Lettres patentes du roi, portant privilège exclusif de la manufacture royale des glaces en faveur de Louis Renard, du mois de février 1785

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Elphège Frémy
Lettres patentes du roi, portant privilège exclusif de la manufacture royale des glaces en faveur de Louis Renard, du mois de février 1785
Plon-Nourrit (p. 448-454).

Lettres patentes du Roi, portant privilège exclusif de la Manufacture Royale des Glaces en faveur de Louis Renard. Données à Versailles au mois de Février 1785. Registrées à Paris en Parlement, Chambre des Comptes et Cour des Aydes, les 14, 21 Mars et 22 Avril 1785. Et au Parlement de Rouen, Chambre des Comptes et Cour des Aydes, les 13 Mai et 10 Juin 1785.

Louis, par le grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : à tous présens et à venir, Salut.

Nos amés les intéressés en la Manufacture Royale des Glaces, associés sous le nom de Louis de Renard et Compagnie, nous ont fait représenter que les avantages que cette Manufacture a procurés depuis qu’elle existe en France sont connus, que le premier Privilége accordé en 1665, se bornoit à imiteer les Glaces soufflées de Venise, mais que bientôt le génie inventif de la Nation donna lieu à un autre Privilége pour les Glaces coulées ; que les commencemens de ces établissemens furent difficiles et couteux, malgré les différentes exemptions et Priviléges qui leur furent accordés et dont ils ont constamment joui ; que ce n’est que depuis la réunion de ces deux Priviléges en 1695, et l’ordre établi dans la Compagnie qui les exploitoit par l’Arrêt du Conseil, et les Lettres-Patentes des 22 Août et 23 Octobre 1702, que cette entreprise a prospéré et acquis un degré de solidité qui annonçoit la suite de ses succès, et qui furent récompensés par un nouveau Privilége accordé à la même Compagnie par les Lettres -Patentes du 20 Février 1727 : que depuis ce tems ils se sont donné tous les soins possibles pour améliorer cette Manufacture ; qu’ils ont fait des dépenses considérables pour la porter au plus haut dégré de perfection, ce qui les avait mis non-seulement dans le cas de fournir à la consommation intérieure du Royaume, les Glaces que l’on tiroit auparavant de l’Étranger ; mais même d’en fournir à l’exportation ; qui cette conduite leur a mérité un nouveau Privilége exclusif, accordé à la même Compagnie sous le nom du sieur Renard, le 22 Octobre 1757, avec l’exemption des droits de sortie, en se conformant au nouveau tarif qu’ils avoient proposé, dans l’espérance que leur zele exédoit leurs forces, il y seroit par nous pourvu ; que quoique le Privilége accordé par lesdites Lettres-Patentes du 22 Octobre 1757, ne soit pas expiré, les mêmes motifs qui ont déterminé à leur accorder les dites Lettres plus de cinq années avant l’expiration du Privilége de 1727, militent aujourd’hui en leur faveur pour l’obtention des nouvelles Lettres de Privilége pendant les 30 années consécutives, à compter du 23 Oct. 1792 ; et pour cet effet, les exposants nous auroient présenté une Requête sur laquelle nous avons statué, par Arrêt de notre Conseil du 21 Décembre dernier, pour l’exécution duquel nous avons ordonné que toutes Lettres les exposants nous ont fait supplier de leur accorder.

A ces causes, de l’avis de notre Conseil qui vû ledit Arrêt du 21 Décembre dernier dont l’expédition est ci-attachée sous le contre-scel de notre Chancellerie ; nous avons, conformément audit Arrêt et de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, ordonnée, et par ces Présentes signées de notre main, ordonnons que lesdits intéressées en la Manufacture Royale des Glaces associés sous le nom de Renard et Compagnie jouiront pendant le tems et espace de trente années consécutives, à compter du 23 Octobre 1792, du Privilége exclusif de fabriquer et de faire fabriquer dans toute l’étendue de notre Royaume par tels ouvriers que bon lui semblera, nobles ou roturiers, des Glaces de toutes grandeurs, de toutes formes et de toutes couleurs, tant à souffler qu’à couler, et de quelqu’autre manière qu’on les puisse fabriquer, les tailler, doucir, et polir, le tout conformément aux Lettres-patentes des premier Mai et 15 Octobre 1695, et 23 Octobre 1757, à la charge par les intéressés en ladite Manufacture, de se conformer pour le prix des Glaces à celui fixé par le tarif de 1757, et à l’augmentation de dix pour cent, qui a eu lieu en conséquence des nouveaux droits imposés par l’édit de moi d’Août 1781 ; ordonnons pareillement que ledit Renard et Compagnie pourront faire et fabriquer concurremment avec ceux qui en ont le droit, des Cristaux, Verres blancs et toutes sortes d’ouvrages de grosses et de petites Verreries. Faisons défenses à toutes personnes d’introduire dans notre Royaume et de faire fabriquer ou de vendre sous quelque prétexte que ce puisse être, d’autres Glaces que celles fabriquées par ledit Renard, à peine de confiscation d’icelles, des matières et outils servant à leur fabrication, démolition des Fourneaux, et de trois mille livres d’amende pour chaque contravention applicable, le tiers au dénonciateur, un tiers à l’Hôpital général, et l’autre tiers au profit de Renard et Compagnie, sans que lesdites confiscations et amendes puissent être modérés, et ladite peine réputée comminatoire, ni que les Receveurs et Fermiers de nos Domaines y puissent rien prétendre. Ordonnons aussi que la même amende sera encourue pour chaque contravention, contre les conducteurs desdites Glaces qui seront confisquées au profit de la Compagnie : ensemble les bateaux, charettes et autres voitures et équipages qui serviront à les transporter ; permettons aux commis et préposés dudit Renard et Compagnie de faire, quand bon leur semblera, les visites nécessaires en tous lieux en s’y faisant assister du Juge de Police le plus prochain : comme aussi de porter armes défensives, de même que ceux employés dans nos Fermes ; ordonnons que ledit Renard et Compagnie continueront de jouir de l’exemption des droits des cinq grosses Fermes et autres droits et impositions généralement quelconques à nous appartenans, mis ou à mettre, de domaines barrages et autre, mêmes de ceux de Pontage, nouvel octroi de Rouen, de tous autres octrois anciens et nouveaux, Péages, Communautés, et Seigneurs particuliers, comme aussi de tous droits de barrage et de ceux établis et à établir à l’entrée et à la sortie de Royaume, des Provinces, de la ville de Paris et autres lieux, traittes foraines, et ce tant pour toutes les Glaces et ouvrages de ladite Manufacture que pour les matières servant ou qui serviront à la composition ou fabrication des Glaces, à l’exception néanmoins du charbon de terre venant de l’étranger, dont lesdits Entrepreneurs seront tenus de payer les droits d’Entrée à raison de 15 pour cent du prix d’achat ou de facture et des nouveaux droits d’entrée des Glaces dans la ville de Paris imposés par l’édit d’Août 1781, qui seront pareillement acquittés par lesdits Entrepreneurs, suivant les Réglemens ; ordonnons que ledit renard et ses Associés jouiront du droit de committimus aux Requêtes de l’Hôtel du Palais, pour les affaires concernant ladite entreprise seulement, tout ainsi qu’en jouissent les Commensaux de notre maison ; comme aussi que tant eux que leurs Commis, ouvriers, gardes, et autres employés, servants et domiciliés dans les différens étbalissemens de ladite entreprise, ne pourront être imposés ni augmentés à la taille, pour raison de leur travail dans ladite Manufacture : ordonnons en outre que lesdits Entrepreneurs demeureront exempts de logement de gens de guerre dans l’enceinte de leur Manufacture, et que leurs principaux ouvriers et Commis, compris dans un rôle qui sera arrêté chaque année par les sieurs Intendans et Commissaires départis dans les Généralités de Soissons et de Caen, seront aussi exempts de milice corvées ; que ledit Renard et la Compagnie, jouiront du droit de révendication et de suite sur les glaces et autres ouvrages par eux livrés, pourvu qu’ils se trouvent entre les mains des premiers acheteurs, et que lesdites glaces et autres ouvrages puissent être reconnus ; permettons audit Renard de faire battre dans ses établissemens de l’étain en feuille, en la manière d’Angleterre, d’en vendre aux Miroitiers et à tous autres particuliers, même de l’employer à mettre au teint les glaces destinées pour nos maisons et pour toutes personnes, régnicoles ou étrangers, sauf néanmoins et sans préjudice du privilège des Miroitiers et Lunetiers de Paris, dans lequel ils demeureront conservés, suivant et conformément à l’Arrêt et aux Lettres-Patentes du quinze Octobre mil cinq cent quatre-vingt-quinze, et à tous les Arrêts qui peuvent avoir été rendus depuis ; ordonnons en outre que ledit Renard et sa Compagnie demeureront autorisés à prendre en tous lieux du Royaume les matières propres à la fabrication de leurs différens ouvrages, et en en payant la valeur de gré à gré, ou à dire d’experts et gens à ce connoissants ; comme aussi que ledit Renard pourra associer à son entreprise telles personnes que bon lui semblera, nobles puissent être censés ou réputés avoir dérogé à leur noblesse, pour raison de ladite association, et que ces associés, ouvriers étrangers après trois ans consécutifs de travail dans lesdites Manufactures, jouiront du droit de naturalité, sans qu’ils soient tenus de prendre aucune Lettre à ce sujet. Si donnons en mandement à nos amés et féaux Conseillers, les gens tenant notre Cour des Aides de Paris, et les Gens tenant notre Cour de Parlement, notre Chambre des Comptes, et notre Cour des Aides de Paris, et les Gens tenant notre Cour de Parlement de Rouen, notre Cour des Aides et des Finances de Normandie ; que ces présentes, ils ayent chacun en droit soi à faire registrer, et du contenu en icelles et au susdit Arrêt, faire jouir et user les Exposans pleinement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchemens contraires, auxquels nous avons dérogé et dérogeons par cesdites Présentes, pour ce regard seulement, et sans tirer à conséquence :

Car tel est notre plaisir ; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces Présentes.

Donnée à Versailles, au mois de Février, l’an de grâce mil sept cent quatre vingt cinq, et de notre régne le onzième.

Signé Louis.

Visa Hué de Miromenil. Par le Roi.

Signé Le Baron de Breteuil

Registrées, ce contenant le Procureur Général du Roi, jouir par les Impretans de leur effet et contenu, et être exécutées selon leur forme et teneur, aux charges, clauses et conditions y portées, suivant l’Arrêt de ce jour. A Paris, en Parlement, le 14 Marx 1785. Signé Dufranc.

Registrées en la Chambre des Comptes, oui le Procureur Général du Roi, pour être exécutées selon leur forme et teneur, et jouir par les Impétrans de l’effet et contenu en icelles, à la charge de rapporter au Greffe de la Chambre, dans trois mois au plus tard, à compter du jour et date du présent Arrêt, un état duement certifié véritable, du nombre des associés et ouvriers, intéressés et employés dans ladite Manufacture, pour jouir du bénéfice de naturalité à eux accordé par les présentes Lettres. Le 12 mars 1785. Signé Marsolan.

Registrées, oui et ce consentant le Procureur Général du Roi, pour être exécutées et jouir par les Impétrans, de l’effet et contenu en icelles, selon leur forme et teneur, aux charges y portées. Fait à Paris, en la première Chambre de la Cour des Aides, ce 22 Avril 1785. Signé Baron Desbordes. Collationné.

Lesdites Lettres-Patentes ont été enregistrées ès Registres de la Cour, pour être exécutées selon leur forme et teneur, et jouir par les Impetrans de l’effet et contenu en icelles, suivant l’Arrêt de la Cour du Parlement de Rouen, rendu la Grand’-Chambre assemblée. Le 13 Mai 1785. Signé Bréant.

Registrées ès Registres de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Normandie, au Bureau des Aides et Finances de Normandie, au Bureau des Aides, ce consentant le Procureur Général du Roi, pour être exécutées selon leur forme et teneur, et par ledit Louis Renard et Compagnie, associés en ladite Manufacture, Impétrans, jouir de leur effet et contenu ; à la charge par eux de rapporter au Greffe de ladite Cour, dans trois mois au plus tard, à compter de ce jour, un état duement certifié véritable, du nombre des associés et ouvriers, intéressés et employés en icelle Manufacture, qui se trouveront étrangers, de renouveler dans la suite lesdits certificats, toute fois qu’il y aura de nouveaux étrangers entrés en icelle, pour par lesdits étrangers, jouir du bénéfice et privilége du droit de naturalité à eux accordés par les présentes Lettres-Patentes, sans approbation des Arrêts, Lettres-Patente et Edits du Roi, énoncés auxdites présentes Lettres, qui ne seroient pas enregistrées en la Cour, suivant et aux termes de l’Arrêt de ladite Cour, rendu les Bureaux assemblés en celui des Aides, Cejourd’hui 10 juin 1785. Signé Dommey.

Lesdites Lettres-Patentes et Arrêt du Conseil y mentionnés et joints, registrés ès Registres de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Normandie, au Bureau des Comptes, ce consentant le Procureur Général du Roi, pour être exécutés selon leur forme et teneur, et jouir par ledit Louis Renard et Compagnie associés en ladite Manufacture, Impétrans, de leur effet, aux charges portées en l’Arrêt de ladite Cour, rendu les Bureaux assemblés en celui des Aides, le 10 juin 1785. Signé Prieur.