Les heures de Paphos, contes moraux/12

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(Un sacrificateur de Venus)
(p. Fig.-70).
La Servante du curé
Les Heures de Paphos, contes moraux, 1787 - Figure p-69
Les Heures de Paphos, contes moraux, 1787 - Figure p-69

La Servante du Curé



Un certain Curé de campagne,
Avait pour servante et compagne,
A la barbe des saints canons,
Fillette de dix-huit années :
Et porteuse de deux tetons,
Où l’on eut pu trouver l’etoffe
D’en faire quatre à bon marché.
Le prêtre n’était point fâché
Malgré son humeur philosophe,
De goûter le plaisir des yeux.
D’ailleurs, se conduisant au mieux.
Sage, décent, plein de prudence ;
De bonne foi ; sans conséquence :
Et trouvant bien plus de raison
D’avoir toujours à la maison
Jeune fillette aimable et frâiche,
Gaie, active, et de bonne humeur ;
Qu’un vieux laidron sec et revêche
Qui gronde, et vous fait mal au cœur :
Du reste ; froid par caractére,
Tout rempli de son ministére,
Notre Curé n’avait jamais
Dit à Nanon sur ses attraits,

La plus équivoque parole.
Pourtant il avait l’air d’un drôle
A pouvoir jouer un beau rôle
Avec fille de dix-huit ans.
Gros, court, rablé, les yeux perçans ;
Le nés long, forte chevelure ;
On l’eût pris à son encolûre,
Pour un vigoureux chevaucheur.
Mais il conservait en son cœur,
Un certain fond de retenue ;
Et n’y touchait que de la vüe.
Ce n’est le compte d’un tendron.
Aussi l’égrillarde Nanon
Souvent affectait de parâitre
Dans le Cabinet de son mâitre,
En jupon court, en fin corset,
La chemise fort entr’ouverte,
Mais tout cela ne le tentait :
Ou, du moins, il n’y paraissait :
Si bien que ne pouvant mieux faire ;
Nanette pour se satisfaire ;
Et se soulager, employait
Tantôt le manche du balay,
Tantôt le reste d’un gros cierge :
Le tout, sans cesser d’être vierge :

Un certain jour de samedi,
Vers l’heure environ de midi :
Le Curé va dire sa messe.
Trouve Nanon qui balayait ;
C’etait l’usage, et la drôlesse
Adroitement s’en acquitait.
Elle passe à la sacristie,
Pendant la célébration ;
Et sans faire réfléxion
Que bientôt la messe est finie ;
Ayant l’ame toute remplie
D’ardeur, et de lubriques feux ;
Dans son transport voluptueux
Voila la folle qui s’affuble
D’une étolle, et d’une chasuble
Puis se trousse, puis sans façon
De la croix fourre le bâton,
Peu fait pour un tel ministere…
Dans certain endroit qu’il faut taire.
Pendant ce tems, le bon Curé
La messe dite, et tout baclé ;
S’en revient à la sacristie ;
Et là, trouve notre étourdie
Au travail que je vous ai dit.
— Dieu ! que vois-je ? serpent maudit !

Dit-il, en posant le calice.
Est-ce pour ce bel éxercice,
Qu’est fait le manche de la croix ?…
Au lieu de ce morceau de bois ;
Vois, lorsque cela te demange,
Tien, voila, (montrant son anchois ;)
Ce qu’il te faut… — ah ! mon bon ange !
Il est plus gros que le bâton !
Donnés vite, que je le place.
— Doucement… attendés, Nanon ;
Après mon action de grace.


Les Heures de Paphos, contes moraux, 1787 - Cul-de-lampe
Les Heures de Paphos, contes moraux, 1787 - Cul-de-lampe