Lettres écrites d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829/19

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DIX-NEUVIÈME LETTRE.


Thèbes (environs de Médinet-Habou), le 2 juillet 1829.

Afin de donner une idée générale complète du quartier sud-ouest de la vieille capitale pharaonique, voisin du nome d’Hermonthis, il me reste à présenter quelques détails sur deux édifices sacrés, qui, bien moins importants, à la vérité, que le palais du conquérant Méiamoun, présentent toutefois quelque intérêt sous divers rapports historiques et mythologiques.

L’une de ces constructions s’élève au milieu de broussailles et de grandes herbes, en dehors de l’angle S.-E. et à une très-petite distance de l’énorme enceinte carrée, en briques crues, qui environnait jadis le palais et les temples de Médinet-Habou. C’est un édifice de petites proportions, et qui n’a jamais été complètement terminé ; il se compose d’une sorte de pronaos et de trois salles successives, dont les deux dernières seulement sont décorées de tableaux, soit sculptés et peints, soit ébauchés, ou même simplement tracés à l’encre rouge. Ces tableaux ne laissent aucun doute sur la destination du monument, ni sur l’époque de sa construction. Il appartient au règne des Lagides, comme le prouvent une double dédicace d’un travail barbare, sculptée ultérieurement autour du sanctuaire, et les noms royaux inscrits devant les personnages figurant dans tous les tableaux d’adoration.

La dédicace annonce expressément que le roi Ptolémée Évergète II, et sa sœur, la reine Cléopâtre, ont construit cet édifice et l’ont consacré à leur père le dieu Thôth, ou Hermès ibiocéphale.

C’est ici le seul des temples encore existants en Égypte qui soit spécialement dédié au dieu protecteur des sciences, à l’inventeur de l’écriture et de tous les arts utiles, en un mot, à l’organisateur de la société humaine. On retrouve son image dans la plupart des tableaux qui décorent les parois de la seconde salle, et surtout celle du sanctuaire. On l’y invoquait sous son nom ordinaire de Thôth, que suivent constamment soit le titre sotem qui exprime la suprême direction des choses sacrées, soit la qualification Ho-en-Hib, c’est-à-dire qui a une face d’ibis, oiseau sacré, dont toutes les figures du dieu, sculptées dans ce temple, empruntent la tête, ornée de coiffures variées.

On rendait aussi dans ce temple un culte très-particulier à Nohémouo ou Nahamouo, déesse que caractérisent le vautour, emblème de la maternité, formant sa coiffure, et l’image d’un petit propylon s’élevant au-dessus de cette coiffure symbolique. Les légendes tracées à côté des nombreuses représentations de cette compagne du dieu Thoth, qui, d’après son nom même, paraît avoir présidé à la conservation des germes, l’assimilent à la déesse Saschfmoué, compagne habituelle de Thoth, régulatrice des périodes d’années et des assemblées sacrées.

Ces deux divinités reçoivent, outre leurs titres ordinaires, celui de Résidant à MANTHOM ; nous apprenons ainsi le nom antique de cette portion de Thèbes où s’élève le temple de Thoth.

Le bandeau de la porte qui donne entrée dans la dernière salle du temple, le sanctuaire proprement dit, est orné de quatre tableaux représentant Ptolémée faisant de riches offrandes, d’abord aux grandes divinités protectrices de Thèbes, Amon-Ra, Mouth et Chons, généralement adorées dans cette immense capitale, et en second lieu aux divinités particulières du temple, Thoth et la déesse Nahamouo. Dans l’intérieur du sanctuaire, on retrouve les images de la grande triade thébaine, et même celles de la triade adorée dans le nome d’Hermonthis, qui commençait à une courte distance du temple. Deux grands tableaux, l’un sur la paroi de droite, l’autre sur la paroi de gauche, représentent, selon l’usage, la bari ou arche sacrée de la divinité à laquelle appartient le sanctuaire. L’arche de droite est celle de THOTH-PEHO-EN-HIB (Thoth à face d’ibis), et l’arche de gauche, celle de THOTH PSOTEM (Thoth le surintendant des choses sacrées). L’une et l’autre se distinguent par leurs proues et leurs poupes décorées de têtes d’épervier, surmontées du disque et du croissant, à tête symbolique du dieu Chons, le fils aîné d’Ammon et de Mouth, la troisième personne de la triade thébaine, dont le dieu Thoth n’est qu’une forme secondaire.

Ici, comme dans la salle précédente, on trouve toujours le roi Ptolémée, Évergète II, faisant des offrandes ou de riches présents aux divinités locales. Mais quatre bas-reliefs de l’intérieur du sanctuaire, sculptés deux à gauche et deux à droite de la porte, ont fixé plus particulièrement mon attention. Ce ne sont plus des divinités proprement dites, auxquelles s’adressent les dons pieux du Lagide : ici, Évergète II, comme le disent textuellement les inscriptions qui servent de titre à ces bas-reliefs, brûle l’encens en l’honneur des pères de ses pères et des mères de ses mères. Le roi accomplit, en effet, diverses cérémonies religieuses en présence d’individus des deux sexes, classés deux par deux, et revêtus des insignes de certaines divinités. Les légendes tracées devant chacun de ces personnages achèvent de démontrer que ces honneurs sont adressés aux rois et aux reines Lagides, ancêtres d’Évergète II en ligne directe : et en effet, le premier bas-relief de gauche représente Ptolémée Philadelphe, costumé en Osiris, assis sur un trône à côté duquel on voit la reine Arsinoé sa femme, debout, coiffée des insignes de Mouth et d’Hathôr. Évergète II lève ses bras en signe d’adoration devant ces deux époux, dont les légendes signifient : Le divin père de ses pères PTOLÉMÉE, dieu PHILADELPHE ; la divine mère de ses mères ARSINOÉ, déesse PHILADELPHE.

Plus loin Évergète II offre l’encens à un personnage également assis sur un trône, et décoré des insignes du dieu Socarosiris, accompagné d’une reine debout, la tête ornée de la coiffure d’Hathôr, la Vénus égyptienne ; leurs légendes portent : Le père de ses pères, PTOLÉMÉE, dieu créateur. La divine mère de ses mères, BÉRÉNICE, déesse créatrice. On peut donc reconnaître ici soit Ptolémée Soter Ier et sa femme Bérénice, fille de Magas, soit Ptolémée Évergète Ier et Bérénice, sa femme et sa sœur. L’absence totale du cartouche prénom dans la légende du Ptolémée, objet de cette adoration, autoriserait l’une ou l’autre de ces hypothèses. Mais si l’on observe que ces deux époux reçoivent les hommages d’Évergète II, à la suite des honneurs rendus, en premier lieu, à Ptolémée et à Arsinoé Philadelphe, on se persuadera que le second tableau concerne les enfants et les successeurs immédiats de ces Lagides, c’est-à-dire Évergète Ier et Bérénice, sa sœur. Le titre de Phter-mounk, dieu créateur, dieu fondateur ou fabricateur, conviendrait beaucoup mieux, il est vrai, à Ptolémée Soter Ier, fondateur de la domination des Lagides ; mais j’ai la pleine certitude que ce titre est prodigué sur les monuments égyptiens à une foule de souverains autres que des chefs de dynasties.

Deux bas-reliefs, sculptés à droite de la porte, nous montrent Évergète II rendant de semblables honneurs aux images de ses autres ancêtres et prédécesseurs, et toujours en suivant la ligne généalogique descendante : ainsi, dans le premier tableau, le roi répand des libations devant le divin père de son père, Ptolémee, dieu Philopator, et la divine mère de sa mère, ARSINOÉ, déesse PHILOPATOR ; enfin, dans le second tableau, il fait l’offrande du vin à son royal père PTOLÉMÉE, dieu ÉPIPHANE, et à sa royale mère CLÉOPATRE, déesse ÉPIPHANE. Son père et son aïeul sont figurés dans le costume du dieu Osiris ; sa mère et son aïeule, dans le costume d’Hathôr. Quant aux titres Philadelphe, Philopator et Épiphane, ils sont placés à la suite des cartouches noms propres, et exprimés par des hiéroglyphes phonétiques (représentant les mots coptes équivalents). Ces quatre tableaux nous donnent donc la généalogie complète d’Évergète II, et l’ordre successif des rois de la dynastie des Lagides à partir de Ptolémée Philadelphe.

C’est toujours ainsi que les monuments nationaux de l’Égypte servent pour le moins de confirmation aux témoignages historiques puisés dans les écrits des Grecs ; et cela toutes les fois qu’ils ne viennent point éclaircir ou coordonner les notions vagues et incohérentes que ce même peuple nous a transmises sur l’histoire égyptienne, surtout en ce qui concerne les anciennes époques. L’usage constamment suivi par les Égyptiens de couvrir toutes les parois de leurs monuments, de nombreuses séries de tableaux représentant des scènes religieuses ou des événements contemporains, dans lesquels figure d’habitude le souverain régnant à l’époque même où l’on sculptait ces bas-reliefs ; cet usage, disons-nous, a tourné bien heureusement au profit de l’histoire, puisqu’il a conservé jusqu’à nos jours un immense trésor de notions positives qu’on chercherait inutilement ailleurs. On peut dire, en toute vérité, que, grâces à ces bas-reliefs et aux nombreuses inscriptions qui les accompagnent, chaque monument de l’Égypte s’explique par lui-même, et devient, si l’on peut s’exprimer ainsi, son propre interprète. Il suffit, en effet, d’étudier quelques instants les sculptures qui ornent le sanctuaire de l’édifice situé à côté de l’enceinte de Médinet-Habou, la seule portion du monument véritablement terminée, pour se convaincre aussitôt qu’on se trouve dans un temple consacré au dieu Thoth, construit sous le règne d’Évergète II, et de sa sœur et première femme Cléopâtre, mais dont les sculptures ont été terminées postérieurement à l’époque du mariage d’Évergète II avec Cléopâtre, sa nièce et sa seconde femme, mentionnée dans les légendes royales qui décorent le plafond du sanctuaire.

Le style mou et lourd des bas-reliefs, la grossièreté d’exécution des hiéroglyphes, et le peu de soin donné à l’application des couleurs sur les sculptures, s’accordent trop bien avec les dates fournies par les inscriptions dédicatoires, pour qu’on méconnaisse dans le petit temple de Thoth, un produit de la décadence des arts égyptiens, devenue si rapide aux dernières époques de la domination grecque.

Mais un édifice d’un temps encore plus rapproché de nous présente aux regards du voyageur un exemple frappant du degré de corruption auquel descendit la sculpture égyptienne, sous l’influence du gouvernement romain. Il s’agit ici des ruines désignées dans la Description générale de Thèbes, par MM. Jollois et Devilliers, sous le nom de petit Temple situé à l’extrémité sud de l’hippodrome, aux débris duquel j’ai donné toute la journée d’hier.

Partis de grand matin de notre maison de Kourna, Salvador Cherubini et moi, nous courûmes sur Médinet-Habou, et, passant dans le voisinage du petit temple de Thoth, nous gagnâmes la base des monticules factices formant l’immense enceinte nommée l’Hippodrome par la Commission d’Égypte, et que nous longeâmes extérieurement à travers la plaine rocailleuse qui s’étend jusqu’au pied de la chaîne libyque. Parvenus, après une marche assez longue et très-fatigante, au midi de ces vastes fortifications, qui jadis renfermèrent, selon toute apparence, un établissement militaire, espèce de camp permanent qu’habitaient les troupes formant la garnison de Thèbes et la garde des Pharaons, nous gravîmes un petit plateau peu élevé au-dessus de la plaine, mais couvert de débris de constructions et de fragments de poteries de différentes époques.

Le premier objet qui attire les regards est un grand propylon faisant face à l’ouest, mais dans un état de destruction fort avancé, quoique formé primitivement de matériaux d’un assez bon choix. Quatre bas-reliefs existent encore du côté de l’hippodrome ; tous représentent l’empereur Vespasien (AΥTOKΡTωΡ KAICΡC OΥCΠCIANC), costumé à l’égyptienne, et faisant des offrandes à différentes divinités ; les tableaux qui décorent la face du propylon tournée du côté du temple, montrent l’empereur Domitien (AΥTOKΡTωP KAICΡC TOMTIANOC ΓΡMNIKOC) accomplissant de semblables cérémonies ; enfin neuf bas-reliefs encore subsistants, seuls restes de la décoration intérieure, reproduisent l’image d’un nouveau souverain, figuré soit dans l’action de percer d’une lance la tortue, emblème de la paresse, soit offrant aux dieux des libations et des pains sacrés : c’est l’empereur Othon (MAΡKOC OθωNC KAICΡC AΥTOKΡTΡ).

Je lisais pour la première fois le nom de cet empereur, retracé en caractères hiéroglyphiques, et on le chercherait vainement ailleurs sur toutes les constructions égyptiennes existantes entre la Méditerranée et Dakkéh en Nubie, limite extrême des édifices élevés par les Égyptiens sous la domination grecque et romaine. La durée du règne d’Othon fut si courte, que la découverte d’un monument rappelant sa mémoire excite toujours autant de surprise que d’intérêt. Il paraît, au reste, que l’Égypte se déclara promptement pour Othon, puisque c’est précisément la province de l’empire où furent frappées les seules médailles de bronze que nous ayons de cet empereur.

La présence du nom d’Othon établit invinciblement que la décoration du propylon, à en juger par ce qui reste des sculptures, fut commencée l’an 69 de l’ère chrétienne, et terminée au plus tard vers l’an 96, époque de la mort de Domitien.

En avant, et à quelque distance du propylon, se trouve un escalier au bas duquel était jadis une petite porte, décorée de bas-reliefs d’un travail barbare, comparativement à ceux du propylon ; et cependant je reconnus dans leurs débris la légende de l’empereur Auguste ( AΥTωKΡTΡ KAICΡC). Cela prouve qu’à cette époque l’Égypte avait simultanément de bons et de mauvais ouvriers.

Sur le même axe, et à soixante mètres environ du grand propylon, s’élève le temple, ou plutôt une petite cella aujourd’hui isolée, et dont les parois extérieures, à peine dégrossies, n’ont jamais reçu de décoration ; mais les salles intérieures sont couvertes d’ornements sculptés et de bas-reliefs d’une exécution très-lourde et très-grossière. Presque tous ces tableaux, surtout ceux du sanctuaire, appartiennent à l’époque d’Hadrien. Ce successeur de Trajan comble de dons et d’offrandes les divinités adorées dans le temple ; et à côté de chacune de ses images, on a répété sa légende particulière AΥTOKPTωP KAICPC TPAINC ATRIANC, l’empereur César Trajan-Hadrien. J’ai remarqué enfin que la corniche extérieure du sanctuaire offre parmi ses ornements la légende d’Antonin, ainsi conçue : AΥTOKPTωP TITOC AIλIOC ATPIANC ANTONINC EΥCBC, l’empereur Titus Ælius Adrianus Antoninus-Pius.

L’époque de la décoration du sanctuaire et des autres salles du temple proprement dit, étant clairement fixée par ces noms impériaux, il reste à déterminer quelles furent les divinités particulièrement honorées dans ce temple : ce point éclairci, il deviendra facile en même temps de décider avec certitude si cet édifice appartenait jadis au nome Diospolite, ou à celui d’Hermonthis : car de l’étude suivie des monuments de l’Égypte et de la Nubie, il résulte que la triade adorée dans la capitale d’un nome reparaît constamment et occupe un rang distingué dans les édifices sacrés de toutes les villes de sa dépendance, chaque nome ayant pour ainsi dire un culte particulier, et vénérant les trois portions distinctes de l’Être divin sous des noms et des formes différentes.

Les indications les plus positives à cet égard doivent résulter de l’examen des sculptures qui décorent les sanctuaires, surtout lorsque cette portion principale du temple existe dans tout son entier, comme cela arrive précisément pour les ruines situées au sud de l’hippodrome.

Quatre grands bas-reliefs superposés deux à deux couvrent la paroi du fond du sanctuaire. Les deux bas-reliefs supérieurs représentent l’empereur Hadrien, costumé en fils aîné d’Ammon, adorant une déesse coiffée du vautour, emblème de la maternité, et surmonté des cornes de vache, du disque et d’un petit trône. Ce sont les insignes ordinaires d’Isis, et la légende sculptée à côté des deux images de la déesse porte en effet Isis la grande mère divine qui réside dans la montagne de l’Occident. Les bas-reliefs inférieurs nous montrent le même empereur présentant des offrandes au dieu Monht ou Manthou, le dieu éponyme d’Hermonthis, et au roi des dieux Amon-Ra, le dieu éponyme de Thèbes.

Guidés ici par une théorie fondée sur l’observation de faits entièrement analogues, et qui se reproduisent partout et sans aucune exception contraire, nous devons conclure avec assurance que ce temple fut particulièrement consacré à la déesse Isis, puisque ses images occupent sans partage la place d’honneur au fond du sanctuaire ; au-dessous d’elle paraissent les grandes divinités du nome de Thèbes et du nome Hermonthite, dieux syntrônes, adorés aussi dans ce même temple. Mais le dieu Manthou occupant la droite, quoique tenant dans ces mythes sacrés un rang inférieur à celui du roi des dieux Amon-Ra, qui occupe ici la gauche, il devient certain que le Temple d’Isis, situé au sud de l’hippodrome, dépendait du nome d’Hermonthis et non du nome Diospolite, puisque le dieu Mandou reçoit immédiatement après Isis et avant Amon-Ra, dieu éponyme de Thèbes, les adorations de l’empereur Hadrien.

Ainsi la divinité locale, celle que les habitants de la χώμη ou bourgade du nome Hermonthite, qui exista jadis autour du temple, regardaient comme leur protectrice spéciale, fut la déesse Isis, qui réside dans Ptôou-en-ement (ou la Montagne de l’Occident). Mais cette qualification donne lieu à quelque incertitude : faut-il prendre les mots Ptôou-en-ement dans leur sens général, et n’y voir que la désignation de la montagne occidentale, derrière laquelle, selon les mythes, le soleil se couchait et terminait son cours, montagne placée sous l’influence d’Isis, de la même manière que la montagne orientale Ptôou-en-eiebt appartenait à la déesse Nephthys ; ou bien, prenant les mots dans un sens plus restreint, devons-nous traduire le titre d’Isis Hitem-ptôou-en-ement par déesse qui réside dans Ptôouenement ou Ptôouement, en considérant ici Ptôouement comme le nom propre de la bourgade dans laquelle exista le temple ? Cette qualification serait alors analogue aux titres Hitem Pselk, résidant à Pselkis ; Hitem Manlak, résidant à Philæ ; Hitem Souan, résinant à Syène ; Hitem Ebôu, résidant à Éléphantine ; Hitem Snè, résidant à Latopolis ; Hitem Ebôt, résidant à Abydos, etc., que reçoivent constamment Thoth, Isis, Chnouphis, Saté, Neith, Osiris, etc., dans les temples que leur élevèrent ces anciennes villes placées sous leur domination immédiate. Mais comme les mots Ptôou-en-ement ne sont pas toujours suivis, comme Pselk, Manlak, Souan, etc., du signe déterminatif des noms propres de contrées ou de lieux habités, nous pensons, sans exclure absolument cette première hypothèse, qu’ils désignent ici plus directement la montagne occidentale céleste, sur laquelle Isis partageait avec Natphé, la Rhéa égyptienne, le soin journalier d’accueillir le dieu soleil, épuisé de sa longue course et mourant, ce même dieu que la soeur d’Isis, Nephthys, avait reçu enfant, et sortant plein de vie du sein de sa mère Natphé, sur la montagne orientale. Sous un point de vue plus matériel encore, la montagne occidentale désignera la chaîne libyque, voisine du temple où sont creusés d’innombrables tombeaux, et par suite l’enfer égyptien, l’Amenthé, c’est-à-dire la contrée occidentale, séjour redoutable où régnaient Isis et son époux Osiris, le juge souverain des ames. Les bas-reliefs sculptés sur les parois latérales et sur la porte du sanctuaire, ainsi que ceux qui décorent la porte extérieure du Naos et les restes du grand propylon, représentent aussi l’empereur Othon ou ses successeurs, faisant des offrandes à Isis, déesse de la montagne d’Occident, en même temps qu’aux dieux synthrônes Manthou et Ritho, les grandes divinités du nome Hermonthite ; de semblables hommages sont aussi rendus aux dieux de Thèbes, Amon-Ra, Mouth et Chons, suivant l’usage établi d’adorer à la fois dans un temple d’abord les divinités locales, ensuite celles du nome entier, et enfin un dieu du nome le plus voisin : comme pour établir entre les cultes particuliers de chacune des préfectures de l’Égypte une liaison successive et continue qui les ramenait ainsi à l’unité. Tous les temples de l’Égypte et de la Nubie offrent les preuves de cette pratique, motivée sur de graves considérations d’ordre public et de saine politique.

Tels sont les faits généraux résultant de l’étude que je viens de faire des dernières ruines de la plaine de Thèbes du côté du S.-O. ; ces deux monuments, l’un le temple de Thoth, l’autre le temple d’Isis, marquent en outre l’état rétrograde de l’art égyptien à l’époque des rois grecs comme à celle des empereurs romains ; et les sculptures les plus récentes, exécutées sous les règnes d’Hadrien et d’Antonin-le-Pieux, portent en effet le type d’une barbarie poussée à l’extrême.