel mal a-t-il donc fait ? Mais ils criaient encore plus fort : Qu’il soit crucifié. Pilate voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le tumulte allait toujours croissant, prit de l’eau et se lava les mains devant le peuple, en disant : Je suis innocent du sang de ce juste : à vous d’en répondre. Et tout le peuple dit : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants. Alors il leur accorda la délivrance de Barabbas ; et, après avoir fait flageller Jésus[506], il le leur livra pour être crucifié[507].

27 Les soldats[508] du gouverneur amenèrent Jésus dans le prétoire[509] et rassemblèrent autour de lui toute la cohorte[510]. Et l’ayant dépouillé, ils jetèrent sur lui un manteau d’écarlate[511]. Puis, tressant une couronne d’épines, ils la mirent sur sa tête, et fléchissant le genou devant lui, ils lui disaient par dérision : Salut, roi des Juifs. Ils lui crachaient aussi au visage, et prenant son roseau, ils en frappaient sa tête. Après s’être ainsi joués de lui, ils lui ôtèrent le manteau, lui remirent ses vêtements et l’emmenèrent pour le crucifier.

32 Comme ils sortaient de la ville, ils trouvèrent un homme de Cyrène[512] nommé Simon, qu’ils contraignirent de porter la croix de Jésus. Ils arrivèrent ainsi au lieu appelé Golgotha, c’est-à-dire, le lieu du Calvaire[513]. Là, on lui donna à boire du vin mêlé avec du fiel[514] ; mais, l’ayant goûté, il ne le voulut pas boire. Quand ils l’eurent crucifié, ils se partagèrent ses vêtements[515], en les jetant au sort, afin que s’accomplit la parole du Prophète : « Ils se sont partagé mes vêtements, et ont jeté ma robe au sort[516]. » Et, s’étant assis, ils le gardaient[517]. Et au-dessus de sa tête ils mirent une inscription qai marquait la cause de son supplice : C’est Jésus, roi des Juifs. En même temps, on crucifia avec lui deux voleurs, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. Et les passants le blasphémaient, branlant la tête, et disant : Toi, qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours[518], que ne te sauves-tu toi-même ? Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. Les Princes des prêtres, l’insultant aussi avec les Scribes et les Anciens, disaient : Il a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-même ; s’il est le roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui. Il s’est confié en Dieu : si Dieu l’aime, qu’il le délivre maintenant ; car il a dit : Je suis le Fils de Dieu. Les voleurs qui étaient en croix avec lui, lui adressaient les mêmes reproches[519].

45 Or, depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième[520], les ténèbres couvrirent toute la terre. Et vers la neuvième heure, Jésus jeta un grand cri, disant : Eli, Eli, lamma Sabacthani, c’est-à-dire, mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?[521] Entendant cela, quelques-uns de ceux qui étaient présents disaient : Il appelle Élie. Et aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il emplit de vinaigre, et, la mettant au bout d’un roseau, il lui présenta à boire[522]. Les autres disaient : Attendez ; voyons si Élie le viendra délivrer. Mais Jésus, jetant encore un grand cri, rendit l’esprit. Et voilà que le voile du temple[523] fut déchiré en deux, depuis le haut jusqu’en bas, et la terre trembla, les rochers se fendirent[524], les sépulcres s’ouvrirent et plusieurs corps des saints qui étaient morts, ressuscitèrent, et, sortant de leur tombeau, ils vinrent dans la ville sainte et apparurent à plusieurs[525]. Le centurion et ceux qui avec lui gardaient Jésus, voyant le tremblement de terre et tout ce qui se passait, furent saisis d’une grande crainte, et dirent : Cet homme était vraiment le Fils de Dieu. Il y avait là aussi, à quelque distance de la croix, plusieurs femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée, pourvoyant à ce qui lui était nécessaire. Parmi elles étaient Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.

57 Sur le soir, un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui était aussi un disciple de Jésus, vint trouver Pilate, et lui demanda le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna que le corps lui fût remis. Ayant donc reçu le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul blanc, et le déposa dans le sépulcre neuf, qu’il s’était fait tailler dans le roc, et, ayant roulé une grosse pierre à l’entrée du sépulcre[526], il s’en alla. Or, Marie-Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises vis-à-vis du sépulcre.

62 Le lendemain, qui était le samedi[527], les Princes des prêtres et les Pharisiens vinrent ensemble trouver Pilate, et lui dirent : Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur, lorsqu’il vivait encore, a dit : Après trois jours, je ressusciterai ; commandez donc que son sépulcre soit gardé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent dérober le corps et ne disent au peuple : Il est ressuscité d’entre les morts ; et la dernière erreur serait pire que la première[528]. Pilate leur répondit : Vous avez des gardes ; allez, gardez-le comme vous l’entendez. Ils s’en allèrent donc, et ils s’assurèrent du sépulcre en en scellant la pierre et en y mettant des gardes.


CHAPITRE XXVIII


RÉSURRECTION DE JÉSUS-CHRIST. — GARDES CORROMPUS PAR LES PRINCES DES PRÊTRES. — JÉSUS EN GALILÉE. — MISSION DES APÔTRES (Marc, xvi ; Luc, xxiv ; Jean, xx).


1 Dans la nuit du sabbat qui se termine au premier jour[529], Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent voir le sépulcre. Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre ; car l’ange du Seigneur, étant descendu du ciel, s’approcha et roula la pierre, et il était assis dessus[530]. Son visage brillait comme l’éclair, et son vêtement comme la neige. Les gardes furent frappés d’épouvante, et devinrent comme morts[531]. Et l’ange, s’adressant aux femmes, leur dit : Vous, ne craignez point ; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié. Il n’est point ici ; car il est ressuscité comme il l’avait dit. Venez, et voyez le lieu où le Seigneur avait été mis, et hâtez-vous d’aller dire à ses disciples qu’il est ressuscité. Voici qu’il sera-avant vous en Galilée ; là, vous le verrez, je vous le prédis[532]. Aussitôt elles sortirent du sépulcre avec crainte et grande joie, et coururent porter cette nouvelle à ses disciples. Et voilà que Jésus se présenta devant elles et leur dit : Je vous salue. Elles s’approchèrent, et, embrassant ses pieds, elles l’adorèrent. Alors Jésus leur dit : Ne craignez point ; allez dire à mes frères qu’ils se rendent en Galilée : c’est là qu’ils me verront.

11 Quand elles furent parties, quelques-uns des gardes vinrent dans la ville et annoncèrent aux Princes des prêtres tout ce qui s’était passé. Ceux-ci rassemblèrent les Anciens, et, ayant tenu conseil, ils donnèrent une grosse somme d’argent aux soldats, en leur disant : Publiez que ses disciples sont venus la nuit, et l’ont enlevé pendant que vous dormiez ; et si le gouverneur vient à le savoir, nous l’apaiserons, et nous vous mettrons à couvert. Les soldats prirent l’argent, et firent ce qu’on leur avait dit ; et ce bruit qu’ils répandirent se répète encore aujourd’hui parmi les Juifs[533].

16 Or les onze disciples s’en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait marquée. Et, le voyant, ils l’adorèrent ; mais quelques-uns hésitaient à croire[534]. Et Jésus, s’approchant[535], leur parla ainsi : Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai recommandé : et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles[536].

  1. C’est-à-dire : « Histoire des actions, des souffrances et des enseignements de J.-C, rédigée par S. Matthieu. » Origène. — Selon indique que l’histoire de Jésus-Christ a été écrite par d’autres encore. Fritzsche. — Ce titre n’est pas de S. Matthieu lui-même, qui n’a, dit S. Jean Chrysostome, mis en titre de son livre que le seul mot Évangile (Voy. p. 23, note 9).
  2. Kuinoel et Patrizzi veulent qu’on traduise, table généalogique ; mais, d’après Fritzsche, ces premiers mots seraient le titre de tout le chap. i, et non pas seulement des vers. 2-17. — Fils d’Abraham se rapporte à David, et non à Jésus-Christ. Le Messie devait descendre d’Abraham (Gén. xii, 3 ; xviii, 18) et de David (II Rois, vii, 4 ; Isaïe, xii, 1 al.) : S. Matthieu affirme dans le vers. 1 que Jésus remplit cette double condition, et le prouve dans les versets qui suivent.
  3. Rahab est-elle la femme de Jéricho qui sauva la vie aux espions de Josué, 366 ans avant la naissance de David ? Ce long espace de temps est-il suffisamment rempli par quatre générations ? Les interprètes sont partagés.
  4. De Bethsabée.
  5. Les noms d’Ochosias, de Joas et d’Amasias sont omis après celui de Joram. L’Évangéliste a voulu sans doute effacer jusqu’à la troisième génération la mémoire d’un roi qui s’était uni à la fille de l’impie Jésabel. S. Jérôme.
  6. C’est-à-dire un peu auparavant. Fritzsche. Patrizzi : Et ses frères qui vivaient au temps de la transmigration, etc. — Transmigration n’est pas synonyme de captivité, mais de voyage pour l’exil ; ainsi, après la transmigration peut signifier, et signifie ici : pendant la captivité.
  7. Ici l’Évangéliste n’ajoute plus le mot engendra ; il se contente de nommer « Joseph l’époux de Marie, » dans le chaste sein de laquelle Jésus fut formé par la vertu du Très-Haut (Luc, i, 35). Comme d’ailleurs la sainte Vierge était parente de S. Joseph, la généalogie de l’un s’applique à l’autre, et Jésus est vraiment fils de David selon la chair.
  8. Christ répond au mot hébreu d’où l’on a fait Messie, et signifie oint. On donnait ce nom, chez les Juifs, aux rois, aux prophètes et aux prêtres, qui recevaient une onction solennelle, et quelquefois à Dieu, parce que, dans la théocratie hébraïque, Dieu est considéré comme le roi ou l’oint de la nation. Comme Jésus est à la fois grand-prêtre, prophète et roi, oint, non d’une huile matérielle, mais par l’Esprit-Saint qu’il avait en lui en vertu de sa divinité, le nom de Christ lui est exclusivement attribué dans le Nouv. Testament, et souvent avec l’article comme nom propre.
  9. S. Matthieu a voulu renfermer toute la généalogie de J.-C. dans un cadre symétrique, dont chaque période, composée de quatorze générations, reproduisît deux fois le nombre sept, sacré chez les Juifs ; et, en cela, il n’a fait que suivre la coutume des Orientaux qui partageaient les généalogies en divisions égales pour aider la mémoire. Voilà pourquoi plusieurs anneaux, comme nous l’avons dit, manquent à la chaîne des générations. Mais comment trouver ici les trois séries de quatorze générations ? Plusieurs moyens ont été indiqués ; voici celui qui nous paraît le plus simple : Arrêtez la deuxième période à Josias, qui se place comme au seuil de la captivité, et admettez que l’Évangéliste range ce prince et David dans chacune des deux périodes dont ils marquent soit la fin, soit le commencement, et vous aurez le nombre exact des générations comptées avant J.-C. Wallon. Voy. le mot Généalogie dans le Vocabulaire.
  10. Les fiançailles se célébraient, chez les Juifs, environ un an avant le mariage. Les fiancés n’habitaient point ensemble ; mais déjà on les désignait sous les noms de mari et de femme, et le lien qui les unissait était si étroit, qu’il fallait, pour le rompre, un écrit de répudiation, comme s’il se fût agi d’époux véritables. « Les fiançailles valent autant que le mariage, dit Philon, quand les noms des parties ont été inscrits sur des registres dans une assemblée solennelle d’amis. »
  11. Pourquoi Marie elle-même, prévenant l’ange, n’expliqua-t-elle pas ce mystère à S. Joseph ? — Après qu’elle a dit : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole, » (Luc, i, 38), elle abandonne tout à Dieu et demeure dans sa paix. Bossuet.
  12. Ce n’est pas sans raison que l’ange rappelle ici à Joseph la noblesse de son origine, en nommant David, dont le Messie devait naître et dont il savait que Marie était la fille. Ce glorieux souvenir, dit S. Jean Chrysostome, le prépare au grand mystère qui va lui être révélé.
  13. « Pourquoi vous ? Vous n’en êtes pas le père ; il n’a pas de père que Dieu ; mais Dieu vous a transmis ses droits ; vous tiendrez lieu de père à J.-C. » Bossuet. — Jésus, c’est-à-dire Sauveur. Ce nom n’était pas rare parmi les Juifs ; mais ici, il est choisi par le Ciel même comme le nom significatif du Fils de Dieu fait homme pour nous racheter.
  14. Isaïe, vii, 14. Le nom d’Emmanuel exprime clairement la double nature de J.-C, Dieu et homme tout ensemble.
  15. Jusqu’à ce que n’indique pas qu’il en fut autrement plus tard ; car on sait que, dans la langue biblique, ces mots, précédés d’une négation, nient la chose dans le passé d’une manière absolue, sans l’affirmer pour l’avenir. (Gen., viii, 7 al.). Le mot premier-né ne suppose pas non plus que d’autres enfants sont nés ou naitront plus tard ; il signifie simplement fils unique (Jos., xvii, 1).
  16. Voy. ce mot dans le Vocabulaire.
  17. La patrie des Mages était la Perse ; des peintures très-anciennes les représentent avec une coiffure semblable à celle que portent encore de nos jours les prêtres de ce pays, adorateurs du feu, et appelés aussi mogh, au plur. moghan. Prêtres, astronomes, médecins, conseillers des rois, ils formaient dans le royaume la caste savante et le premier corps politique, comme les mandarins en Chine, et les brahmanes dans l’Inde. 2. Une application trop rigoureuse de quelques passages d’Isaïe et des Psaumes en a fait des rois d’Arabie ; mais ni Hérode ne les traite en rois, ni les plus anciens Pères ne les appellent ainsi. 3. Ils étaient probablement au nombre de trois ; mais les noms qu’on leur a donnés : Gaspar, Balthasar et Melchior, figurent pour la première fois dans un monument du ixe siècle, ce qui n’est pas une garantie historique suffisante. 4. C’est vers le milieu de l’été de l’an de Rome 746, lorsque régnait la paix universelle, qu’un astre, probablement une comète, leur apparut, présage de la venue sur la terre du « Prince de la Paix. » 5. Instruits des antiques traditions, et éclairés intérieurement par l’Esprit-Saint, ils vinrent d’abord à Jérusalem, où il était naturel qu’ils cherchassent le nouveau Roi. Patrizzi.
  18. On devine pourquoi l’usurpateur et le tyran se trouble ; ce qui émeut Jérusalem, c’est l’espérance du Messie que toute la nation attendait alors comme un libérateur.
  19. Les Docteurs de la loi ne citent pas exactement les paroles du prophète ; voici le texte de Michée (v, 1) : « Et toi, Bethléem-Ephrata, tu parais bien petite pour être parmi les chiliades (villes de mille citoyens) de Juda ; cependant de toi sortira, » etc. Le sens général est le même.
  20. Ces mots indiquent qu’ils étaient venus à Jérusalem sans être conduits par l’étoile, mais guidés par la connaissance qu’ils avaient que le Messie devait naître en Judée. Patrizzi.
  21. Après la Purification (2 fév.) la sainte Famille était retournée à Nazareth (Luc, ii, 39). Mais S. Joseph résolut de fixer désormais son domicile à Bethléem, ville de ses pères, où Jésus était né (Papebroch, Propyl. ad Acta Santorum Maii, p. 26, § 6). Il y était arrivé depuis quelques jours, lorsque les Mages vinrent adorer l’Enfant (vers le mil. de févr.). Voilà pourquoi, à son retour d’Égypte, il avait, dit S. Matthieu (ii, 22), l’intention de retourner en Judée. Patrizzi.
  22. Et non dans l’étable où Jésus était né. Les plus anciennes peintures représentent la sainte Vierge dans une maison, assise sur un trône, et tenant Jésus entre ses bras. Patrizzi.
  23. « Ils offrent des présents : jamais les Orientaux ne paraissent devant leur monarque les mains vides. Ces présents ont quelque chose de symbolique : c’est encore le génie de l’Orient. Suivant l’explication commune des Pères, les Mages offrent à Jésus de l’or comme à un roi, de l’encens comme à un Dieu, et de la myrrhe comme à un homme mortel. » Rohrbacher.
  24. « N’y avait-il pas d’autre moyen de le sauver qu’une fuite si précipitée ? Qui le peut dire sans impiété ? Mais Dieu ne veut pas tout faire par miracle, et il est de sa providence de suivre souvent le cours ordinaire, qui est de lui, comme les voies extraordinaires. Le Fils de Dieu est venu en infirmité (Hébr. v, 2). Pour se conformer à cet état, il s’assujettit volontairement aux rencontres communes de la vie humaine ; et, par la même dispensation qui a fait que, durant le temps de son ministère, il s’est retiré, il s’est caché pour prévenir les secrètes entreprises de ses ennemis, il a été aussi obligé de chercher un asile dans l’Égypte. » Bossuet.
  25. Depuis l’époque de la captivité, les Juifs persécutés ou mécontents aimaient à se retirer en Égypte. Sous le règne même d’Hérode, si hostile aux Pharisiens, un grand nombre y avaient cherché un refuge. La tradition nous apprend que la sainte Famille se fixa à Matariéh, la ville des eaux, ainsi nommée à cause de ses sources, près de l’antique Héliopolis, à une lieue et demie du Caire. Pendant ce temps, Joseph se rattacha sans doute à l’une de ces corporations de métiers où chaque émigré juif trouvait du travail et des moyens d’existence. Sepp.
  26. Osée, xi, 1. Ces paroles s’appliquent dans le sens immédiat au peuple juif, que Dieu appelle son fils premier-né (Exod., iv, 22), et, dans le sens typique, à Jésus-Christ, dont ce peuple était la figure.
  27. Cette barbarie n’étonne pas de la part d’Hérode, prince soupçonneux et cruel, dit l’historien Josèphe, quand il s’agissait de son autorité, qui avait ensanglanté sa propre maison par le meurtre de plusieurs de ses enfants et de ses épouses, et dont les défiances croissaient avec l’âge. Au reste, il n’est pas nécessaire de supposer, comme on l’a fait quelquefois, que des milliers d’enfants aient péri dans ce massacre, puisqu’il n’est question que du village ou bourg de Bethléem et de ses environs.
  28. Jérém., xxxi, 15. Dans le sens prochain, mais incomplet, il s’agit des malheurs de la captivité : Rachel, aïeule d’Éphraïm, est représentée comme la mère des dix tribus captives, pleurant ses enfants comme s’ils n’étaient plus. Dans un sens plus éloigné, mais non moins véritable, il s’agit du massacre des SS. Innocents figuré par les persécutions des Israélites : Rachel, qui avait été enterrée près de Rama, localité voisine de Bethléem, se lève de son sépulcre pour mêler ses cris aux cris des mères inconsolables.
  29. Dans la trente-septième année de son règne, au commencement du printemps de l’an de Rome 750. Le séjour de la sainte Famille en Égypte avait duré deux ans.
  30. L’histoire confirme le récit de l’Évangéliste. La Galilée, unie à la Judée sous Hérode, en avait été séparée à sa mort dans le partage qu’il fit entre ses enfants. C’est Archélaüs qui eut la Judée ; et l’historien Josèphe témoigne de sa cruauté, qui finit par soulever contre lui tous les Juifs. Il ne régna que neuf ans, après lesquels Auguste le relégua à Vienne, dans les Gaules, et réunit la Judée à la province romaine de Syrie. Wallon.
  31. Le Messie est souvent annoncé par les Prophètes sous l’image d’un germe qui pousse, d’une fleur, d’un rameau ou rejeton qui s’élève après qu’un arbre est tombé sous la hache, et qu’il ne reste plus de lui qu’un tronçon à fleur de terre dont toute la vie est dans les racines (Is., xi, 1). Ce rejeton ou petit rameau, figure de la faiblesse apparente de Jésus à sa naissance, s’appelle en hébreu nezer, etc. C’est à cette prophétie que S. Matthieu fait ici allusion.
  32. L’an 778 de Rome, 25 de l’ère vulgaire, 12 de Tibère seul empereur, 15 de Tibère associé par Auguste au gouvernement des provinces, Jésus ayant accompli sa trentième année au commencement de l’automne.
  33. C’est-à-dire Jean le Baptiste, ou qui baptise. Voy. Luc, i.
  34. On appelait ainsi la contrée stérile qui s’étend, du midi au nord, à l’ouest de la mer Morte et du Jourdain, et ici d’une manière plus particulière l’espace compris entre ce fleuve et Jéricho.
  35. C’est-à-dire le royaume du Messie sur la terre, son Église. Voy. ce mot dans le Vocabulaire.
  36. Isaie x, 3. Cette image est empruntée aux rois de l’Orient, qui envoient devant eux des messagers pour annoncer leur arrivée, aplanir les chemins, et leur préparer une réception digne d’eux. Jean-Baptiste est l’envoyé, proprement le Précurseur du Fils de Dieu fait homme, et sa mission est de disposer ses compatriotes à recevoir le salut apporté au monde par Jésus-Christ.
  37. C’était le vêtement et la nourriture des pauvres et des prophètes (IV Rois, i, 8 ; Hébr., xi, 37). « Encore aujourd’hui on apporte au marché, dans les villes arabes, de ces sauterelles que l’on fait bouillir comme les écrevisses, ou même rôtir au feu. Elles ressemblent pour la forme à de petits chevaux, et atteignent quelquefois une longueur de cinq pouces. » Sepp.
  38. Le long règne d’Hérode n’avait pas étouffé le sentiment religieux et national, toujours si vivace au cœur du peuple juif. Il se réveilla surtout quand la Judée, annexée à la province de Syrie, fut directement soumise au gouvernement des Romains (759 de Rome). Un nouveau gouverneur, Pilate, récemment arrivé (mars 778), était venu de Césarée à Jérusalem avec ses troupes, et avait fait placer sur la citadelle Antonienne, dans l’intérieur des murs de la ville sainte, les étendards de ses légions et les images de l’empereur. La douleur et l’indignation furent si vives, que Pilate jugea prudent de faire enlever les emblèmes sacrilèges qui faisaient croire au peuple que la fin des temps approchait ; mais la nation n’en restait pas moins aigrie et humiliée. Ajoutez que l’attente du Messie, c’est-à-dire d’un Roi libérateur, n’avait jamais été aussi présente qu’à cette époque. Voilà pourquoi les habitants de Jérusalem sortent en foule pour aller entendre sur les rives du Jourdain le nouveau prédicateur de la pénitence. Sepp.
  39. Le baptême de Jean était un engagement solennel de faire pénitence, pour obtenir ensuite du Messie la rémission des péchés et mériter d’entrer dans son royaume (l’Église). Voy. Baptême de Jean dans le Vocab.
  40. La colère qui vient, c’est la damnation éternelle, l’enfer dont Notre-Seigneur nous a délivrés, dit S. Paul (I Thess., i, 10) ; de même le jour de la colère, c’est le jour du jugement. Comp. vers. 12.
  41. La chaussure, chez les Juifs, consistait en sandales, qui s’attachaient aux pieds avec des courroies : les attacher, les détacher et les porter à la main à l’entrée des appartements, était un service réservé aux esclaves. Allioli.
  42. Si l’on prend le mot baptiser dans le sens propre, cela signifie que le baptême de Jésus-Christ, à la différence de celui de Jean-Baptiste, est accompagné de l’Esprit-Saint et de la grâce sanctifiante, qu’il a par lui-même une vertu régénératrice, qu’il sanctifie l’âme et l’embrase du feu de l’amour divin. Mais, dit le P. Patrizzi, baptiser doit s’entendre ici dans un sens figuré et plus large. Jean-Baptiste annonce ce que Notre-Seigneur lui-même promettra à ses disciples avant de les quitter : « Jean a baptisé dans l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit-Saint sous peu de jours. » (Act., i, 5 ; comp. Act., x, 44-48), le jour de la Pentecôte. Il s’agit donc ici, non pas uniquement du sacrement de baptême, mais du don de l’Esprit-Saint substantiellement répandu dans les âmes, pour nous rendre justes et les fils adoptifs de Dieu, « grand et merveilleux bienfait, accordé aux hommes pour la première fois après que le Fils de Dieu fait homme fut descendu du ciel pour leur salut, comme le fruit de sa venue, de ses mérites et de son sang, et inconnu aux justes de l’ancienne loi, à qui l’Esprit-Saint n’avait pas encore été donné, parce que Jésus-Christ n’avait pas encore été glorifié, Jean, vii, 39. » (Pétau, de Trinit., VIII, iv, § 5). Le feu, c’est la divine charité : comparez Luc, xii, 49, 50.
  43. Mais pas de délais ; hâtez-vous, car sa main, etc. — L’aire où les Hébreux battaient le blé consistait en une place libre, circulaire, située autant que possible sur une éminence, sans muraille ni toiture. Après le battage on vannait. Le mélange de grains et de paille étendu sur l’aire était jeté contre le vent avec une fourche ou pelle de bois, le bon grain retombait à terre, et la paille était emportée un peu plus loin. On déposait le blé dans des greniers, qui étaient d’ordinaire des excavations souterraines, où l’on conservait également le vin, l’huile, etc. La paille était employée, soit à nourrir les bestiaux, soit à faire des briques ; mais le plus souvent on la brûlait en place de bois, ce combustible étant rare chez les Orientaux. Welte. Notre-Seigneur se servira d’images semblables pour désigner les bons et les méchants, le ciel et l’enfer, par exemple, dans la parabole de l’ivraie, Matth., xiii, 24 et suiv.
  44. Jésus se soumit à toute la loi, jusqu’à ce que, par sa mort sur la croix, il eût rendu inutiles les symboles et les prescriptions de l’ancienne alliance. S. Jérôme. D’ailleurs, dit Bossuet, c’était l’ordre d’en-haut que Jésus, la victime du péché, qui devait l’ôter en le portant, se mît volontairement au rang des pécheurs.
  45. Le Père et le Saint-Esprit venaient de rendre témoignage à la divinité de Jésus, comme pour l’accréditer sur la terre au moment où il allait commencer sa mission (Luc, iv, 19). Le Sauveur achève de se préparer à son œuvre par la retraite, la prière et le jeûne, et l’Esprit-Saint le conduit au désert. Ce désert est celui de la Quarantaine, ainsi appelé par les premiers chrétiens en mémoire des quarante jours que Jésus-Christ y passa ; il est situé un peu au nord de Jéricho ; inculte et désolé, il ne connaît pas d’autres hôtes que les animaux sauvages. Là va s’engager la lutte entre l’antique Serpent et le Fils de la femme, qui doit lui écraser la tête.
  46. On trouve dans l’Arabie Pétrée, et particulièrement dans le désert de la Quarantaine, des pierres rondes et imitant parfaitement la forme de petits pains. C’était probablement une de ces pierres que Satan présentait à Jésus-Christ. Sepp.
  47. Deutér., viii, 3. Voici le verset entier : « Dieu, dit Moïse au peuple, vous a affligés de la faim, et il vous a donné pour nourriture la manne, qui était inconnue à vous et à vos pères, pour vous faire voir que l’homme ne vit pas seulement de pain, » etc. Quelques-uns traduisent : De toute chose qui sort de la bouche (créée par un ordre) de Dieu. Le mot latin verbum et son correspondant dans la langue hébraïque admettent en effet cette interprétation. Mais on peut laisser parole, et dire qu’il y a ici une métonymie, la cause pour l’effet, la parole qui crée pour la chose créée. — Jésus ne veut pas se servir de sa puissance pour satisfaire aux goûts et aux besoins de la chair ; il s’abandonne à la providence de son Père.
  48. Ps. xci, 11, 12.
  49. Deutér., vi, 16. S’exposer sans raison à un péril manifeste, se jeter, par exemple, du haut du temple à terre, avec la confiance de rencontrer entre deux les mains des anges, c’est tenter Dieu. Bossuet.
  50. « La première tentation s’adressait au foyer de concupiscence inférieure, la sensualité ; la seconde, à la concupiscence d’en-haut, l’orgueil ; la troisième s’adresse à l’ambition, ce composé des deux passions premières et radicales, équivalent des deux ensemble. C’est là l’histoire de tous les hommes, et l’ordre dans lequel se succède la tentation dans toutes les âmes. » Gratry.
  51. Deutér., vi, 13.
  52. C’est une loi de la vie des âmes que, quand la tentation est vaincue, les anges viennent et nous servent. On sent le ciel. On n’est plus au désert, on n’est plus seul : notre cœur est très-habité, très-vivant. La joie, la paix, la sérénité débordent. L’âme est heureuse : Dieu et les anges sont avec elle. Gratry.
  53. La Galilée supérieure où régnait le tétrarque Philippe. Sur la captivité de Jean-Baptiste, voy. Matth., xiv, 3.
  54. Le prophète Isaïe (vii, 23 ; ix, 1), décrivant les temps du Messie, nomme les parties du territoire israélite les plus favorisées par sa présence, savoir les tribus de Zabulon et de Nephtali, baignées par la mer de Tibériade, où se trouvait la ville de Capharnaüm, résidence plus habituelle de Jésus pendant sa vie publique. La Galilée des Gentils est la Galilée supérieure, située au-delà du Jourdain et habitée par des nations païennes mêlées aux Juifs. — Les ténèbres et l’ombre de la mort sont les images qui désignent l’ignorance et l’état malheureux des peuples idolâtres, de même que la lumière est le symbole de la vérité, de la vraie religion.
  55. C’est-à-dire la mer de Tibériade ou lac de Génésareth.
  56. En grec, leur barque.
  57. On appelait ainsi des édifices publics où les Juifs s’assemblaient pour la prière, la lecture et l’explication des saintes Écritures.
  58. L’heureuse nouvelle de l’avènement du royaume de Dieu, du règne du Messie.
  59. On appelle possédés, démoniaques ou énergumènes, des personnes dans le corps desquelles le démon, au moyen d’une inhabitation mystérieuse et d’une puissance tyrannique, opère de telle sorte qu’il puisse abuser de leurs sens selon ses vues, pervertir ou empêcher les mouvements du corps et les actes mêmes de l’âme, produire en un mot toutes sortes d’effets prodigieux et singuliers. Regarder les possédés dont il est question dans l’Évangile comme des malades ordinaires, et dire que le Sauveur s’accommoda dans son langage aux idées reçues de son temps, ne soutient pas l’examen et répugne aux faits (Compar. Matth., viii, 31, 32.) D’ailleurs Jésus lui-même invoque le pouvoir qu’il a de chasser les démons comme une preuve de sa mission divine.
  60. C’est-à-dire des épileptiques.
  61. District à l’est de la mer de Galilée, peuplé en grande partie par des Gentils, et ainsi appelé parce qu’on y comptait dix villes principales.
  62. Il est probable que S. Matthieu, qui souvent préfère l’ordre des matières à celui des temps, a groupé ici, autour d’un discours principal réellement prononcé en cette circonstance (comp. Luc, vi, 20, sv.), divers enseignements de Jésus donnés plus tard, afin de présenter un ensemble plus complet de sa doctrine. — Le lecteur nous saura gré de le préparer à la lecture du Sermon sur la Montagne en lui mettant sous les yeux ces lignes émues du P. Gratry : « Ô âmes, gravez en vous mot pour mot cet unique et divin discours : Dieu incarné, dit notre foi, a parlé ce jour-là dans une assemblée d’hommes. Ô ami, qui que vous soyez, dites-le-moi, Dieu même pouvait-il parler autrement ? Tout votre esprit ne voit-il pas, tout votre cœur ne sent-il pas que ce discours est une preuve intrinsèque de la divinité de Jésus-Christ ? Quant à moi, je ne puis m’empêcher de dire que, plus d’une fois dans ma vie, j’ai vu Dieu dans ces pages. Mes larmes d’enthousiasme les ont mouillées et mes baisers d’adoration les ont usées. »
  63. « Ceux qui n’ont pas l’esprit des richesses, le faste, l’orgueil, l’enflure, l’injustice, l’avidité insatiable, » Bossuet ; mais qui ont l’esprit de la pauvreté, sont humbles, dit saint Jean Chrysostome, et par conséquent modestes dans la richesse et patients dans la pauvreté.
  64. Sans aigreur, sans prendre avantage sur personne, n’opposant point la violence à la violence, aimant mieux souffrir et se taire, que de faire triompher leur droit par la dispute et le combat. — Dans le grec, la seconde béatitude est mise à la place de la troisième, et réciproquement.
  65. La terre des vivants, le ciel.
  66. Soit qu’ils pleurent leurs misères, soit qu’ils pleurent leurs péchés, ou même les misères et les péchés d’autrui. Comp. Luc, xvi, 25 ; Jean, xvi, 20.
  67. Les poëtes nous ont dépeint la passion de l’or sous l’image d’une soif exécrable, d’une faim importune : N.-S. se sert de la même figure pour recommander l’amour de la justice, c.-à-d., dit saint Jérôme, de la vertu, et du ciel qui en est la récompense. Comp. Jean, vii, 37. — « D’après saint Luc (vi, 21), le sens pourrait être encore : Heureux ceux qui ont faim et soif ici-bas à cause de la justice ; ils seront rassasiés d’une autre manière en ce monde et en l’autre. » Allioli.
  68. C.-à-d. ceux qui ont purifié leur cœur de tout attachement déréglé aux choses de la terre. Saint Augustin. Toutes les passions, l’orgueil, l’avarice, etc., troublent la pureté du cœur et l’empêchent d’aller à Dieu, de s’unir à lui par un commerce intime et familier ; mais comme ce désordre est surtout l’ouvrage de la luxure, la sixième béatitude s’entend ordinairement de la chasteté, quoiqu’elle ait un sens plus général.
  69. « Soyons vraiment pacifiques, ayons toujours des paroles de réconciliation et de paix pour adoucir l’amertume que nos frères témoigneront contre nous ou contre les autres, cherchant à adoucir les mauvais rapports, à prévenir les inimitiés, les froideurs, les indifférences, enfin à réconcilier ceux qui seront divisés. C’est faire l’œuvre de Dieu et se montrer ses enfants, en imitant sa bonté. » Bossuet.
  70. Le royaume des cieux est également promis aux huit béatitudes, mais à chacune sous un nom différent en rapport avec elle : pour les pauvres, c’est un royaume ; pour les doux, souvent dépossédés ici-bas, c’est une terre d’un prix infini ; pour ceux qui pleurent, c’est une ineffable consolation ; pour les affamés de justice, c’est un éternel rassasiement ; pour les cœurs purs, c’est la vision de Dieu ; pour les pacifiques, c’est le titre d’enfants de Dieu ; enfin pour les persécutés, c’est un royaume encore. Saint Augustin.
  71. Le sel conserve, il empêche la corruption : par leur doctrine et leurs œuvres, les disciples de Jésus doivent remplir ce rôle dans le monde entier. Mais qu’ils ne se laissent point affadir, qu’ils marchent en toute liberté, sans crainte des persécutions.
  72. La Loi et les Prophètes désignent l’ensemble des Écritures de l’Ancien Testament ; la Loi correspond au Pentateuque, ou cinq livres de Moïse. Il s’agit ici, non des prescriptions cérémonielles que Jésus abrogea et rendit inutiles en leur substituant les sacrements qui renferment la grâce, mais des préceptes moraux et de tout ce qui était figuré ou prédit touchant le Messie : J.-C. observa et confirma les préceptes moraux, et réalisa dans sa personne les figures et les prophéties.
  73. Locution proverbiale pour exprimer la plus petite partie d’une chose. La lettre i, appelée iota en grec, et iod en hébreu, est la plus petite des lettres hébraïques. Un point, litt. une corne, un trait, une partie de lettre.
  74. Les Pharisiens regardaient comme très-petits, c.-à-d. comme non obligatoires, les préceptes qui règlent les pensées et les désirs des hommes (Exod., xx, 17, sv.), et ils se contentaient de se conformer à la lettre de la loi. « La vie chrétienne aussi, dit Bossuet, demande une extrême exactitude. Il faut prendre garde aux moindres préceptes, et n’en mépriser aucun. Le relâchement commence par les petites choses, et de là on tombe dans les plus grands maux. »
  75. J.-C. marque dans ce qui suit trois degrés qui conduisent à la perfection de la justice chrétienne. Le chrétien doit s’élever : 1o au-dessus des plus sages des païens ; 2o au-dessus des plus justes d’entre les Juifs ; 3o au-dessus de lui-même, et tendre à la beauté morale absolue, indiquée par le dernier vers, et de ce chap. : « Soyez parfaits comme mon père céleste est parfait. » Bossuet.
  76. La loi de Moïse avait été altérée, dans les derniers temps de la nation, par les fausses interprétations, et même les additions que les docteurs juifs y avaient mêlées. À ces interprétations qui dénaturaient la théologie judaïque, déjà si inférieure à la morale chrétienne, N.-S. oppose les préceptes nouveaux de l’Évangile. Nous n’avons pas hésité à traduire, par les Anciens, et non aux Anciens : 1o c’est le sens du grec, et on sait que les Latins mettent aussi au datif (au lieu de l’ablatif avec une préposition) le complément d’un verbe passif (Cicer. Pro lege Manil., 24. Ovid. Trist., v, 10, 37). 2o Les Évangélistes parlent souvent des traditions des Anciens (Par ex. Marc, vii, 3, 5). 3o L’apodose, au vers 22, indique ce sens : Les Anciens disaient… Et moi, je vous dis ; s’il y avait dans le premier membre : Il a été dit aux Anciens, N.-S. aurait dû reprendre : Et à vous je dis, en lat. vobis autem.
  77. Raca, c.-à-d. homme vain et léger, sans cervelle. — Le tribunal du jugement, établi dans chaque ville, se composait de sept membres, dit Josèphe ; il jugeait sans appel les causes légères, et, sauf appel au sanhédrin, les causes graves, même capitales. Le sanhédrin, ou grand conseil, ou simplement le conseil, était le tribunal suprême de la nation pour toutes les causes majeures, intéressant la religion ou l’État. Il se composait de soixante-douze membres et siégeait à Jérusalem. — La pensée de N.-S., dans ces deux versets, est celle que saint Jean exprime ainsi : « Celui qui hait son frère est un meurtrier. » I, iii, 15.
  78. Comme il s’agit évidemment d’une injure grave, Kuinœl prend le mot fou dans le sens de impie, scélérat ; en effet, dans l’Ancien Testament, la piété et la vertu sont souvent désignées sous le nom de sagesse, l’impiété et le crime sous celui de folie. — La géhenne du feu ; c.-à-d le feu de l’enfer ; voy. Géhenne dans le Vocabulaire.
  79. Officier public chargé d’exécuter les sentences portées par le juge.
  80. Litt. quadrant, la moitié du chalque attique, un liard. — On trouve ici, selon la remarque du Dr Hug, une allusion au droit romain, qui commençait à entrer dans les mœurs juives.
  81. Vos docteurs de la Loi n’entendent le sixième précepte du décalogue que de l’adultère réel et consommé ; et moi, je vous dis, etc.
  82. Si quelque chose ou quelqu’un que vous aimez à l’égal de votre œil droit ou de votre main droite, devient pour vous une occasion de péché, séparez-vous-en.
  83. Deut., xxiv, 1, 3.
  84. Il n’y a pas de doute que le divorce ne soit jamais permis dans la religion chrétienne : comp. Matth., xix, 9 ; Marc, x, 12 ; Luc, xvi, 18 ; I Cor., vii, 10. Ces paroles de saint Matth. : Quiconque renvoie sa femme, hors le cas d’adultère, etc., ou bien s’adressent aux Juifs qui admettaient le divorce pour des raisons frivoles, ou bien doivent s’entendre d’un simple renvoi, de la séparation quant à l’habitation commune, et non de la rupture du lien du mariage.
  85. Kuinœl : Vous ne pouvez faire (créer) un seul cheveu blanc ou noir. On ne désire guère, dit-il, rendre blancs les cheveux noirs. Argutie !
  86. Du démon. — Les Pharisiens divisaient les serments en graves et légers. Les premiers étaient ceux où le saint nom de Dieu intervenait ; les violer était un parjure. Quant aux serments faits par le ciel, par la terre, etc., ils y attachaient si peu d’importance qu’ils ne voyaient pas de parjure dans leur violation. N.-S. décide qu’il y a dans ces formules une espèce de religion qu’il faut respecter, et recommande à ses disciples de se contenter, dans les circonstances ordinaires, d’une simple affirmation ou négation. — « Si nous sommes remplis de Dieu et revêtus de J.-C, la vérité est en nous ; et nos discours étant fermes par le mérite de la source d’où ils sont partis, ne demandent pas d’être appuyés par la religion du serment. » Bossuet.
  87. La loi du talion, inscrite dans la législation mosaïque, l’était aussi dans les lois de Solon et dans celle des Douze Tables. Chez les Hébreux, dit Michaëlis, elle était adoucie par les sentences des juges, et, au témoignage de Josèphe, par les satisfactions pécuniaires. Mais les docteurs juifs en avaient abusé pour ouvrir la voie aux vengeances privées. Les disciples de Jésus seront animés d’un autre esprit : ils seront dans la disposition de tout souffrir et de tout sacrifier plutôt que de blesser la charité par une vengeance personnelle et arbitraire.
  88. Pour lui montrer le chemin ou porter ses bagages.
  89. La première prescription était un commandement de Dieu, Lévit., xix, 18 ; la seconde, une fausse conséquence déduite par les docteurs de la Loi.
  90. Le grec ajoute ici : Bénissez ceux qui vous maudissent.
  91. « Le soleil, quand il se lève, nous avertit de son immense bonté, puisqu’il ne se lève pas plus tard, ni avec des couleurs moins vives, pour les ennemis de Dieu que pour ses amis. Adorez donc, quand il se lève, la bonté de Dieu qui pardonne ; et ne témoignez pas à votre frère un visage chagrin, pendant que le ciel, et Dieu même, si l’on peut parler de la sorte, lui en montre un si serein et si doux. » Bossuet.
  92. Gens qui louaient des Romains la charge de collecteurs des impôts, et si odieux aux juifs, que leur nom seul était un symbole de mépris. Voy. ce mot dans le Vocabulaire.
  93. Comme vous ne pouvez jamais égaler votre Père céleste, croissez toujours pour vous approcher de cette perfection. L’entreprise est grande ; mais le secours est égal au travail : Dieu, qui vous appelle si haut, vous tend la main ; son Fils, qui lui est égal, descend à vous pour vous porter. Imitez saint Paul : « Non, mes frères, disait-il, je ne crois pas avoir encore atteint la justice où je tends, ni que je sois parfait ; je poursuis ma course, et oubliant ce qui est derrière moi (le progrès qu’il a fait), je m’étends à ce qui est devant. » Philipp., iii, 12, sv. Bossuet.
  94. En grec : Vous en rendra publiquement la récompense, au jour du jugement. Le même mot est encore ajouté au vers. 6.
  95. La prière est donc quelque chose de méritoire. Comment en serait-il autrement, puisqu’elle procède de l’amour pour Dieu et le prochain ? Il ne faut pas se figurer que les âmes qui font de la prière la principale occupation de leur vie soient inutiles pour le monde. Les plus grands événements, les faits de l’histoire les plus féconds en heureux résultats, sont décidés, moins par l’épée d’un guerrier ou la sagesse d’un homme d’État, que par les soupirs des âmes qui prient dans le secret de leur retraite ; c’est ce que révélera au monde le grand jour du jugement. Allioli.
  96. Mais alors à quoi bon prier ? Nous prions, dit saint Augustin, non à cause de Dieu, mais à cause de nous-mêmes, parce que la prière nous dispose à recevoir les dons de Dieu. Nous n’avons pas besoin de faire remarquer que N.-S. ne condamne pas d’une manière absolue les prières publiques ou prolongées, mais uniquement celles qui sont faites par vanité et sans aucune disposition intérieure.
  97. Ne permettez pas que nous succombions aux attaques de notre ennemi, mais délivrez-nous du Malin, c.-à-d. de Satan, qui est cet ennemi.
  98. Le mot trésor désigne chez les Orientaux trois choses qu’ils amassent et conservent avec soin : de l’or et des pierres précieuses, du blé, de riches vêtements.
  99. Le souci des richesses détourne l’âme de la piété et de la vertu. Pour exprimer cette pensée, N.-S. cite un proverbe connu : c’est ce qui explique, dit Meyer, le changement du plur. au sing. : ton trésor, ton cœur.
  100. Il s’agit ici des deux principes opposés, la charité et la cupidité. L’œil simple exprime la libéralité d’une âme bienveillante, exempte d’envie et d’égoïsme, et qui donne volontiers ; l’œil mauvais, c’est l’égoïsme d’un cœur envieux ou avare.
  101. Le Dieu des richesses, le Plutus des Grecs.
  102. Le grec ajoute : Et boirez.. N.-S. ne condamne qu’un excès de sollicitude qui exclut la confiance en Dieu.
  103. D’autres, avec Kuinœl, traduisent le grec : Ajouter à la durée de sa vie la longueur d’une coudée, c.-à-d. le plus court espace : comp. Luc, xii, 16 ; Ps xxxix, 6, hébr. En effet, ajouter une coudée à sa taille serait l’augmenter considérablement, et il semble que la pensée générale, au contraire, demande ici quelque chose de petit et de faible.
  104. Ses afflictions et ses combats.
  105. Il ne faut pas juger témérairement ; mais la simplicité, qui ne pense pas le mal, n’exclut pas la prudence, nécessaire surtout lorsqu’il s’agit de sauvegarder l’honneur de la religion et le respect dû aux choses saintes. La loi du secret parmi les premiers chrétiens est une application de cette maxime ; ils apportaient un grand soin à dérober aux païens la connaissance de nos saints mystères, de peur de provoquer leurs blasphèmes ou leur fureur.
  106. Ainsi, prenant exemple de la libéralité de Dieu envers nous, tout ce que vous voulez, etc.
  107. La vie, c’est la béatitude éternelle, le ciel.
  108. Les docteurs d’alors, les Scribes et les Pharisiens.
  109. C.-à-d. à leurs œuvres, à leur conduite.
  110. Les vers. 24-27 sont comme l’épilogue du sermon sur la montagne.
  111. « La doctrine de J.-C. est si belle et si solide, qu’elle cause de l’admiration à tout le peuple. Car qui n’en admirerait la pureté, la sublimité, l’efficace ! Elle a converti le monde, elle a peuplé les déserts, elle a fait prodiguer à des millions de martyrs de toute condition, de tout âge et de tout sexe, jusqu’à leur sang. Elle a rendu les richesses et les plaisirs méprisables ; les honneurs du monde ont perdu tout leur éclat. L’homme est devenu un ange, et il s’est porté à se proposer pour modèle Dieu même. Qui ne l’admirerait donc cette belle, cette ravissante doctrine ? Mais ce n’est pas assez de l’admirer. Jésus enseigne comme ayant puissance ; il faut que tout cède, et que tout orgueil humain baisse la tête. » Bossuet.
  112. Le lépreux était exclu du commerce ordinaire avec les autres hommes, et il n’y était admis qu’après qu’un prêtre avait constaté sa guérison. Le don prescrit par Moïse consistait en deux passereaux, dont l’un était offert en sacrifice, et l’autre mis en liberté (Lévit., xiii, 2 ; xiv, 4) ; cette offrande publique devait servir comme de témoignage à la guérison du lépreux, afin qu’on ne pût pas l’inquiéter à l’avenir. — Tous les Pères ont vu, dans la lèpre, la figure du péché, et dans ces paroles : Allez vous montrer au prêtre, une allusion à la confession.
  113. Officier qui commandait cent soldats, vraisemblablement au service d’Hérode Antipas, tétrarque de la Galilée. Quoique Gentil, il était de ces hommes pieux qui reconnaissaient le vrai Dieu, et dévoué aux Juifs, auxquels il avait fait bâtir une synagogue (Luc, vii, 5). Cette dernière circonstance l’a même fait regarder par quelques-uns comme un prosélyte, c.-à-d. comme un Gentil converti à la religion mosaïque.
  114. Quelle humilité, dit saint Augustin ! celui qui se sent indigne que Jésus entre dans sa maison, se rend par là même digne que Jésus entre dans son âme. En effet, ce sont ces paroles du centurion que l’Église met sur les lèvres de ses enfants au moment où ils vont recevoir J.-C. dans la sainte communion.
  115. Le discours du centurion est vif et tout à fait militaire ; il n’achève même pas le raisonnement commencé. Au reste, la conséquence se devine sans peine : Vous à qui obéissent les forces de la nature, donnez vos ordres, commandez à la maladie, et elle quittera mon serviteur.
  116. L’admiration que témoigne ici le Sauveur ne vient pas de ce que la foi du centurion lui fût inconnue ; mais il s’exprime ainsi pour faire remarquer la grandeur de cette foi au peuple qui l’accompagnait. Saint Augustin.
  117. La félicité éternelle est souvent, dans la Bible, comparée à un festin, parce qu’elle apporte à l’homme le repos, la joie et le rassasiement.
  118. C.-à-d. les Juifs qui, pleins de mépris pour les Gentils, se persuadaient qu’eux seuls auraient part à la félicité apportée au monde par le Messie.
  119. Les ténèbres extérieures désignent l’enfer. J.-C. continue l’allégorie. Dans les festins, la salle était toujours bien éclairée, de sorte que ceux qui avaient été mis dehors se trouvaient dans les ténèbres, pleurant et grinçant les dents de dépit et de rage. — « Jésus n’est pas sorti de Judée ; mais, dès ce temps sans doute, il envoyait son esprit et son cœur pour appeler et préparer mystérieusement, par toute la terre, la multitude de ses élus. Oui, disait-il, il en viendra d’Occident et d’Orient ; des foules viendront s’asseoir avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume de Dieu. Mais prenez garde, disait-il à ceux qui se croyaient, par droit de naissance, les élus du royaume, prenez garde ! car les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres extérieures. Ces paroles n’ont-elles pas déjà leur accomplissement historique ? Les Juifs ne sont-ils pas dans les ténèbres et la multitude des nations n’est-elle pas venue de l’Orient et de l’Occident former l’assemblée sainte, l’Église visible qui est l’intérieur du royaume ? » Gratry.
  120. La tradition donne à la belle-mère de Pierre le nom de Jeanne.
  121. Isaïe, liii, 4.
  122. D’après une tradition que Clément d’Alexandrie nous a conservée, c’était l’apôtre saint Philippe. Allioli.
  123. Ce disciple aurait pu être empêché par sa famille de suivre Jésus. Ce que N.-S. enseigne ici, dit saint Ambroise, c’est que l’affaire du salut est la première et la plus importante, et que nous devons éviter tout ce qui peut devenir pour nous un obstacle à notre sanctification ; ou bien, selon Kuinœl, c’est qu’un apôtre, appelé à des fonctions plus hautes, doit laisser le soin d’ensevelir les morts aux hommes appliqués à des occupations basses et terrestres.
  124. Saint Marc (iv, 36) nous apprend qu’il y avait plusieurs barques.
  125. Les tombeaux des Hébreux, particulièrement des familles riches, étaient des grottes souterraines, taillées dans le rocher, souvent assez spacieuses pour être soutenues par des colonnes ; tout autour, le long des parois, étaient creusées des espèces de niches pour recevoir les sarcophages. Lowth. Sur le pays des Geraséniens, voy. Marc, v, 1.
  126. Les malins esprits sont tourmentés depuis le moment de leur chute, et ils sont en proie aux tourments, même hors de l’enfer. Mais tant que Satan sera le prince de ce monde, et qu’il pourra tenter les hommes et leur nuire, les esprits pervers trouveront dans cette liberté un adoucissement à leur sort, liberté qui cessera entièrement, quand, à la fin des temps, J.-C. les renfermera pour jamais dans les abîmes et régnera seul. Ils semblent craindre, dans ce passage de saint Matthieu, que Jésus ne les précipite en enfer avant que la fin des temps ne soit venue. Allioli.
  127. Ce troupeau appartenait à des païens, car il n’était pas permis aux Juifs de manger de la chair de porc. — Dans le grec : Il y avait, loin d’eux ; mais les mots gr. et lat. correspondant à l’adv. loin expriment souvent une faible distance. Kuinœl.
  128. Peut-être avaient-ils l’intention de nuire aux Géraséniens, et de les soulever contre Jésus.
  129. Comment, disent quelques incrédules, J.-C. a-t-il pu occasionner à ces gens-là une si grande perte ? Question aussi impertinente que celle-ci : Comment Dieu laisse-t-il se propager tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, des maladies qui attaquent les animaux ? — Dieu ne frappe jamais qu’en père, pour ramener à lui.
  130. Et ce qui était, c.-à-d. notamment ce qui était, etc.
  131. Capharnaüm, où il faisait sa résidence ordinaire.
  132. Le paralytique croyait-il, comme les Pharisiens l’enseignaient (Jean, ix, 2), que toute maladie avait sa cause dans un péché personnel ? Cela se trouvait-il vrai dans ce cas particulier ? Ou bien N.-S. voulait-il simplement montrer aux Juifs qu’il avait le pouvoir de remettre les péchés ? Quoi qu’il en soit, il est incontestable que la présence de la grâce de Dieu dans une âme est un bienfait même pour le corps.
  133. La multitude s’étonne, parce qu’elle considère Jésus comme un prophète ordinaire. Aujourd’hui ce sont bien réellement des hommes, tous les prêtres, qui possèdent, en vertu d’une institution divine (Jean, xx, 23), et exercent dans l’Église de J.-C. le pouvoir de remettre les péchés.
  134. C.-à-d. don de Dieu : c’est le même nom que Théodore, Déodat, Dieudonné. Il s’appelait aussi Lévi.
  135. Suivez-moi, c.-à-d. soyez mon disciple.
  136. Après le repas, au moment où Jésus sortait de la maison de Matthieu ; car il n’est pas probable que les Pharisiens eussent voulu entrer chez un publicain. Kuinœl.
  137. Osée, vi, 6. Ces paroles, d’après l’usage de la langue hébr., signifient : J’aime mieux la miséricorde que le sacrifice. Par sacrifice Notre-Seigneur entend ici tous les actes du culte extérieur, que les Pharisiens pratiquaient avec tant de scrupule.
  138. Saint Jérôme et saint Hilaire : Les justes, c’est-à-dire ceux qui se regardaient comme justes, tels que les Pharisiens. Corn. Lapierre ajoute : à la pénitence, qui se trouve dans plusieurs manuscrits (comp. Luc, v, 32). Bossuet : Jésus-Christ, comme Fils de Dieu, quoi qu’il se plaise de voir à ses pieds un pécheur qui retourne à la bonne voie, il aime toutefois d’un amour plus fort l’innocence qui ne s’est jamais démentie, et l’honore d’une familiarité plus étroite ; quelque grâce qu’aient à ses yeux les larmes d’un pénitent, elles ne peuvent jamais égaler les chastes agréments d’une sainteté toujours fidèle. Tels sont les sentiments de Jésus selon sa nature divine ; mais il en a pris d’autres pour l’amour de nous, quand il s’est fait notre Sauveur. Comme Sauveur, dit-il, je dois chercher ceux qui sont perdus ; comme Médecin, ceux qui sont malades ; comme Rédempteur, ceux qui sont captifs… De la même manière qu’un médecin, comme homme, il se plaira davantage à converser avec les sains, et néanmoins comme médecin, il aimera mieux soulager les malades. Ainsi ce médecin charitable, certainement comme Fils de Dieu, il préfère les innocents, mais en qualité de Sauveur, il recherchera plutôt les criminels.
  139. Saint Luc (xviii, 12) nous apprend que les Pharisiens jeûnaient deux fois la semaine. Il devait en être à peu près de même des disciples de Jean-Baptiste, le prédicateur de la pénitence ; peut-être même, pendant la captivité de leur maître, multipliaient-ils leurs jeûnes en signe de deuil.
  140. Ses compagnons, appelés par les Grecs paranymphes, qui escortaient l’époux le jour de ses noces, et lui rendaient toutes sortes d’honneurs et de services. Jean-Baptiste lui-même avait donné à Notre-Seigneur le nom d’Époux (Jean, iii, 29) ; l’Épouse, c’est l’Église, sans tache, ni ride, dit saint Paul, mais sainte et immaculée ; c’est aussi chaque âme fidèle en particulier. — Dans les siècles passés, l’Église jeûnait plusieurs fois la semaine, en mémoire de la douleur que la retraite (mort et sépulture) de son divin Époux lui avait causée. Il nous en reste encore l’abstinence du vendredi et du samedi.
  141. Le sens général des versets 16-17 est que les vieilles lois cérémonielles des Juifs ne doivent ni ne peuvent être ajoutées à la nouvelle doctrine de Jésus-Christ, faire partie de la religion chrétienne. Cette pensée, Notre Seigneur l’exprime par deux comparaisons empruntées à la vie commune, et dont il ne faut pas urger l’application dans les détails.
  142. Chaque synagogue avait un chef, chargé de veiller au maintien de l’ordre dans les assemblées. — Comp. saint Luc, viii, 49 sv., qui complète le récit abrégé de saint Matthieu.
  143. Cette femme, qui se considérait comme impure, était retenue par la honte.
  144. D’après la Loi (Nomb., xv, 38 ; Deut., xxii, 12), les Hébreux devaient porter, à chacun des quatre coins de leur vêtement de dessus, c’est-à-dire de leur manteau (longue pièce de drap quadrangulaire), une houppe composée de fils de laine, pour se distinguer d’entre les Gentils et se souvenir des commandements du Seigneur. C’est cette houppe que la plupart appellent improprement frange.
  145. « Chez les Juifs, la plus pauvre femme avait, après sa mort, au moins deux joueurs de flûte et une pleureuse qui faisait entendre des chants funèbres ; mais ici le convoi était beaucoup plus considérable. Les morts étaient emportés aussitôt de la maison : on voulait éviter par là les souillures légales. » Sepp.
  146. « Un imposteur aurait dit : Elle ne dort pas, elle est réellement morte, afin de donner plus de poids et de consistance à son imposture ; mais le vrai thaumaturge agit autrement. » Sepp.
  147. Le mutisme de cet homme n’était pas occasionné par une cause naturelle, telle qu’un vice des organes ; il était produit par le démon. S. Jean Chrysostome.
  148. Voy. chap. xii, 14 sv.
  149. Abattus par la fatigue ; le mot gr. correspondant se traduirait mieux, délaissés, abandonnés à eux-mêmes : image d’un troupeau négligé par ses conducteurs. Kenrich. Meyer : déchirés (mordus) et couchés (à demi-morts ou morts tout à fait) : image d’un troupeau ravagé par le loup ; mais ce sens plus énergique nous paraît moins bon.
  150. Ainsi Dieu fait dépendre en partie de la prière des fidèles l’envoi de bons pasteurs. C’est pourquoi l’Église a déterminé quatre époques de l’année, appelées Quatre-Temps, auxquelles les fidèles doivent, entre autre chose, demander cette grâce à Dieu par le jeûne et la prière.
  151. Ce mot veut dire envoyés, ambassadeurs. On appelle ainsi les douze hommes que Jésus choisit parmi tous ses disciples, pour annoncer sa doctrine, établir son Église, et que le Saint-Esprit pourvut des dons nécessaires à cette fin. Ils sont nommés deux à deux, parce que Notre-Seigneur les envoya deux à deux prêcher l’Évangile. Simon Pierre figure toujours au premier rang, à cause de sa prééminence ; il est le coryphée, dit saint Jean Chrysostome, c’est-à-dire celui qui marche en avant, le guide, le chef de tout le corps.
  152. L’Évangéliste. Voy. Matth., iv, 21.
  153. Voy. Jean, i, 44.
  154. C’est-à-dire fils de Tholomé ; on croit que c’est le Nathanaël dont parle saint Jean (i, 46 ; xxi, 2).
  155. Surnommé le Mineur, fils d’Alphée, autrement Cléophas ou Klopas (trois formes différentes du même nom). Sa mère, nommée Marie, était la sœur de la sainte Vierge (Jean, xix, 25). Il est l’auteur de la Ire Épître catholique.
  156. En gr. et Lebbée, surnommé Thaddée. C’est le même que Jude, frère de Jacques le Mineur, et auteur de l’Épître qui porte son nom. Lebbée (de l’hébr. leb, cœur, courage) et Thaddée (de l’hébr. thad, poitrine) signifient également le courageux.
  157. Ou le Zélote (comp. Luc, vi, 15 ; Act. i, 13). On ne sait pas pourquoi on lui a donné ce surnom, qui n’est d’ailleurs que la traduction grecque de son nom.
  158. C’est-à-dire homme de Carioth (Kerioth), ville de la tribu de Juda, à une journée au-delà d’Hébron ; aujourd’hui Kurietein ou Kereiten. Peut-être a-t-il reçu ce surnom, parce que seul il était né en Judée, tandis que les autres apôtres étaient originaires de la Galilée.
  159. Saint Matthieu rassemble ici diverses instructions données par Notre-Seigneur, soit aux Apôtres, soit aux soixante-douze disciples. Comp. Marc, vi, 7-13 ; ix, 37, 41 ; xiii, 9-13 ; Luc, ix, 2-6 ; xii, 2-12 ; xiv, 26, 27 ; xxi, 12-18.
  160. En gr. dans une, c’est-à-dire aucune ville des Samaritains : voy. Jean, iv, 9. C’est parmi les Juifs que le Messie était né ; il convenait donc qu’ils fussent les premiers invités au salut. Notre-Seigneur voulait sans doute aussi éviter, au commencement de sa mission, toute complication résultant de rivalités et de jalousies nationales. Au reste, bientôt tomberont toutes les barrières : Juifs, Samaritains, Gentils, tous les hommes sans exception seront évangélisés.
  161. Notre-Seigneur ne veut pas que ses ministres profitent, pour s’enrichir, des pouvoirs et des dons qu’ils ont reçus de l’Esprit-Saint ; mais il déclare (v. 10) qu’ils sont « dignes qu’on les nourrisse. »
  162. La ceinture, chez les Hébreux, comme celle que portent encore de nos jours certains marchands forains, était souvent disposée de manière à servir de bourse. D’autres fois la bourse était suspendue à la ceinture.
  163. C’est-à-dire qui est, par sa libéralité et ses bonnes dispositions, digne de vous recevoir, et avec vous la doctrine du salut.
  164. Le grec omet : disant : Paix à cette maison. C’était le salut ordinaire chez les Juifs ; mais, dans la bouche des Apôtres, qui apportaient la véritable paix, la réconciliation avec Dieu, cette formule exprimait une réalité.
  165. Elle sera inutile pour eux. Mais vous, ajoute saint Augustin, vous ne perdrez point le fruit de votre prédication.
  166. Les Juifs, dit Lightfoot, regardaient comme impure, non-seulement la personne même des Gentils, mais jusqu’à la poussière de leurs champs ; elle souillait ceux auxquels elle s’attachait. Par l’action symbolique qui leur est ici commandée, les Apôtres témoignaient qu’il n’y avait plus désormais rien de commun entre eux et cette ville ou cette maison et ses habitants.
  167. « Soyez prudents, non pas pour vous, vous n’avez absolument rien à craindre, mais pour les hommes qui sont en face de vous. Prenez garde ! car s’ils foulent aux pieds les choses saintes que vous annoncez et que vous apportez, s’ils vous forcent de secouer en sortant la poussière de vos pieds, ils seront plus sévèrement jugés que Sodome et Gomorrhe. Traitez-les comme l’homme traite l’enfant, ou le médecin le malade. » Gratry.
  168. Des Juifs, semblables à des loups.
  169. La flagellation était, parmi les Juifs de cette époque, une punition ordinaire pour la violation de la loi de Moïse : elle était donnée dans les synagogues, Allioli.
  170. Vous y paraîtrez comme des témoins de la vérité, et vous rendrez devant eux témoignage à ma doctrine. Bossuet.
  171. L’Esprit de votre Père, qui rend est aussi l’Esprit du Fils (Gal. iv, 6), le Saint-Esprit.
  172. Sainte Barbe et sainte Christine furent livrées à la mort par leur père, et sainte Lucie par son propre fils. Allioli.
  173. C’est-à-dire, parce que vous êtes chrétiens. C’est ce que dit l’histoire par la bouche de Tacite : Christianos odio generis humani convictos ! Condamnés par la haine du genre humain ! Qu’on se rappelle les persécutions. Des hommes nouveaux, humbles et doux, présentent la vérité dans la paix et l’amour : on leur répond par la haine. La vieille société païenne traîne les premiers disciples de Jésus-Christ sous l’œil féroce des foules, des assemblées, des tribunaux. Leur indéfinissable majesté ivres de fureur les juges. On les frappe, on les tue ; durant trois siècles tout se soulève pour les exterminer, comme des serpents dont il faut extirper la race. Gratry.
  174. Saint Jean Chrysostome : Avant que vous n’ayez achevé de parcourir, dans cette mission, la Galilée et la Judée, je viendrai à vous, et vous réunirai de nouveau à ma société. Corn. Lapierre : Vous (et vos successeurs) n’aurez pas encore converti tous les Israélites quand je viendrai dans mon second avènement pour le jugement dernier. La conversion générale des Juifs ne doit avoir lieu qu’à la fin des temps (Rom., xi, 25, 26).
  175. Voy. ce mot dans le Vocabulaire.
  176. Ce proverbe général signifie ici : La vérité de ma doctrine et votre innocence ne laisseront pas de paraître au grand jour, et de remporter sur eux, à la face du monde, une éclatante victoire. Saint Jean Chrysostome.
  177. La doctrine que je vous ai enseignée en présence d’un petit nombre de témoins, vous l’annoncerez ouvertement à tous les hommes. Les toits des maisons en Orient sont plats ; on peut s’y promener et parler de là au peuple.
  178. C’est-à-dire Dieu. Comp. Sagesse, xvi, 13 sv.
  179. Litt. un as, monnaie romaine qui avait cours alors chez les Grecs et les Hébreux, et valait la dixième partie d’une drachme, un peu plus d’un sou.
  180. Les vers. 32-33 doivent se joindre aux vers. 27-28.
  181. C’est-à-dire, ma doctrine excitera toutes sortes de contradictions. Les disciples de Jésus-Christ possèdent une vertu surnaturelle, une vertu qui est un reproche pour les consciences mondaines. Les vertus naturelles, la bonté du cœur, la bienfaisance à l’égard du prochain qui en découle, le monde peut bien les estimer et les aimer : il sent que ce sont là des fruits qui naissent dans son sol ; mais les vertus proprement chrétiennes, l’abnégation, la pénitence, l’union à Dieu et l’assiduité à la prière, il les hait ; il souffre en leur présence comme en présence de l’ennemi de tout ce qu’il y a en lui de plus intime, de ce qu’il cherche et qu’il aime davantage : car il sent que là est sa mort (Jacq., iv, 4). Allioli.
  182. La croix est le symbole des plus grandes souffrances. Le disciple de Jésus crucifié doit embrasser d’avance, mettre courageusement sur ses épaules toutes les tribulations qu’il pourra rencontrer en suivant son divin Maître.
  183. Le mot vie, proprement âme en gr. et en lat., a deux significations : il désigne la vie passagère du corps et la vie éternelle de l’âme. Sens : Celui qui, pour conserver sa vie, abandonne ma doctrine, perd la vie véritable, la vie éternelle. Autre application : Celui qui conserve sa vie, la vie de l’homme charnel, dans sa plénitude, au milieu des voluptés et des délices, qui ne pratique jamais la mortification chrétienne, conduit à la mort sa vie la plus noble. Comp. Jean, xii, 25. — Cependant ayez confiance ; plusieurs vous recevront volontiers, etc.
  184. Tant c’est une grande chose que d’avoir concouru, ne fût-ce que par une prière, par un vœu, par un verre d’eau, au règne de Dieu sur la terre !
  185. Voy. Matth., xiv, 1 sv.
  186. Le Messie. Les SS. Pères nous disent que Jean-Baptiste envoya cette députation parce que plusieurs de ses disciples étaient encore dans le doute au sujet de Jésus : il voulait que le Messie eût une occasion de se manifester lui-même à eux.
  187. C’est sous ces traits qu’Isaïe décrit la venue du Messie (xxxv, 5 ; lxi, 5).
  188. De voir le Messie dans cette condition humble et pauvre, et non dans l’éclat d’une royauté terrestre, comme plusieurs s’imaginaient qu’il viendrait.
  189. Symbole de la légèreté et de l’inconstance.
  190. L’ange, c’est-à-dire le précurseur du Messie, celui qui le montre présent et qui est chargé de préparer ses compatriotes à le recevoir, est plus que les anciens prophètes, qui l’ont seulement annoncé de loin. De plus, Jean-Baptiste a eu l’honneur d’être annoncé lui-même par les prophètes, entre autres par Malachie (iii, l ; iv, 5), d’après lequel Élie doit revenir sur la terre lors de l’avénement du Messie. Au premier avénement, Jean parut dans la vertu d’Élie ; au dernier avénement, Élie lui-même apparaîtra pour convertir les Juifs au Seigneur.
  191. Jean-Baptiste, dit Tertullien, est placé sur la limite des deux Testaments, l’Ancien et le Nouveau : on pourrait donc dire qu’il appartient aux deux, à l’ancienne Loi, comme précurseur du Messie, à la Loi nouvelle comme disciple de Jésus-Christ. Mais il est considéré ici uniquement comme précurseur, comme le dernier représentant de la Loi ancienne ; et, sous ce rapport, quoique aucun des saints personnages de l’Ancien Testament ne soit plus grand que lui, il est inférieur en dignité au plus petit des disciples de Jésus ; tant la religion chrétienne l’emporte sur la religion mosaïque. Qu’il est donc grand le caractère du chrétien, baptisé, confirmé, nourri du corps et du sang d’un Dieu ! Fritzsche, après saint Jean Chrysostome, donne à ce vers, un sens plus subtil et un peu cherché : ce plus petit du royaume des cieux, ce serait Notre-Seigneur lui-même, moindre par l’âge que Jean-Baptiste, mais infiniment plus grand que lui par la dignité (Jean, i, 15).
  192. Sens des vers. 12-14 : Le royaume des cieux, simplement annoncé et figuré par la Loi et les prophètes, est présent. Jean est Élie qui doit, selon Malachie, le montrer aux hommes. Chacun peut, par de généreux efforts, y entrer comme dans une place que l’on prend d’assaut.
  193. En gr. joué de la flûte, comme on fait à des noces.
  194. Comme on fait aux enterrements. Les enfants aiment à imiter, dans leurs jeux, les actions des grandes personnes.
  195. Sens des vers. 16-19 : Mais vous n’écoutez ni Jean ni moi. Semblables à des enfants d’humeur fâcheuse qui refusent de prendre part aux jeux de leurs camarades et ne se laissent émouvoir ni par des chants joyeux ni par des chants funèbres, les Juifs ne sont persuadés ni par l’austérité de Jean-Baptiste, ni par la vie moins austère de Jésus-Christ. Et la Sagesse divine, ayant pris toutes les voies pour ramener ses enfants, est sans reproche et innocente de leur perte.
  196. Corozaïn était une ville de Galilée, sur le lac de Tibériade, non loin de Bethsaïde et de Capharnaüm. Tyr et Sidon étaient deux villes de Phénicie, célèbres par leur commerce et par leur luxe, mais qui ne furent pas honorées de la présence du Sauveur. Sur Bethsaïde (et Capharnaüm au vers. suiv.), voy. le Vocabulaire.
  197. Par ton commerce et tes richesses. Litt. t’élèveras-tu jusqu’au ciel ? Nous avons suivi le grec, comme marquant mieux le sens.
  198. Image d’une ruine profonde, qui peut se prendre ici à la lettre et s’entendre de l’enfer proprement dit.
  199. C’est-à-dire de ce que vous avez permis que mes enseignements, rejetés par l’orgueil des Pharisiens et des Scribes qui sont sages à leurs propres yeux, fussent acceptés des petits et des humbles, etc.
  200. La science, la puissance, le gouvernement, la substance même du Père. Ce vers. explique la manière dont le Père se communique aux petits, c’est-à-dire aux fidèles : c’est par le Fils, qui seul connaît le Père, et que le Père seul connaît, parce qu’ils ont la même nature et la même substance divine.
  201. Sous le fardeau, soit des observances dont les Pharisiens vous accablent (Théophylacte), soit de vos péchés (saint Augustin), soit des souffrances et des épreuves de la vie.
  202. Le joug de la loi évangélique.
  203. Beaucoup traduisent : Apprenez de moi, venez à mon école, faites-vous mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, bien différent des Pharisiens durs et orgueilleux. Mais 1. cette interprétation est moins commune. 2. Il semble qu’alors le verbe apprenez ne devrait pas être en gr. à l’aoriste, mais au présent. 3. L’omission du régime n’aurait-elle pas quelque chose de dur ?
  204. L’an 27 de l’ère vulg., après la fête de Pâques, où commençait la moisson de l’orge.
  205. D’après la loi de Moïse, il était permis à ceux qui avaient faim de cueillir des épis et de s’en nourrir (Deut., xxiii, 26) ; mais, dans les derniers temps de la nation, plusieurs docteurs avaient imaginé que l’action de froisser les épis entre les mains pour en faire sortir les grains (ce que les Apôtres avaient fait, Luc, vi, 1), était une violation de la loi du sabbat.
  206. Dans le Tabernacle, alors à Nobé (I Rois, xxi, 6).
  207. Pains consacrés à Dieu, et posés devant lui, dans la partie du temple, appelée le Saint, sur une table d’or, pendant une semaine.
  208. En remplissant les fonctions de leur ministère.
  209. Osée, vi, 6. C.-à-d., j’aime mieux la miséricorde que le sacrifice.
  210. Parce qu’il est Dieu, en tout égal à son Père, qui a institué le sabbat.
  211. À cette question, les célèbres docteurs Schammaï et Hillel, antérieurs de quelques années seulement à Notre-Seigneur, répondaient négativement, sauf dans le cas d’un danger urgent de mort.
  212. La justice, c’est-à-dire la Loi nouvelle, l’Église.
  213. Isaïe, xlii, 1 sv. Tout ce passage est cité pour montrer la modestie et la douceur du Messie.
  214. Par suite de la possession.
  215. Le Messie. Comp. Matth., ix, 27.
  216. Kuinœl veut qu’on traduise ici, vos disciples, les disciples des Pharisiens. Ce n’est pas mal pour le sens ; mais le mot Fils est plus exact. Les Pharisiens n’étaient pas seulement les docteurs, mais aussi les chefs du peuple, et, par conséquent, les pères en ce double sens. Vos fils, c’est-à-dire ceux qui vous appellent du nom de pères, comme étant les magistrats et les maîtres de tout Israël. Il y avait, dit Allioli, parmi les Juifs de cette époque et des temps antérieurs, des hommes pieux qui, par l’invocation du saint nom de Dieu, chassaient les esprits impurs.
  217. L’Esprit de Dieu ; S. Luc dit : le doigt de Dieu, c’est-à-dire, la vertu de Dieu. — Le royaume de Dieu, le règne du Messie, le Messie lui-même est donc venu à vous, comme je vous l’annonce.
  218. C’est-à-dire d’un homme fort et vaillant. Sens : Le fort ne peut être vaincu que par un plus fort que lui ; donc Notre-Seigneur est plus fort que le démon, puisqu’il trouble son empire, le chasse de sa demeure et lui enlève ce qu’il possédait.
  219. Notre-Seigneur conclut par une réprimande sévère adressée aux Pharisiens, qui, au lieu de lui amener le peuple dont ils étaient les pasteurs, le détournaient d’aller à Jésus, et le conduisaient à sa perte.
  220. Ce péché des Pharisiens consistait en ce que, contre des preuves visibles et contre leur propre conviction, ils attribuaient à l’esprit malin ce que le Saint-Esprit opérait dans Jésus-Christ. Comme il suppose un entier endurcissement et une révolte absolue de la volonté, il est, dit Corn. Lapierre, rarement et difficilement remis. Toutefois, remarque Kohlgrueber, rien n’est impossible à la grâce, ni au-dessus du pouvoir des clefs confié à l’Église, et ici, comme dans un passage célèbre de S. Paul (Hebr., vi, 4 sv.), on ne doit pas trop presser les expressions. Voy. Marc, iii, 29, l’explication un peu différente que le P. Patrizzi donne de ce texte difficile.
  221. Locution proverbiale, qui signifie, appliquée à Notre-Seigneur : Vous reconnaissez que mes œuvres sont bonnes, dites donc que je suis bon ; appliquée aux Pharisiens : Vos calomnies et vos accusations méchantes montrent ce que vous êtes.
  222. Fritzsche : « Ce mot a une signification très-large ; mais Grotius la précise bien ainsi : Une parole à qui manque la vérité. S. Chrysostome s’exprime à peu près de même : Une parole mensongère et calomnieuse. C’est le sens du mot hébreu correspondant, shave. Néanmoins, nous avons préféré traduire littéralement, sans restreindre l’idée par une expression plus étroite.
  223. C’est-à-dire sur, ou d’après tes paroles. N.-S. cite ce proverbe textuellement : c’est ce qui explique le changement du pluriel au singulier.
  224. Adultère, c’est-à-dire impie et criminelle, qui a violé son alliance avec Dieu. L’alliance entre Dieu et la nation juive est souvent présentée, dans l’Ancien Testament, sous le symbole d’un mariage.
  225. La résurrection de Jésus-Christ sera le signe, la preuve incontestable de sa divinité.
  226. La reine de Saba (III Rois, x, 1 sv.).
  227. Notre-Seigneur reprend le discours interrompu au vers. 27.
  228. En un mot, préparée pour le recevoir.
  229. Ainsi les Juifs, revenus à Dieu au temps de la captivité, fervents encore à l’époque des Machabées, se sont endurcis de nouveau ; leur état est pire qu’il n’a jamais été ; ils vont recevoir un terrible et irrémédiable châtiment.
  230. Ses frères, ses cousins : voyez Frères de Jésus dans le Vocabulaire.
  231. Qui les recouvrait.
  232. De connaître, si ce n’est sous le voile des paraboles, la doctrine du Messie, tout ce qui regarde ses institutions, son Église.
  233. Celui qui a les dispositions requises pour recevoir les enseignements divins avancera de degré en degré dans cette connaissance ; les autres, au contraire, deviendront de plus en plus aveugles.
  234. Les paraboles, en même temps qu’elles éveillent la curiosité, tempèrent pour des yeux malades l’éclat de la vérité. Cette forme d’enseignement convenait très-bien aux Juifs de cette époque, esprits prévenus, difficiles, prompts à se scandaliser, et peu capables de porter une doctrine si nouvelle et si parfaite. Le divin Maître, dit le P. Gratry, parle d’abord en paraboles, doucement et humblement, pour ne pas éblouir ou briser ces infirmes : assez pour éclairer ceux dont l’oreille s’ouvre, et pas assez pour rendre plus coupables ceux dont l’oreille reste fermée.
  235. De peur que est mis ici pour de sorte que. Allioli.
  236. La doctrine du royaume de Dieu.
  237. Le démon.
  238. Cette parabole avait son application immédiate aux Juifs contemporains de N.-S., que la légèreté de l’esprit, la crainte des persécutions, les soins de la vie présente empêchaient d’embrasser l’Évangile.
  239. En Orient, où le bois est rare, on se sert d’herbes sèches pour faire du feu. — L’explication de cette parabole est donnée plus bas, vers. 37 sv. En deux mots : le royaume des cieux ici, c’est l’Église de J.-C. sur la terre, dans laquelle les bons et les méchants se trouvent mêlés.
  240. La parabole du grain de sénevé et celle du levain ont la même signification. « Le principe est posé dans le monde, dit le P. Gratry, le ferment est mis dans la masse par cette Femme qui a mis sur la terre le Fils de l’homme, et lui, divin ferment, saura s’étendre à tout le genre humain. Le germe vit sur notre terre, et ce germe est bien le plus humble qui se soit jamais vu : un pauvre Enfant dans une étable ; trente années de silence et de travail des mains ; puis un jeune homme qui parle à quelques hommes et dont on a recueilli les discours en dix pages ; et tout cela en dehors des grandes monarchies de l’Orient, et en dehors de la lumière et de la civilisation de Rome et de la Grèce ; tout cela dans un petit peuple pauvre, inconnu, méprisé. Eh bien, nos yeux le voient : ce germe, le moindre de tous, a produit, non pas un peuple, mais un monde, le monde chrétien, cet arbre sous lequel se reposent les oiseaux du ciel, et ces oiseaux du ciel sont des nations. Chaque nation chrétienne pose son nid sur cet arbre que voient nos yeux et qui se nomme la chrétienté, et dans cent ans la chrétienté aura tout envahi, tout pénétré. Il voyait bien le globe et la suite de l’histoire, comme parle Bossuet, ce jeune homme de trente ans, cet ouvrier sans lettres qui prêchait en Judée, et qui prophétisait que le ferment céleste remplirait tout, et qui disait ces choses quand le royaume de Dieu était imperceptible et tenait tout entier dans son cœur. »
  241. Ps. lxxvii, 2. C’est une citation libre.
  242. Les membres vivants de l’Église, les vrais chrétiens.
  243. La fin du monde.
  244. L’effet pour la cause, les pécheurs.
  245. Cette parabole et la suivante ont le même sens : la vraie foi et la vraie piété, et leur éternelle récompense dans le ciel, sont un trésor, une perle, qu’il faut se procurer au prix de tous les sacrifices.
  246. Sens : mélange des bons et des méchants dans l’Église de J.-C. sur la terre jusqu’à la fin du monde.
  247. Comme s’il disait : Vous, mes disciples, vous distribuerez aux âmes le céleste aliment de la parole de Dieu, en l’appropriant à leurs besoins, comme un père de famille choisit dans sa maison la nourriture qui convient le mieux à ses hôtes.
  248. À Nazareth. Voy. Marc, vi, 1, note.
  249. C’est-à-dire, dans la langue biblique, ses proches parents, ses cousins. Cette remarque s’applique au vers. suiv., où il est question des sœurs de Jésus. — Voy. Frères de Jésus dans le Vocabulaire.
  250. Pour les punir de leur incrédulité, et parce que, avec de semblables dispositions, les miracles ne leur auraient servi de rien.
  251. Ce n’était sans doute pas pour la première fois qu’il en entendait parler. Mais il est probable, dit Kuinœl, qu’après le meurtre de Jean-Baptiste, ce prince, troublé par le remords, fit une attention plus grande aux choses merveilleuses qui lui étaient racontées du nouveau Prophète.
  252. Le grec ajoute : Philippe, autre fils d’Hérode le Grand (et de Mariamne), qui n’eut aucune part dans l’héritage paternel, et qu’il ne faut pas confondre avec Philippe le Tétrarque.
  253. Un de ces plateaux portatifs, sur lesquels, en Orient, on sert les mets et les liqueurs.
  254. D’après Josèphe, Jean était en prison à Machéro, forteresse à l’est du Jourdain, peu éloignée d’Hérodium, où Hérode faisait alors sa résidence.
  255. Sur le rivage oriental de la mer de Tibériade, dans le territoire du tétrarque Philippe. Jésus, dont l’heure n’était pas encore venue, voulait sans doute se soustraire aux pièges d’Hérode Antipas.
  256. Voy. Jean, vi, 1-3.
  257. Il en avait multiplié les morceaux en vertu de sa puissance créatrice.
  258. En grec, d’environ cinq mille hommes.
  259. Quoique l’union de Jésus-Christ avec son Père fût continuelle, il ne laissait pas d’avoir des temps déterminés pour la prière, afin de nous donner l’exemple.
  260. Les anciens Hébreux partageaient la nuit en trois veilles de quatre heures chacune ; mais, dans les derniers temps, l’usage romain avait prévalu de la diviser en quatre veilles, chacune de trois heures. La quatrième veille tombait donc vers trois heures du matin.
  261. Les Juifs avaient, et encore aujourd’hui ont coutume de se mouiller le bout des doigts avant et après le repas, et cela avec certains gestes déterminés par leurs docteurs : ainsi, ils ne devaient jamais aller au-delà du poignet, si ce n’est dans les repas des sacrifices. Sans cette formalité, tout aliment devenait impur, et souillait celui qui l’avait pris, bien plus, le rendait semblable à un adultère ; et celui qui ne se lavait pas les mains après le repas, était aussi coupable qu’un meurtrier. Celui, au contraire, qui observait avec soin ces prescriptions, pouvait se regarder comme assuré du salut éternel. Que l’on se représente ce cérémonial absurde, imposé par les maîtres de la religion à tout un peuple qui s’y façonnait dès l’enfance, et l’on comprendra jusqu’à quel point les Juifs contemporains de Notre-Seigneur, enchaînés dans un formalisme vide et étroit, étaient inaccessibles à toute idée morale un peu élevée. Sepp.
  262. Exode, xx, 12 ; xxi, 17.
  263. Dans le besoin et implorant son secours.
  264. Et les secoure autrement que par cette offrande faite à Dieu. — Il est probable que les Pharisiens persuadaient aux enfants de déposer de riches offrandes dans le trésor du temple, qui était sous leur garde, au détriment de l’assistance de leurs parents, alors même que ceux-ci étaient dans le besoin.
  265. Chap. xxix, 13.
  266. Jésus-Christ, dans ce passage, ainsi qu’il a coutume de le faire, rappelle les Pharisiens aux dispositions intérieures, comme étant le point essentiel, sans pour cela représenter comme superflues les pratiques extérieures, quand elles sont prescrites par Dieu, ou par la puissance établie de Dieu, par exemple, le jeûne et l’abstinence.
  267. Toute plante, les Pharisiens et leur doctrine.
  268. Ce discours (vers. 11) obscur et énigmatique.
  269. Le mot grec correspondant signifie litt. paroles mauvaises, et s’entend aussi bien de celles qui sont injurieuses à Dieu, que de celles qui blessent l’honneur du prochain
  270. Païenne. Les habitants de Tyr et de Sidon, appelés depuis Phéniciens par les Grecs, descendaient des Chananéens. Allioli.
  271. Cette femme ne dit pas : Seigneur, ayez pitié de ma fille. Ayez, dit-elle, pitié de moi. Mais si elle veut qu’on ait pitié d’elle, qu’elle parle donc de ses maux. Non, je parle, dit-elle, de ceux de ma fille… Vive peinture de l’amour des mères ; vous voyez la merveilleuse communication par laquelle Dieu les lie avec leurs enfants. Bossuet.
  272. Exaucée.
  273. La mission de N.-S. était d’opérer le salut du monde entier ; mais il n’évangélisa pas lui-même les nations païennes, réservant cette œuvre à ses Apôtres. Il voulait d’ailleurs, en parlant ainsi, éprouver la foi de cette femme.
  274. N.-S. s’exprime selon la manière de parler de Juifs, qui s’appelaient enfants de Dieu, et donnaient aux idolâtres, par mépris, le nom de chien. Ce langage est moins dur qu’il ne paraît d’abord ; cette femme savait bien qu’elle était païenne ; pour le lui dire, Jésus emploie une locution proverbiale très-souvent en usage alors, et cela d’une voix et d’un visage où il y avait plus de bonté que de reproche, comme la suite le fait voir.
  275. En gr. Magdala, ville située sur le bord occidental du lac de Génésareth, près de Tibériade, et patrie de Marie Magdeleine, ou Madeleine. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un misérable village appelé Medjdel. Si Magédan et Magdala ne sont pas identiques, il faut au moins placer le premier de ces deux endroits dans le voisinage du second.
  276. En grec, Hypocrites, vous savez, etc.
  277. Voyez plus haut, xii, 39.
  278. L’ancienne Paneas, embellie et agrandie par le tétrarque Philippe, qui l’appela Césarée en l’honneur de César Tibère.
  279. Ne sachant pas distinguer entre les deux avénements du Messie annoncés par les Prophètes, l’un dans l’humiliation, l’autre dans la gloire, la plupart des Juifs n’attendaient dans la personne du Messie qu’un roi puissant qui les délivrerait du joug des nations étrangères, et ils ne pouvaient se persuader que ce fût Jésus. Cependant, comme ils voyaient en lui une puissance extraordinaire, ils en faisaient soit le précurseur du Messie, soit quelque autre des saints personnages qui, dans leur opinion, devaient à son avénement ressusciter d’entre les morts, pour fonder et étendre son royaume. Allioli.
  280. Le Fils, et non pas fils (l’article se trouve aussi en gr.) : il s’agit donc du Fils unique de Dieu, du Fils de Dieu par nature. — Dieu vivant, c’est-à-dire, dans le style biblique, vrai Dieu, les fausses divinités n’ayant pas même de vie.
  281. C’est de cette parole du Sauveur que vient l’usage de nommer le successeur de S. Pierre, le chef de l’Église, Bienheureux Père, Beatissime Pater, d’où s’est formée cette autre dénomination, Saint-Père. Allioli. — La chair et le sang, l’homme selon la nature, l’homme seulement animal et raisonnable.
  282. C.-à-d. rocher, un homme-rocher. Telle est, par rapport à l’édifice extérieur de l’Église, la signification précise du nom de Pierre (syro-chald. Cèphas), que le Sauveur avait donné à Simon, fils de Jean (Jean, xxi, 16), lors de sa vocation à l’apostolat (Jean, i, 42.) — Les portes, c’est-à-dire le palais, le royaume, et par conséquent la puissance ; nous disons de même : La Porte Ottomane, pour l’Empire ottoman.
  283. L’intention qu’avait Notre-Seigneur de fonder une Église n’est pas exposée dans l’histoire de l’Évangile comme un fait isolé et fortuit ; si elle se révèle avec plus d’éclat dans certaines paroles et certaines actions, elle apparaît partout comme la pensée fondamentale de toute son activité terrestre. Le premier appel qu’il adresse aux hommes est une annonce de cette communauté terréno-céleste : « Faites pénitence, car le royaume de Dieu est proche (iv, 17). » En attachant les Apôtres à sa personne, en les rendant témoins de ses actions, auditeurs assidus de tous ses discours, et en leur expliquant les choses du nouveau règne de Dieu par les paraboles les plus variées, il eut pour but d’en faire des instruments solides de son œuvre. Cette œuvre, il la leur explique ici pour la première fois en paroles claires, et les munit de pleins pouvoirs pour y coopérer (comp. xviii, 14-15). Déjà il avait, en quelque sorte, mis à l’essai ces pêcheurs d’hommes (x, 5, sv.), et avant de les quitter, après leur avoir promis l’assistance de l’Esprit-Saint, qui les instruirait, les dirigerait, les soutiendrait à sa place (Jean, xiv, 16, sv.), il les investira de leur mission par ces paroles solennelles : « Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre ; allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et apprenez-leur à garder tous mes commandements (xxviii, 18-20). » Drey.
  284. Les clefs sont, dans la Bible, le symbole de l’autorité du gouvernement (Is., xxii, 22 ; Apoc., iii, 7). C’est comme si Notre-Seigneur disait à Pierre : Je te donnerai, comme à mon représentant, la direction et le gouvernement suprêmes de mon royaume, c’est-à-dire, d’après le contexte, de mon Église. Cette autorité, qui n’est ici que promise à l’Apôtre, Jésus la lui transmit réellement après sa résurrection par l’ordre trois fois répété : Pais mes agneaux, pais mes brebis. (Jean, xxi, 15.) Tout est soumis à ces clefs, dit Bossuet, rois et peuples, pasteurs et troupeaux. — Que le pouvoir de saint Pierre dût passer à ses légitimes successeurs, c’est une chose claire par elle-même, et que les successeurs légitimes de saint Pierre soient les évêques de Rome, c’est un fait historique constant. « Nous définissons, dit le concile œcuménique de Florence, que le Saint-Siége apostolique, le Pape de Rome, a la primauté spirituelle sur le monde entier, et qu’il est l’héritier du siége de l’apôtre Pierre, le véritable représentant de Jésus-Christ, le Chef de l’Église universelle, le Père et le Docteur de tous les chrétiens, et que plein pouvoir lui a été donné par Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans la personne de saint Pierre, de paître, de gouverner et de conduire l’Église catholique de la manière qu’il est prescrit dans les actes de l’Église universelle et dans les décrets de ses canons. » Allioli.
  285. Quoique la Judée fût paisible à l’époque de Notre-Seigneur, les Juifs détestaient l’étranger ; et, pour s’en affranchir un jour, comptaient sur le Messie ; ils étaient prêts, comme on ne tarda pas à le voir, à saluer de ce titre sacré le premier qui en voudrait user pour relever leur nationalité. Voilà pourquoi, tandis que Jésus se proclame le Fils de Dieu dans Jérusalem, devant les Scribes et les Pharisiens, qui ne savent que lui contredire (Jean, v, 17, sv.), il évite de se manifester de la même sorte parmi les populations de la Galilée, qui se soulèveraient à la nouvelle que le Christ est venu, et que S. Jean (vi, 15) nous montre, frappées de ses miracles, accourant pour le prendre et le faire roi. Wallon.
  286. S. Pierre ne pouvait concilier les souffrances du Seigneur avec sa divinité, et encore bien moins avec l’amour qu’il portait à son divin Maître. Allioli.
  287. Satan, adversaire, tentateur, mauvais conseiller.
  288. Non-seulement je dois souffrir, mais il faut que mes disciples souffrent aussi. Comp. Matth., x, 38, sv.
  289. En enfer. — Dans les vers. 25-26, au lieu des mots : vie, soi-même, il y a littéralement en gr. et en lat. le mot âme, employé ici dans les deux sens de vie présente et de vie éternelle. Notre-Seigneur joue sur cette double signification.
  290. Le judaïsme renversé par la ruine de Jérusalem, et l’Église de Jésus-Christ établie dans les principales contrées du monde. Quelques Pères entendent ces paroles de la Transfiguration, qui eut lieu quelques jours après (voy. Marc, viii, 39, note).
  291. S. Jérôme et Eusèbe, échos de la tradition, pensent que c’est le mont Thabor, au sud de la Galilée, et distant d’une journée et demie de marche de Césarée, où Jésus se trouvait auparavant. Cependant le P. Patrizzi, dans son Commentaire sur S. Marc, oppose à ce sentiment des raisons assez fortes.
  292. En grec, comme la lumière.
  293. La Transfiguration de Jésus est le point culminant de sa vie publique, comme le baptême en est le point de départ. Moïse et Élie, c’est-à-dire la Loi et les Prophètes, rendent hommage au Messie, et s’inclinent devant la Loi nouvelle ; et, pour la deuxième fois, Dieu le Père reconnaît Jésus pour son Fils unique et bien-aimé.
  294. Les, c’est-à-dire Jésus, Moïse et Élie. La nuée est l’indice de la présence de la divinité.
  295. Comp. xvi, 20.
  296. Nous avons vu plus haut qu’Élie devait revenir sur la terre pour préparer l’avénement de Jésus-Christ. Or, ce Prophète venait de disparaître de la nuée ; ce n’était donc qu’une simple vision, et non une réalité : de là, la question de S. Pierre. Notre-Seigneur répond qu’à son premier avénement Jean-Baptiste a rempli le rôle d’Élie. Comp. Marc, ix, 10, sv.
  297. C’est-à-dire qu’il ramènera les Juifs à la foi de leurs pères, et à l’ordre établi de Dieu pour le salut du monde, par le Messie.
  298. Comp. xiv, 10.
  299. C’est-à-dire atteint d’épilepsie, affection qui subit l’influence de la lune. Dans ce jeune homme, cette maladie était produite par le démon (vers. 17).
  300. Ou bien, il est jeté (et non pas il tombe) : naphal a ce sens en syriaque. Comp. Marc, ix, 17.
  301. Ce reproche s’adresse non seulement au père et au fils, mais aux Apôtres.
  302. Les Orientaux ont coutume de comparer les petites choses au grain de sénevé, qui est très-petit.
  303. Les paroles de J.-C. se sont accomplies à la lettre dans l’histoire de S. Grégoire le Thaumaturge. Comme une montagne l’empêchait de bâtir une église, il pria Dieu avec une foi vive de la faire changer de place, et la montagne changea de place.
  304. Le péché est entré dans le monde par l’orgueil et par la sensualité : c’est par le jeûne qu’il faut triompher de la sensualité, et par la prière qu’il faut vaincre l’orgueil. Ces deux pratiques, qui rendent la foi plus vive et l’union avec Dieu plus intime, sont surtout nécessaires quand il s’agit de triompher de certains démons plus puissants, de certaines tentations plus fortes.
  305. Ils s’adressent à S. Pierre, comme au chef du collége apostolique.
  306. Double drachme, ou demi-sicle, environ 1 fr. 75 cent. de notre monnaie. C’était le tribut que tout Israélite âgé de plus de vingt ans devait payer annuellement pour l’entretien du temple. Ce passage est indiqué par Hug pour montrer l’exactitude de l’histoire évangélique : les anciens impôts, dit-il, introduits avant la domination romaine, sont évalués en monnaie grecque ; mais pour les affaires, le commerce, le salaire, la vente, ce sont les monnaies romaines, l’as et le denier, qui ont cours.
  307. Impôts indirects.
  308. Impôt de la tête ou personnel.
  309. Je suis donc exempt du tribut que l’on paye à Dieu (au temple), puisque je suis le Fils de Dieu. S. Chrysostome.
  310. Pièce d’argent de 4 drachmes.
  311. Quel sera le plus grand dans le nouveau royaume du Messie, dans l’Église ? N.-S. s’était déjà expliqué au sujet de la prééminence de S. Pierre ; ici il élude la question, et, passant de l’idée de l’Église visible au monde invisible des âmes, il fait connaître en quoi consiste la grandeur intérieure. Nous ne croyons pas devoir rendre en français le mot putas de la Vulgate, correspondant en grec à une particule conjonctive en usage pour interroger. Ce mot ne sert qu’à réveiller l’attention, ou à rendre l’interrogation plus douce, plus respectueuse, comme la locution française s’il vous plaît.
  312. Un de mes disciples, simple et humble.
  313. Méprise, maltraite et pervertit.
  314. Chez les anciens, les meules qui servaient à moudre le blé étaient mises en mouvement, les plus petites par des esclaves, les plus grandes par des ânes.
  315. Qu’il donne.
  316. Outre les scandales qui viennent du dehors, l’homme trouve aussi en lui-même des occasions de chute. Comp. v, 29 sv.
  317. Mépriser, maltraiter et éloigner de ma doctrine aucun de mes disciples.
  318. C’est sur ce passage et d’autres semblables, Gen., xlviii, 16 ; Act., xii, 15, comme aussi sur la tradition des SS. Pères., que repose le point de doctrine catholique, que Dieu a donné à chaque homme un ange gardien pour l’assister depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Quelle est donc la dignité des âmes, dit S. Jérôme, puisque chacune a un ange qui la conduit et la protége ! Allioli.
  319. Deuxième raison pour laquelle on ne doit ni mépriser, ni scandaliser les petits et les humbles : Jésus les aime jusqu’à donner sa vie pour les sauver, et les sauver tous.
  320. En grec, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf pour aller chercher dans la montagne, etc.
  321. Quelques-uns pensent que ce qui suit, sur la correction fraternelle, a été prononcé en une autre circonstance.
  322. Pour accomplir la Loi (Deut., xix, 15) qui veut « que toute cause, » etc.
  323. Au supérieur ecclésiastique.
  324. C’est-à-dire exclu de la communion des fidèles, excommunié.
  325. De la rigueur contre les dissidents, Notre-Seigneur passe aux avantages de la concorde.
  326. C’est-à-dire un nombre infini de fois, toujours.
  327. Dieu en agit envers mes disciples, comme fit un roi, etc.
  328. Environ cinquante millions de francs ; cette somme presque incalculable est l’image de la dette immense du pécheur envers Dieu.
  329. Un peu plus de cinquante fr. ; cette somme insignifiante, en comparaison de l’autre, insinue que toutes les offenses que nous pouvons recevoir du prochain ne sont rien en comparaison de nos offenses envers Dieu.
  330. Par la Pérée ; la Judée ne s’étendait pas au delà du Jourdain : comp. Marc, x, 1. La route la plus ordinaire pour aller de la Galilée à Jérusalem était de passer par la Samarie (Luc, xvii, 11). Mais souvent aussi, pour éviter les dangers qu’un Juif pouvait courir dans le pays des Samaritains, on prenait plus à l’est, par la Pérée.
  331. C’est-à-dire, il guérit tous les malades qu’on lui présenta.
  332. L’obscurité d’un passage de la Loi (Deutér., xxiv, 1) avait donné naissance à deux opinions très-diverses sur le divorce. Rab. Schammaï et son école pensaient qu’il n’était permis que dans le cas d’adultère ou pour une autre cause de la plus haute importance ; au contraire, Hillel et son école soutenaient qu’il était permis dans tous les cas où la femme donnait à son mari quelque sujet de mécontentement. Ces deux rabbins célèbres vivaient quelques années seulement avant Notre-Seigneur.
  333. L’homme, c’est à-dire la créature humaine, ce qu’il faut entendre, non d’un individu, mais de l’espèce. Dieu le fit de manière qu’il y eût deux sexes et une personne de chaque sexe.
  334. Gen., ii, 24.
  335. Ainsi N.-S. ramène le mariage à son institution primitive.
  336. Pour bien comprendre ce passage, il faut le comparer avec les autres endroits du Nouveau Testament, où il est également question du divorce. Dans saint Marc (x, 11) et dans saint Luc (xvi, 19) le divorce est absolument interdit en ces termes : « Quiconque renvoie sa femme et en prend une autre, viole le mariage ; » au contraire, dans saint Matthieu, Jésus-Christ permet le renvoi en cas d’adultère. Saint Paul fait disparaître cette apparente contradiction dans sa 1re Épître aux Corinthiens : « La femme ne doit pas se séparer de son mari ; si elle s’en sépare, qu’elle demeure hors du mariage… Et l’homme ne doit pas non plus renvoyer sa femme. La femme est liée aussi longtemps que le mari est en vie ; si son mari vient à mourir, alors elle est libre : qu’elle se marie si elle veut, mais dans le Seigneur. » Il y a donc un renvoi de la femme par son mari qui ne dissout pas le lien du mariage, renvoi qui n’est pas le divorce proprement dit, mais une simple séparation de corps et de biens ; et c’est de ce renvoi que parle ici saint Matthieu. C’est dans ce sens que s’est prononcé le concile de Trente, Sess. xxiv, can. 7.
  337. Savoir, qu’il n’est pas bon de se marier.
  338. Qui s’abstiennent du mariage et embrassent la continence comme étant un état de vie plus parfait et plus élevé dans l’Église (concile de Trente, Sess. xxiv, can. 10).
  339. Ceux qui présentaient les enfants.
  340. Du bourg de la Pérée (au-delà du Jourdain) où il avait séjourné quelque temps.
  341. C.-à-d., docteur excellent, parfait. Les Pharisiens aimaient qu’on se servît envers eux de ces formules honorifiques.
  342. Ce passage est un de ceux qui prouvent que S. Matthieu n’a pas écrit en grec, mais que le grec est une traduction de l’araméen. En effet, que l’on suppose cette phrase exprimée en araméen, elle présentera au traducteur deux sens possibles, celui que nous donnons, et cet autre : Pourquoi m’interrogez-vous sur ce qui est bon ? Le traducteur grec, suivi par la Vulgate, a choisi le dernier comme plus respectueux envers la personne du Sauveur ; mais ce n’est pas le véritable, comme on le voit par le contexte et la comparaison avec S. Luc (xviii, 19).
  343. Exode, xx, 12, sv.
  344. Il s’agit donc ici de simples conseils, dont la pratique élève à un degré de perfection plus haut que la perfection ordinaire de la vie chrétienne.
  345. Image d’une chose impossible ou difficile. Ce proverbe se trouve dans le Coran. Les écrivains du Thalmud se servent d’une formule analogue : Un éléphant par le trou d’une aiguille.
  346. Ce qui est impossible aux seules forces de l’homme, devient possible quand Dieu, par sa grâce, détache une âme de l’amour des biens terrestres.
  347. C’est-à-dire de la résurrection générale, alors que commencera une vie nouvelle, un nouvel état de choses.
  348. S. Augustin remarque qu’en cet endroit, comme en plusieurs autres, le nombre déterminé est mis pour un nombre indéterminé. Tous ceux-là seront juges avec Jésus-Christ, qui, comme les Apôtres, auront embrassé une vie de pauvreté et d’abnégation. Le peuple d’Israël représente donc ici, comme il arrive souvent dans les Prophètes, l’humanité tout entière, dont il était le type. Ailloli.
  349. Dieu récompensera aussi les renoncements partiels.
  350. Les premiers, soit les premiers venus, comme les Juifs, par rapport aux Gentils, soit les premiers par la richesse et la considération.
  351. Les derniers dans le royaume de Dieu, dans l’Église de Jésus-Christ, soit de la terre, soit du ciel. Cette sentence est comme l’épigraphe et le sujet de la parabole qui commence le chap. suivant.
  352. Un peu plus de 50 centimes.
  353. Neuf heures, la première heure du jour correspondant à nos six heures du matin.
  354. Le grec ajoute : de mes biens.
  355. L’œil mauvais, dans la Bible, c’est l’image de l’avarice et de l’envie.

    Le père de famille, c’est Dieu ; la vigne, l’Église ; les ouvriers, les hommes ; la place publique, le monde, où, avant la vocation de Dieu, tous se tiennent comme oisifs : l’intendant, Jésus-Christ ; enfin, le denier, la vie éternelle. Dieu a appelé ses ouvriers à sa vigne à des époques différentes, d’Adam à Moïse, de Moïse à Jésus-Christ, de Jésus-Christ jusqu’à nos jours. Parmi les individus, — les uns ont servi Dieu dès leur jeunesse, d’autres ne sont venus à lui qu’à l’heure de la mort ; quelques-uns ont peu vécu, d’autres ont fourni une longue carrière : à tous Dieu donnera pour récompense la vie éternelle.

  356. Ne vous étonnez pas que, dans le royaume du ciel, les derniers soient les premiers, et les premiers, les derniers ; car, ce qui est bien plus terrible, il y en a même beaucoup d’appelés qui ne sont pas élus, et n’arrivent pas à la béatitude éternelle. Suarez.

    Un certain nombre d’interprètes et de théologiens expliquent autrement ce passage célèbre : « Il est manifeste, dit le P. Lacordaire, que la difficulté de la parabole ne consiste pas dans le petit nombre des ouvriers récompensés de leur travail ; elle consiste, au contraire, en ce que, tous étant récompensés, ceux qui paraissent avoir le moins de mérite, sont aussi bien traités que les autres. Et l’explication qui en est donnée est celle-ci : C’est que les premiers seront les derniers, etc. Mais cette explication étant obscure elle-même, le père de famille l’éclaircit par ce mot final : Car il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Ce qui veut dire, non pas qu’il y ait peu d’hommes sauvés, conclusion qui n’aurait aucun rapport avec la parabole, ou même la contredirait ; mais que beaucoup étant appelés par une grâce commune, de premiers qu’ils étaient, deviennent les derniers, tandis que quelques-uns étant choisis (élus) par une grâce spéciale, de derniers qu’ils étaient, deviennent les premiers.

  357. Pour la dernière pâque. On était alors au commencement de mars, 782 de Rome, 29 de l’ère vulgaire, 35 de Jésus-Christ.
  358. Salomé. Ses deux fils, Jacques et Jean, l’accompagnaient ; c’est à eux que Notre-Seigneur répondra (vers. 22), parce que leur mère ne parlait qu’à leur instigation : c’est pourquoi S. Marc met dans leur bouche la prière du vers. 21.
  359. C’est-à-dire, qu’ils viennent les premiers après vous.
  360. Notre-Seigneur répond deux choses : 1o Les premiers dans mon royaume doivent le plus me ressembler, boire mon calice, c’est-à-dire, souffrir comme moi, servir et se dévouer. 2o Mon Père les a choisis dans ses desseins éternels et immuables. Tel est le sens des vers. 22-28. Allioli.
  361. En conformité avec ces paroles de Jésus-Christ, son Vicaire sur la terre, le souverain Pontife, le chef de l’Église prend le titre de Serviteur des serviteurs de Dieu.
  362. C’est-à-dire de tous. (Voy. Marc, x, 45).
  363. C’est-à-dire, vous qui êtes le Messie.
  364. Jésus guérit un aveugle en entrant à Jéricho (Luc, xviii, 35, sv.), et un autre, lorsqu’il sortit de cette ville (Marc, x, 46, sv.). Le P. Patrizzi pense que S. Matthieu groupe, selon sa coutume, ces deux miracles dans un seul récit : voilà pourquoi il fait mention de deux aveugles. D’autres interprètes identifient les deux guérisons racontées par S. Matthieu et par S. Marc : ce dernier, disent-ils, ne mentionne que l’aveugle nommé Bartimée ; mais, en réalité, il y en avait deux. D’autres enfin, après Théophylacte, frappés de la ressemblance générale des trois récits, n’y voient qu’un seul et unique fait, et appuient cette opinion de raisons assez ingénieuses.
  365. Près de Bethphagé. Patrizzi.
  366. Bethphagé.
  367. Aussitôt que vous serez entrés, sans de longues recherches.
  368. Jérusalem, bâtie sur le mont Sion.
  369. Sur une ânesse et sur l’ânon : le premier mot indique l’espèce de monture : ce n’est point le fier coursier d’un conquérant, mais une ânesse, symbole d’un roi pacifique ; encore cet animal est-il jeune et sans harnais.
  370. Sur l’ânon.
  371. En signe qu’ils recevaient un roi : comp. IV Rois, ix, 13. Allioli.
  372. Hosanna, litt. sauve, exclamation de joie et de triomphe que l’on pourrait traduire en français par Salut ! Vive !
  373. C’est-à-dire salut par Celui qui habite dans les hauteurs des cieux. Allioli. — Un grand nombre de ceux qui poussaient ces exclamations se figuraient que Jésus prenait possession de son royaume terrestre, et allait délivrer la nation du joug des Romains. C’est ce qui explique pourquoi, lorsqu’ils le virent quelques jours après en la puissance de ses ennemis, trompés dans leur attente et toute illusion étant devenue impossible, ils se tournèrent contre lui. Wallon.
  374. Le temple avait plusieurs cours ou parvis, dont le plus extérieur était appelé le parvis des Gentils, parce que les Gentils pouvaient y entrer. Là se trouvaient, surtout à l’approche de la fête de Pâque, une multitude de marchands qui vendaient de l’encens, de l’huile, du vin, des colombes, des agneaux, des bœufs, etc. pour les sacrifices, et des changeurs auprès desquels, en échange de la monnaie grecque, romaine, ou autre, on prenait de la monnaie juive, la seule qu’il fût permis d’offrir. Il en résultait une agitation bruyante qui troublait les pieux Israélites, et souvent des disputes, des rixes, des fraudes qui profanaient la sainteté du temple. — On voit ici, dit le Dr Hug, la tolérance romaine qui ne se permettait encore aucun empiétement à l’égard de la religion des peuples étrangers, et qui laissait un juif de condition privée venger librement la sainteté de son temple.
  375. Isaïe, vi, 7 ; Jérém., vii, 11.
  376. Ps. viii, 3.
  377. Jérusalem, aux approches de la fête de Pâques, était remplie d’étrangers ; Notre-Seigneur allait donc passer la nuit à Béthanie, chez son ami Lazare, et revenait chaque matin à la ville.
  378. (4)
  379. Les disciples ne virent dans le figuier desséché que le miracle, et il ne paraît pas qu’ils aient pénétré plus avant dans la signification de cette action symbolique. Notre-Seigneur leur répond en se conformant à leur pensée.
  380. On avait sans doute instruit le sanhédrin ou grand-conseil des faits racontés dans la première partie de ce chapitre.
  381. Voy. iii, et Jean, i, 19 sv.
  382. Lorsqu’il rendait témoignage de moi.
  383. Une mauvaise foi si insigne, si rebelle à l’évidence, se condamnait elle-même.
  384. L’homme, c’est Dieu ; les deux fils sont, le premier, les pécheurs publics, qui firent pénitence à la voix de Jean-Baptiste ; le second, les Pharisiens, qui se disaient justes sans l’être en effet, Le premier des deux fils, dit saint Jérôme, représente encore les Gentils, qui entrèrent dans l’Église après s’être adonnés aux idoles, et le second, les Juifs.
  385. La cuve inférieure qui recevait le jus des raisins était placée en terre, ou creusée dans le rocher.
  386. Pour servir d’habitation aux gardiens.
  387. Marc, xii, 7 : Se dirent entre eux.
  388. Le père de famille, c’est Dieu ; la vigne, objet de tant de soins, c’est la nation juive ; le voyage, l’absence sensible de Dieu ; les serviteurs, les prophètes ; le fils, le Messie ; les autres vignerons, auxquels le père de famille louera sa vigne, ce sont les Gentils qui, en entrant dans l’Église, deviendront le peuple de Dieu.
  389. Ps. cxvii, 22. Jésus, que les Pharisiens ne veulent pas admettre dans l’Église juive, sera la pierre angulaire de l’Église chrétienne.
  390. Le texte de S. Luc (xiv, 23) montre qu’ils se répandirent jusque dans la campagne.
  391. Les rois d’Orient ont coutume d’envoyer à ceux qu’ils veulent honorer ou qu’ils invitent à leur table des habits précieux, avec lesquels ceux-ci doivent paraître en leur présence.
  392. En Orient, les festins se donnent pendant la nuit ; le convive expulsé de la salle, qui est bien éclairée, ne trouve dehors que les ténèbres, où il grince des dents de chagrin et de rage. — Sens de la parabole : Le roi, c’est Dieu, le fils est J.-C ; les noces sont l’Église chrétienne ; les invités, les Juifs ; les serviteurs, les Prophètes et J.-B. ; les armées, les soldats romains commandés par Titus ; la robe nuptiale, la justice ou l’état de grâce, robe d’innocence que Dieu nous donne au baptême, et qu’il nous faut conserver par la pratique des bonnes œuvres.
  393. Tous sont appelés ; mais, relativement à l’humanité entière, il y en a peu qui arrivent à la béatitude éternelle. — Selon d’autres interprètes, cette sentence veut dire seulement dans la bouche du roi, comme plus haut (xx, 16) dans celle du père de famille, que peu d’hommes reçoivent une grâce spéciale qui leur permette de se conduire avec plus de familiarité que les autres dans les choses divines, et de compter sur une surabondance de miséricorde à leur égard. C’est la tentation d’un certain nombre qui, étant appelés au hasard sur le chemin pour remplacer d’autres invités, se persuadent qu’ils sont des élus de faveur, et qui négligent d’assurer leur salut par une exacte fidélité. Lacordaire.
  394. Partisans d’Hérode Antipas, et par conséquent des Romains, auxquels la famille d’Hérode devait son élévation. Au contraire, les Pharisiens, et le peuple en général, étaient ennemis des Romains, soupiraient après l’indépendance ; ils prétendaient qu’il suffisait aux Juifs de payer annuellement le tribut du temple (xvii, 24), et que le peuple de Dieu ne dépendait d’aucun prince étranger, surtout infidèle. Il y avait donc là en présence deux intérêts opposés, et les Pharisiens pouvaient espérer que Jésus, dans ses discours, penchant ou d’un côté ou de l’autre, fournirait un prétexte pour l’accuser.
  395. Impôt personnel, ou capitation, parce qu’il est imposé sur chaque tête.
  396. Les impôts nouveaux se payent avec la monnaie du peuple conquérant, avec le denier, monnaie romaine : le langage de l’Évangéliste est donc d’une parfaite exactitude. Hug.
  397. Deut., xxv, 5, 6.
  398. Les livres de Moïse, qui enseignent la résurrection (vers. 32).
  399. Qui peut ressusciter les morts.
  400. Les corps des ressuscites seront des corps spirituels, inaccessibles aux voluptés terrestres ; d’ailleurs, dit Bossuet, pour conserver un tel peuple, il ne faudra ni de génération ni de mariage, et on n’en aura non plus besoin pour les hommes que pour les anges.
  401. Exod. iii, 6. Kuinœl : Selon Moïse, Dieu a promis de combler à jamais de ses bienfaits Abraham, Isaac et Jacob : il faut donc que ces saints personnages vivent devant lui ; et s’ils vivent dans leur âme, il n’y a plus de difficulté pour que leur corps leur soit un jour rendu. Comp. Marc, xii, 27 ; Luc xx, 38.
  402. C’est-à-dire, lui fit une question captieuse. En effet, les docteurs juifs, qui divisaient les préceptes de la Loi en graves et en légers, étaient loin de s’entendre quand il s’agissait d’assigner à chacun sa classe, et surtout de décider quel était le plus grand de tous.
  403. Deuter., vi, 5. Le mot araméen correspondant à esprit désigne tout à la fois, dit Castel, la force et l’intelligence. Le grec (et la Vulg.) a choisi le dernier sens ; mais le premier, donné par la plus ancienne Peschito, et justifié d’ailleurs par le Deutéronome et par l’endroit parallèle de S. Marc (xii, 30), semble préférable. Le Hir.
  404. Lévit. xix, 18.
  405. Dieu le Père.
  406. Au Messie.
  407. Régnez avec moi.
  408. Jusqu’à ce que ne suppose aucune restriction pour l’avenir.
  409. Ps. cix, 1.
  410. N.-S. voulait faire entendre aux Pharisiens que le Messie était plus qu’un roi de la terre, mais un homme-Dieu et le Fils de Dieu. Corn. Lapierre.
  411. Ce discours sur la justice purement extérieure et apparente des Pharisiens est la contre-partie du sermon sur la Montagne, où sont posés les principes de la justice chrétienne et véritable. De même que Jésus avait huit fois proclamé heureux ses vrais disciples, de même ici il dit huit fois malheur à ceux qui se contentent des dehors de la vertu, et cachent sous cette trompeuse apparence une âme vicieuse.
  412. C’est-à-dire, ils ont le pouvoir d’enseigner et d’expliquer la Loi.
  413. Tout, avec cette restriction qui va de soi : excepté les fausses interprétations qu’ils donnent de la loi de Moïse.
  414. Préceptes difficiles à pratiquer (xii, 2, sv.).
  415. Phylactére signifie mémorial de la loi du Seigneur. Interprétant à la lettre certains passages du Pentateuque, où il est commandé d’avoir toujours la Loi devant les yeux, les Juifs en écrivaient des maximes sur des bandelettes de parchemin, qu’ils attachaient au bras gauche et au front. Les Pharisiens se piquaient de porter des bandelettes ou phylactères plus larges. Nous avons parlé des houppes, chap. ix, 20.
  416. C’est-à-dire, docteur.
  417. Évidemment N.-S. ne défend dans ce vers et les deux suivants que l’ostentation et la vanité dans l’usage de ces titres.
  418. Les chefs d’école et les docteurs recevaient ce nom de leurs disciples.
  419. On appelait ainsi celui qui présidait une réunion de fidèles.
  420. Vous les empêchez d’embrasser la doctrine du Messie. — Le grec transpose les deux vers. 13 et 14.
  421. Par votre piété apparente, vous les portez à vous faire de riches dons.
  422. C’est-à-dire, digne de la géhenne… par vos mauvais exemples et vos fausses maximes.
  423. ’or consacré et déposé dans le trésor du temple. Cette considération devait être pour les Juifs un motif de faire de nombreuses offrandes.
  424. En grec : Insensés et aveugles !
  425. C’est-à-dire des moindres légumes, auxquels on n’appliquait pas, dans l’usage ordinaire, la loi qui ordonnait d’offrir au Seigneur la dîme des produits de la terre.
  426. Les Pharisiens filtraient le vin et l’eau, de peur qu’il ne s’y trouvât un petit animal impur, un moucheron par exemple. — N’y a-t-il pas parmi les chrétiens de ces fausses piétés ? On ne voudrait pas qu’il manquât un Ave Maria à son chapelet, mais les injustices, mais les médisances, mais la jalousie, on les avale comme de l’eau : scrupuleux dans les petites obligations, large sans mesure dans les autres. Bossuet.
  427. Votre conscience est remplie, etc. En grec : Ces vases sont pleins de rapine, sont remplis du fruit de vos rapines et de vos injustices.
  428. C’est-à-dire ta conscience, tes pensées, tes désirs : alors toutes tes actions seront pures.
  429. Chaque année les Juifs blanchissaient à la chaux les parois des sépulcres, moins pour les embellir que pour les rendre visibles et reconnaissables de loin, et empêcher qu’on ne contractât quelque souillure en les touchant.
  430. Le serpent est le symbole de l’astuce et de la cruauté, de Satan, trompeur et meurtrier dès l’origine (Gen., iii, 1, sv.). Les hypocrites sont justement appelés ses enfants.
  431. De manière que.
  432. Il est probable qu’il s’agit de Zacharie, tué dans le temple par le roi Joas (II Paral., xxiv). Son père, appelé ici Barachie, est nommé Joïadas dans les Paralipomènes ; mais on sait que les Juifs portaient souvent deux noms différents.
  433. Votre cité, votre temple seront détruits et renversés.
  434. A la fin des temps, où vous me saluerez comme votre Dieu et votre Seigneur. Saint Augustin.
  435. Tous les interprètes sont d’accord pour trouver dans ce chapitre une description prophétique des signes avant-coureurs de la ruine de Jérusalem et de la fin du monde. Mais tandis que quelques-uns, surtout parmi les modernes (Kohlgrüber, Patrizzi), partisans d’un sens littéral unique, veuillent distinguer les versets qui s’appliquent à la première de ces catastrophes, et ceux qui s’appliquent à la seconde, comme si N.-S. avait parlé alternativement de l’une et de l’autre ; d’autres (la plupart des Pères, Allioli) pensent que, dans son coup d’œil divin, devant lequel mille ans sont comme un seul jour, Jésus-Christ a rassemblé et rapproché les deux événements, qui sont comme deux parties d’un même fait providentiel, du jugement de Dieu sur les hommes, et les a représentés sous les mêmes expressions, de telle sorte, cependant, que tour à tour l’un des deux domine dans le sens littéral, prochain et complet, tandis que l’autre n’est compris sous les mêmes termes que dans un sens plus éloigné, impropre et imparfait. Se rapportent uniquement (d’après le Père Patrizzi) ou principalement (dans l’autre système) à la fin du monde les vers. 4-14 ; à la ruine de Jérusalem, les vers. 15-22 (Corn. Lapierre : 15-18) ; au 2e avénement de Jésus-Christ, la suite du chap.
  436. Proprement des douleurs de l’enfantement, figure de grandes douleurs en général.
  437. Du siècle, la fin du monde. On voit néanmoins que les vers. 4-14 peuvent s’entendre aussi de ce qui précédera la ruine de Jérusalem.
  438. C’est-à-dire une horrible abomination. Cette abomination, c’est le siège de Jérusalem par les Gentils, l’apparition des aigles romaines et des images des faux dieux dans son enceinte, et les crimes dont les Juifs eux-mêmes se rendirent coupables pendant le siège (Dan. ix, 26, 27).
  439. Cette réflexion paraît être de l’Évangéliste, attirant l’attention sur une catastrophe prochaine.
  440. Mais qu’il s’échappe par l’escalier qui conduit directement dans la rue, ou bien qu’il fuie de toit en toit jusqu’aux murs de la ville.
  441. Parce qu’elles ne pourront fuir que difficilement.
  442. Alors qu’une longue marche est difficile ou défendue. Les Juifs regardaient comme une faute de parcourir plus de deux mille coudées le jour du sabbat (Exod. xvi, 29 ; Jérém. xvii, 22).
  443. Ces jours, c’est-à-dire, l’occupation de la Judée et le siége de Jérusalem par les Romains ; nulle chair, c’est-à-dire aucun Juif ; des élus, c’est-à-dire, des chrétiens déjà sortis, ou qui doivent sortir de la race juive.
  444. Les imposteurs cherchent leur sûreté dans le désert ou cachent dans l’intérieur d’une maison leurs réunions clandestines.
  445. Image d’un événement subit, qui devient en un clin d’œil visible à tous.
  446. Locution proverbiale exprimant la certitude du châtiment, « Où il y a un cadavre, compte sur le vautour », dit Sénèque (Epist. xlvi). Le cadavre, ce sont les Juifs ou tous les hommes ; les aigles, ce sont les Romains, ou le Fils de l’homme venant à la fin du monde exercer sa juste vengeance.
  447. Qui précéderont la fin du monde.
  448. Les astres et les anges de ténèbres, figurés par eux, parce qu’ils occupent dans le ciel une place usurpée, en se faisant adorer par les hommes sous l’emblème des astres : le démon sentira que son règne va finir.
  449. La croix.
  450. Quand la sève monte des racines aux branches.
  451. Le Père Patrizzi, qui applique ce verset à la fin du monde, entend ces mots ou de la race juive, ou de la race humaine tout entière.
  452. Dans le symbolisme de l’année liturgique, de même que l’Avent représente les temps qui ont précédé le premier avénement de Notre-Seigneur, ainsi les dimanches après la Pentecôte figurent tous les siècles qui doivent s’écouler jusqu’au second avénement de Jésus-Christ, lorsqu’il viendra, à la fin du monde, juger les vivants et les morts. Voilà pourquoi l’Église fait lire les vers. 15-35 le 24e ou dernier dimanche après la Pentecôte, qui ferme le cycle de l’année liturgique, comme le jugement général fermera la marche du temps.
  453. Être pris, dit saint Ambroise, c’est être admis parmi les élus ; être laissé, c’est faire partie des réprouvés.
  454. Quel est le serviteur qui, ayant été établi par son maître pour prendre soin de sa maison, peut être considéré comme un serviteur dévoué et prudent ?
  455. Ces derniers mots indiquent qu’il s’agit du supplice de l’enfer, J.-C. passant de la parabole à la réalité. L’usage de couper en deux ou en plusieurs morceaux les corps vivants ou les cadavres des criminels, était connu, non-seulement Juifs, mais des Chaldéens, des Grecs et des Romains. — Les hypocrites sont ici les serviteurs infidèles.
  456. Les deux paraboles suivantes ont également pour but de montrer qu’il faut se préparer par la vigilance et la pratique des bonnes œuvres à la mort et au jugement.

    Pour bien comprendre la première, il faut connaître les usages suivis dans les noces parmi les Israélites. L’époux, suivi de ses compagnons, appelés les amis ou les fils de l’époux, allait vers le soir chercher l’épouse à la maison de son père. Celle-ci était environnée de ses compagnes, lesquelles, lorsque l’époux approchait, allaient à sa rencontre, et le conduisaient à l’épouse qui était restée en arrière. Puis le cortége se mettait en marche, à la lueur des lampes que les jeunes filles et les jeunes gens portaient fixées au bout de bâtons, soit pour éclairer la route, soit comme un symbole de l’éclat que répand autour de soi l’innocence et la pureté du cœur. On célébrait alors le repas des noces dans la maison et aux frais du fiancé.

  457. Imprévoyantes.
  458. L’époux, c’est J.-C. ; l’épouse, c’est l’Église ; les vierges, ce sont tous les fidèles ; l’huile, c’est la charité et les bonnes œuvres ; l’arrivée de l’époux, c’est la mort ou le jugement.
  459. Car, au jour du jugement (particulier ou général), j’en agirai comme fait un homme, etc.
  460. Le talent attique valait 5600 francs.
  461. L’homme qui entreprend un voyage, c’est J.-C. remontant au ciel pour revenir un jour : pour chaque homme à l’heure de sa mort, pour tous au jugement dernier ; les serviteurs, ce sont les chrétiens ; les talents, ce sont les dons de la nature et de la grâce que l’homme doit faire valoir pendant sa vie par la pratique des bonnes œuvres.
  462. Ces vers. se rapportent au chap. xxiv, 31. Allioli.
  463. Les brebis et les boucs figurent les bons et les méchants.
  464. En Orient, les prisonniers ne sont point, d’ordinaire, tenus enfermés comme chez nous ; ils peuvent assez librement recevoir leurs parents et leurs amis : c’est pour cela que N.-3. place la visite des prisonniers parmi les œuvres de miséricorde. Sepp.
  465. N.-S. était retourné le mardi soir à Béthanie, où il resta jusqu’au jeudi ; c’est pendant la route, ou dans la maison de Lazare, qu’il prononça les discours du chap. xxv, auquel se rattachent les deux 1ers vers. du chap. xxvi.
  466. C’était le mercredi. À cause de ce conseil et de la trahison de Judas (vers. 14), on jeûnait autrefois ce jour-là dans l’Église.
  467. Le jour de la fête, il y avait à Jérusalem un grand concours de peuple.
  468. Le samedi précédent. Voy. Jean, xii, 1-8.
  469. Il valait 300 deniers, dit saint Marc, c’est-à-dire un peu plus de 150 francs.
  470. Saint Jean ne nomme que Judas. D’autres témoignèrent peut-être leur étonnement par quelques gestes.
  471. Il semble qu’ils n’osaient pas la murmurer tout haut. Mais Jésus voyait leurs sentiments.
  472. Visiblement, comme aujourd’hui.
  473. 30 sicles, un peu moins de 100 fr. C’était le prix d’un esclave (Exod., xxi, 32). Joseph avait été vendu une somme pareille à des marchands ismaélites.
  474. Le jeudi matin, 14 nisan. Azymes, c’est-à-dire, pains sans levain. Pendant les 7 jours de la fête de Pâque, les Juifs ne pouvaient manger de pain levé.
  475. Un des disciples de Jésus. Celui-ci ne le nomma pas de peur que Judas ne connût d’avance le lieu de la réunion (Théophylacte. Comp. Marc, xiv, 13).
  476. Sens : C’est un de ceux qui mangent avec moi, un commensal, un ami, qui doit me trahir. Patrizzi. — Kuinœl ajoute que Notre-Seigneur dut prononcer ces paroles d’une voix émue pour faire sentir au traître son ingratitude (comp. Luc, xxii, 21, note).
  477. Le Père Patrizzi, après saint Augustin, pense que la réponse de Notre-Seigneur fut faite de telle sorte que les disciples ne l’entendirent pas.
  478. Ce qui va être raconté est donc quelque chose de distinct de la manducation de l’agneau pascal.
  479. Comme l’alliance que Dieu fit avec les Juifs fut scellée par le sang (Exod., xxiv, 8 sv.), de même la nouvelle alliance que Dieu contracte avec le genre humain tout entier, est conclue, scellée et confirmée par mon sang.

    Ainsi fut instituée, dans la dernière cène, le sacrement de l’Eucharistie, dont on trouve la promesse au chap. vi de S. Jean. Dans ce sacrement, dit le concile de Trente, est le corps et le sang, l’âme et la divinité de N.-S. J.-C., véritablement, réellement, substantiellement, et non comme dans un signe, dans une image, ou quant à sa vertu (Sess. xiii, can. 1). L’Église catholique comprend les paroles de l’institution d’une manière absolue, dans leur sens littéral, et non dans un sens figuré ; elle s’en tient au mot clairement et nettement exprimé est, et n’en fait pas signifie. Cette interprétation littérale est reconnue par J.-C. lui-même comme l’interprétation juste et vraie (Jean, vi, 61, 67).

  480. Sens : C’est le dernier repas que je prends avec vous jusqu’au jour où nous serons assis dans le royaume de mon Père au banquet de l’éternelle félicité : le ciel est souvent présenté sous l’image d’un festin (comp. Luc, xxii, 29-30). Ces paroles sont mieux placées par saint Luc (xxii, 16-18) avant l’institution de l’Eucharistie.
  481. On récitait avant la cène pascale les Psaumes cxiii et cxiv, et après, les Psaumes cxv-cxviii, que les Juifs appellent l’Hymne par excellence.
  482. Vous chancellerez dans votre foi, et vous m’abandonnerez.
  483. Zachar. xiii, 7.
  484. Voyez Marc, xiv, 32.
  485. Le Fils de Dieu ayant uni la nature humaine à sa nature divine, était accessible aux sentiments humains de tristesse et de douleur. Toutefois, comme le remarque saint Augustin, ce n’est pas qu’il y fût obligé, mais c’est qu’il le voulut ; car, de même qu’il n’a pris la nature humaine en général que par un acte de sa liberté divine, de même aussi tout ce qu’il souffrit en tant qu’homme a été absolument libre. Voyant donc sa passion approcher, il la commence par cette immense tristesse : toutes les puissances de son humanité s’effrayent à la vue de l’œuvre qu’il va accomplir, et sa volonté humaine fait même entendre le vœu que le calice de sa passion, en tant que cela pouvait être la volonté de Dieu, lui soit épargné.
  486. Celle qui est exprimée au vers. 31.
  487. Fritzsche et Meyer, après saint Chrysostome, voient dans ces paroles un reproche ironique. Saint Augustin pense, au contraire, que Notre-Seigneur commanda à ses Apôtres de prendre un peu de repos avant l’arrivée de ses ennemis.
  488. S. Pierre (Jean, xviii, 10).
  489. La portant à la garde de son épée.
  490. Nommé Malchus.
  491. Locution proverbiale, que Notre-Seigneur rappelle pour réprimer l’ardeur de saint Pierre.
  492. Suivant le récit plus détaillé de saint Jean, Jésus fut d’abord conduit chez Anne, beau-père de Caïphe, et, de là, devant ce dernier.
  493. Anne.
  494. Voy. Jean, ii, 19.
  495. Oui, je le suis. Jésus atteste par un serment solennel, devant le conseil suprême de la nation, sa divinité et sa qualité de Messie et de Juge souverain de l’univers.
  496. Sur le temps et le lieu des trois reniements de saint Pierre, voir Marc, xiv, 66.
  497. Montre que vous êtes Galiléen, et par conséquent disciple de Jésus.
  498. Pourquoi le Sanhédrin s’assemble-t-il une seconde fois ? Quelques-uns répondent : la première réunion avait été tumultueuse ; d’autres : beaucoup de membres n’y avaient pas assisté. La véritable raison, à notre avis, est que la Loi ordonnait expressément que les sentences de mort fussent rendues pendant le jour.
  499. Césarée était la résidence ordinaire des procurateurs de la Judée ; mais un administrateur devait visiter, à certaines époques de l’année, les principales villes de sa juridiction, et l’on comprend qu’il ait dû surtout venir à Jérusalem pendant les jours où la fête de Pâque y attirait tous les Juifs. Ceux-ci amenèrent donc Jésus à Pilate, pour qu’il leur permît d’exécuter la sentence de mort qu’ils venaient de prononcer. En effet, les Romains les avaient dépouillés du droit du glaive, et Josèphe et Tacite nous apprennent que ce droit qui devait, en règle générale, n’appartenir qu’au préteur de la province romaine de Syrie, dont la Judée faisait partie, avait été, par exception, accordé plusieurs fois aux procurateurs de Judée, et exercé par eux. Wallon.
  500. Un champ exploité par un potier, qui en avait épuisé toute l’argile.
  501. Cette citation, empruntée à Zacharie (xi, 13), est rapportée assez librement. La version syriaque est ici beaucoup plus exacte que le grec et la Vulgate : Je pris les trente pièces d’argent… et je les donnai, etc. Le Hir.
  502. Le récit de saint Matthieu doit être complété par celui de saint Jean, xviii, 29 sv.
  503. Il admirait son calme et sa patience en face de la mort.
  504. Il espérait que le peuple se laisserait moins entraîner par la passion, et demanderait la liberté de Jésus.
  505. La loi romaine défendait aux gouverneurs d’emmener avec eux leurs femmes dans les provinces. Mais la coutume contraire prévalut, et nous voyons, dans Tacite, Agrippine accompagner Germanicus en Germanie, puis en Orient (Annal. I, 40, 41 ; 11, 54 ; comp. III, 33 et 34).
  506. Nous pensons qu’il n’y eut qu’une seule flagellation, que saint Jean place avec raison, ainsi que le couronnement d’épines, avant la condamnation à mort. Il est difficile de dire quelle était la pensée de Pilate en ordonnant ce supplice : la flagellation devait être, selon les circonstances, ou un châtiment distinct, ou la torture, ou un commencement d’exécution capitale ; car le malheureux, qui voyait l’innocence de Jésus et craignait de déplaire aux Juifs, ne savait trop ce qu’il faisait.
  507. « Lave tes mains, Pilate, elles sont teintes du sang innocent ! Tu as octroyé par faiblesse, tu n’es pas moins coupable que si tu l’avais sacrifié par méchanceté. Les générations ont redit jusqu’à nous : « Le Juste a souffert sous Ponce-Pilate ! Passus est sub Pontio Pilato. »
  508. Ce vers commence en latin et en grec par alors ; mais on a pu se convaincre en beaucoup de passages que cet adverbe, et d’autres semblables, n’ont pas de signification bien précise dans saint Matthieu.
  509. Le palais du procurateur, autrefois palais d’Hérode, bâti près du temple et donnant dans la citadelle Antonia.
  510. C’est-à-dire la plus grande partie. Une cohorte se composait tantôt de 423, tantôt de 600 soldats ; il y en avait cinq à Césarée et une à Jérusalem.
  511. Un manteau de soldat ; il descendait jusqu’aux genoux, et il était arrêté par une agrafe sur l’épaule droite, de manière à couvrir seulement le côté gauche du corps.
  512. Capitale de la Cyrénaïque, province d’Afrique, où il y avait beaucoup de Juifs, au témoignage de Josèphe. — Les condamnés portaient eux-mêmes leur croix, et Jésus avait porté la sienne jusqu’en avant de la ville.
  513. Sur la signification des mots Golgotha et Calvaire, voy. Jean, xix, 17, note. C’était une colline au N.-O. de Jérusalem, autrefois hors des murs de la ville, avant l’existence du troisième mur d’enceinte que l’on ne commença à bâtir que sous l’empereur Claude. (Josèphe, Bell. Jud. V, iv, 2.) Voy. Schubert (Reise in das Morgenland, II, 502 sv.) et Schultz (Jerusalem, p. 100), deux voyageurs protestants modernes d’une science et d’une impartialité incontestables, qui admettent comme certaine et confirment la tradition catholique sur l’emplacement du Calvaire et du Saint-Sépulcre.
  514. C’est-à-dire, une substance amère, que saint Marc appelle myrrhe. Mêlée avec le vin, elle formait un breuvage que l’on donnait aux condamnés avant le supplice, afin qu’ils sentissent moins la douleur ; car la myrrhe cause une sorte de vertige.
  515. Selon l’usage romain. Comme ils étaient quatre (Jean, xix, 23), ils coupèrent en quatre parties le manteau de Jésus, et tirèrent au sort sa robe ou tunique.
  516. Ps. xxi, 19.
  517. Une garde restait auprès des crucifiés jusqu’à ce qu’ils fussent morts.
  518. Voy. xxvi, 61.
  519. Mais l’un des deux, dit le P. Patrizzi après la plupart des anciens, ne tarda pas à changer de sentiments (Luc, xxiii, 39 St.). Le Dr Beelen, rapprochant Luc, xxiii, 45 de Matth. xxvii, 45, rejette cette explication, et donne celle-ci : S. Matthieu, tout en sachant bien qu’un des deux larrons seulement avait insulté Jésus, se sert de la forme plurielle pour mieux rendre cette pensée générale, que le Sauveur reçut des opprobres et des injures de tous ceux qui étaient là. On trouve dans les écrivains profanes de semblables inexactitudes matérielles, qui ne sont que dans la forme.
  520. De midi à trois heures.
  521. Ps. xxi, 2. La nature humaine du Christ, dit très-bien Arnoldi, sentit tellement l’excès de la douleur, qu’il lui sembla, comme c’était vrai, ne pouvoir supporter plus longtemps par elle-même les souffrances auxquelles le Verbe l’avait livrée, et elle se plaint ingénûment d’y être en proie. »
  522. Jésus en avait témoigné le désir (Jean, xix, 28). Ce vinaigre était la posca, boisson ordinaire des soldats romains, espèce de mauvais vin, ou de vinaigre mêlé d’eau.
  523. Le voile étendu devant le Saint des Saints. La signification symbolique de cette déchirure est expliquée Luc, xxiii, 45.
  524. « Je suis de ceux qui peuvent attester que les fentes du rocher du Golgotha ne sont pas naturelles : un déiste anglais se fit chrétien après avoir constaté ce prodige. Les voyageurs anglais Maudrell et Shaw ont également remarqué que le rocher est fendu à contre-sens des veines. » Poujoulat. — Saint Jacques le mineur, apôtre.
  525. La plupart des interprètes pensent qu’il s’agit de pieux personnages morts récemment, tels que Ste Anne, S. Joseph, Ste Élisabeth, etc., puisqu’on les reconnut dans Jérusalem ; qu’ils ne ressuscitèrent que le dimanche suivant, S. Paul (Col. I, 18) appelant N.-S. le premier né d’entre les morts ; enfin, qu’ils reprirent un corps glorieux avec lequel ils montèrent au ciel à la suite de J.-C., le jour de l’Ascension.
  526. Voy. viii, vers. 28, note, une description des tombeaux en Palestine. Du dehors on roulait à l’entrée une grande pierre, pour empêcher les animaux d’y pénétrer.
  527. Litt. le jour d’après la préparation du sabbat.
  528. « Sans m’arrêter à prouver que les Apôtres eussent rencontré d’insurmontables obstacles, je dis qu’ils n’ont pu même avoir la pensée de cet enlèvement. En effet, ou ils croyaient que leur Maître ressusciterait dans trois jours, ou ils ne le croyaient pas, ou ils doutaient. S’ils croyaient à la promesse du Christ, pourquoi se fussent-ils exposés inutilement à des dangers certains ? Ils n’avaient besoin que d’attendre trois jours. — S’ils ne croyaient pas sa résurrection possible, ils jugeaient qu’ils avaient été trompés par lui, ils voyaient tomber, avec sa promesse de revenir à la vie, toutes celles qu’il leur avait faites ; l’entreprise, au succès de laquelle ils avaient cru, était anéantie sans ressource ! Dans cette situation, le plus simple bon sens et la timidité dont ils avaient donné des preuves, ne leur laissaient que l’alternative de se dérober aux regards des Juifs, ou de demander pardon pour l’imposture dont ils avaient été les innocents complices. — S’ils doutaient, le même bon sens et la même timidité leur disaient de se cacher pendant trois jours, pour savoir de quel côté se trouveraient la vérité et la puissance. — Dans toutes ces hypothèses, rien ne put leur suggérer l’idée d’enlever le corps du Crucifié. » Droz.
  529. Le jour du sabbat, comme tous les autres, étant entre deux nuits, on veut marquer qu’il s’agit de celle qui vient après et se termine à l’aurore du premier jour de la semaine, le dimanche chez les Juifs. La plupart des exégètes allemands traduisent : Le Sabbat étant passé, dès l’aurore du premier jour de la semaine, ce qui offre le même sens général, et peut se soutenir. — Ayant passé dans leurs maisons le grand sabbat, le jour le plus saint de l’année, ces pieuses femmes ne savaient pas qu’une garde avait été mise au tombeau le vendredi soir ou le samedi matin, et elles venaient avec des aromates pour embaumer Jésus. Le P. Patrizzi traduit : Le soir du sabbat, le premier jour de la semaine (on sait que les jours se comptaient chez les Juifs d’un coucher du soleil à l’autre), et distingue cette visite des saintes femmes au sépulcre, de celle qui est racontée Luc, xxiv, 1 sv. Jean, xx, 1 sv. ; mais nous ne partageons pas ce sentiment. Sur les saintes femmes au sépulcre, voy. Luc, xxiv, 1, note.
  530. La résurrection, ainsi que l’enseignent les Pères, eut lieu sans que le tombeau fût ouvert. Ce fut l’ange qui l’ouvrit le premier.
  531. Puis ils s’étaient enfuis avec précipitation, de sorte que les saintes femmes ne les trouvèrent plus à leur arrivée.
  532. Les Apôtres, qui étaient Galiléens, devaient naturellement s’en retourner dans leur pays après la fête de Pâques. Jésus s’y trouva avant eux.
  533. « Comment ces hommes faibles, que l’arrestation de Jésus avait dispersés, auraient-ils trouvé après sa mort l’audace de l’imposture ? Comment ces hommes simples (on le peut voir au ton de leur récit et à la candeur de leurs propres aveux) auraient-ils inventé, Jésus mort, tout un système que, de son vivant même, ils n’entendaient pas ? » Wallon.
  534. Quelques-uns, non des Apôtres, mais des simples disciples, S. Paul dit que N.-S., après sa résurrection, se fit voir à plus de cinq cents (I Cor. xv, 6).
  535. Voyez Luc, xxiv, 31, note.
  536. Digne parole de l’Époux céleste, qui engage sa foi pour jamais à sa sainte Église. Ne craignez point, mes Apôtres, ni vous qui succéderez à un si saint ministère : moi ressuscité, moi immortel, je serai toujours avec vous ; vainqueur de l’enfer et de la mort, je vous ferai triompher de l’un et de l’autre ; et l’Église que je formerai par votre sacré ministère, comme moi sera immortelle. Bossuet.