Lettre *340, 1673 (Sévigné)

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Texte établi par Monmerqué, Hachette (3p. 255-256).
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1673

* 340. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ AU COMTE ET À LA COMTESSE DE GUITAUT.

À Auxerre, vendredi[1] (27e octobre).

Je serois fort indigne de l’honneur que j’ai reçu de mon seigneur et de ma dame[2], si je ne leur disois un mot de ma reconnoissance, puisque j’en trouve l’occasion. Outre tout ce que j’ai à dire de la manière dont vous m’avez reçue, j’ai à vous remercier de tout ce que je ne dirai point. Vous m’avez donné un sensible plaisir par votre confiance et par vos détails ; mais surtout je n’oublierai jamais la conclusion du roman et le mérite exquis du héros et de l’héroïne. Ces pensées qui m’ont occupée m’ont éloigné et délayé[3] celles que j’avois apportées de Provence, dont j’étois dévorée. Je vous remercie donc, Monsieur, de cette diversion. Je supplie Madame la Comtesse de trouver bon que je baise tendrement ses belles joues, et que je la questionne quelquefois à Paris. Je vous demande quelque part en l’honneur de votre amitié, puisque vous en avez tant dans la mienne. Je supplie Madame de Guitaut de me faire la même grâce. Vous m’avez acquise pour jamais. Notre abbé vous assure de son très-humble service ; votre bon vin lui a soutenu le cœur contre les détestables chemins. Je vous écrirai quelquefois de Paris. Si vous voulez écrire à ma fille, adressez votre lettre à M. Aubarède, marchand, à Lyon.

M. Rabutin Chantal.

  1. Lettre 340 (revue sur l’autographe). — 1. L’autographe ne porte que ces mots : « à Auxerre, vendredi, » Nous ajoutons sans hésiter 27e octobre. La lettre est évidemment du même jour que la précédente à Mme de Grignan. Nous ne savons sur quoi s’est fondé l’éditeur qui le premier l’a datée de Paris, 6 novembre, erreur reproduite par ceux qui l’ont suivi.
  2. 2. Voyez la Notice, p. 150, et la lettre du 26 janvier 1683.
  3. 3. Délayer, différer, remettre à un autre temps. C’est là l’orthographe du mot dans le Dictionnaire de Nicot ; plus tard on a écrit dilayer.