Lettre de l'Abbé Louis - Amsterdam - 10 juin 1797

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À Monsieur de Baudus

1797



Amsterdam - 10 juin 1797

Je vous remercie, mon cher ami, pour votre lettre et le Spectateur. J’espère que ce n°-ci ajoutera encore à la réputation des autres. Ce ne sera pas oubli ni manque de chaleur et de zèle si je ne réussis pas à déterminer des souscriptions. L’objection la plus raisonnable que j’y ai entendu faire, c’est qu’on n’y trouve pas le résumé des faits du mois. Sans donner un tableau qui ne peut guère se présenter qu’à chaque année et dans lequel tous vos essais ont été des succès, ne pourriez-vous pas donner, en peu de mots, une analyse courte et précise des événements, qui gagnerait en certitude ce qu’elle perdrait en nouveauté ? Cela deviendrait très précieux pour ceux qui ne lisent pas exactement les gazettes, et ne serait pas assez long pour déplaire aux autres.

Tant que je serai dans ce pays-ci je ne prévois pas que je puisse me mettre assez au courant de ce qui se passe en Angleterre pour satisfaire l’empressement que j’aurais à vous envoyer ce que vous me demandez, mais si je puis me procurer ce qu’il me faudrait pour cela, je n’y manquerai pas. Pour les autres objets, si je vais dans le pays, je pense que je serai à même de vous donner quelque chose à propos de cela. D’après les lettres que je reçois de Paris, il me paraît que le parti anti-sans culotte s’est surtout réuni pour assurer la préférence à Barthélemy, afin d’introduire dans le Directoire un homme qui neutralisât Reubell dans la diplomatie dont il s’est emparé. Et ce Reubell est aujourd’hui celui qui leur est le plus opposé, ainsi qu’aux émigrés et aux honnêtes gens de toute classe. Mais je ne fais pas du caractère et de la vigueur du nouvel élu une aussi grande idée que de sa douceur et de son talent de ne choquer et de ne heurter personne.

Les autres vous reviendront aussi sûrement que le marquis [de La Maisonfort] ; vous leur êtes trop nécessaire pour qu’ils ne le sentent pas. À tout prendre, cette association leur est très avantageuse et si lam [La Maisonfort] et son ami travaillent constamment de concert avec vous, cela ira bien pour tout le monde. Vous avez eu parfaitement raison d’éviter la rupture avec Rivarol, mais n’allez pas jusqu’à empêcher qu’on ne le presse beaucoup pour qu’il continue à travailler aussi constamment ; cela devient l’objet principal de l’association après la connaissance parfaite des affaires et l’économie dont elles sont susceptibles.

S’il est vrai que je vous manque quelquefois, il l’est bien davantage que vous me manquez toujours et que ce qui me ferait le plus grand plaisir serait de me retrouver avec vous ; ce ne serait jamais aussi tôt ni pour aussi longtemps que je voudrais.

Faites-moi le plaisir de m’écrire ce qu’on trouverait de Voltaire, ce que vous pensez qu’on pourrait en placer à Hambourg de beaux, de médiocres et de communs et desquels il conviendrait d’envoyer davantage.

Vous m’avez fait grand plaisir en m’apprenant que vous étiez content du marquis ; cela m’assure encore plus du soin que vous mettrez à ses intérêts et je souhaite vivement qu’il se trouve bien de cette entreprise. Sans lui vous eussiez eu peine à trouver les moyens de faire les absences que votre intérêt vous dictera très vraisemblablement bientôt et sous ce rapport vous devinez combien j’aime de vous savoir très bien ensemble.

Faites mes amitiés à tous ceux qui sauront que je vous écris. Adieu, je vous embrasse, vous honore et vous aime de tout mon cœur.

Sous peu de jours je vais à Leyde profiter de votre recommandation