Littérature orale de la Haute-Bretagne/Première partie/II/Les Jean le Diot

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Les Jean le Diot.

Jean le Diot (Jean l’Innocent, qu’on appelle aussi Jean le Fou, Jean l’Hébété, ou le Garçon sans idée) est le héros favori des veillées de la Haute-Bretagne : les histoires qu’on raconte sur lui sont innombrables et varient suivant les narrateurs. Rarement ils font un récit complet de ses aventures ; c’est à son actif qu’on met les naïvetés, les histoires comiques qui peuvent passer par la tête des conteurs, et la vraisemblance y est si peu ménagée, que lorsqu’on veut parler de quelque chose qui n’a ni queue ni tête, on dit en proverbe : « C’est une histoire de Jean le Diot. »

On trouvera ci-après deux de ces récits, l’un qui m’a été conté dans l’Ille-et-Vilaine, l’autre dans les Côtes-du-Nord. Dans mes Contes populaires, j’ai publié plusieurs aventures de Jean le Diot (contes XX, XXXIII, XXXIV, XXXV), et il m’en reste en portefeuille un assez grand nombre.

La popularité de Jean le Diot n’est pas limitée à la Haute-Bretagne ; au théâtre il a son similaire dans Jocrisse ; dans lesjournaux, il s’appelle Calino : on le retrouve sous d’autres noms dans la plupart des recueils de contes ; parmi eux on peut citer :

Cénac-Moncaut, Maître Jean l’habile homme, Ambroise le Sot ; — H. Carnoy, Jacques l’Idiot (Mélusine, col. 109), Pierre le Badaud, contes populaires picards (Romania, t. VIII). — M. Reinhold Kœlher, qui s’est occupé de Pierre le Badaud dans le tome III, page 312 de la Zeitschrift für Romanische Philologie, cite plusieurs similaires ; Cerquand, t. II, les Deux Frères sage et fou. — Luzel, Jean de Ploubezre. Il est à la connaissance populaire dans l’Yonne, en Provence, où il se nomme Jean de la Mouche (Cf. Le Père Gérard, n° 46, p. 550), et tout dernièrement M. Paul Courty publiait dans le Télégraphe (26 juillet 1880) les aventures d’un Jean le Diot catalan.

Il y a aussi, dans l’excellent recueil de Contes de fées dans l’Inde, de Miss Maive Stokes, peu connu en France, un conte intitulé Sachuli l’innocent, dont la donnée première est celle d’un garçon faible d’esprit, et qui prend à la lettre tout ce qu’on lui dit. À la fin du volume sont cités un assez grand nombre de similaires auxquels on peut ajouter les contes siciliens cités par M. Marc Monnier, p. 13-15, et les similaires russes analysés par M. de Gubernatis, p. 210-214, t. I, Mythologie zoologique.