DE BUSSY RABUTIN ET À MADEMOISELLE DE BUSSY[1].
Huit jours après que j’eus écrit cette lettre (no 458, p. 186), et qu’elle ne pouvoit tout au plus qu’arriver aux Rochers, j’en reçus celle-ci de Mme de Sévigné, qui étoit la réponse à celle que je lui avois écrite du 1er octobre (no 451, p. 152).
Voilà, mon cher cousin, la procuration que vous me faites l’honneur de me demander pour le mariage de ma nièce. On ne peut pas l’approuver plus que je fais ; je vous le mandai il y a huit ou dix jours. J’ai reçu même une lettre de notre amant, qui, par un excès de politesse, me demande mon approbation. Sa lettre est droite, simple, disant ce qu’il veut dire d’un tour noble, et qui n’est point abîmé dans la convulsion des compliments, comme dit la comédie[2]. Enfin, sur l’étiquette du sac, on peut fort bien juger que c’est un homme de bon sens et de bon esprit. Je joins à cela le goùt qu’il a pour vous, qu’on ne peut avoir qu’à proportion qu’on a de mérite ; et cette
grande naissance dont le cardinal de Retz m’a entretenue : je conclus que ma nièce est fort heureuse d’avoir si bien rencontré.
M’entendez-vous bien, ma chère nièce, je m’en vais commencer à vous mettre l’un auprès de l’autre ; car je lui veux faire plaisir. Je ne prétends pas aussi vous désobliger, vous aimant comme je vous aime.
Mandez-moi, mon cousin, des nouvelles de cette belle fête.
Cette province est dans une grande désolation. M. de Chaulnes a ôté le parlement de Rennes pour punir la ville ; ces Messieurs sont allés à Vannes, qui est une petite ville où ils seront fort pressés. Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants ; mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Fourbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses.
Adieu, Comte, puisque nous nous aimons encore, nous nous aimerons toute notre vie.