Lettre 319, 1673 (Sévigné)

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Texte établi par Monmerqué, Hachette (3p. 199-200).
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1673

319. — DE MADAME DE LA FAYETTE À MADAME DE SÉVIGNÉ.

À Paris, le 15e avril.

Madame de Northumberland me vint voir hier ; j’avois été la chercher avec Mme de Coulanges. Elle me parut une femme qui a été fort belle, mais qui n’a plus un seul trait de visage qui se soutienne, ni où il soit resté le moindre air de jeunesse ; j’en fus surprise. Elle est avec cela mal habillée, point de grâce : enfin je n’en fus point du tout éblouie. Elle me parut entendre fort bien tout ce qu’on dit, ou pour mieux dire, ce que je dis, car j’étois seule. M. de la Rochefoucauld et Mme de Thianges, qui avoient envie de la voir, ne vinrent que comme elle sortoit. Montaigu m’avoit mandé qu’elle viendroit me voir ; je lui ai fort parlé d’elle ; il ne fait aucune façon d’être embarqué à son service, et paroît très-rempli d’espérance.

M. de Chaulnes partit hier, et le comte Tott[1] aussi : ce dernier est très-affligé de quitter la France. Je l’ai vu quasi tous les jours pendant qu’il a été ici ; nous avons traité votre chapitre plusieurs fois.

La maréchale de Gramont[2] s’est trouvée mal ; d’Hacqueville y a été, toujours courant, lui mener un médecin ; il est en vérité un peu étendu dans ses soins.

Adieu, mon amie ; j’ai le sang si échauffé, et j’ai tant eu de tracas ces jours passés, que je n’en puis plus : je voudrois bien vous voir, pour me rafraîchir le sang.


  1. Lettre 319. — 1. Voyez la note 1 de la lettre du 24 février précédent. — La Gazette du 15 juillet 1673 nous apprend que le comte Tott n’eut son audience de congé du Roi que le 4 juillet, « au camp proche Viset. »
  2. 2. Françoise-Marguerite de Chivré, femme du maréchal depuis 1634. Voyez la note 14 de la lettre 354.