Les filles de Loth et autres poèmes érotiques/18

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Ode à Priape
Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, Texte établi par Bernard, Edmond Dardenne, Imprimerie de la Genèse (Sodome) (p. 89-94).

Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, Bandeau de début de chapitre
Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, Bandeau de début de chapitre

ODE À PRIAPE


« Si Piron a fait la fameuse Ode
il faut bien le gronder, mais l’admettre ;
s’il ne l’a pas faite, fermons-lui la porte. »
    Fontenelle.
(Discours pour l’admission de Piron à l’Académie.)

Foutre des neuf Grâces du Pinde,
Foutre de l’amant de Daphné,
Dont le flasque vit ne se guinde
Qu’à force d’être patiné :
C’est toi que j’invoque à mon aide,
Toi qui, dans les cons, d’un vit raide
Lance le foutre à gros bouillons,
Priape ! soutiens mon haleine,
Et pour un moment dans ma veine
Porte le feu de tes couillons.


Que tout bande ! que tout s’embrase !
Accourez, putains et ribauds !
Que vois-je ? où suis-je ? ô douce extase !
Les cieux n’ont point d’objets si beaux :
Des couilles en bloc arrondies,
Des cuisses fermes et bondies,
Des bataillons de vits bandés,
Des culs ronds, sans poils et sans crottes,
Des cons, des tétons et des mottes,
D’un torrent de foutre inondés.

Restez, adorables images !
Restez à jamais sous mes yeux !
Soyez l’objet de mes hommages,
Mes législateurs et mes dieux.
Qu’à Priape, on élève un temple
Où jour et nuit l’on vous contemple,
Au gré des vigoureux fouteurs :
Le foutre y servira d’offrandes,
Les poils de couilles, de guirlandes,
Les vits, de sacrificateurs.

De fouteurs, la fable fourmille :
Le Soleil fout Leucothoé,
Cynire fout sa propre fille ;
Un taureau fout Pasiphaé ;
Pygmalion fout sa statue,
Le brave Ixion fout la nue,
On ne voit que foutre couler :
Le beau Narcisse pâle et blême,
Brûlant de se foutre lui-même,
Meurt en tâchant de s’enculer.


« Socrate, — direz-vous, — ce sage
« Dont on vante l’esprit divin ;
« Socrate a vomi peste et rage
« Contre le sexe féminin. »
Mais pour cela le bon apôtre
N’en a pas moins foutu qu’un autre ;
Interprétons mieux ses leçons :
Contre le sexe il persuade ;
Mais sans le cul d’Alcibiade,
Il n’eût pas tant médit des cons.

Mais voyez ce brave cynique,
Qu’un bougre a mis au rang des chiens,
Se branler gravement la pique
À la barbe des Athéniens :
Rien ne l’émeut, rien ne l’étonne ;
L’éclair brille, Jupiter tonne,
Son vit n’en est pas démonté :
Contre le ciel, sa tête altière,
Au bout d’une courte carrière,
Décharge avec tranquillité.

Cependant Jupin, dans l’Olympe,
Perce des culs, bourre des cons ;
Et Neptune, au fond des eaux, grimpe
Nymphes, sirènes et tritons ;
L’ardent fouteur de Proserpine
Semble dans sa couille divine
Avoir tout le feu des enfers.
Amis, jouons les mêmes farces ;
Foutons, tant que le con des garces
Ne nous foute l’âme à l’envers.


Tysiphone, Alecto, Mégère,
Si l’on foutait encor chez vous,
Vous, Parques, Caron et Cerbère,
De mon vit vous tâteriez tous.
Mais puisque, par un sort barbare,
On ne bande plus au Ténare,
Je veux y descendre en foutant ;
Là, mon plus grand tourment, sans doute,
Sera de voir que Pluton foute
Et de n’en pouvoir faire autant.

Rangs, dignités, honneurs ?… foutaise !
Et toi, Crésus, tout le premier,
Tu ne vaux pas, ne t’en déplaise,
Yrus qui fout sur un fumier.
Le sage fut un bougre, en Grèce,
Et la Sagesse une bougresse ;
Exemple qu’à Rome on suivit.
On y vit plus d’une matrone,
Préférant le bordel au trône,
Lâcher un sceptre pour un vit.

Quelle importante raison brouille
Achille avec Agamemnon ?
L’intérêt sacré de la couille ;
Briséis… une garce… un con !
Sur le fier amour de la gloire,
L’amour du foutre a la victoire,
Il traîne tout après son char.
Cette puissance à qui tout cède,
Devant le vit de Nicomède,
Fait tourner le cul à César.


Que l’or, que l’honneur vous chatouille,
Sots avares, vains conquérants :
Vivent les plaisirs de la couille !
Et foutre des biens et des rangs !
Achille, aux rives du Scamandre,
Ravage tout, met tout en cendre :
Ce n’est que feu, que sang, qu’horreur.
Un con paraît : passe-t-il outre ?
Non, je vois bander mon jean-foutre ;
Ce héros n’est plus qu’un fouteur.

Jeunesse, au bordel aguerrie,
Ayez toujours le vit au con ;
Qu’on foute, l’on sert sa patrie,
Qu’on soit chaste, à quoi lui sert-on ?
Il fallait un trésor immense
Pour pouvoir de leur décadence
Relever les murs des Thébains ;
Du gain de son con faisant offre,
Phryné le trouve dans son coffre !
Que servait Lucrèce aux Romains ?

Tout se répare et se succède
Par ce plaisir qu’on homme abus :
L’homme, l’oiseau, le quadrupède
Sans ce plaisir ne seraient plus.
Ainsi l’on fout par tout le monde,
Le foutre est la source féconde
Qui rend l’univers éternel ;
Et ce beau tout, que l’on admire,
Ce vaste univers, à vrai dire,
N’est qu’un noble et vaste bordel.


Aigle, baleine, dromadaire,
Insecte, animal, homme, tout,
Dans les cieux, sous l’eau, sur la terre,
Tout nous annonce que l’on fout :
Le foutre tombe comme grêle ;
Raisonnable ou non, tout s’en mêle :
Le con met tous les vits en rut ;
Le con du bonheur est la voie,
Dans le con gît toute la joie,
Mais hors le con point de salut.

Quoique plus gueux qu’un rat d’église,
Pourvu que mes couillons soient chauds
Et que le poil de mon cul frise,
Je me fous du reste en repos.
Grands de la terre, l’on se trompe
Si l’on croit que de votre pompe
Jamais je puisse être jaloux :
Faites grand bruit, vivez au large ;
Quand j’enconne et que je décharge,
Ai-je moins de plaisir que vous ?

Redouble donc tes infortunes,
Sort, foutu sort plein de rigueur ;
Ce n’est qu’à des âmes communes
Que tu pourrais foutre malheur ;
Mais la mienne, que rien n’alarme,
Plus ferme que le vit d’un carme,
Rit des maux présents et passés.
Qu’on me méprise et me déteste,
Que m’importe ? mon vit me reste :
Je bande, je fous… c’est assez.