Les portes closes (Grégoire Le Roy)

La bibliothèque libre.
Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 195-196).


Les Portes closes


Ô vous, chères que j’ai connues
Et qu’aux jours tristes je revois,
Vous voici, ce soir, revenues,
Car mon cœur pleure d’autrefois

Quand, souvenir de vos caresses,
Je pense à celles qui viendront,
Mes mains sont lourdes de paresses,
Je ne tends même plus mon front.

Car c’est vous seules que j’écoute
Qui, dans le crépuscule aimé,
De vos voix où tremble le doute
Chantez en un palais fermé.

Moi, j’attends qu’à travers la porte
Close par mon fol abandon,
Votre chanson de deuil m’apporte
Un peu de rêve et de pardon.


Oui, c’est vous seules, vous, lointaines,
Dont me revienne encor la voix,
Ô vous toutes qui fûtes miennes
Dans l’inoubliable Autrefois.

Là, vous êtes dans l’ombre, seules,
Telles que vous m’apparaissez
Déjà semblables aux aïeules
Parlant de très lointains passés.

Oui, j’entends vos voix paresseuses,
Si douces que j’en souffre un peu,
Comme un chœur de tristes fileuses,
Assis, — un soir, — autour du feu.