Lettres sur l’Amérique/02

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Lettres sur l’Amérique
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II

L’ARGENT.

Sunbury (Pensylvanie) 31 juillet 1835.

Dans une société vouée à produire et à trafiquer, l’argent doit être vu d’un autre œil que chez des peuples à l’esprit militaire ou nourris d’études classiques et de spéculations savantes. Chez ces derniers, l’argent doit être réputé, théoriquement au moins, un vil métal. L’honneur et la gloire y sont de plus puissans et de plus habituels mobiles que l’intérêt ; c’est la monnaie dont beaucoup de gens se contentent, la seule que plusieurs ambitionnent. Dans une société travaillante, l’argent, fruit et objet du travail, ne sent pas mauvais ; la richesse d’un homme est la mesure de sa capacité et de la considération que ses concitoyens lui accordent.

Quelle qu’en soit la cause, il est certain qu’ici l’argent n’est pas ce qu’il est chez nous, qu’il pèse là où chez nous il n’a pas de poids ; qu’il intervient franchement là où chez nous il se cache.

Déjà, en Angleterre, j’étais étonné de voir de nombreux écriteaux dans les docks, par exemple, menacer d’amende les délinquans à certaines règles de police, avec promesse de moitié pour le dénonciateur. Le sang bouillonnerait dans nos veines si un préfet de police offrait ainsi une prime à la dénonciation. Ici l’on fait comme en Angleterre : on use même plus souvent encore de ce procédé. Lorsqu’un crime est commis, l’autorité s’empresse de faire afficher que 100 ou 200 dollars seront comptés à qui en dénoncera ou en livrera les auteurs. J’ai vu, à Philadelphie, le gouverneur de Pensylvanie et le maire de la ville rivaliser de promesses et enchérir l’un sur l’autre. Un assassinat avait été commis dans une élection préparatoire ; le maire et le gouverneur s’efforçaient de prouver, par l’élévation de leur offre, l’un, que le parti de l’opposition, auquel il appartenait, était innocent du meurtre, l’autre, au contraire, que c’était ce parti qui l’avait provoqué. Dans certains cas d’incendie et d’empoisonnement, la prime a été portée à 1,000 dollars. Il faut dire qu’en Angleterre (Londres excepté) et en Amérique il n’y a pas de police organisée comme chez nous ; il est donc indispensable que les citoyens la fassent eux-mêmes.

Ici, la règle est que tout se paie. Les musées gratuits et les institutions gratuites de haut enseignement sont inconnus. On ne connaît pas davantage ces fonctions gratuites qui détournent un citoyen de ses affaires, et le mettraient, s’il voulait fidèlement les remplir, dans l’impossibilité de subvenir à l’entretien de sa famille. Les fonctions municipales des campagnes ne sont pas salariées, parce qu’elles réclament peu de soins et de temps, et parce que l’homme des campagnes a plus de momens disponibles que l’habitant affairé des villes. Mais dans les villes, les fonctions publiques sont soldées dès qu’elles deviennent un peu absorbantes. On fait grand usage aux États-Unis du salaire journalier, fort usité aussi en Angleterre. Les membres du congrès sont payés à raison de 8 dollars par jour. Lorsqu’un comité d’enquête législative prolonge ses opérations au-delà de la session, le salaire est continué sur le même pied. Les législatures de tous les états sont rétribuées au jour. Les commissaires des canaux, qui sont en général des hommes notables, c’est-à-dire riches, sont presque tous traités de même : on leur tient compte de leurs jours de service ; pour eux, c’est un simple remboursement de leurs frais. Ceux d’entre eux qui sont en permanence touchent cependant un salaire annuel. D’autres fonctions se soldent par un prélèvement d’honoraires dans chaque affaire ; c’est ainsi que se paient, en totalité ou en partie, les procureurs des états, les juges de paix, les aldermen de certaines villes. Les officiers publics et fonctionnaires régulièrement occupés, tels que les gouverneurs des états et les maires des villes importantes, reçoivent un traitement annuel. Les commissaires des banques de l’état de New-York sont dans le même cas. Il est convenu ici que tout travail doit être assimilé au travail industriel et payé de même. L’assimilation est parfaite entre la marchandise intellectuelle et la marchandise matérielle, entre le capital et le talent, les écus et la science. Cette habitude met tout le monde à l’aise ; elle facilite, abrége et simplifie les relations. L’on n’éprouve nul embarras pour demander un service, dès qu’on sait qu’on aura à le payer. Tout se règle d’ailleurs rondement et sans difficulté, parce que, dans une société qui travaille bien et beaucoup, on a le moyen d’être large.

Si l’on récompense par l’argent, on punit aussi par l’argent. On sait qu’en Angleterre un procès en adultère ruine le coupable au profit du mari offensé. Ici le même usage serait consacré si l’adultère n’était extrêmement rare. La loi américaine est très sobre de peines corporelles en fait de simples délits, mais elle multiplie l’amende. Sur la plupart des ponts de bois est écrite la défense de les traverser plus vite qu’au pas, sous peine d’une amende déterminée de 2, 3 ou 5 dollars[1]. Lorsqu’un homme est prévenu ou même accusé d’un crime, faux, incendie ou meurtre, on s’assure, non de sa personne, mais de sa bourse ; c’est-à-dire qu’au lieu de l’arrêter, on lui fait donner caution pour une somme laissée à la discrétion de l’autorité judiciaire. L’année dernière, à Nashville, pendant qu’une convention refaisait la constitution de l’état du Tennessée, un des membres de cette assemblée, général de milices, comme il y en a des milliers dans les campagnes, homme d’une grande fortune, et partant fort respectable, se prit de querelle avec un journaliste de l’endroit, et le menaça de lui faire éprouver la justesse de sa carabine. En effet, quelques jours après, il la lui déchargea dans le corps à bout portant, dans le bar-room d’une hôtellerie du lieu. La justice, saisie de l’affaire, se contenta de demander caution au général ; moyennant donc le dépôt de quelques milliers de dollars, il resta en pleine liberté, et continua de siéger dans la convention[2] et de participer à la rédaction de la constitution de l’état. Tant de ménagemens à l’égard d’un assassin, et ceux que je vois prodiguer à des incendiaires et à des faussaires, rappellent les temps de barbarie où les crimes se rachetaient à prix d’argent. Mais, d’un autre côté, n’est-il pas barbare de sévir contre de simples délits ou contre des délits spéciaux comme ceux de la presse, par la brutale méthode de l’incarcération ? L’arrestation préventive n’est-elle pas, dans beaucoup de cas, une rigueur odieuse et inutile ? À une époque dont les mœurs douces repoussent tout ce qui sent la violence, et où le travail devient la loi commune, n’est-il pas plus humain et plus moral de punir celui qui enfreint les lois, par l’amende, c’est-à-dire par un prélèvement sur son travail passé ou futur ? On conçoit, d’après ce qui précède, que l’emprisonnement pour dettes répugne aux Américains. Une clameur générale s’est en effet soulevée contre cette peine. La plus grande partie des états l’ont supprimée ; les autres ne tarderont pas à suivre[3].

La sanction des lois, des réglemens et des plus simples ordonnances de police, est donc ici une sanction d’argent. Si un magistrat a suffisante raison de croire qu’un homme a des projets de désordre ou des idées de violence contre tel ou tel de ses concitoyens, au lieu de le faire arrêter préventivement, il l’oblige à fournir caution en argent de sa bonne conduite. C’est, au fond, l’usage anglais que nous avons dernièrement vu appliquer par le Speaker de la chambre des communes, afin d’empêcher un duel entre lord Althorp et M. Shiel, avec cette différence, cependant, que, pour obliger le ministre whig et le membre irlandais à rester tranquilles (keep the peace), le Speaker les a emprisonnés. En pareil cas, ici, l’on n’emprisonne qu’une somme d’argent. C’est par l’argent qu’on oblige aussi les compagnies à observer les clauses de leurs chartes. C’est par l’argent que les magistrats eux-mêmes sont rappelés à la pratique de leur devoir. Pour remédier à l’excessif morcellement administratif des six états de la Nouvelle-Angleterre, c’est encore l’argent que l’on a fait intervenir. Dans cette partie de l’Union, l’entretien des routes est habituellement à la charge des communes. On conçoit que, dans ce système, il suffirait d’une commune réfractaire pour gêner la circulation dans tout un état. Il a donc été stipulé par la loi que toute commune serait pécuniairement responsable des accidens qui arriveraient aux voyageurs sur son territoire ; il n’est pas rare de lire dans les journaux que telle commune a été condamnée par les tribunaux à 500 ou 1,000 dollars de dommages-intérêts envers un voyageur qui a versé sur une de ses routes ou l’un de ses ponts. Tout récemment la ville de Lowell (Massachusetts) a eu à payer 6,000 dollars (32,000 fr.) à deux voyageurs qui s’étaient ainsi cassé la jambe. Le juge a voulu que les plaignans fussent remboursés non seulement de leurs frais de maladies, mais aussi des bénéfices probables qu’ils eussent réalisés par leur industrie pendant la durée de leur traitement.

Chez nous, aujourd’hui encore, ce n’est point l’argent, c’est l’honneur que l’on met toujours en avant. Si l’on admet que la base des monarchies soit l’honneur, et que l’on organise tout sur ce principe immatériel, rien de mieux ! Quoique la raison ne soit pas dans l’absolu, et que tout ce qui est absolu soit éminemment imparfait et transitoire, le principe absolu de l’honneur vaut, sous tous les rapports, en logique, en morale, en pratique, le principe absolu de l’argent. Il s’harmonise beaucoup mieux avec notre généreuse nature française ; mais il faudrait que l’honneur fût réel, que la considération fût incontestée. Il faudrait que le pouvoir, qui en est le distributeur, fût honoré et considéré lui-même.

Si l’autorité suprême est vilipendée, honnie, les fonctions publiques sont un titre, non au respect, mais à l’insulte. Si la défiance envers le pouvoir est admise en principe, si elle est consacrée par les habitudes modernes de législation et d’administration, n’est-il pas vrai que vos prétendus salaires en considération sont dérisoires, et que votre système repose sur un gros contre-sens ? Ah ! si la royauté trônait encore, toute-puissante, dans la magnificence de Versailles, parmi son armée de gardes étincelans d’or et d’acier, au milieu de la plus brillante cour dont l’histoire ait consacré le souvenir, entourée du prestige des arts empressés à l’adorer ; ou si le prince, sauveur de la patrie, mis sur le pavois par la victoire, datait encore ses décrets au monde du palais des rois ses vassaux, ou du Schœnbrunn des Césars terrassés ; s’il faisait et défaisait les rois comme aujourd’hui un ministre les sous-préfets ; si, sur un mot de sa bouche, les vieux soldats marchaient fièrement à la mort ; si la terre s’inclinait devant lui, s’il était l’oint du Seigneur, l’élu et l’idole du peuple ; ah ! si vous aviez encore la monarchie de Louis XIV ou de Napoléon, vous seriez bien venus à parler de considération et d’honneur ! Être signalé par un geste royal était alors une distinction éminente. La faveur du prince attirait alors la confiance ou les hommages extérieurs des populations. Les préséances étaient dignes d’envie du temps des pompes de Versailles, ou lorsqu’aux Tuileries l’on était exposé à se perdre dans un embarras de rois. Que signifient-elles, qui peut s’en soucier aujourd’hui que la vie du prince a été noyée dans le prosaïsme universel, aujourd’hui que les cérémonies publiques sont abolies, aujourd’hui qu’il n’y a plus de cour, plus de costumes ? Les titres ont été profanés par l’impéritie et la sottise de ceux qui avaient à en soutenir l’éclat, ou ternis par le venin d’une jalousie bourgeoise. Vos cordons, vous avez été obligés de les semer sous les pieds des chevaux. Le système d’honneur est ruiné. Pour le relever solidement, il faudrait une révolution, non pas sur le patron de celle de juillet, mais une immense révolution, de la taille de celle qui a mis trois sièles à mûrir, depuis Luther jusqu’à Mirabeau, et qui, mûre enfin, a pendant cinquante ans bouleversé les deux mondes ; une révolution au nom du principe d’autorité, pareille à celle que nos pères accomplirent au nom de la liberté.

Parmi les mots attribués à M. de Talleyrand on cite celui-ci : « Je ne connais pas un Américain qui n’ait vendu son chien ou son cheval. » Il est certain que les Américains sont l’exagération des Anglais, que Napoléon appelait un peuple marchand. L’Américain est toujours en marché. Il en a toujours un qu’il vient d’entamer, un autre qu’il vient de conclure, et deux ou trois qu’il rumine. Tout ce qu’il a, tout ce qu’il voit, est, dans son esprit, marchandise. La poésie des localités et des objets matériels, qui couvre d’un vernis religieux les lieux et les choses, et les protège contre le négoce, n’existe pas pour lui. Le clocher de son village ne lui est rien de plus qu’un autre clocher, et, en fait de clocher, pour lui, le plus beau, c’est le plus neuf, le plus fraîchement peint en blanc et en vert. Pour lui, une cascade, c’est de l’eau motrice qui attend sa roue hydraulique, un water-power ; un vieil édifice, c’est une carrière de matériaux, fer, pierres et briques, qu’il exploite sans remords. L’Yankee vendra la maison de son père, comme de vieux habits, vieux galons. Il est dans sa destination de pionnier de ne s’attacher à aucun lieu, à aucun édifice, à aucun objet, à aucune personne, excepté à sa femme, à qui il est indissolublement lié, la nuit et le jour, depuis le moment du mariage jusqu’à ce que la mort l’en sépare.

Au fond de tous les actes de l’Américain il y a donc de l’argent ; derrière chacune de ses paroles, de l’argent. Ce serait cependant se tromper que de croire qu’il ne sache pas s’imposer de sacrifices pécuniaires. Il a même l’habitude des souscriptions et des dons volontaires ; il la pratique sans regrets, plus souvent que nous, et plus largement aussi ; mais sa munificence et ses largesses sont raisonnées et calculées. Ce n’est ni l’enthousiasme ni la passion qui délient les cordons de sa bourse ; ce sont des motifs politiques ou de convenance ; c’est le sens de l’utile, c’est la conscience de l’intérêt public qui implique, il le sent, son intérêt privé de simple citoyen. L’Américain admet donc volontiers des exceptions à sa règle de conduite toute commerciale. Il donne de l’argent, il se met en course, il assiste à quelques séances de comité, il rédige à la volée un avis ou un rapport. Il se transporte même de sa personne, en grande hâte, à Washington, pour présenter au président des résolutions, ou à la cité voisine, pour assister à un banquet ou à une assemblée, d’où il s’empresse de revenir ; mais il tient, dans ce cas, à ce que le caractère exceptionnel de ses démarches et de la cause qui les provoque soit très net. Il veut que l’intérêt public soit bien positivement en jeu. Il tient surtout à ce que le sacrifice en soit un d’argent seulement, une fois pour toutes, et à ce que son temps soit respecté. À tout ce qui est affaires privées, à tout ce qui exige du temps, de l’assiduité, il applique le principe du négoce, rien pour rien. Il paie le travail privé d’autrui avec des dollars, et il entend que l’on en use de même avec lui, parce que les complimens lui semblent chose trop creuse pour être mis en balance avec un service positif, et que les distinctions, telles que les préséances, sont inconnues chez lui, incompréhensibles pour lui. C’est à ses yeux un principe fondamental que tout travail doit porter son fruit. L’idée de salaire et celle de fonction sont si intimement liées dans son esprit, que l’on voit dans tous les almanachs américains le chiffre des appointemens à côté du nom du fonctionnaire. Il pense que l’on ne vit pas de pain sec et de gloire. Il songe au bien-être de sa femme et de ses enfans, à celui de ses vieux jours à lui-même, et, si on lui disait qu’il y a des pays où il est permis d’en faire abstraction pour plaire à son voisin ou pour mériter les politesses des magistrats, le fait lui paraîtrait grotesque.

En France, nos mœurs sont celles d’une société de désoeuvrés, dont les instans n’ont aucun prix, et où l’on ne peut faire un meilleur usage de son temps que d’obliger son prochain. À part les préjugés d’un libéralisme étroit, dont nous sommes dominés, mais qui ne peuvent empêcher notre nature de percer, les attentions d’un supérieur nous transportent, les distinctions nous enivrent. Il y a vingt ans, les Français exposaient leur vie pour un bout de ruban. Tels nous avons été, tels nous continuerons d’être. Nous ne serons jamais faits à l’américaine ; je suppose même que le temps n’est pas loin où les Américains se transformeront jusqu’à un certain point dans notre sens ; mais ne pourrions-nous, ne devrions-nous pas modifier aussi nos idées jusqu’à un certain point d’après leur expérience ?

Notre système de fonctions gratuites suppose que la France possède un nombre assez considérable de gens à grande fortune et à éducation large, pour laisser une certaine latitude au gouvernement ou aux corps électoraux dans leurs choix. Cela n’est point. La France est un pays pauvre. L’accroissement des richesses dans quelques centres commerciaux, épars çà et là sur le globe, et dans presque toute l’Angleterre, et le raffinement de la civilisation qui en a été la conséquence, ont singulièrement étendu le cercle des objets de première nécessité pour toutes les classes. Vous êtes gêné aujourd’hui avec le revenu qui vous faisait opulent il y a cent ans, et riche il y en a trente. Transportez donc Mme Sévigné, avec ses 10,000 livres de rentes, au milieu des bals d’Almack, ou même dans nos salons parisiens ! La classe la mieux pourvue, dans les trois quarts de la France, en est cependant aux 10,000 livres de Mme de Sévigné. Je ne dis pas où en est la multitude qui s’agite autour de cette aristocratie ; l’idée seule de tant de misère fait frémir. Abstraction faite de Paris et de quatre à cinq métropoles, les riches sont en si petit nombre en France, qu’on pourrait les compter. Ils ne forment pas classe. En fait de classes répandues sur tout le territoire, nous n’en avons aucune qui s’élève au-dessus de la médiocrité, de l’aisance. Parmi les gens aisés, il est vrai que les hommes de loisir abondent, et il semble que le gouvernement n’aurait entre eux que l’embarras du choix. Malheureusement, ces hommes de loisir, par cela seul qu’il sont et ont toujours été de loisir, qu’ils ont été élevés dans des idées et dans une atmosphère de loisir, sont hors d’état d’administrer et de réglementer les intérêts devenus dominans aujourd’hui, ceux de l’industrie et du travail. L’éducation littéraire est commune parmi eux ; mais l’éducation largement entendue y est extrêmement rare. Les hommes de cette classe ont très peu vu ; ils savent Rome et la Grèce, ils ignorent l’Europe actuelle et, à plus forte raison, le monde actuel ; ils sont étrangers aux faits présens et positifs de la France elle-même.

On concevrait les avocats du système des fonctions gratuites, s’ils étaient partisans de l’aristocratie, s’ils tenaient à écarter de l’administration du pays les hommes de talent pauvres, et à confisquer toute l’influence au profit des riches : mais au contraire, ce sont des apôtres du libéralisme, des défenseurs de l’égalité. Amis sincères du pauvre, j’en suis persuadé, ils se sont mis en tête que le meilleur procédé d’amélioration populaire consistait dans la réduction des dépenses publiques ; pour eux, toute réduction d’appointemens est une victoire ; toute suppression une glorieuse conquête. C’est ainsi qu’ils ont été tout fiers, lors de la discussion de la loi municipale, d’y faire insérer un article portant que les maires ne pourraient rien recevoir des communes, à quelque titre que ce fût. Les villes principales étaient dans l’usage d’allouer à leurs maires des indemnités pour frais de représentation et autres objets. C’était juste, non-seulement parce que dans les grandes villes les fonctions de maire sont difficiles à remplir, absorbent toute l’activité d’un homme et ne lui laissent pas le temps de vaquer à ses affaires, mais aussi parce qu’en fait ces fonctions obligent les titulaires à mille dépenses, dont nos économiseurs parlementaires, dans leur empyrée métaphysique, ne se doutent nullement. Cet amendement était déplorable le lendemain d’une révolution qui s’était accomplie malgré ce qui reste en France de grande propriété, et qui, par conséquent, écartait nécessairement des emplois publics la plupart des riches ; il l’était, dans un temps de crises terribles où les fonctions municipales, dans nos grandes cités, telles que Lyon, Marseille, Rouen, Bordeaux, exigeaient à tout prix des hommes de tête et de cœur. Nos rogneurs de budget l’ont emporté cependant, et, si l’on ne trouve plus personne dans nos villes pour se charger des fonctions municipales, si les préfets sont obligés de les colporter pour les offrir à tout venant, c’est à eux que la responsabilité en revient pour la meilleure part.

Les traitemens élevés répugnent à la démocratie parce qu’elle ne les conçoit pas. L’ouvrier, qui gagne 500 dollars, se croit généreux envers un fonctionnaire à qui il en octroie 1,500 ou 2,000 ; tout comme nos bourgeois à 10,000 fr. de rentes ne comprennent pas qu’à Paris un fonctionnaire, qui reçoit 12,000 ou 15,000 fr., ne soit pas satisfait. Les Américains s’étaient persuadés qu’il pourrait chez eux, comme ailleurs, y avoir deux monnaies, l’argent et la considération publique. Sur l’autorité de Franklin, ils avaient supposé qu’il leur serait facile de trouver des fonctionnaires capables, en leur offrant l’honneur pour principal salaire. Ils se sont trompés. Chez eux, les fonctions publiques ne sont point un titre au respect, tout au contraire. Comme elles ne sont rétribuées ni en considération, ni en écus, ce n’est plus qu’un pis-aller. À l’exception d’un très petit nombre de places que l’appât du pouvoir fait rechercher encore, malgré les déboires dont il faut acheter le plaisir de commander et d’avoir des inférieurs, elles ne sont courues que par la portion flottante de la population, qui n’a pu prospérer dans l’industrie et qui se meut de carrière en carrière. Ce n’est même pas, à proprement parler, une profession ; c’est un emploi provisoire pour les gens déclassés. Dès que l’on a trouvé mieux dans le commerce et les entreprises, on remercie l’état. L’école de Westpoint fournit tous les ans à l’armée une quarantaine de lieutenans ; un tiers environ donnent leur démission avant deux ou trois ans de services, parce que la solde des officiers, quoique plus considérable que chez nous, est encore fort modique, relativement aux bénéfices d’un négociant ou d’un ingénieur.

Les fonctions publiques, en général, sont plus aisées à remplir aux États-Unis qu’en France. Toute question à résoudre embrasse une plus grande complication d’intérêts chez nous que chez eux, et exige plus de connaissances. Les attributions du gouvernement sont, en France, bien autrement étendues et variées. L’employé, chez nous, est astreint à apporter à son travail plus de soin que l’on n’en exige ici. La moyenne des salaires américains est cependant bien supérieure à la nôtre. Quand le congrès et les états particuliers auront besoin d’hommes capables pour fonctionnaires, ils feront comme les négocians américains à l’égard de leurs commis, ils les paieront. Le congrès a eu récemment l’occasion de sentir qu’il lui fallait de bons officiers de marine, et il vient d’augmenter les appointemens de ce corps. On peut même dire que les fonctionnaires, qu’ils traitent avec une excessive lésinerie, sont en petit nombre[4]. Au ministère des finances, à Washington, sur cent cinquante-huit employés, il n’y en a que six qui touchent moins de 1,000 dollars (5,333 fr.) ; il est vrai qu’il n’y en a que deux qui en aient plus de 2,000 (10,666 fr.) ; c’est la doctrine de l’égalité appliquée aux traitemens. Comme les subsistances usuelles, c’est-à-dire le pain, la viande, les salaisons, le café, le thé, le sucre et le chauffage, sont généralement à plus bas prix aux États-Unis qu’en France, et surtout qu’à Paris, un traitement de 1,500 à 2,000 dollars suffit, dans la plupart des cas, à entretenir une famille dans l’abondance et le confort. L’employé qui, à Paris, reçoit 2,500 à 3,000 fr., vit de la plus stricte économie s’il est célibataire, et de privations s’il est marié. À Washington ou à Philadelphie, il aurait 6,000 fr. et vivrait dans une aisance sans éclat à coup sûr, sans aucun luxe extérieur, mais fort ample. Il n’y serait pas, comme il l’est chez nous, au supplice de Tantale ; car l’existence fastueuse des privilégiés des capitales européennes est inconnue aux États-Unis. À Paris, l’employé est éclaboussé par l’équipage d’un homme qui dépense 100,000 fr. ; à Philadelphie, il coudoierait sur le trottoir un opulent capitaliste, qui n’a pas de voiture, parce qu’il n’en saurait que faire, et qui, avec un revenu de 30,000 ou 60,000 dollars, n’en peut dépenser que 8 à 10,000 au plus. Le rapport des existences, qui est à Paris de un à quarante, n’est plus ici que d’un à huit.

Ici, l’existence du négociant le plus riche, celle de l’employé et celle de l’ouvrier ou du fermier, sont parfaitement comparables. C’est pour tous le même cadre, pour tous les mêmes habitudes. Tous ont des maisons semblables et sur le même plan. Il n’y a de différence qu’en ce que l’une aura cinq à six pieds de plus de façade et un étage en sus ; mais la distribution et le système d’ameublement sont identiques. Tous ont des tapis de la cave au grenier ; tous dorment dans un grand lit à colonnes du même modèle, au milieu d’une chambre sans cabinets, sans alcôve, sans double porte et aux parois nues ; seulement les tapis de l’un sont grossiers, ceux de l’autre sont du plus beau tissu, et le lit du riche est en acajou., tandis que celui du mechanic est en noyer. D’ordinaire la table de tous est servie de même ; c’est le même nombre de repas ; ce sont à peu près les mêmes plats. C’est au point que, si mon palais français avait dû prononcer entre le dîner d’un hôtel de grande ville (à l’exception de Boston, New-York, Philadelphie et Baltimore), et celui de certaine taverne d’ouvriers, dans la campagne, où j’avais pour voisin le maréchal ferrant du lieu, les bras retroussés et le visage noir, je crois, en vérité, qu’il se fût prononcé pour le second. Voilà spécialement pour le nord, et avant tout pour la Nouvelle-Angleterre, patrie de l’Yankee. Dans le sud, l’existence du planteur sur ses domaines s’élargit de tout ce qui est retranché au commun des hommes, qui est esclave. Au nord, cependant, depuis quelques années, le commerce, qui a entassé les hommes dans les villes, a aggloméré aussi les capitaux et créé de grandes fortunes. L’inégalité des conditions commence à s’y faire sentir ; le style des nouvelles maisons de Chesnut-Street, à Philadelphie, avec leur premier étage en marbre blanc, est une atteinte à l’égalité. La même innovation se manifeste à New-York. La tendance anti-démocratique du commerce perce au grand jour.

Il m’arrive souvent ici de me sentir humilié de ce que j’entends rapporter du misérable esprit qui anime une portion de notre commerce, et qui nous déconsidère parmi les peuples les mieux disposés à nous estimer et à nous aimer, comme ceux de l’Amérique du Sud. Je m’en console toujours par cette réflexion que, si au dehors nous donnons quelquefois lieu de croire que nous sommes une nation sans foi ni loi, les preuves abondent au dedans que nul peuple n’est plus riche en désintéressement et en vertu. Dans quel pays du monde y eut-il jamais des magistrats plus purs ? Même, en ce siècle de défiance universelle, le soupçon n’a pas osé s’attaquer à eux. Avec quelle impartialité la justice n’est-elle pas rendue chez nous par des juges à 1,200 fr. d’émolumens, avec des présidens à 1,800 fr., et par des conseillers à 3,000 fr. ? Si de la magistrature nous passons à l’armée, nous trouvons des officiers qui n’ont de l’or et de l’argent que sur leurs épaulettes, et qui restent imperturbablement honnêtes et dévoués ; je ne dis rien de leur courage, le monde entier sait qu’en penser. Voyez encore notre marine qui, dans tous les ports étrangers, rétablit l’honneur de notre pavillon, non par les fêtes somptueuses qu’elle donne, mais par sa tenue et sa discipline, en attendant qu’elle ait l’occasion de réaliser les espérances de Navarin ; et nos ingénieurs civils et militaires, par les mains de qui passent des sommes énormes, et qui se contentent de leur modeste pitance, sans avoir même le mérite de résister à la tentation, car ils ne la conçoivent pas ; et, même dans les administrations civiles, cette foule d’employés modestes qui n’ont pas, comme d’autres, les charmes économiques de l’étude pour adoucir leur pauvreté, ou les impressions profondes d’une grande éducation pour leur faire dédaigner l’appât des transactions véreuses, et dont cependant la probité ne trébuche pas. Tous rament avec conscience à travers une société dont le luxe et les séductions vont toujours croissant, sans jamais se laisser dériver contre l’écueil de la corruption. C’est là une des gloires de la France, gloire dont elle n’est pas assez fière.

La question est de savoir pourtant, non si cela est honorable, mais si cela peut durer, s’il ne se prépare pas des évènemens ; s’il ne se développe pas au sein de la société de nouveaux usages et des idées nouvelles, qui, d’ici à peu de temps, rendront cet état de choses impraticable.

La grande révolution qui est en train depuis trois cents ans, et qui a changé la foi religieuse d’une partie du monde, a saisi enfin, par la politique et la philosophie, la France, qui lui avait échappé du temps de Luther et de Calvin. La réforme, s’étendant de plus en plus, a envahi l’aspect matériel de la société. Le travail sous toutes les formes, fécondé par la révolution intellectuelle, va enfin porter, en abondance et pour tous, les fruits qu’il ne donnait autrefois qu’en petit nombre et pour une imperceptible minorité. Le cercle de la richesse va s’élargir au décuple, celui de l’aisance au centuple. Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir venir des quatre points cardinaux un nouvel ordre de choses, où l’agriculture, les manufactures et le commerce, infiniment plus actifs et mieux combinés que ne pouvaient le supposer nos pères, seront aussi infiniment plus productifs, et où une répartition plus équitable des produits appellera l’immense majorité, sinon la totalité du genre humain, aux joies de la consommation.

Mais cette révolution industrielle et matérielle ne réagira-t-elle pas sur la morale ? Le jour où il sera possible à tous de s’élever par le travail à la richesse ou à l’aisance, l’abstinence et la pauvreté resteront-elles de si hautes vertus, si essentielles à montrer au monde ? Pourra-t-on continuer d’en faire, aux serviteurs de l’état, une loi permanente ? Sera-ce raisonnable ? Sera-ce possible ? Les fonctionnaires ne forment pas un ordre de moines, vivant solitairement, détachés des intérêts et des affections de cette terre ; ce sont des hommes du monde, à goûts mondains. Ils ont une femme et des enfans, pour qui ils veulent du bien-être, et ils ont droit à l’obtenir tout aussi bien que le négociant, le banquier, le notaire, le maître de forges, le médecin, l’avocat, le peintre, le compositeur, ou le vaudevilliste.

La France, je le répète, est un pays pauvre. Excepté dans nos grandes villes et dans quelques départemens du nord, où la richesse publique s’est développée, et où le luxe et la consommation ont suivi la même loi ascendante, la situation de la plupart des fonctionnaires publics est encore tolérable. Avec leurs appointemens de 1,500 fr., 2,000 fr., 3,000 fr., ils sont, dans beaucoup de provinces, au niveau de tout le monde. Ils ne s’aperçoivent de leur pénurie que lorsqu’ils sortent de leur milieu habituel, et surtout lorsque, mettant le nez hors du territoire, ils se trouvent en contact avec la race anglaise. Mais quand l’on aura développé, en France, les intérêts matériels ; quand, par la constitution du crédit public et privé, par l’établissement des voies de communication nouvelles, par la réforme de l’éducation, on aura dirigé les esprits vers l’industrie agricole, commerciale et manufacturière ; quand l’on aura multiplié les sources de la richesse, et qu’un grand nombre sera admis à y puiser, de quel droit et sous quel prétexte alors imposerait-on aux fonctionnaires, pour eux et pour les leurs, une existence de sacrifices ? Tel qui, aujourd’hui, se résigne à une vie gênée, voudra alors de l’aisance et du confort. Il faudra alors, ou convenablement rétribuer les fonctionnaires, ou se contenter, dans les services publics, du rebut de toutes les professions. L’élite de la jeunesse française se dispute encore les places modiques d’ingénieurs civils ou militaires de l’état, et fait huit ans de noviciat dans les colléges, l’École polytechnique et les écoles d’application, pour atteindre le grade de lieutenant d’artillerie ou du génie, ou celui d’aspirant-ingénieur des ponts-et-chaussées ou des mines, avec des appointemens de 1,500 à 1,800 fr., et la perspective de 6,000 à 8,000 fr., après vingt-cinq ans de labeurs. Que demain l’industrie prenne un rapide essor, et les plus capables de ces jeunes gens déserteront le service de l’état, une fois leur éducation terminée, comme ici les meilleurs élèves de Westpoint. Ils embrasseront la carrière industrielle, à moins que l’état ne se décide à les traiter mieux pour les retenir près de lui.

Ces idées de parcimonie sont nées chez nous au sein d’une réaction contre le principe d’autorité, réaction qu’avaient légitimée les fautes des dépositaires du pouvoir. Puisque ceux-ci affectaient de croire que les peuples avaient été créés tout exprès pour leur fournir la matière gouvernable et taillable, le public a eu raison de les traiter à son tour comme des excroissances parasites. Tout ce qu’il leur retranchait était autant de pris sur l’ennemi. La condition actuelle des fonctionnaires, sous le rapport matériel comme sous le rapport moral, est donc l’un des effets d’une crise révolutionnaire qui, je le crois, touche à son terme. Lorsque la société aura repris sa marche régulière, lorsque les gouvernans auront prouvé qu’ils sont dignes d’être à la tête des peuples, les gouvernés leur rendront leur confiance, et mettront fin à leurs actes de représailles.

On pourrait croire que chez un peuple profondément absorbé dans les intérêts matériels, tel que celui-ci, les avares doivent abonder. Il n’en est rien. Il n’y a jamais de lésinerie chez l’homme du sud ; il y en a quelquefois encore chez l’Yankee ; mais nulle part, au midi ou au nord, on ne rencontre cette sordide avarice dont les exemples sont fréquens en Europe. L’Américain a une idée trop élevée de la dignité humaine pour consentir à se priver, lui et les siens, de ce confort qui adoucit les frottemens de la vie intérieure. Il respecte trop sa personne pour ne pas l’entourer d’un certain culte. Harpagon est un type qui n’existe pas aux États-Unis, et cependant Harpagon n’est pas à beaucoup près l’avare le plus misérablement crasseux qu’offre la société européenne. L’Américain est dévoré de la passion de la richesse, non parce qu’il trouve du plaisir à entasser des trésors, mais parce que la richesse est de la puissance, parce que c’est le levier avec lequel on maîtrise la nature.

Je dois aussi faire amende honorable aux Américains sur un point essentiel. J’ai dit que toute affaire était pour eux une affaire d’argent ; or, il y a une sorte d’affaire qui, pour nous, peuple à affections vives, peuple aimant, peuple généreux, a principalement ce caractère mercantile, et qui ne l’a point du tout pour eux : c’est le mariage. Nous achetons notre femme avec notre fortune, ou nous nous vendons à elle pour sa dot. L’Américain la choisit ou plutôt s’offre à elle pour sa beauté, son intelligence et ses qualités de cœur : c’est la seule dot qu’il recherche. Ainsi, pendant que nous faisons matière à trafic de ce qu’il y a de plus sacré, ces marchands affectent une délicatesse et une élévation de sentimens qui eussent fait honneur aux plus parfaits modèles de la chevalerie. C’est au travail qu’ils doivent cette supériorité. Nos bourgeois de loisir, ne pouvant augmenter leur patrimoine, sont obligés, au moment où ils prennent femme, de supputer sa dot, afin de savoir si son revenu joint au leur suffira aux dépenses du ménage. L’Américain, ayant le goût et l’habitude du travail, est assuré de subvenir amplement, par son industrie, aux besoins de sa famille, et se trouve dispensé de ce triste calcul. Est-il possible de douter qu’une race d’hommes qui réunit ainsi à un haut degré les qualités les plus contradictoires en apparence ne soit réservée à de grandes destinées ?


Michel Chevalier.
  1. Les peines corporelles, autres que la prison, sont fort employées dans les états du sud à l’égard des esclaves. Elles consistent dans une certaine quantité de coups de fouet, dont le nombre est écrit à l’entrée des ponts, par exemple, sur l’écriteau indiquant l’amende dont les blancs sont passibles.
  2. J’apprends qu’il vient d’être condamné à de modiques dommages-intérêts pour tout châtiment. La victime a survécu à l’assassinat.
  3. On raconte qu’un chef indien visitait les prisons de Baltimore, et s’informait avec curiosité des causes de la détention de chaque prisonnier. Quand il fut arrivé à la cellule d’un détenu pour dettes, et qu’on lui eut expliqué que cet homme était là jusqu’à l’acquittement de ce qu’il devait, il s’écria : « Mais où sont donc les castors dont il puisse ramasser les fourrures ? »
  4. Ce sont, dans la plupart des états, les gouverneurs, et par-dessus tout, les ministres du gouvernement fédéral. Ces derniers ne reçoivent que 6,000 dollars. (32,000 fr.), sans logement ni autres accessoires, et ils sont astreints par l’usage à une certaine représentation.