Livre des faits du bon messire Jean le Maingre, dit Bouciquaut/Partie III/Chapitre IX
CHAPITRE IX.
Le seigneur de Pise qui vit que il n’y avoit plus d’attente que les Pisains se consentissent à vouloir estre subjects du roy, prist adonc fort et ferme à continuer son traicté avec les Florentins de la vendition de Pise, c’est à savoir de leur transporter son droict entièrement. Si pourparlèrent tant ceste chose, que ils furent d’accord ensemble, pour quatre cent mille florins que les Florentins debvoient bailler à messire Gabriel. Mais toutesfois les Florentins vouloient, tout avant œuvre, que le mareschal consentist, jurast et agréast cest accord, ou autrement marché nul.
Si le vint dire messire Gabriel au mareschal, et luy requist que il luy rendist la citadelle que il tenoit encore, laquelle il luy avoit juré et promis de luy rendre sans contredict, au cas qu’il ne seroit d’accord avec les Pisans, si ne le pouvoit ni debvoit refuser. Le mareschal respondit que il luy tiendroit sans faille ce qu’il luy avoit promis, jà n’en doubtast. Mais quant estoit de accorder les convenances qu’il avoit faictes avec les Forentins de la vendition de Pise, jour de sa vie il ne seroit d’accord que le roy perdist sa seigneurie, dont luy mesme luy avoit une fois fait hommaige, et estoit entré en sa foy. Et que il vouloit voir les lettres de l’accord et des convenances qu’il avait faites avec les Florentins. Et il dit que volontiers les luy bailleroit. Et quand le mareschal les tint, et que bien les eut visitées, il en envoya la coppie à Pise, et manda aux Pisains que, nonobstant toutes les trahisons et mauvaistiés que ils luy envoyent faites et voulu faire, si avait-il grand pitié du grand meschef qui leur estoit à advenir, et de leur destruction, où eulx-mesmes par leur follie se fichoient : et que pour eulx adviser leur envoyoit la coppie du traicté qui estoit jà tout consommé et parfait entre le seigneur et les Florentins, auquel il ne s’estoit pas encore voulu consentir. Afin que Dieu, ny le monde ne le pust accuser que il n’eust suffisamment fait son debvoir de les bien adviser avant que ils fussent destruits, si les admonostoit derechef que ils se donnassent au roy comme ils avoient promis, et il les jetteroit hors de celle tribulation, et les mettroit en paix, et que ceste fois pour toutes leur disait : car plus ne pouvait dilayer ne empescher la dicte vendition ; et que si alors ne l’accordoient, deux jours après passés jamais plus n’y pourroient advenir. Car il luy convenoit consentir la chose, et promis avoit à leur seigneur que il s’y consentiroit, au cas que ils ne se vouldroient donner au roy ; si le tenoit de si près de sa promesse que plus reculer ne pouvoit Si fussent certains que, quand il l’auroit consenty, juré et promis, que jour de sa vie n’iroit au contraire. Si délibérassent à ceste fois ce que faire en vouldroient. À ceste chose respondirent les Pisains que brief et court rien n’en feroient, et que plus on ne leur en parlast.