Les Hautes Montagnes/6

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(p. 16-17).

6. Les enfants regardent l’eau de la Roumèle

Quand ils arrivèrent plus haut, ils s’étonnèrent en voyant une couleur étrange tout au fond de la vallée.

« Qu’est-ce que c’est là-bas ? s’écrièrent les enfants. C’est de l’eau ? »

— De l’eau, répondit le muletier.

— Mais elle est immobile, dit Costakis.

— De l’eau, en pente, et immobile, comment est-ce possible ?

— Elle a l’air immobile, ajouta l’enfant.

— Bien sûr, parce que nous la voyons d’en haut. Plus tard quand nous descendrons, vous verrez comme elle coule.

— Comment s’appelle ce fleuve ?

— Roumèle. Mais ici c’est un cours d’eau, ce n’est pas encore un fleuve. Elle doit encore faire un grand voyage avant de devenir le fleuve Roumèle. Elle doit collecter beaucoup d’eau, arrondir beaucoup de cailloux et faire tourner bien des moulins encore.

— Elle est turquoise, dit Phanis, quelle belle couleur !

— Cette couleur est due à la fougue de ses eaux, dit M. Stéphane. Ici en haut la Roumèle n'est pas tranquille. Ses eaux jaillissent comme des enfants enragés ; ce n’est qu’en plaine qu’elle s’assagit. Et en progressant vers la mer, elle devient calme et réfléchie.


Quand ils arrivèrent plus haut, ils ne virent plus la Roumèle. Elle leur fut cachée au détour d’un coude.

Costakis en était chagriné, comme si un compagnon les avait quittés.

— Ne t’inquiète pas Costakis, dit le muletier, elle surgira encore bien des fois devant nous. La Roumèle s’éloigne ici ? Elle doit arroser tant de platanes, traverser tant de vallées !

Plus loin comme ils descendaient, ils entendirent le bruit de l’eau et ils ont ressenti la présence de la Roumèle toujours proche.