Livre pour l’enseignement de ses filles du Chevalier de La Tour Landry/Chapitre 60

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Chappitre LXe
Cy parle de la fille Madiam


Si vous diray un autre exemple comme autre foys en advint en l’ost des filz Ysrael, c’estoient les Juifs, qui estoient peuple de Dieu et tenoyent sa loy. Sy avint que la fille Madiam, qui païen estoit, et des nobles d’icelle loy, celle fille, qui fut temptée, ot le cuer si joly et si gay que elle se cointit et vint en l’ost des Ebrieux, ce sont les fils d’Israël. Elle fut cointe et jolie et moult richement parée, et ne venoit que pour le cheval et le harnoiz, c’est à dire pour soy faire acomplir son delit, et tant advint que un chevallier de l’ost la vit, lequel en fut legierement tempté, et tant que il la fit venir en son logiz et fit son delit avecque elle. Et si comme il pleust à Dieu il envoya Finées, qui estoit un des meilleurs chevalliers de l’ost et l’un des plus grans chevetaines, et estoit nepveu Aaron. Cellui oyt dire que telle iniquité se faisoit en leur ost, comme avecque une payenne qui n’estoit pas de leur loy. Si vint courant l’espée nue et les trouva ou fait ; si les va tous deux percier l’un sur l’autre, et morurent villainement et ordement. Si avoit nom le chevallier qui faisoit la follie Zambry, du lignage Symeon, qui estoit des xij. princes de la loy. Mais pour ce ne fust-il pas espargnié ; car les princes et les chevetaines de l’ost, qui veoient comment Dieu ouvroit pour eulx qui combattoient à dix tant de gens que ilz n’estoient, et que toute la victoire et le sauvement que ilz avoient leur venoit de la grace de Dieu et de appert miracle, et pour ce, avoient paour de cheoir en l’yre de Dieu, et en ceste cause tenoient-ilz bonne justice, car il n’estoit pas rayson que leurs gens se couchassent avecques gens d’autre loy, comme les Crestiens avecque les Juifz et Sarrasins. Et aussy ilz se tenoient nettement et loyaument en la crainte et en l’amour de Dieu, et Dieu leur donnoit victoires et les garantissoit des grans perilz, ne ja n’eussent à taire à si grant nombre de pueple ne de gens d’armes que ilz ne venissent au dessus. Et pour certain, ce que Dieu veult garder nulle chose ne lui peut nuyre, et povez bien veoir comment Dieux het le pechié de luxure et comment il veult qu’il en soit puny, laquelle chose convient que soit ou en ce siècle ou en l’autre.