Les Stratagèmes (Frontin)/Trad. Bailly, 1848/Livre IV/Chapitre VII

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Texte édité et traduit par Charles Bailly, 1848.
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VII. Instructions diverses sur la guerre.

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1. César suivait contre l’ennemi, disait-il, le système adopté par la plupart des médecins contre les maladies, dont ils triomphent plutôt par la faim que par le fer.

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2. Domitius Corbulon prétendait qu’il fallait vaincre l’ennemi avec la doloire, c’est-à-dire par les ouvrages de siége.

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3. L. Paullus disait qu’un général devait avoir le caractère d’un vieillard, c’est-à-dire s’arrêter aux résolutions les plus prudentes.

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4. On reprochait à Scipion l’Africain de ne pas aimer à se battre : « Ma mère, répondit-il, a fait en moi un général, et non un soldat. »

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5. C. Marius, provoqué par un Teuton à un combat singulier, lui dit que, s’il était désireux de mourir, une corde pouvait mettre fin à sa vie. Comme le barbare insistait, Marius lui montra un vieux gladiateur, dont la petite taille inspirait le mépris, et lui dit : « Quand tu auras vaincu cet homme, je combattrai contre toi. »

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6. Q. Sertorius, sachant par expérience qu’il ne pouvait résister aux forces réunies des Romains, et voulant le prouver aux barbares ses alliés, qui demandaient témérairement le combat, fit amener en leur présence deux chevaux, l’un plein de vigueur, l’autre extrêmement faible, auprès desquels il plaça deux jeunes gens qui offraient le même contraste, l’un robuste, l’autre chétif ; et il ordonna au premier d’arracher d’un seul coup la queue entière du cheval faible, au second de tirer un à un les crins du cheval vigoureux. Le jeune homme chétif s’étant acquitté de sa tâche, tandis que l’autre luttait inutilement avec la queue du cheval faible : « Soldats, s’écria Sertorius, je vous ai montré, par cet exemple, ce que sont les légions romaines : invincibles quand on les prend en masse, elles seront bientôt affaiblies et taillées en pièces, si elles sont attaquées séparément. »

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7. Le consul Valerius Lévinus, qui avait une grande confiance en ses troupes, ordonna de promener dans son camp un espion que l’on y avait surpris ; et, pour intimider les ennemis, il déclara qu’il leur permettait de faire observer son armée par leurs espions toutes les fois qu’ils le voudraient.

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8. Le primipile Célius, qui, après la défaite de Varus, en Germanie, servit de général à notre armée investie par les barbares, craignait que ceux-ci n’approchassent de ses retranchements du bois qu’ils avaient amassé, et n’incendiassent son camp. Il feignit de manquer de bois lui-même, et, envoyant de tous côtés des soldats pour en enlever, il réussit à faire éloigner de là, par les Germains, tous les troncs d’arbres qu’ils y avaient réunis.

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9. Dans un combat naval, Cn. Scipion lança sur les vaisseaux ennemis des vases remplis de poix et de résine, dont la chute devait faire un double mal, et par leur pesanteur, et par les matières inflammables qu’ils répandaient.

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10. Annibal enseigna au roi Antiochus à jeter sur les vaisseaux ennemis de petits vases pleins de vipères, pour épouvanter les soldats, et leur faire abandonner le combat et la manœuvre.

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11. Prusias recourut à ce moyen au moment où sa flotte commençait à fuir.

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12. M. Porcius, ayant pris de vive force un vaisseau carthaginois, fit main-basse sur ceux qui le montaient, donna leurs armes à ses soldats, qu’il revêtit de leurs dépouilles ; et, trompant l’ennemi par ce déguisement, il parvint à couler à fond plusieurs de leurs navires.

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13. Les Athéniens, dont le territoire était de temps en temps ravagé par les Lacédémoniens, profitèrent des jours pendant lesquels on célébrait, hors de leur ville, les fêtes de Minerve, pour sortir avec toute l’apparence du culte ordinaire, mais avec des armes cachées sous leurs habits. Au lieu de rentrer à Athènes quand leurs cérémonies furent achevées, ils allèrent tout à coup se jeter sur le pays des Lacédémoniens au moment où ceux-ci craignaient le moins cette irruption, et ravagèrent à leur tour les terres de ces ennemis, qui avaient si souvent dévasté les leurs.

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14. Cassius, ayant des vaisseaux de charge qui ne lui étaient plus d’une grande utilité, y mit le feu, et les dirigea, par un vent favorable, sur la flotte ennemie, qu’il incendia de cette manière.

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15. Lorsque M. Livius eut défait Asdrubal, on lui conseillait de poursuivre et de détruire entièrement les débris de l’armée ennemie : « Laissons-en échapper quelques-uns, répondit-il, pour annoncer notre victoire. »

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16. Scipion l’Africain disait souvent qu’il fallait non-seulement laisser la retraite libre à l’ennemi, mais encore la lui rendre sûre.

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17. Pachès, général athénien, promit aux ennemis de leur laisser la vie sauve, s’ils déposaient le fer ; et, quand ils se furent soumis à cette condition, il fit mettre à mort tous ceux qui avaient des agrafes de fer à leurs manteaux.

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18. Asdrubal, étant entré sur le territoire des Numides dans l’intention de les soumettre, et les ayant trouvés prêts à se défendre, leur affirma qu’il était venu dans le seul but de prendre des éléphants, animaux communs dans cette contrée. Ils lui permirent cette chasse, à condition qu’il ne les inquiéterait point ; et quand, sur la foi de sa promesse, leur armée se fut dissoute, il les attaqua et les réduisit sous sa domination.

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19. Alcétas, général de Lacédémone, voulant enlever aux Thébains un convoi de vivres, tint sa flotte prête, mais cachée, et se mit à exercer ses rameurs tour à tour sur la même galère, comme s’il n’eût pas eu d’autres navires. Quelque temps après, lorsque les vaisseaux des Thébains passèrent, il s’élança sur eux avec toute sa flotte, et s’empara du convoi.

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20. Ptolémée, ayant en tête Perdiccas, dont l’armée était plus forte que la sienne, attacha du sarment à tous ses bestiaux, pour le leur faire traîner, les mit sous la conduite de quelques cavaliers, et les précéda lui-même avec ses troupes. La poussière soulevée par ces animaux ayant fait croire aux ennemis que Ptolémée était suivi d’une armée nombreuse, ils en prirent l’épouvante et se laissèrent vaincre.

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21. Myronide, général athénien, sur le point d’en venir aux mains avec les Thébains, qui lui étaient supérieurs en cavalerie, apprit à ses soldats que dans les combats en plaine on peut sauver sa vie si l’on tient ferme, mais qu’il est très-dangereux de lâcher pied. Il leur donna par là de la résolution, et remporta la victoire.

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22. L. Pinarius commandait la garnison romaine à Henna, en Sicile, lorsque les clefs des portes, dont il s’était emparé, lui furent redemandées par les magistrats de la ville. Comme il les soupçonnait d’être disposés à embrasser le parti des Carthaginois, il demanda une nuit pour réfléchir ; et, après avoir instruit ses soldats de la perfide intention des Siciliens, il leur ordonna de se tenir prêts pour le lendemain, et d’être attentifs au signal qu’il leur donnerait. Les magistrats s’étant présentés dès le point du jour, il leur promit de rendre les clefs, si tel était le désir unanime des habitants d’Henna. Aussitôt le peuple entier se réunit au théâtre, demanda à grands cris les clefs, et manifesta ainsi la résolution de quitter le parti des Romains. Alors Pinarius donna aux soldats le signal convenu, et tous les habitants furent massacrés.

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23. Iphicrate, général athénien, ayant donné à sa flotte l’apparence de celle des ennemis, se dirigea vers une ville alliée dont la fidélité lui était suspecte. Les démonstrations de joie avec lesquelles il fut accueilli lui ayant dévoilé la perfidie des habitants, il livra la ville au pillage.

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24. Tib. Gracchus ayant déclaré que ceux des volons de son armée qui se montreraient braves recevraient leur liberté, et que les lâches seraient mis en croix, quatre mille d’entre eux, qui avaient combattu avec peu d’ardeur, s’étaient réunis sur une colline fortifiée, par crainte du châtiment. Il leur envoya dire que tout le corps des volons était victorieux à ses yeux, puisque l’ennemi avait été mis en déroute ; et, après les avoir ainsi affranchis des effets de sa menace et de toute crainte, il les reçut dans le camp.

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25. Après la bataille de Thrasymène, qui fut si désastreuse pour les Romains, six mille hommes s’étant rendus à Annibal par une capitulation, il renvoya généreusement dans leurs villes les alliés latins, en leur disant qu’il ne faisait la guerre que dans le but de rendre la liberté à l’Italie : ce moyen lui valut, par leur intervention, la soumission de quelques peuples.

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26. Pendant que Cincius, chef de la flotte romaine, assiégeait Locres, Magon répandit le bruit dans notre camp que Marcellus était tué ; qu’Annibal arrivait pour faire lever le siége ; et bientôt après des cavaliers, qu’il avait fait sortir secrètement de la place, vinrent se montrer sur les hauteurs qui étaient en vue des remparts. Cet artifice réussit : Cincius, persuadé que c’était Annibal qui venait, se rembarqua et prit la fuite.

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27. Scipion Émilien, au siége de Numance, plaça des archers et des frondeurs, non-seulement dans les intervalles des cohortes, mais encore entre les centuries.

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28. Pélopidas, général thébain, mis en fuite par les Thessaliens, franchit une rivière à l’aide d’un pont volant, qu’il fit brûler ensuite par son arrière-garde, pour ne pas laisser le même moyen de passage à l’ennemi qui le poursuivait.

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29. La cavalerie romaine ne pouvant nullement tenir tête à celle des Campaniens, Q. Névius, centurion de l’armée du proconsul Fulvius Flaccus, imagina de choisir dans toutes les troupes les soldats de petite taille qui paraissaient les plus agiles, de les armer de boucliers courts, de casques légers, d’épées, et de sept javelots javelots longs de quatre pieds environ, de les mettre en croupe derrière les cavaliers, et de les faire avancer jusqu’aux murailles, où, mettant pied à terre, ils devaient combattre la cavalerie ennemie. Cette manœuvre fit beaucoup de mal aux Campaniens, surtout à leurs chevaux, qui furent mis en désordre, et notre armée remporta facilement la victoire.

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30. P. Scipion, en Lydie, voyant qu’une pluie qui était tombée jour et nuit avait incommodé l’armée d’Antiochus, au point que, non-seulement les hommes et les chevaux n’avaient plus de forces, mais encore que les arcs, dont les cordes étaient mouillées, devenaient inutiles, engagea son frère à livrer le combat le lendemain, quoique ce fût un jour néfaste. La victoire fut le résultat de cet avis.

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31. Pendant que Caton ravageait l’Espagne, une députation des Ilergètes, peuple allié des Romains, vint lui demander du secours. Ne voulant ni les mécontenter par un refus, ni affaiblir ses forces en les divisant, il ordonna au tiers de ses soldats de prendre des vivres et de s’embarquer, mais avec la recommandation expresse de revenir sur leurs pas, en prétextant que les vents étaient contraires. Pendant ce temps, la nouvelle que du secours arrivait rendit le courage aux Ilergètes, et renversa les projets de leurs ennemis.

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32. C. César, voyant qu’il y avait dans l’armée de Pompée un grand nombre de chevaliers romains qui, par leur habileté à manier les armes, lui tuaient beaucoup de monde, ordonna à ses troupes de leur porter des coups d’épée au visage et dans les yeux. Il réussit par ce moyen à leur faire prendre la fuite.

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33. Les Vaccéens, pressés dans un combat par Sempronius Gracchus, formèrent autour d’eux une enceinte de chariots, dans lesquels ils placèrent leurs meilleurs soldats habillés en femmes. Sempronius, croyant n’avoir affaire qu’à des femmes, s’avança témérairement pour les envelopper ; mais ceux qui étaient sur les chariots reprirent l’offensive, et mirent ses troupes en fuite.

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34. Eumène, de Cardie, un des successeurs d’Alexandre, étant assiégé dans un château où il ne pouvait exercer ses chevaux, avait soin, chaque jour, et aux mêmes heures, de les suspendre de telle manière, que, appuyés sur leurs pieds de derrière, et ayant en l’air ceux de devant, ils s’agitaient violemment en tout sens, et se mettaient en sueur pour reprendre leur position naturelle.

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35. M. Caton, à qui des barbares s’engageaient à fournir des guides, et même des renforts, pourvu qu’on leur donnât une somme considérable, n’hésita point à la promettre, parce que, s’ils étaient vainqueurs, il pouvait les payer avec le butin fait sur l’ennemi, et que, s’ils périssaient dans le combat, il était dégagé de sa promesse.

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36. Statilius, cavalier recommandable par ses services, se disposant à passer du côté de l’ennemi, Q. Fabius Maximus le fit appeler, et, après lui avoir dit, par forme d’excuse, que la jalousie de ses camarades lui avait laissé jusqu’alors ignorer son mérite, lui fit présent d’un cheval et d’une somme d’argent. Cet homme, que le sentiment de ses torts avait amené tremblant, sortit plein de joie ; et, de chancelant, il devint dès lors aussi fidèle qu’il était brave.

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37. Philippe, ayant appris qu’un certain Pythias, excellent guerrier, était devenu son ennemi, parce que, dans sa pauvreté, ayant peine à nourrir ses trois filles, il ne recevait de ce roi aucun subside, répondit à ceux qui lui conseillaient de se défaire de cet homme : « Quoi ! si un de mes membres était malade, le couperais-je plutôt que de le guérir ? » Ensuite il fit venir secrètement ce Pythias, le reçut avec bonté ; et, après lui avoir fait exposer l’état malheureux de ses affaires, il lui donna de l’argent, et le rendit par là plus fidèle et plus dévoué qu’il n’était avant qu’il eût à se plaindre.

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38. Après le malheureux combat contre les Carthaginois, où Marcellus perdit la vie, T. Quinctius Crispinus, ayant appris que l’anneau de son collègue était entre les mains d’Annibal, informa toutes les villes d’Italie qu’elles avaient à se défier des lettres qu’elles recevraient sous le sceau de Marcellus. Cette précaution fit échouer les tentatives d’Annibal à Salapie et dans d’autres villes.

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39. Après le désastre de Cannes, le courage des Romains était tellement abattu, qu’une grande partie des débris de l’armée, entraînée par plusieurs citoyens des premières familles, formait la résolution de quitter l’Italie. P. Scipion, encore très-jeune, accourut, et, dans l’assemblée même où l’on délibérait, déclara qu’il allait tuer de sa propre main quiconque ne jurerait pas de ne point abandonner la république. Après avoir lui-même prononcé le serment, il tira son épée, menaça d’immoler un de ceux qui étaient le plus près de lui, s’il n’en faisait autant, et força celui-ci par la crainte, les autres par l’exemple, à prendre le même engagement.

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40. Les Volsques étant campés dans un lieu environné de broussailles et de bois, Camille incendia tout ce qui pouvait porter la flamme jusqu’à leurs retranchements, et les obligea ainsi d’abandonner le camp.

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41. Pendant la guerre Sociale, P. Crassus fut surpris de la même manière avec toute son armée.

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42. En Espagne, Q. Metellus étant sur le point de lever son camp, et ses soldats se tenant renfermés dans l’intérieur des retranchements, Hermocrate profita de leur inaction pour ne les faire attaquer que le lendemain par ses troupes, alors plus capables de combattre, et termina ainsi la guerre.

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43. Miltiade, ayant défait à Marathon une multitude innombrable de Perses, et voyant que les soldats athéniens perdaient le temps à recevoir des félicitations, les fit marcher à la hâte au secours de leur ville, vers laquelle se dirigeait la flotte ennemie. Quand il y fut accouru, et qu’il eut garni les murs de défenseurs, les Perses, croyant que le nombre des Athéniens était considérable, et que l’armée qui avait combattu à Marathon était différente de celle qu’on voyait sur les remparts, revirèrent de bord sur-le-champ et regagnèrent l’Asie.

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44. Pisistrate, général athénien, ayant pris la flotte des Mégariens, qui avait débarqué près d’Éleusis, pendant la nuit, pour enlever des femmes d’Athènes occupées à célébrer les fêtes de Cérès, vengea ses concitoyens par un grand massacre des ennemis, et remplit de soldats athéniens les vaisseaux capturés, sur lesquels il mit en vue quelques femmes qui semblaient être des captives. Les Mégariens, trompés par cette apparence, et persuadés que leurs compagnons revenaient avec le fruit de leur entreprise, s’avancèrent à leur rencontre en désordre et sans armes, et furent eux-mêmes taillés en pièces.

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45. Cimon, général athénien, ayant battu la flotte des Perses près de l’île de Chypre, revêtit ses soldats des dépouilles des prisonniers ; et, avec les vaisseaux mêmes des barbares, il fit voile pour la Pamphylie, et aborda près du fleuve Eurymédon. Les Perses, reconnaissant leurs navires et le costume de ceux qui les montaient, ne se méfièrent de rien ; mais, soudainement attaqués par Cimon, ils furent ainsi défaits le même jour sur terre et sur mer.


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68. Fame potius quam ferro. Cette pensée est développée dans les Mémoires de César (Guerre civile, liv. i, ch. 72).

69. Operibus. Par les ouvrages de siége, plutôt qu’avec les armes. Oudendorp pense que ces mots, id est operibus, ne sont qu’une glose, introduite dans le texte par des copistes, aussi bien que sensim, qu’on trouve dans quelques éditions.

70. Moderatiora sequenda consilia. Oudendorp fait observer que cet exemple, par lequel Frontin recommande la modération ou la bonté, devrait appartenir au chapitre précédent. Mais il est probable que l’auteur n’a eu en vue que la prudence et le sang-froid du chef d’armée.

« La première qualité d’un général en chef est d’avoir une tête froide, qui reçoive une impression juste des objets ; il ne doit pas se laisser éblouir par les bonnes ou mauvaises nouvelles. Les sensations qu’il reçoit successivement ou simultanément, dans le cours d’une journée, doivent se classer dans sa mémoire, de manière à n’occuper que la place qu’elles méritent d’occuper : car la raison et le jugement sont le résultat de la comparaison de plusieurs sensations prises en égale considération. Il est des hommes qui, par leur constitution physique et morale, se font de chaque chose un tableau : quelque savoir, quelque esprit, quelque courage et quelques bonnes qualités qu’ils aient d’ailleurs, la nature ne les a point appelés au commandement des armées, et à la direction des grandes opérations de la guerre. » (Napoléon.)

Mais cette prudence et ce sang-froid ne doivent point dégénérer en irrésolution. « Un général irrésolu, qui agit sans principes et sans plan, quoiqu’à la tête d’une armée supérieure en nombre à celle de l’ennemi, se trouve presque toujours inférieur à ce dernier sur le champ de bataille. Les tâtonnements, les mezzotermine perdent tout à la guerre. »

« À force de disserter, de faire de l’esprit, de tenir des conseils, il arrivera ce qui est arrivé dans tous les siècles en suivant une pareille marche : c’est qu’on finit par prendre le plus mauvais parti, qui presque toujours, à la guerre, est le plus pusillanime, ou, si l’on veut, le plus prudent. La vraie sagesse, pour un général, est dans une détermination énergique. » (Napoléon.)

71. Laqueo eum vitam posse finire. Suivant Plutarque (Vie de Pyrrhus, ch. xxxi), Antigone aurait fait une semblable réponse à Pyrrhus, qui le défiait.

72. Q. Sertorius. Voyez le même récit plus haut, liv. i, ch. 10, § 1.

73. Cælius. Il faut peut-être lire Cædicius. — Voyez Velleius Paterculus, liv. ii, ch. 120.

74. Hannibal regi Antiocho monstravit. Ce n’est point à Antiochus, mais bien à Prusias, que ce stratagème fut enseigné par Annibal. Voyez Cornelius Nepos, Vie d’Annibal, ch. xi ; et Justin, liv. xxxii, ch. 4.

Ce fait, malgré le témoignage de plusieurs historiens de l’antiquité, est dépourvu de vraisemblance, aux yeux des tacticiens modernes. « Quoi de plus ridicule, dit M. Carion-Nisas (Essai sur l’hist. de l’art militaire, t. Ier, p. 242), que de supposer, dans un pays civilisé, ou du moins habité par des hommes, un assez grand nombre de vipères pour en remplir cinq ou six cents vases ! Combien ne faudrait-il pas de temps pour les ramasser, et combien d’hommes ne faudrait-il pas occuper à une pareille chasse ! »

75. Diebus festis, quos sacros, Minervæ. C’était la fête des Panathénées.

76. Lacedæmonem. Ce ne pouvait être la ville même de Lacédémone. Il s’agit sans doute de quelque possession des Lacédémoniens, peu éloignée d’Athènes : car il fallait que les Athéniens fussent bien près de leurs ennemis, pour tromper leur surveillance en cachant des armes sous leurs habits, dès le moment même où ils sortirent de leur ville. »

77. Cassius onerarias naves, etc. César rapporte le fait (Guerre civile, liv. iii, ch. 101). Ce Cassius fut un des assassins du dictateur.

78. Aliqui et supersint.Voyez le récit plus étendu de Tite-Live, liv. xxvii, ch. 49.

79. Viam… muniendam.Voyez la note 89 du livre ii, p. 335, ci-dessus, et la note 16 sur les Aqueducs.

80. Qui in sagulis ferreas fibulas habuissent. Remarquez le miserable jeu de mots que Pachès a mis à profit pour commettre cette atrocité. Polyen rapporte une autre perfidie de ce général (liv. iii, ch. 2).

81. Quibus ferax est Numidia. Quelques commentateurs ont proposé quorum au lieu de quibus, leçon d’autant plus admissible, que l’on ne trouve peut-être pas un seul exemple d’ablatif avec ferax, tandis que l’emploi du génitif est très-fréquent : Ingentium belluarum feraces saltus (Tacitus, Ann. lib. iv, c. 72) ; Nitidæque ferax Peparethos olivæ (Ovidius, Metam. lib. vii, v. 470).

82. Commeatibus… potitus est. Cf. Xénophon, Helléniques, liv. v ; et Polyen, liv. ii, ch. 7. On trouve un stratagème semblable dans les Mémoires de César (Guerre civile, liv. iii, ch. 24).

83. Ptolemæus adversus Perdiccam. Cf. Polyen, liv. iv, ch. 18.

84. Myronides. Ce fait est semblablement rapporté par Polyen, liv. i, ch. 35, § 1.

85. Universos Hennenses cecidit. Cf. Tite-Live, liv. xxiv, ch. 37 et 38 ; et Polyen, liv. viii, ch. 21.

86. Oppidum diripuit.Voyez Polyen, liv. iii, ch. 9, § 58.

87. Volonum. Volons, esclaves enrôlés comme volontaires. Voyez leur histoire dans Tite-Live (liv. xxii, ch. 57 ; liv. xxiii, ch. 35 ; liv. xxiv, ch. 14 et suiv. ; liv. xxvii, ch. 38 ; et liv. xxviii, ch. 46).

88. Sua fide. T. Gracchus avait juré au nom de la république, et se trouvait lié par son serment. Voyez le récit de Tite-Live, liv. xxiv, ch. 14 et suiv., surtout le ch. 16.

89. Se Italiæ liberandæ causa bellum gerere.Voyez Tite-Live, liv. xxii, ch. 6.

Alexandre s’est souvent annoncé comme libérateur aux nations dont il franchissait les frontières. C’est une ruse de tous les temps. Le général Bonaparte, débarquant en Égypte, adressa aux habitants une proclamation qui commençait par ces paroles : « Depuis longtemps les beys qui gouvernent l’Égypte insultent à la nation française et couvrent les négociants d’avanies ; l’heure de leur châtiment est arrivée.

« Depuis longtemps ce ramassis d’esclaves, acheté dans le Caucase ou dans la Géorgie, tyrannise la plus belle partie du monde ; mais Dieu, de qui tout dépend, a ordonné que leur empire finît.

« Peuples d’Égypte, on vous dira que je viens pour détruire votre religion ; ne le croyez pas : répondez que je viens restituer vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte, plus que les mameluks, Dieu, son prophète et le Coran. »

90. Crispino. Lisez Cincio. Il y a là une erreur de la part de l’auteur ou des copistes. Voyez Tite-Live, liv. xxvii, ch. 28.

91. Funditores interposuit. Le rôle des vélites, des archers et frondeurs, en un mot, des fantassins armés à la légère, était principalement d’engager le combat. Ils escarmouchaient en avant et sur les flancs de la légion ; et, quand ils étaient forcés de plier, ils se retiraient dans les intervalles que présentaient les cohortes, les manipules, et même les centuries, comme le dit ici Frontin.

92. Usque ad mœnia. Sous les murs mêmes de Capoue. Voyez le récit plus étendu de Tite-Live, liv. xxvi, ch. 4 ; et Valère Maxime, liv. ii, ch. 3, § 3.

On a essayé plusieurs fois dans les temps modernes, notamment en 1802, au camp de Boulogne, de renouveler cet usage, en exerçant des voltigeurs à sauter en croupe derrière les cavaliers ; mais on a dû y renoncer, parce que les essais réitérés n’ont fait espérer aucun succès.

93. Quam sententiam sequuta victoria est. Ce combat eut lieu près de Thyatire, en Lydie : Tite-Live en fait une longue description ; mais, d’après cet historien, P. Scipion était alors malade à Élée, et ne pouvait, par conséquent, donner à son frère le conseil dont parle Frontin. Voyez liv. xxxvii, ch. 37 et suiv., surtout le ch. 41, qui contient une description des chars à faux de l’armée d’Antiochus. Appien (de Rebus Syr., c. xxix et sqq.) fait une narration très-circonstanciée de cette bataille.

94. Hostium consilia discussit. Cf. Tite-Live, liv. xxxiv, ch. 11 et 12.

95. Eaque armorum scientia. Oudendorp croit, et il a probablement raison, qu’il faudrait lire eaque armorum magnificentia. Il se fonde sur ces deux passages de Plutarque : Καὶ φοβηθεὶς τὴν λαμπρότητα τοῦ ὁπλισμοῦ (Vie de Pompée, ch. lxix) ; Καὶ δεδοικὼς τὴν λαμπρότητα καὶ τὸ πλήθος ἱππέων (Vie de César, ch. xliv).

96. Aversam aciem cedere coegit. C’était à Pharsale. Voyez Plutarque, Vies de César et de Pompée (ubi supra) ; et Polyen, liv. viii, ch. 23, § 25.

97. Vaccæi. Peuples de la Tarraconaise, au sud du pays des Cantabres.

98. Eumenes Cardianus. Cf. Cornelius Nepos, Vie d’Eumène, ch. v ; et Plutarque, ibid., ch. xvi. — Cardie, patrie d’Eumène, était une ville de la Chersonèse de Thrace, à l’embouchure du Mélas.

99. Haberet equitem. Cf. Valère Maxime, liv vii, ch. 3, § 6 ; et Aurelius Victor, ch. xliii.

100. Marcelli annulo.Voyez Tite-Live, liv. xxvii, ch. 28.

101. Coegit ad jurandum. Cf. Tite-Live, liv. xxii, ch. 53 ; et Valère Maxime, liv. v, ch. 6, § 7.

102. Volscorum castra. Ce fait et le suivant sont déjà rapportés par Frontin, liv. ii, ch. 4, § 15 et 16.

103. In agmine milites. Il y a évidemment une lacune en cet endroit : d’abord, la phrase ainsi construite n’est pas latine, les mots Metellus et Hermocrates s’excluant comme sujets de l’unique verbe confecit. Ensuite, comment expliquer historiquement cette rencontre de Metellus et d’Hermocrate ? Selon toute apparence, il y a ici deux fragments de deux récits différents : c’est par respect pour les meilleures éditions que je ne les ai pas séparés.

104. Navibus Asiam repetierunt. Cf. Hérodote, liv. vi, ch. 116.

105. Rursus oppressi sunt. Ce stratagème est raconté par Plutarque, qui l’attribue à Solon aussi bien qu’à Pisistrate (Vie de Solon, ch. viii). Justin (liv. ii, ch. 8) ne parle que de Pisistrate ; Polyen (liv. i, ch. 20) ne nomme que Solon.

106. Et navali, et pedestri prœlio victi sunt. Thucydide (liv. i, ch. 100) et Plutarque (Vie de Cimon, ch. xii) font mention de cette double victoire, mais sans parler du stratagème de Cimon.


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