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Logique d’Aristote/Catégories

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Logique d’Aristote
Traduction par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire.
Ladrange (Tome 1p. 53-132).

CATÉGORIES.

SECTION PREMIÈRE.

PROTHÉORIE.

CHAPITRE PREMIER.

Définition des homonymes, synonymes et paronymes.

§ 1[1]. On appelle homonymes les êtres qui n’ont de commun entre eux qu’une appellation pareille, mais dont la définition, sous cette appellation identique, est essentiellement différente : par exemple, on appelle animal, l’homme réel et l’homme représenté en peinture. En effet, leur appellation seule est commune ; mais leur définition essentielle est différente sous cette appellation ; car si l’on veut définir ce qui fait un animal de l’un et de l’autre, on donnera une définition différente de chacun d’eux.

§ 2[2]. On appelle synonymes les êtres qui ont à la fois une appellation commune, et sous cette appellation, une définition essentiellement pareille. Tels sont l’homme et le bœuf appelés tous deux du nom d’animal. L’homme et le bœuf, en effet, reçoivent l’appellation commune d’animal, et leur définition essentielle est identique ; car si l’on veut définir ce qui fait un animal de l’un et de l’autre, on donnera une définition identique pour tous les deux.

§ 3[3]. On appelle paronymes les êtres qui tirent d’un autre leur appellation nominale avec une différence de terminaison, comme grammairien tire la sienne de grammaire, et courageux de courage.

CHAPITRE II.

Division des mots selon qu’ils sont unis ou séparés. — Division des choses selon qu’elles sont substances ou attributs.

§ 1[4]. Les mots peuvent être tantôt liés entre eux, tantôt séparés. Liés entre eux, quand on dit, par exemple : L’homme court, l’homme triomphe ; séparés, quand on dit : Homme, bœuf, court, triomphe.

§ 2[5]. Les choses peuvent se dire d’un sujet sans être cependant dans aucun sujet : par exemple, l’homme se dit d’un sujet, lequel est un homme quelconque, et l’homme n’est cependant dans aucun sujet. D’autres choses peuvent être dans un sujet et ne se dire cependant d’aucun sujet ; et je dis d’une chose qu’elle est dans un sujet, lorsque, sans y être comme partie de ce sujet dans lequel elle est, elle ne saurait toutefois exister indépendamment de lui. Je prends pour exemple la grammaire : la grammaire est certainement dans un sujet qui est l’intelligence de l’homme, et cependant elle ne saurait se dire d’un sujet quelconque. De même la blancheur est certainement dans un sujet qui est le corps où elle est, puisque toute couleur est dans un corps, et cependant on ne peut dire ce mot d’aucun sujet. Certaines choses peuvent à la fois et se dire d’un sujet et être dans un sujet : la science, par exemple, est dans un sujet qui est l’intelligence humaine, et en même temps elle se dit d’un sujet qui peut être la grammaire. Certaines choses enfin ne peuvent ni être dans un sujet, ni se dire d’un sujet : par exemple, un homme, un cheval, toutes choses qui ne sont dans aucun sujet et ne se disent d’aucun sujet. En général, les individus et tout ce qui est numériquement un, ne peuvent se dire d’aucun sujet. Mais rien n’empêche qu’elles ne soient quelquefois dans un sujet : par exemple, la grammaire est une de ces choses qui sont dans un sujet, et cependant elle n’est dite qu’aucun sujet.

CHAPITRE III.

Règles des attributs et des sujets, des différences des choses hétérogènes, et des différences des genres subordonnés.

§ 1[6]. Quand une chose est attribuée à une autre, comme à son sujet, tout ce qui pourra se dire de l’attribut pourra se dire aussi du sujet. Ainsi, homme est attribué à un homme quelconque, et animal est attribué à homme ; donc animal sera attribué à un homme quelconque, et en effet un homme est à la fois homme et animal.

§ 2[7]. Dans les choses de genres différents et qui n’ont entre elles aucun rapport de subordination, les différences aussi sont spécifiquement dissemblables. Soit, par exemple, les différences de l’animal et celles de la science. Les différences dans l’animal, c’est d’être terrestre, bipède, volatile, aquatique. La science n’offre aucune différence pareille ; car une science ne diffère pas d’une autre science parce qu’elle a deux pieds. § 3[8]. Au contraire, dans les genres subordonnés, rien n’empêche que les différences soient semblables. Les genres supérieurs peuvent servir d’attributs aux genres inférieurs, de sorte que toutes les différences de l’attribut pourront être en nombre égal celles du sujet.

SECTION DEUXIÈME.

THÉORIE.

CHAPITRE IV.

Énumération des dix catégories. — Exemples de chacune. — Distinction des mots isolés, et des mots formant par leur réunion soit une affirmation, soit une négation.

§ 1[9]. Les mots, quand ils sont pris isolément, expriment chacun l’une des choses suivantes : ou substance, ou quantité, ou qualité, ou relation, ou lieu, ou temps, ou situation, ou état, ou action, ou enfin passion.

§ 2[10]. La substance c’est, par exemple, afin de parler par image, homme, cheval ; la quantité, c’est : de deux coudées, de trois coudées ; la qualité, c’est : blanc, grammatical ; la relation, c’est : double, demi, plus grand ; le lieu, c’est : dans la place publique, dans le lycée ; le temps, c’est : hier, l’an passé ; la situation, c’est : être couché, être assis ; l’état, c’est : être chaussé, être armé ; l’action c’est : couper, brûler ; la souffrance, c’est : être coupé, être brûlé.

§ 3[11]. Aucun des mots que nous venons d’énumérer n’emporte seul et par lui-même, l’idée d’affirmation ou de négation. C’est seulement par la combinaison de ces mots les uns avec les autres, que se forment l’affirmation et la négation. Toute affirmation, en effet, toute négation doit être vraie ou fausse. Les mots, au contraire, qui ne sont pas combinés avec d’autres mots n’expriment ni vérité ni erreur ; ainsi : homme, blancheur, court, triomphe.

CHAPITRE V.

DE LA SUBSTANCE.
Distinction de la substance en première et en seconde. — Les substances secondes ne sauraient exister sans les substances premières, qui leur servent de sujets, soit d’attribution, soit d’inhérence.
L’espèce, parmi les substances secondes, est plus substance que le genre : identité des espèces entre elles ; identité des substances premières. — Les espèces et les genres sont les seules substances secondes.
Propriétés de la substance : 1o elle n’est point dans un sujet : objection et réponse à l’objection : 2o toutes les attributions tirées des substances sont synonymes ainsi que celles des différences : 3o toute substance exprime un être réel : objection et réponse à l’objection : 4o la substance n’a pas de contraire : 5o elle n’est pas susceptible de plus et de moins : 6o Propriété principale : elle est susceptible, tout en conservant son identité, de recevoir les contraires : objection et réponse à l’objection.

§ 1[12]. La substance, dans l’acception la plus exacte, la substance première, la substance par excellence, est celle qui ne se dit point d’un sujet, et ne se trouve point dans un sujet : par exemple, un homme, un cheval.

§ 2[13]. On appelle substances secondes, les espèces où existent les substances qu’on nomme premières, et non-seulement les espèces, mais aussi les genres de ces espèces. Par exemple, un homme est dans l’espèce homme. Mais le genre de l’espèce homme c’est animal : ainsi homme, animal, c’est ce qu’on appelle les substances secondes.

§ 3[14]. Il suit évidemment de ce qui précède, que l’appellation et la définition des choses dites d’un sujet sont attribuées aussi à ce sujet. Par exemple, homme se disant d’un homme quelconque comme sujet, l’appellation d’abord est attribuable, puisqu’on peut attribuer homme à tel homme ; et de plus, la définition de l’homme s’applique également bien à cet homme quelconque, puisque tout homme est homme et en outre animal. Ainsi l’appellation nominale et la définition seront attribuées parfaitement au sujet. § 4[15]. Pour les choses, au contraire, qui sont, dans un sujet, ni le nom ni la définition ne peuvent être attribués le plus souvent à ce sujet. Parfois, cependant, l’appellation peut être attribuée ; mais pour la définition, il est impossible qu’elle le soit jamais : ainsi la blancheur qui est dans un sujet, dans un corps, est attribuée au sujet ; car on dit d’un corps qu’il est blanc ; mais quant à la définition de la blancheur, elle ne sera jamais attribuée à ce corps.

§ 5[16]. Toutes les choses autres que les substances se disent des substances premières prises comme sujets, ou bien elles sont dans ces substances qui leur servent de sujets. Ceci est évident si l’on examine chacun des exemples cités. Par exemple, animal se dit en parlant de l’homme : par conséquence, on l’attribuera à un homme quelconque ; car, si l’on ne pouvait l’attribuer spécialement à aucun homme, on ne le dirait pas davantage de l’homme en général. Autre exemple : la couleur est dans le corps, donc elle doit être aussi dans un corps quelconque ; car si elle ne pouvait être dans aucun des corps particuliers, elle ne serait pas du tout dans le corps. Il en faut conclure que toutes les choses autres que les substances premières, ou se disent de ces substances prises comme sujets, ou bien sont dans ces substances, qui leur servent de sujets. Si donc il n’y avait pas de substances premières, les autres non plus ne sauraient exister.

§ 6[17]. Parmi les substances secondes, l’espèce est plus substance que le genre ; car elle est plus rapprochée de la substance première. Si l’on veut, en effet, faire comprendre ce que c’est que la substance première, on s’expliquera d’une manière plus claire et plus propre en prenant l’espèce plutôt que le genre. Par exemple, si l’on veut définir un homme, on se fera plus comprendre en prenant l’espèce homme qu’en prenant le genre animal. L’une est, en effet, plus rapprochée d’un homme quelconque ; l’autre, au contraire, est plus générale. Si l’on veut définir un arbre, on se fera mieux comprendre en prenant l’espèce arbre qu’en prenant le genre végétal. § 7[18]. D’un autre côté, si les substances premières sont plus spécialement appelées substances, c’est parce qu’elles sont le sujet de toutes les autres choses, et que toutes les autres choses ou sont attribuées à elles ou sont en elles. Le rapport des substances premières à toutes les autres est précisément celui de l’espèce au genre ; car les genres sont attribués aux espèces ; mais les espèces ne sont pas attribuées réciproquement aux genres : ainsi l’espèce sert de fondement au genre. On peut donc aussi conclure que l’espèce est plus substance que le genre. § 8[19]. Quant à toutes les espèces qui ne sont pas genres, elles ne sont point, comparativement entre elles, plus substances les unes que les autres ; car on ne se fera pas mieux comprendre en définissant l’homme pour définir un homme, qu’en définissant le cheval pour définir un cheval.

§ 9. Et de même encore, pour les substances premières, elles ne sont pas entre elles plus substances les unes que les autres ; un homme n’est pas plus substance qu’un bœuf.

§ 10[20]. C’est donc bien avec raison qu’après les substances premières, on ne reconnaît, dans tout le reste, pour substances secondes, que les espèces et les genres seulement ; car seules, parmi les attributs, elles expriment la substance première. Que l’on veuille, par exemple, définir ce que c’est qu’un homme, on le définira fort bien en définissant l’espèce ou le genre : seulement, on se fera mieux comprendre en prenant homme plutôt qu’animal. Mais si l’on définissait une chose quelconque parmi toutes les autres choses, cette définition serait tout à fait déplacée : par exemple, si l’on définissait blancheur, court, ou telle autre chose pareille. Ainsi donc, c’est avec raison que, parmi toutes les autres choses, le genre et l’espèce sont seuls reconnus pour substances. § 11[21]. De plus, c’est parce que les substances premières sont le fondement de toutes les autres choses, et que toutes les autres choses ou en sont les attributs ou sont en elles, qu’elles sont appelées substances par excellence. Ce que ces substances premières sont à toutes les autres choses, les genres et les espèces de ces substances premières le sont à tout le reste ; car c’est à eux que tout le reste est attribué. Si l’on dit, par exemple, qu’un homme est grammairien, on pourra dire aussi que l’homme et l’animal sont grammairiens, et ainsi du reste.

§ 12[22]. Une propriété commune à toute substance, c’est de n’être point dans un sujet. Ainsi la substance première n’est pas dans un sujet et ne se dit d’aucun sujet. Quant aux substances secondes, il est tout aussi évident qu’elles ne sont pas dans un sujet. L’homme, en effet, peut se dire d’un homme quelconque comme sujet, mais n’est point dans ce sujet ; car l’homme n’est point dans un homme. De même l’animal peut se dire d’un homme comme sujet, et pourtant l’animal n’est point dans un homme. J’ajoute que, pour les choses qui sont dans un sujet, rien n’empêche que leur appellation puisse parfois être attribuée au sujet ; mais il est impossible que la définition s’y applique jamais. Pour les substances secondes, au contraire, l’appellation et la définition sont attribuées également au sujet. En effet, on attribuera la définition de l’homme à un homme quelconque, et celle de l’animal s’y attribuera tout aussi bien. Ainsi, la substance ne saurait être mise au nombre des choses qui sont dans un sujet.

§ 13[23]. Ceci, du reste, n’est point spécial à la substance, puisque la différence aussi est une des choses qui ne sont pas dans un sujet : ainsi, terrestre, bipède, se disent de l’homme comme sujet, et cependant ne sont pas dans un sujet ; car le bipède, le terrestre, n’est pas dans l’homme. La définition de la différence est attribuée à l’objet dont est dite cette différence : par exemple, si terrestre se dit en parlant de l’homme, la définition de terrestre se dit aussi de l’homme ; car l’homme est un animal terrestre. § 14[24]. Du reste, ne craignons pas, parce que les parties des substances sont dans leurs entiers comme dans des sujets, d’être obligés de repousser ces entiers du nombre des substances : car, en disant que telles choses étaient dans un sujet, nous n’avons pas prétendu dire qu’elles y fussent comme les parties dans un tout.

§ 15[25]. Les substances et les différences ont cette propriété que tout ce qui vient d’elles est nommé synonymiquement ; car toutes les attributions qui en viennent s’appliquent à des individus ou à des espèces. Il n’y a pas de catégorie qui découle de la substance première, parce qu’elle ne se dit d’aucun sujet. Mais parmi les substances secondes, l’espèce est attribuée à l’individu ; le genre est attribué à la fois aux espèces et aux individus : les différences sont dans le même cas, et s’attribuent aux espèces et aux individus. Les substances premières peuvent recevoir la définition des espèces et celle des genres : l’espèce admet aussi la définition du genre, parce qu’en effet tout ce qu’on peut dire de l’attribut peut se dire également du sujet. De même, les espèces et les individus reçoivent la définition des différences. Plus haut, nous avons appelé synonymes les choses dont l’appellation était commune et la définition identique. Ainsi tout ce qui dérive des substances et des différences est dénommé par synonymie.

§ 16[26]. Toute substance semble désigner un objet réel. Pour les substances premières, il est incontestablement vrai qu’elles désignent quelque chose de réel, puisque ce qu’elles désignent est toujours un individu et une unité numérique. Quant aux substances secondes, bien qu’elles semblent, par la forme même de l’appellation, désigner aussi une chose spéciale, comme lorsqu’on dit homme, animal, ceci pourtant n’est pas exact. Elles désignent plutôt une chose qualifiée : en effet, le sujet ici n’est pas un comme la substance première, puisque homme, animal, se disent de plusieurs hommes, de plusieurs animaux. § 17[27]. Pourtant, elles ne désignent pas non plus absolument une chose qualifiée, comme le ferait cette expression, le blanc : le blanc ne désigne en effet rien de plus qu’une qualité. Mais le genre et l’espèce limitent la qualité à la substance, puisque le genre et l’espèce désignent une substance qualifiée de certaine manière. Cependant la définition est plus compréhensive par le genre que par l’espèce ; car on y renferme plus de choses, quand on dit animal que quand on dit homme.

§ 18[28]. Les substances possèdent la propriété de ne point avoir de contraires. En effet, où est le contraire de la substance première, le contraire d’un homme par exemple, d’un animal ? Évidemment il n’y a point ici de contraire. Il n’y a rien de contraire ni à l’homme ni à l’animal. § 19[29]. Du reste, ceci n’appartient pas exclusivement à la substance. Ce caractère appartient aussi à plusieurs autres catégories, et entre autres, à celle de la quantité. Il n’y a pas de contraires à deux coudées, trois coudées, pas de contraires au nombre dix, pas de contraires à aucune des choses du même genre, à moins qu’on ne soutienne que peu est le contraire de beaucoup, petit de grand. Mais quant aux quantités définies, elles ne sauraient jamais avoir de contraires.

§ 20[30]. La substance ne paraît pas susceptible de plus ni de moins. Je ne veux pas dire qu’une substance ne soit pas plus ou moins substance qu’une autre substance, car j’ai déjà dit qu’il en était ainsi ; mais je veux dire que chaque substance ne peut être plus ou moins ce qu’elle est. Par exemple, si telle substance est homme, elle ne sera ni plus ni moins homme ; l’homme ne sera ni plus ni moins homme que lui-même, ne sera ni plus ni moins homme qu’un autre. En effet, un homme n’est pas homme plus qu’un autre, de la même façon qu’une chose blanche est plus ou moins blanche qu’une autre, qu’une chose belle est plus ou moins belle qu’une autre. On peut bien dire sans doute qu’une chose a du plus ou du moins comparativement à elle-même : ainsi d’un corps blanc on dit qu’il est maintenant plus ou moins blanc qu’auparavant ; d’un corps chaud, qu’il est plus ou moins chaud. La substance, au contraire, n’est jamais ni plus ni moins substance ; car on ne peut pas dire qu’un homme soit maintenant plus homme que auparavant. Et de même pour toutes les autres substances. Ainsi la substance ne paraît susceptible ni de plus ni de moins.

§ 21[31]. La propriété la plus spéciale de la substance semble être que, tout en restant une seule et même chose, elle peut recevoir les contraires. Pour toutes les autres choses, en effet, qui ne sont pas substances, on ne saurait dire qu’une seule et même chose reçoive les contraires. Ainsi, par exemple, la couleur, qui numériquement est une seule et même chose, ne sera pas à la fois blanche et noire, de même qu’une seule et même action ne saurait être en même temps bonne et mauvaise. Ceci s’applique sans exception à toutes les choses qui ne sont pas substances. Pour la substance au contraire, bien qu’elle reste une et identique, elle n’en reçoit pas mois les contraires : ainsi un homme, un seul et même homme, peut être tour à tour blanc et noir, froid et chaud, bon ou méchant.

§ 22[32]. Quant aux autres choses, on n’y découvre rien de pareil, à moins qu’on ne soutienne que la parole, la pensée, peuvent admettre les contraires. Une même assertion, en effet, semble pouvoir être fausse et vraie. Par exemple, si l’on dit avec vérité de quelqu’un qu’il est assis, cette même assertion sera fausse si cette personne vient à se lever. Et de même pour la pensée ; car si l’on pense vrai en pensant que quelqu’un est assis, cette pensée deviendra fausse si la personne se lève et que l’on conserve relativement à elle la même pensée. § 23. Même en admettant cette objection, il y a ici une différence formelle. C’est qu’en ce qui concerne les substances, elles ne sont susceptibles des contraires que par suite d’un changement qu’elles-mêmes éprouvent ; ainsi le corps qui devient froid, de chaud qu’il était, a subi un changement puisqu’il devient autre ; ainsi de noir il devient blanc, de bon il devient mauvais ; et de même pour toutes les autres choses, c’est parce qu’elles éprouvent chacune un changement qu’elles sont susceptibles des contraires. Mais la parole et la pensée restent elles-mêmes absolument et toujours immuables ; et c’est seulement parce que l’objet vient à changer qu’elles reçoivent les contraires. Ainsi cette assertion que quelqu’un est assis demeure la même, mais la chose venant à changer l’assertion peut être tour à tour fausse et vraie. Il en est de même pour la pensée. Ainsi donc en ce sens, ce serait une propriété de la substance, spéciale du moins dans la forme, d’être susceptible des contraires par cela seul qu’elle éprouve elle-même un changement. § 24[33]. Tout en admettant encore que la parole, la pensée sont susceptibles des contraires, on peut dire que cette opinion n’est pourtant pas tout à fait exacte. Si l’on dit que la parole et la pensée reçoivent les contraires, ce n’est pas qu’elles reçoivent réellement quelque chose ; mais c’est de fait dans un autre objet que se passe ce changement. C’est uniquement parce que la chose même est ou n’est pas de telle façon, que l’assertion peut être dite vraie ou fausse, et non pas parce que la parole elle-même serait susceptible des contraires. Rien, en effet, ne saurait faire changer ni la parole ni la pensée, en sorte qu’elles ne reçoivent point les contraires, en ce sens qu’aucun changement ne survient en elles. Quant à la substance, c’est parce qu’elle reçoit elle-même les contraires qu’on peut dire qu’elle est susceptible des contraires. En effet, la substance reçoit également et la maladie et la santé, et le blanc et le noir ; et c’est parce qu’elle éprouve elle-même toutes les modifications de ce genre qu’on dit qu’elle est susceptible de recevoir les contraires.

§ 25. Ainsi le propre de la substance, serait, tout en restant identique et numériquement une, d’admettre les contraires par un changement qu’elle éprouve elle-même.

§ 26. Terminons ici ce qui concerne la substance.

CHAPITRE VI.

DE LA QUANTITÉ.
Division de la quantité en finie et continue : division de la quantité, selon que ses parties ont ou n’ont pas de position dans l’espace. — Quantités finies : nombre, parole. — Quantités continues : ligne, surface, solide, temps, espace. — Quantités dont les parties ont une position : signe, surface, solide, espace. — Quantités dont les parties n’ont pas de position : nombre, temps, parole.


Les quantités énumérées sont les seules quantités vraies : les autres ne sont qu’accidentelles : exemples divers.


Propriétés de la quantité : 1° la quantité n’a point de contraire : objections diverses et réponses à ces objections ; 2° une quantité n’est ni plus ni moins quantité qu’une autre ; 3° Propriété principale : la quantité seule peut être dite égale ou inégale.


§ 1[34]. La quantité est ou définie ou continue. Elle se compose, soit de choses dont les parties ont entre elles un rapport de position, soit de choses dont les parties n’ont pas de position respective.

§ 2[35]. La quantité définie est, par exemple, le nombre et la parole ; la quantité continue, c’est la ligne, la surface, le corps, et de plus, le temps et l’espace.

§ 3[36]. En effet, il n’y a, pour les parties du nombre, aucun terme commun dans lequel elles s’unissent. Ainsi, cinq est bien une partie de dix, mais cinq et cinq ne tiennent l’un à l’autre par aucun terme commun : ils sont l’un et l’autre des quantités définies. Trois et sept ne se lient pas davantage par un commun terme ; et en général, pour le nombre, on ne saurait en lier les parties par aucun rapport commun ; ces parties sont toujours des quantités définies. Le nombre doit donc être rangé parmi les quantités définies. § 4[37]. La parole en fait également partie. D’abord il est évident que la parole est une quantité, puisqu’elle se mesure par des syllabes brèves et longues ; je veux dire la parole articulée, et l’on ne peut rapporter les parties qui la composent à aucun terme commun. Il n’est point de terme commun qui joigne les syllabes entre elles ; elles sont chacune par elles-mêmes des quantités définies.

§ 5. Au contraire la ligne est une quantité continue : car il est possible d’assigner un terme commun où aboutissent ses parties, et ce terme c’est le point,

§ 6, comme pour la surface, c’est la ligne ; car toutes les parties du plan se réunissent dans ce terme commun. § 7. Le solide aussi a un terme commun du même genre ; car on peut regarder la ligne ou la surface comme le terme commun dans lequel s’unissent toutes les parties du solide. § 8. Le temps et l’espace sont dans le même cas ; car, d’une part, le présent tient à la fois et au passé et à l’avenir ; § 9, et d’autre part, l’espace aussi doit compter parmi les quantités continues, puisque les parties du corps qui aboutissent par leur réunion à un terme commun occupent toujours un espace. Donc, les parties de l’espace qu’occupe chacune des parties du corps, se réunissent dans ce même terme commun où se réunissent les parties du corps lui-même : donc, l’espace est une quantité continue, puisque ces parties aboutissent par leur réunion à un terme commun.

§ 10[38]. En outre on a dit que certaines quantités sont formées de choses dont les parties ont entre elles un rapport de position, et d’autres ne sont formées que de choses dont les parties n’ont point de position. § 11[39]. Ainsi les parties de la ligne ont relativement les unes aux autres une position ; car chacune est placée dans un lieu distinct ; et l’on pourrait dire et indiquer précisément où chacune est posée dans le plan, et à quelle autre partie elle se lie.

§ 12[40]. De même les parties du plan ont une certaine position, et l’on pourrait dire pour chacune également le lieu précis où elle est, et énoncer celles qui se lient entre elles. § 13[41]. De même que pour les parties du solide, pour les parties de l’espace.

§ 14[42]. Pour le nombre, au contraire, il serait impossible de montrer, ni comment ses parties ont entre elles un rapport de position, ni où elles sont, et comment elles se lient les unes aux autres. Même difficulté pour les parties du temps ; car aucune des parties du temps n’est permanente. Et comment ce qui n’est pas permanent pourrait-il avoir une position ? On pourrait dire aussi que les parties du temps ont entre elles un certain lieu puisque dans le temps telle partie est antérieure, telle autre postérieure. De même aussi pour le nombre, puisque un est nombré avant deux, et deux avant trois. De là, si l’on veut, une espèce d’ordre, mais ce n’est que de position. § 15. De même enfin pour la parole. Aucune de ces parties n’est permanente. Une fois prononcées, on ne peut les ressaisir, de sorte qu’il ne peut y avoir aucune position pour ces parties puisqu’elles ne sont pas permanentes.

§ 16[43]. Ainsi donc, certaines quantités sont formées de choses dont les parties ont une position, et certaines autres de choses dont les parties n’ont pas de position.

§ 17[44]. Les quantités proprement dites sont celles que nous avons énoncées ; toutes les autres ne sont des quantités que par accident. C’est seulement en vue des premières que nous nommons ainsi les autres : par exemple, on dit une grande blancheur, par cela seul que la surface blanche est fort étendue : on dit d’une action, qu’elle est longue, parce qu’il s’écoule beaucoup de temps durant son accomplissement. Et c’est de même aussi qu’on dit : un grand mouvement. En soi-même aucune de ces choses ne peut être appelée quantité ; ou si l’on veut exprimer quelle est la quantité d’une action, il faut la déterminer par le temps, et dire qu’elle dure une année ou tel autre espace de temps. Et de même pour la blancheur, si on veut dire quelle est la quantité de la blancheur, on la déterminera par la surface, et l’on mesurera la quantité de la blancheur à la quantité même de la surface. Ainsi donc les seules quantités véritables, les seules quantités en soi, sont celles que nous avons dites : quant à toutes les autres, elles ne sont pas quantités par elles-mêmes, elles ne le sont que par accident.

§ 18[45]. La quantité, non plus que la substance, n’a pas de contraires. Pour les quantités définies, il est bien évident qu’elles n’ont pas de contraires : par exemple, deux coudées, trois coudées, surface, et toutes les choses de cet ordre n’en ont pas. § 19[46]. A moins qu’on ne prétende que beaucoup est contraire à peu, grand à petit. § 20[47]. Mais ces dernières choses ne sont pas des quantités, ce sont bien plutôt des relatifs. Rien, en effet, ne peut en ni être dit petit ou grand ; ce ne peut être jamais que par rapport à une autre chose. Ainsi d’une montagne, on dit qu’elle est petite et d’un noyau qu’il est grand, parce que celui-ci est plus grand que les objets du même genre que lui, celle-là plus petite que les objets analogues. Il y a donc ici relation à un autre objet ; car si ces objets pouvaient en eux-mêmes être grands et petits, on n’aurait pas dit que la montagne fût petite et le noyau grand. De même, on dit que dans un bourg il y a beaucoup de population et qu’il y en a peu dans Athènes, bien que de fait la population, dans Athènes, soit beaucoup plus nombreuse ; on dit qu’il y a beaucoup de monde dans une maison, et qu’il y en a peu au théâtre, bien que dans ce dernier lieu il y en ait bien davantage. § 21. C’est, je le répète, que deux coudées, trois coudées et autres choses du même genre expriment une quantité ; grand et petit, au contraire, n’expriment pas une quantité, ils expriment plutôt un rapport. En effet, grand et petit ne se distinguent que relativement à un autre objet ; et il est clair que grand et petit sont de la catégorie des relatifs. § 22. Du reste qu’on les reconnaisse ou qu’on ne les reconnaisse pas pour quantités, on peut dire que grand et petit n’ont pas de contraires ; car d’une chose qu’on ne peut pas saisir et prendre en soi, d’une chose qui se rapporte à une autre, comment pourrait-on dire qu’elle a des contrairesn’§ 23[48]. Bien plus, si grand et petit sont contraires l’un à l’autre, il s’ensuivra qu’une seule et même chose pourra recevoir en même temps les contraires, et que les choses seront contraires à elles-mêmes. En effet, une chose peut être à la fois petite et grande ; petite, par rapport à tel objet, grande, par rapport à tel autre objet ; de sorte qu’une seule et même chose peut être grande et petite au même moment, et qu’elle reçoit en même temps les contraires. Or il n’est rien au monde qui paraisse pouvoir admettre en même temps les contraires. Dira-t-on que c’est la substance ? Certainement, elle admet les contraires ; mais pourtant aucun être n’est à la fois malade et bien portant ; rien n’est à la fois blanc et noir. Parmi toutes les autres choses, il n’en est non plus aucune qui admette en même temps les contraires. Il s’ensuivrait aussi qu’une chose pourrait fort bien être contraire à elle-même. Car si grand est le contraire de petit, et qu’une même chose puisse être à la fois grande et petite, cette chose sera contraire à elle-même ; mais il y a impossibilité qu’une chose quelconque soit contraire à elle-même. Donc, grand n’est pas le contraire de petit, ni beaucoup de peu ; donc, même en admettant qu’on rapporte ces choses, non pas à la relation, mais à la quantité, elles n’auront pas davantage de contraires.

§ 24[49]. C’est surtout relativement à l’espace que la quantité semble avoir des contraires. En effet, on regarde le haut comme le contraire du bas, appelant le bas ce qui est vers le centre, parce que le centre est à la plus grande distance possible des bornes du monde. C’est même de là qu’on semble tirer toutes les définitions des autres contraires ; car les choses qui dans un même genre sont les plus éloignées les unes des autres, sont appelées contraires.

§ 25[50]. La quantité ne paraît pas susceptible de plus et de moins : par exemple, une chose de deux coudées n’a ces deux coudées ni plus ni moins qu’une autre de même dimension. De même aussi pour les nombres : trois ne sont pas trois plus que cinq ne sont cinq, et réciproquement. Le temps non plus, n’est pas plus temps qu’un autre temps. De toutes les quantités que nous avons énumérées, aucune n’est ni plus ni moins quantité qu’une autre. La quantité ne paraît donc pas susceptible de plus et de moins.

§ 26[51]. La propriété la plus spéciale de la quantité, c’est d’être dite égale et inégale. En effet, on peut dire de chacune des quantités dont nous avons parlé, qu’elle est égale et inégale : le nombre, le temps est dit égal et inégal ; et de même pour toutes les quantités citées plus haut, on peut dire qu’elles sont égales et inégales. Quant aux choses qui ne sont pas des quantités, on ne pourrait dire avec exactitude qu’elles soient égales et inégales. Par exemple, d’une disposition, on ne peut dire qu’elle soit réellement égale et inégale ; on doit dire plutôt qu’elle est semblable et dissemblable. La blancheur ne peut être dite réellement égale et inégale, mais plutôt semblable et dissemblable. Donc la propriété spéciale de la quantité, c’est d’être dite égale et inégale.

CHAPITRE VII.

DES RELATIFS.
Définition vulgaire des relatifs : exemples divers. Propriétés des relatifs. 1° Quelques-uns ont des contraires. 2° Quelques-uns sont susceptibles de plus et de moins. 3° Tous les relatifs doivent être réciproques à un autre terme : difficultés pour reconnaître cette réciprocité quand les mots manquent à la langue : nécessité de forger des mots pour découvrir la relation. 4° Les relatifs coexistent pour la plupart : exceptions diverses.
Examen de cette question : Quelques substances peuvent-elles être comprises parmi les relatifs ? Solution négative, au moyen d’une définition nouvelle des relatifs.
Difficulté de la théorie des relatifs.


§ 1[52]. On appelle relatives, les choses qui sont dites, quelles qu’elles soient, les choses d’autres choses, ou qui se rapportent à une autre chose, de quelque façon différente que ce soit. § 2[53]. Par exemple, plus grand, quel que soit l’objet, se dit par rapport à une autre chose, puisqu’on doit dire plus grand que telle autre chose. Double aussi n’est ce qu’il est que par rapport avec une autre chose, puisqu’on doit dire double d’une autre chose ; et de même pour toutes les choses de ce genre. Voici encore d’autres relatifs : possession, disposition, sensation, science, position ; ces choses-là ne sont que les choses d’autres choses, ou ont tel autre rapport à une autre chose, et ne valent que par ce rapport. La possession, par exemple, c’est la possession de quelque chose ; la science, la science de quelque chose ; la position est la position de quelque chose ; et de même pour tout le reste. Ainsi, les relatifs sont toutes les choses qui ne sont dites, quelles qu’elles soient, que d’autres choses, § 3[54], ou qui se rapportent, de quelque façon que ce soit, à une autre chose qu’elles-mêmes. Ainsi une montagne est dite grande par rapport à une autre montagne ; elle n’est dite grande que par relation. Semblable est dit semblable à quelque chose, et de même pour toutes les choses analogues ; elles sont dites relativement à quelque chose. § 4[55]. De même encore la récubation, la station, le séant, sont des positions ; et la position fait partie des relatifs. Cependant, être couché, être debout, être assis, ne sont pas en eux-mêmes des positions ; mais on les appelle ainsi par dérivation des positions qu’on vient de citer.

§ 5[56]. Les relatifs possèdent aussi la propriété des contraires : ainsi, la vertu est le contraire du vice ; et le vice et la vertu sont tous deux des relatifs ; la science est le contraire de l’ignorance. § 6[57]. Cependant cette propriété des contraires n’appartient pas à tous les relatifs : double, triple, ni aucune des choses du même genre n’ont de contraires.

§ 7[58]. Les relatifs aussi paraissent susceptibles de plus et moins : en effet, semblable et dissemblable sont dits l’un et l’autre plus ou moins ; égal et inégal le sont aussi plus ou moins ; et ce sont là des relatifs ; car semblable est dit semblable à quelque chose, inégal est dit inégal à quelque chose. § 8. Tous les relatifs cependant ne sont pas susceptibles de plus et de moins. Double, en effet, n’est ni plus ni moins double ; il en est de même pour tous les relatifs de ce dernier genre.

9[59]. Tous les relatifs s’appliquent à des choses réciproques : ainsi l’esclave est dit esclave du maître ; et réciproquement, le maître est maître de l’esclave. Le double veut dire le double de ce qui en est la moitié ; la moitié est la moitié de ce qui en est le double ; plus grand est plus grand que ce qui est plus petit ; plus petit est plus petit que ce qui est plus grand, et ainsi du reste. Il peut se faire cependant que dans l’énonciation les choses réciproques diffèrent quelquefois par la terminaison. Ainsi, la science est la science de ce qui est su, et ce qui est su est su par la science : la sensation est la sensation de l’objet senti, et l’objet sensible est senti par la sensation.

§ 10[60]. Parfois cette réciprocité des relatifs cesse d’être apparente, quand on ne fait pas une application exacte des mots, et qu’on s’est trompé dans cette application. Par exemple, si l’on rapporte l’aile à l’oiseau on ne pourra pas dire réciproquement l’oiseau d’une aile. C’est que la première application de mots n’est pas juste, et qu’on rapporte à tort aile à oiseau. En effet, ce n’est pas en tant qu’il est oiseau qu’on dit son aile, mais c’est en tant qu’il est ailé ; car bien d’autres choses ont des ailes sans être pour cela des oiseaux. La réciprocité se rétablit si l’application est exacte : ainsi l’aile est l’aile d’un animal ailé, et l’animal ailé est ailé par l’aile. § 11[61]. Parfois aussi, il est nécessaire de créer un mot spécial, quand il n’existe pas de terme auquel on puisse légitimement rapporter la chose. Par exemple, si l’on veut rapporter gouvernail à navire, l’application n’est pas exacte ; car ce n’est pas parce que l’objet est vaisseau qu’on dit son gouvernail, puisqu’il y a des vaisseaux sans gouvernail. La réciprocité est donc ici détruite, puisqu’on ne peut pas dire réciproquement que le vaisseau est le vaisseau du gouvernail. Mais peut-être l’appellation des mots serait-elle plus juste, si l’on disait, par exemple : Le gouvernail est le gouvernail d’une chose « gouvernallisée », ou si l’on employait toute autre expression pareille, attendu qu’il n’y a point ici de mot spécial. La réciprocité existe toujours en faisant une application de mots qui soit légitime ; en effet, la chose « gouvernallisée » est « gouvernallisée » par le gouvernail ; et ainsi du reste. Par exemple, tête se dira plus exactement d’un être « têtifié » que d’animal ; car ce n’est pas en tant qu’animal que l’animal a une tête, puisque beaucoup d’animaux n’en ont pas. § 12[62]. C’est ainsi qu’on peut trouver fort aisément des mots pour des choses qui n’ont pas de nom spécial, si l’on tire ces mots des primitifs, et qu’on les impose aux objets correspondants à ces primitifs, comme on l’a fait plus haut, d’aile faisant ailé, de gouvernail « gouvernallisé ».

§ 13[63]. Ainsi donc, tous les relatifs, si l’application des mots est exacte, doivent être dits de choses qui leur sont réciproques ; seulement, si l’on fait cette application au hasard et qu’on ne les rapporte pas à la chose même dont ils sont dits, la réciprocité disparaît. J’ajoute que, même parmi les choses dont la réciprocité est notoire, et qu’on peut rendre par des mots spéciaux, la correspondance vient à cesser, si l’appellation se fait d’après quelque accident, et non pas d’après la chose même dont il s’agit. Par exemple, si l’on attribue l’esclave, non pas au maître, mais à l’homme, à l’animal bipède, ou à tel autre accident de ce genre, la réciprocité n’existe plus, parce que l’appellation des mots est inexacte. § 14[64]. Mais si l’on fait une appellation légitime relativement à la chose qui doit la recevoir, et qu’éliminant tout ce qui n’est qu’accident, on ne garde que ce qui peut recevoir justement l’appellation du mot, le mot alors sera toujours parfaitement applicable à la chose. Ainsi, que l’on rapporte esclave à maître, et en écartant tous les faits accidentels qui peuvent se rapporter au maître, par exemple d’être un animal à deux pieds, d’être susceptible de science, d’être un homme, on pourra toujours, en lui laissant uniquement cette propriété d’être maître, rapporter esclave à maître ; car l’esclave est dit esclave du maître. § 15[65]. Si, au contraire, l’appellation du mot n’est pas légitime, même en ayant soin d’écarter toutes les autres circonstances, pour ne garder que la chose même à laquelle le mot devrait se rapporter, on ne pourra l’employer avec justesse. Par exemple, qu’on rapporte esclave à homme et aile à oiseau, et qu’on écarte de l’homme sa qualité de maître, on ne pourra plus dire esclave par rapport à homme ; car sans maître il n’y a plus d’esclave. Et de même qu’on ôte à l’oiseau sa qualité d’être ailé, aile ne sera plus une chose de relation, puisque sans animal ailé l’aile ne sera plus dite de quelque chose.

§ 16. Ainsi donc, il faut faire l’appellation du mot relativement aux choses qui peuvent légitimement la recevoir. S’il existe un nom spécial, cette appellation est fort simple ; s’il n’en existe pas, il sera peut-être nécessaire d’en créer un nouveau. Avec des appellations verbales ainsi faites, il est évident que tous les relatifs se disent de choses réciproques les unes aux autres.

§ 17[66]. Les relatifs semblent pouvoir exister simultanément par nature, et ceci est vrai de la plupart d’entre eux. Double et moitié existent à la fois ; moitié existant, double existe aussi ; le maître existant, l’esclave existe ; l’esclave existant, le maître existe, et ainsi de reste. Il faut ajouter que ces choses se détruisent aussi réciproquement : s’il n’y a pas de double, il n’y a pas de moitié ; s’il n’y a pas de moitié, il n’y a pas de double, et de même pour tous les autres cas. § 18[67]. Cependant cette simultanéité naturelle d’existence n’est pas vraie pour tous les relatifs : la chose sue paraît antérieure à la science ; car en général nous tirons les sciences de choses qui existent préalablement. Il n’y a qu’un bien petit nombre de choses, pour ne pas dire aucune, où l’on voie la science formée en même temps que la chose qui doit être sue. § 19[68]. De plus, si la chose qui peut être sue disparaît, elle fait disparaître la science avec elle ; mais la science disparaissant n’enlève pas avec elle la chose qui peut être sue. Sans la chose qui peut être sue, il n’y a pas de science ; car ce serait la science de rien ; mais la chose à savoir peut fort bien exister sans la science. Par exemple, la quadrature du cercle, si toutefois c’est une chose qui puisse être sue, existe comme chose à savoir, bien que la science de cette chose n’existe pas encore. J’ajoute que l’animal homme venant à disparaître, il n’y aurait plus de science, bien qu’une foule de choses susceptibles d’être sues pussent rester encore après lui. § 20[69]. Il en est de même pour la sensation, l’objet sensible semble antérieur à la sensation : ôtez, en effet, l’objet sensible, il emporte la sensation avec lui. Mais la sensation disparaissant n’enlève pas avec elle l’objet sensible. En effet, les sensations s’appliquent à un corps, et sont dans un corps : l’objet sensible détruit, le corps lui-même disparaît ; car le corps est du nombre des objets sensibles, et s’il n’y a pas de corps, la sensation elle-même disparaît ; de sorte que la chose sensible détruite, détruit avec elle la sensation. La sensation, au contraire, ne détruit pas avec elle la chose sensible. Si l’animal disparaît, la sensation disparaît avec lui ; mais la chose sensible reste ; et c’est, par exemple, le corps, la chaleur, la douceur, l’amertume, et tant d’autres choses du même genre, qui touchent nos sens. § 21. Il y a plus, la sensation ne naît qu’avec l’être qui sent ; car c’est seulement quand l’animal vient à naître, que la sensation naît avec lui. Mais les objets sensibles existent avant qu’il n’y ait ni d’animal, ni de sensation : en effet, le feu, l’eau et tous les éléments analogues dont l’animal est formé, existent avant qu’il n’y ait du tout ni animal ni sensation. Ainsi, l’objet sensible paraîtrait précéder la sensation.

§ 22[70]. On peut se demander si toute substance est exclue des relatifs, ainsi que cela semble, ou bien si l’on peut comprendre parmi eux quelques-unes des substances secondes. Il est certain, pour les substances premières, que ni les substances entières ni leurs parties ne sont jamais exprimées par relation ; car on ne dit pas que tel individu homme est un homme de telle chose que tel bœuf est un bœuf de telle chose, non plus que pour leurs parties, on ne dit pas que telle main est telle main de quelqu’un, mais bien la main de quelqu’un ; on ne dit pas que telle tête est telle tête de quelqu’un, mais bien la tête de quelqu’un. Il en est de même pour les substances secondes, pour la plupart du moins. Par exemple, l’homme n’est pas dit l’homme de quelque chose ; le bœuf n’est pas le bœuf de quelque chose ; le bois, le bois de quelque chose ; mais ils sont dits la propriété de quelqu’un. Il est donc évident que les choses de ce genre ne sont pas parmi les relatifs. Mais il y a doute pour quelques-unes des substances secondes. Par exemple, la tête est dite la tête de quelqu’un, la main est dite la main de quelqu’un, et ainsi des choses du même genre, qui paraissent appartenir aux relatifs. § 23[71]. Si donc la définition des relatifs a été bonne ; il est difficile, pour ne pas dire impossible, de démontrer qu’aucune substance n’entre dans la catégorie des relatif. § 24[72]. Mais si la définition est insuffisante, et qu’on pense que les relatifs sont les choses dont l’existence se confond avec leur rapport quelconque à une autre chose, alors il y aurait moyen de répondre à cette objection. § 25[73]. La première définition des relatifs s’applique sans doute à tous les relatifs sans exception ; mais y a une grande différence entre être relatif, et n’être ce qu’on est que parce qu’on est dit d’une autre chose.

§ 26[74]. De ce qu’on a dit, il suit évidemment que si quelqu’un connaît un relatif d’une manière précise, il connaîtra d’une manière précise aussi la chose à laquelle ce relatif s’applique. Ceci est évident par soi-même. Si quelqu’un en effet sait que telle chose est au nombre des relatifs, et que l’existence des relatifs soit identique au rapport quelconque qu’ils ont avec une chose, il connaît aussi la chose à l’égard de laquelle ce relatif est dans une certaine relation. S’il ne connaît point du tout la chose à laquelle ce relatif se rapporte, il ne saura même pas s’il se rapporte à quelque chose. § 27. Ceci n’est pas moins évident dans les exemples particuliers. Par exemple si l’on sait positivement d’une chose qu’elle est le double, on sait aussitôt positivement de quelle autre chose elle est le double ; car si on ne savait pas qu’elle est le double d’une chose déterminée, on ne saurait pas du tout non plus qu’elle est le double. Et de même si l’on sait qu’une chose est plus belle, on doit nécessairement aussi savoir sur-le-champ et d’une manière déterminée, la chose en comparaison de laquelle elle est plus belle. On ne saura pas d’une manière indéterminée qu’elle est plus belle qu’une chose plus laide ; car ce ne serait alors qu’une vague conception, ce ne serait pas une science. On ne saurait même pas exactement qu’elle est plus belle qu’une chose plus laide ; car il pourrait se faire qu’il n’y eût pas en réalité de chose moins belle que celle-là. Il est donc évidemment nécessaire que ce qu’on sait précisément des relatifs, on le sache précisément aussi de la chose à laquelle ces relatifs se rapportent. § 28[75]. On peut savoir d’une manière précise ce que sont la tête, la main, et autres choses du même ordre, qui sont des substances ; mais on ne sait pas nécessairement pour cela la chose qu’elles concernent, et l’on peut ignorer à qui précisément appartint cette tête, à qui cette main. Ce ne sont donc pas là des relatifs ; et si ce ne sont pas là des relatifs, il est donc vrai de dire qu’il n’y a pas de substance qui fasse partie des relatifs.

§ 29. Du reste, il serait peut-être difficile de rien affirmer en ces matières sans y avoir regardé à plusieurs reprises ; mais en tout cas il n’est pas inutile d’avoir discuté chacune de ces questions.

CHAPITRE VIII.

DE LA QUALITÉ.
Définition de la qualité : qualité est un mot à plusieurs sens.
1° espèce de la qualité : Capacité et disposition : rapports et différences de l’une et de l’autre.
2° espèce de la qualité : Puissance et impuissance naturelles : exemples divers.
3° Espèce de la qualité : Qualités affectives et affection : distinctions, exemples divers : affections du corps : affections de l’âme.
4° Espèce de la qualité : Forme et figure des choses : exemples divers.
Les qualitatifs sont en général dénommés par dérivation des qualités : exceptions.
Propriétés de la qualité :
1° La qualité a le plus souvent un contraire qui est alors aussi dans la catégorie de la qualité ;
2° la qualité reçoit ordinairement le plus et le moins : exceptions pour la première et la quatrième espèce de qualité ;
3° Propriété spéciale : La qualité seule peut être dite semblable ou dissemblable.

§ 1[76]. J’appelle qualité ce qui fait qu’on dit des êtres qu’ils sont de telle façon.

§ 2[77]. Qualité, du reste, est un mot à plusieurs sens.

§ 3[78]. Ainsi la capacité et la disposition forment une première espèce de qualité. § 4[79]. La capacité diffère de la disposition en ce qu’elle est beaucoup plus durable, beaucoup plus stable ; les sciences et les vertus sont dans le même cas. La science, en effet, paraît une des choses les plus stables, les plus inébranlables pour peu qu’on la possède, sauf le cas de maladie ou telle autre circonstance analogue qui détermine en nous un grand changement. Et dans l’ordre des vertus, la justice, par exemple, la sagesse ou toute autre vertu pareille, semblent quelque chose qui n’est ni facilement variable ni changeant. Les dispositions, au contraire, sont les qualités qui changent sans peine et se modifient rapidement. Ainsi la chaleur, le froid, la santé, la maladie et toutes choses pareilles. L’homme est dans un certain état selon ces dispositions diverses, et il peut changer subitement, de chaud devenant froid, passant de la santé à la maladie, et ainsi du reste. Mais si quelqu’une de ces dispositions même est, par sa longue durée, devenue en quelque sorte naturelle, irrémédiable ou tout à fait immuable, alors on peut l’appeler une véritable capacité. § 5[80]. Car il est clair que ce qui est plus durable et de changement plus difficile, doit être nommé capacité. Ceux qui ne possèdent pas complètement les principes des sciences, mais qui sont encore ébranlables sur bien des points, ne sauraient passer pour avoir une réelle capacité, bien qu’ils aient plus ou moins de dispositions pour la science. Ainsi, la disposition diffère de la capacité en ce que l’une est mobile, tandis que l’autre est plus durable et moins changeante. § 6. Les capacités, du reste, sont aussi des dispositions ; mais les dispositions ne sont pas nécessairement des capacités. Ceux qui ont acquis réellement des capacités sont constitués par elles dans une certaine disposition ; mais ceux qui ont la disposition n’ont pas nécessairement et par cela seul une capacité.

§ 7[81]. Une seconde espèce de la qualité est celle qui nous fait dire, par exemple, que les gens sont susceptibles d’être lutteurs, coureurs, bien portants ou malades ; en un mot, tout ce qui est dénommé d’après la puissance ou l’impuissance physique. En effet, tous ces gens sont ainsi qualifiés, non point à cause d’une certaine manière d’être réelle, mais à cause de leur puissance ou de leur impuissance physique à faire aisément ou à ne pas souffrir. Par exemple, on appelle certaines gens lutteurs, coureurs, non parce qu’ils sont en une certaine disposition, mais parce qu’ils ont la puissance physique de faire aisément certains exercices. On appelle hommes sains ceux qui ont la puissance physique de ne pas souffrir aisément de tous les accidents fortuits ; les valétudinaires, ceux qui sont par constitution impuissants à ne pas souffrir aisément de tous ces accidents. C’est dans le même sens qu’on appelle telle chose dure, telle autre molle ; dure, parce qu’elle a la puissance de ne pas être divisée aisément ; molle, parce qu’elle a l’impuissance de cette même qualité.

§ 8[82]. Un troisième genre de qualité se forme des qualités affectives et des affections. Telles sont la douceur, l’amertume, l’âcreté, et toutes les choses de même ordre ; elles sont encore la chaleur, le froid, la blancheur, la noirceur. § 9[83]. Il est évident que ce sont là des qualités ; pour les choses qui les reçoivent sont dites d’après elles être telles ou telles. Ainsi c’est parce que le miel reçoit la douceur qu’il est appelé doux : et le corps est dit blanc, parce qu’il reçoit la blancheur ; et ainsi du reste. § 10[84]. Ces qualités sont appelées affectives, non pas parce que les choses qui les reçoivent seraient elles-mêmes affectées en rien ; car le miel, non plus que telle autre chose de ce genre, n’est pas appelé doux, parce qu’il est affecté d’une certaine façon ; la chaleur, le froid ne sont pas appelés qualités affectives, parce que les corps qui reçoivent ces qualités éprouvent eux-mêmes une modification d’un certain genre. Mais elles sont dites qualités affectives, parce que relativement aux sensations qu’elles nous donnent, chacune de ces qualités produit une affection particulière ; ainsi la douceur cause une affection sur le goût, la chaleur sur le toucher, et de même pour les autres. § 11. La blancheur et la noirceur, en un mot les couleurs, ne sont pas appelées qualités affectives dans le même sens que les qualités précédemment nommées ; mais c’est parce qu’elles proviennent elles-mêmes d’une affection. Il est évident en effet que souvent des affections produisent des changements de couleurs. La honte fait rougir, la crainte fait pâlir, et ainsi du reste. Que si l’on vient à éprouver une de ces affections par suite de causes toutes naturelles, on doit prendre alors aussi une couleur semblable ; car la disposition qui se produisait à l’occasion de la honte dans les éléments du corps, peut bien être produite identiquement par un tempérament naturel, de sorte qu’une couleur du même genre soit causée par la nature.

§ 12[85]. Toutes les modifications analogues qui prennent leur origine dans quelque affection permanente et invariable, se nomment donc des qualités affectives. Ainsi la blancheur et la noirceur sont dites des qualités, soit qu’elles résultent d’une constitution naturelle, parce qu’alors elles font que nous sommes qualifiés d’après elles de telle ou telle manière ; soit qu’une maladie fort longue ou bien une chaleur brûlante, produisent ce même effet de blancheur ou de noirceur, et qu’alors ces deux qualités deviennent difficilement effaçables, ou même demeurent durant la vie entière de l’individu. Dans ce cas même, ce sont encore des qualités, puisque nous sommes encore qualifiés d’après elles. Toutes les modifications qui procèdent de causes aisément détruites, et dont les effets sont passagers, peuvent être appelées des affections, mais non des qualités ; car elles ne peuvent déterminer une qualification pour l’individu. On ne dit pas qu’un homme est de couleur rouge, parce qu’il rougit de honte ; on ne dit pas qu’un homme est de couleur pâle, parce qu’il pâlit de crainte ; on dit plutôt qu’il est affecté d’une certaine manière. Ce sont donc là des affections, et non pas des qualités.

§ 13[86]. Il y a également pour l’âme des qualités affectives et des affections ; tout ce qui dès la naissance provient de quelques affections inébranlables, se nomme qualité. Par exemple, la fureur maniaque, la colère, etc., etc., parce qu’en effet on est qualifié d’après elles de furieux, de colérique. On en peut dire autant encore des déportements de divers genres qui ne sont pas de nature, mais qui, par d’autres circonstances, deviennent excessivement difficiles à changer, ou même tout à fait immuables. Eux aussi sont dits qualités parce que nous sommes qualifiés d’après eux. Mais on limite le terme d’affection aux modifications qui naissent de causes rapides et toutes passagères. Par exemple, si par suite d’un chagrin l’on devient plus irascible, on ne dit pas alors que l’individu qui est plus irritable sous l’impression du chagrin, soit un homme colère ; on dit plutôt qu’il éprouve quelque souffrance. Ainsi ce sont là des affections, mais non des qualités.

§ 14[87]. Le quatrième genre de qualité, c’est la figure et la forme extérieure de chaque chose. C’est en outre la direction en ligne droite, en ligne courbe, et telle autre propriété analogue. Chacune de ces propriétés, en effet, suffit pour qualifier une chose. Être triangulaire ou quadrilatère, suffit pour qualifier une chose, et de même pour un objet droit, un objet courbe : et la forme suffit ainsi pour qualifier quoi que ce soit. § 15[88]. Rare et dense, rude et uni, sont des mots qui semblent indiquer encore quelque qualité ; mais toutes ces choses semblent sortir en réalité des divisions de la qualité ; car ces mots expriment bien plutôt la situation que peuvent avoir les parties d’un corps. Dense s’emploie quand ces parties sont rapprochées les unes des autres ; rare, quand elles sont éloignées ; uni, quand elles sont disposées en ligne plane ; rude, quand au contraire l’une est élevée et l’autre déprimée.

§ 16[89]. Il peut y avoir encore quelque autre mode de la qualité ; mais les modes qu’on vient de citer sont les principaux et les plus fréquemment employés.

§ 17[90]. Les qualités sont donc telles que nous les avons énoncées. § 18[91]. Quant aux objets qualifiés (qualitatifs), ce sont ceux qui sont nommés d’après ces qualités, soit par dérivation, soit de toute autre manière. § 19[92]. La plupart, et l’on peut dire presque tous, sont nommés par dérivation. Ainsi blanc vient de blancheur, grammatical de grammaire, juste de justice ; et de même pour tous les autres. § 20[93]. Pour quelques-uns de ces objets, comme les qualités elles-mêmes n’ont pas de nom spécial, ils ne peuvent être nommés par dérivation de ces qualités. Ainsi coureur, lutteur, en tant que qualifications appliquées à une certaine faculté physique, ne sont pas formés par dérivation d’une qualité, puisqu’il n’existe pas de mot pour exprimer les facultés d’après lesquelles on donne ces qualifications, de même qu’il en existe pour les sciences dont la pratique fait donner aux gens les noms de coureurs, de lutteurs. En effet, il existe une science qui reçoit le nom de Pugilat et de Palestre : et ceux qui s’y livrent reçoivent une qualification dérivée du nom de ces sciences. Parfois aussi, il arrive que même quand il existe un nom spécial pour la qualité, on ne qualifie pas l’objet par dérivation de cette qualité. § 21[94]. Ainsi honnête est le qualitatif de vertu, on nomme quelqu’un honnête parce qu’il a de la vertu ; mais son appellation ne dérive pas de vertu. Ce cas du reste n’est pas fréquent. § 22. On peut donc dire que les qualitatifs sont les mots dénommés d’après les qualités, soit par dérivation, soit de toute autre manière.

§ 23[95]. Les contraires existent aussi pour la qualité. Ainsi la justice est le contraire de l’injustice, la blancheur de la noirceur, et ainsi du reste. Ceci s’applique aussi aux qualitatifs formés d’après ces qualités. Par exemple, le juste est opposé à l’injuste ; le blanc, au noir. § 24[96]. Cette propriété n’est pas cependant générale : ainsi, roux, pâle et telles autres couleurs pareilles, n’ont pas de contraire, quoique ce soient là aussi des qualitatifs.

§ 25[97]. Si l’un des deux contraires est qualitatif, l’autre le sera également ; et cela devient évident, en interrogeant particulièrement les autres catégories. Soit, par exemple, la justice contraire à l’injustice, si justice est un qualitatif, l’injustice en sera aussi un ; car aucune catégorie ne répondra à l’injustice, ni celle de la quantité, ni celle de la relation, ni celle du lieu, ni aucune autre, si ce n’est celle de la qualité. Cette observation s’applique à tous les contraires qui se rapportent à la qualité.

§ 26[98]. Les qualitatifs sont susceptibles de plus et de moins : une chose blanche est plus ou moins blanche qu’une autre ; une chose juste est plus ou moins juste qu’une autre ; et ces choses reçoivent individuellement une augmentation de qualité ; car une chose blanche peut devenir plus blanche. § 27[99]. Si, du reste, ce s’est pas là le cas général, c’est du moins celui de la plupart des qualitatifs. Mais une justice est-elle plus ou moins justice ? pourrait-on demander ; et de même pour toutes les autres dispositions morales. Ces doutes, en effet, ont été élevés ; on ne peut pas absolument dire qu’une justice soit plus ou moins justice, une santé plus ou moins santé ; pourtant on peut dire que tel homme a moins de santé, moins de justice qu’un autre. Cette remarque peut s’étendre à la science de la grammaire, ou à toutes les autres facultés morales. Donc les choses qui sont dénommées d’après elles, sont incontestablement susceptibles de plus et de moins, puisqu’on dit de tel homme qu’il est plus grammairien, plus juste, moins pourtant, que tel autre, et ainsi du reste. § 28[100]. Un triangle, tout au contraire, ou un quadrilatère ou telle autre figure, ne paraît pas susceptible de plus ou de moins ; car tout ce qui admet la définition de triangle ou de cercle, est cercle et triangle de la même façon ; et quant aux choses qui ne l’admettent pas, elles ne sont triangle ni cercle, pas plus l’une que l’autre. En effet, un quadrilatère n’est pas plus un cercle que ne l’est un trapèze, puisque ni l’un ni l’autre n’admettent la définition du cercle. En général, à moins que les deux objets ne puissent admettre la définition de la chose en question, l’un ne pourra pas être dit plus que l’autre. Donc tous les qualitatifs ne reçoivent pas le plus et le moins.

§ 29. Dans tout ce que nous avons dit jusqu’ici, il n’y a point encore de propriété spéciale à la qualité.

§ 30[101]. Cette propriété spéciale aux qualités, est de pouvoir être dites semblables et dissemblables ; une chose est semblable à une autre, parce qu’elle est qualifiée d’une certaine manière ; donc, le propre de la qualité, c’est que semblable et dissemblable s’appliquent à elle.

§ 31[102]. Il ne faut pas craindre qu’on nous objecte ici qu’en voulant traiter de la qualité, nous y avons aussi compté bon nombre de relatifs, puisque les facultés et les dispositions faisaient, selon nous, partie des relatifs. § 32[103]. C’est que, dans presque tous ces cas, les genres se rapportent à la relation, et que les espèces particulières ne s’y rapportent pas. Ainsi, on peut dire de la science, qui est un genre à elle seule, qu’elle n’est ce qu’elle est que par une autre chose, puisqu’on dit la science d’une chose. Mais quant aux sciences spéciales, aucune n’est ce qu’elle est par une autre chose : ainsi la grammaire n’est pas dite la grammaire d’une chose, la musique n’est pas dite la musique d’une chose ; et cependant par le genre dont elles font partie, elles sont, elles aussi, des relatifs ; ainsi la grammaire est la science de quelque chose, et non pas la grammaire de quelque chose ; la musique est la science de quelque chose, et non la musique de quelque chose. On voit donc que chacune de ces sciences en particulier n’appartient plus à la relation. Nous recevons d’autre part des qualifications d’après ces sciences particulières ; car nous les possédons, et nous sommes appelés savants par cela seul que nous possédons quelques-unes de ces sciences en particulier. Ainsi prises spécialement, elles pourraient être considérées comme des qualités, puisque par rapport à elles, nous sommes dénommés de telle ou telle façon ; mais par elles-mêmes, elles n’appartiennent pas à la relation.

§ 33[104]. Du reste, si une même chose peut être à la fois et de relation et de qualité, il n’y a rien d’absurde à la compter dans l’un et l’autre genre à la fois.

CHAPITRE IX.

DES AUTRES CATÉGORIES.

§ 1[105]. L’action et la passion admettent les contraires et le plus et le moins. § 2[106]. Echauffer en effet, est le contraire de refroidir ; être chaud, d’être froid ; être content, d’être chagrin ; ainsi l’action et la passion reçoivent les contraires. § 3[107]. Elles reçoivent également le plus et le moins : on peut échauffer plus ou moins, être chaud plus ou moins, être plus ou moins chagrin. Ainsi donc, l’action et la passion sont susceptibles de plus et de moins.

§ 4. Je n’en dirai pas davantage sur ces deux catégories.

§ 5[108]. Quant à celle de situation, il en a été question dans les relatifs, et l’on a dit qu’elle était exprimée par dérivation des positions mêmes.

§ 6[109]. Enfin, pour les autres catégories, le temps, le lieu, la manière d’être, comme elles sont parfaitement claires, on n’ajoutera rien à ce qu’on en a dit au début à savoir, que la manière d’être, c’est, par exemple, d’être chaussé, d’être armé ; et le lieu : dans le lycée, dans la place, etc., et autres explications déjà données.

§ 7[110]. La discussion précédente doit suffire en ce qui concerne les genres que nous nous étions proposé d’étudier.

SECTION TROISIÈME.

HYPOTHÉORIE.

CHAPITRE X.

DES OPPOSÉS.
Quatre espèces d’opposés : les relatifs, les contraires, les opposés par possession et privation, et les opposés par affirmation et négation ; exemples divers.
1° Des relatifs ;
2° Des contraires : contraires avec intermédiaires ou sans intermédiaires, qui peuvent avoir ou ne pas avoir de dénomination spéciale ;
3° Des opposés par possession et privation : ils s’appliquent toujours à un même sujet : conditions de cette opposition : rapports et différences de ces opposés avec l’affirmation et la négation, avec les relatifs, avec les contraires :
4° Des opposés par affirmation et négation : rapports et différences de ces opposés avec les autres : leur caractère spécial, c’est que l’un des deux est toujours vrai et l’autre faux.


§ 1[111]. Nous devons parler maintenant des opposés, et dire de combien de façons ils sont ordinairement opposés.

§ 2[112]. Une chose peut être opposée à une autre de quatre manières différentes ; ou comme les relatifs ou comme les contraires, ou comme privation ou comme possession, ou enfin comme affirmation et négation. § 3[113]. Et pour donner des exemples, toutes ces choses sont opposées entre elles, ainsi qu’en fait de relatifs, le double l’est à la moitié ; en fait de contraire, le bien au mal, en fait de privation et de possession, l’aveuglement et la vue ; et enfin, en fait d’affirmation et de négation : il est assis, il n’est pas assis.

§ 4[114]. Tout ce qui est opposé comme relatif est dit ce qu’il est de la chose qui lui est opposée, ou il se comporte de toute autre manière : par exemple, le double est dit ce qu’il est, est dit le double d’une chose double que lui-même, il est le double de quelque chose. La science est opposée comme relatif à la chose qui doit être sue, et la science est dite ce qu’elle est de ce qui est su ; la chose sue n’est dite ce qu’elle est que par rapport à un opposé, c’est-à-dire, à la science. En effet, la chose qui est sue, est dite sue par quelque autre chose, par la science.

§ 5[115]. Toutes les choses donc qui sont opposées comme relatifs, sont dites ce qu’elles sont des choses qui leur sont opposées ; ou ces choses ont entre elles un autre rapport quelconque de réciprocité.

Les choses opposées comme contraires ne sont pas du tout dites réciproquement les unes des autres ce qu’elles sont, bien qu’elles soient dites contraires les unes des autres. Ainsi le bien n’est pas appelé le bien du mal, mais le contraire du mal ; le blanc n’est pas dit le blanc du noir, mais le contraire du noir. Et c’est ainsi que ces oppositions diffèrent entre elles.

§ 6[116]. Toutes les fois que les contraires sont tels que l’un des deux doit de toute nécessité se trouver ou dans les choses qui les possèdent naturellement, ou dans celles auxquelles on les attribue, il n’y a pas d’intermédiaire entre eux. § 7[117]. Pour ceux au contraire dont l’un des deux ne doit pas nécessairement exister, il y a toujours quelque intermédiaire. § 8[118]. Ainsi la santé et la maladie sont par nature dans le corps de l’animal. De toute nécessité, l’une des deux, maladie ou santé, doit y être. De même aussi pair et impair sont des attributs du nombre, et il faut de toute nécessité que l’un ou l’autre, pair ou impair, soit au nombre. Ici, aucun intermédiaire, ni entre la santé et la maladie, ni entre le pair et l’impair. § 9[119]. Mais pour les contraires où l’alternative n’est pas nécessaire, il existe des intermédiaires : par exemple, blanc et noir sont des qualités naturelles du corps ; mais il n’est pas indispensable que l’un ou l’autre appartienne au corps, puisque tout corps n’est pas nécessairement blanc ou noir. De même encore, on dit mauvais, bon, en parlant de l’homme et de tant d’autres choses ; mais il n’est pas nécessaire que l’une de ces deux qualités soit dans les objets auxquels on peut les attribuer, puisque toutes choses ne sont pas nécessairement bonnes ou mauvaises. Aussi existe-t-il entre ces contraires-là des intermédiaires : par exemple, entre le blanc et le noir, il y a le gris et le pâle, et bleu d’autres nuances ; entre le bon et le mauvais, ce qui n’est ni bon ni mauvais. § 10[120]. Parfois les intermédiaires ont des noms spéciaux : par exemple, le gris, le pâle et les autres nuances entre le noir et le blanc. Parfois il ne serait pas facile de donner un nom à l’intermédiaire, et alors on le détermine par la négation de l’un et l’autre extrême : par exemple, quand on dit d’une chose qu’elle n’est ni bonne ni mauvaise, ni juste ni injuste.

§ 11[121]. La privation et la possession se disent par rapport à une seule et même chose : par exemple, l’aveuglement et la vue se disent en parlant de l’œil. Et en général c’est pour la chose même où la possession est une qualité naturelle, qu’on peut employer tour à tour l’une et l’autre. § 12[122]. Quand nous disons pour une chose susceptible de possession, qu’elle est affectée de privation, c’est qu’elle ne se trouve, ni dans la chose, ni dans le temps où elle doit naturellement se trouver. On dit d’un être qu’il est édenté, non pas par cela seul qu’il n’a pas de dents, ou qu’il est aveugle, non pas par cela seul qu’il n’a pas la vue, mais parce qu’il n’a ni dents ni vue, quand par sa nature il devrait avoir l’un et l’autre. Certains êtres, en effet, sont, au moment de leur naissance, privés de dents et de vue, et on ne les appelle pas pour cela édentés ou aveugles.

§ 13[123]. Être privé et posséder ne doivent pas être confondus avec privation ou possession. La possession c’est la vue ; la privation, c’est l’aveuglement. Mais avoir la vue n’est pas la vue, être aveugle n’est pas l’aveuglement. L’aveuglement, en effet, est une privation : être aveugle, c’est être privé, ce n’est pas privation. Si l’aveuglement était la même chose qu’être aveugle, on pourrait attribuer l’un et l’autre au même objet. Or, on dit d’un homme qu’il est aveugle, mais l’on ne saurait dire qu’il est aveuglement. § 14[124]. Du reste, être privé et posséder paraissent opposés entre eux, comme le sont entre elles privation et possession : le mode de l’opposition est le même de part et d’autre ; et de même que l’aveuglement est opposé à la vue, de même être aveugle est opposé à posséder la vue.

§ 15[125]. De même non plus ce qui tombe sous la négation et l’affirmation, ne doit pas être confondu avec la négation et l’affirmation : l’affirmation est un jugement affirmatif ; la négation, un jugement négatif. Quant aux choses qui tombent sous l’une de ces deux énonciations, on ne saurait dire qu’elles sont des jugements ; ce sont des choses. § 16[126]. Mais on peut dire que ces choses aussi sont opposées entre elles, comme la négation et l’affirmation. En effet, le mode de l’affirmation est identique ; car de même que dans ces deux phrases : Il est assis, il n’est pas assis, l’affirmation est l’opposé de la négation, de même les choses exprimées dans ces deux énonciations sont opposées : Être assis, n’être pas assis.

§ 17[127]. On voit sans peine que la privation et la possession ne sont pas opposées entre elles, comme le sont les relatifs ; car ici la chose n’est pas dite être ce qu’elle est de celle qui lui est opposée. La vue, par exemple, n’est pas la vue de l’aveuglement, et ne peut être dite de l’aveuglement de quelque autre façon que ce soit. Et de même l’aveuglement n’est pas dit l’aveuglement de la vue ; car on dit que l’aveuglement est la privation de la vue, et l’on ne dit pas qu’il est l’aveuglement de la vue. § 18[128]. D’un autre côté, on sait que tous les relatifs s’appliquent à des choses réciproques : si donc l’aveuglement était un relatif, on pourrait employer réciproquement pour lui la chose à laquelle on le rapporte ; mais il n’y a point ici de réciprocité pareille ; on ne dit pas que la vue est la vue de l’aveuglement.

§ 19[129]. De plus, voici qui démontre que les choses énoncées par privation et possession ne sont pas opposées entre elles comme le sont les contraires. D’abord, pour les contraires entre lesquels il n’existe pas de termes moyens, il est toujours nécessaire que l’un des deux existe dans les choses où il est placé par nature, ou bien dans celles auxquelles on l’attribue ; et l’on se rappelle qu’il n’y a point d’intermédiaires pour les contraires dont l’un des deux doit nécessairement se trouver dans le sujet qui les reçoit. L’on a cité pour exemple la maladie et la santé, le pair et l’impair. On sait encore que, pour les contraires qui ont des intermédiaires, il n’y a pas nécessité que l’un ou l’autre soit dans tout le sujet : par exemple, il n’est pas nécessaire que tout sujet susceptible de blanc et de noir soit blanc ou noir, non plus que chaud ou froid. Rien en effet, ne s’oppose à ce qu’il n’y ait ici des intermédiaires. Souvenons-nous, de plus, qu’il y a des intermédiaires entre les contraires dont l’un ou l’autre ne doit pas exister nécessairement dans le sujet qui les reçoit, si ce n’est pourtant dans les choses qui n’ont qu’une seule qualité par nature : pour le fer par exemple, d’être chaud ; pour la neige, d’être blanche. Pour ces choses-là, il faut de toute nécessité que l’un des deux contraires leur appartienne spécialement, et non pas l’un ou l’autre au hasard, puisque le feu ne peut être froid, et la neige ne peut pas davantage être noire. Ainsi donc il n’est pas nécessaire que l’un ou l’autre de ces contraires appartienne à tout le sujet qui les reçoit ; mais c’est nécessaire seulement, dans les choses qui naturellement n’ont qu’un seul des contraires ; et alors ce contraire unique est en elles d’une manière déterminée, et non pas indifféremment. On le voit donc, tout ce que l’on a dit jusqu’ici est inapplicable à la privation et à la possession. D’abord, il n’est pas toujours nécessaire que l’une ou l’autre se trouve dans le sujet qui les peut admettre : ce qui naturellement n’a pas encore dû avoir de vue n’est pas appelé aveugle ou voyant. Ainsi donc la privation et la possession ne sont pas au nombre des contraires sans intermédiaire. Elles ne sont pas non plus de ceux qui ont des intermédiaires ; car il faut toujours nécessairement que l’un d’eux se trouve dans tout l’objet qui les reçoit : ainsi, d’un objet fait par nature pour avoir actuellement la vue, on dit qu’il est aveugle ou qu’il a la vue, sans que positivement l’une de ces deux propriétés soit déterminée, l’une pouvant être aussi bien que l’autre, puisqu’il n’y a pas nécessité que l’être soit aveugle ou qu’il ait la vue, et qu’il peut indifféremment être l’un, ou avoir l’autre. Loin de là, dans les contraires qui ont des intermédiaires, on se rappelle qu’il n’y a jamais nécessité que l’un ou l’autre appartienne à tous les objets qui peuvent les admettre, mais ils peuvent appartenir à quelques-uns ; et ces objets alors n’en ont qu’un seul d’une manière spéciale, et non pas indifféremment un des deux. Concluons donc qu’évidemment les choses énoncées par privation et possession, ne sont opposées entre elles d’aucune des deux façons dont les contraires peuvent l’être entre eux.

§ 20[130]. De plus, les contraires, dès qu’il y a un sujet qui les reçoit, peuvent se changer l’un dans l’autre, à moins que l’un des deux uniquement ne soit une nécessité physique, comme la chaleur dans le feu. En effet, l’homme bien portant peut devenir malade, le blanc peut devenir noir, le froid peut devenir chaud, le chaud peut devenir froid, le bon peut devenir mauvais ; le mauvais peut devenir bon. Ainsi, l’homme pervers ramené à de meilleures habitudes, à de meilleurs conseils, peut s’amender en quelques points, quelque légers qu’ils soient ; et s’il s’amende une fois, quelque peu que ce soit, il est évident qu’il changera complètement de conduite, ou qu’il recevra du moins une grande amélioration. Il acquiert de plus en plus de penchant à la vertu, et quelque légère que soit l’amélioration qu’il ait sentie dès le principe, il est probable qu’elle ne fera que s’accroître par le temps ; et les progrès continuant toujours, il finira, à moins que le temps ne l’arrête, par arriver à une manière d’être totalement différente de la première. Mais pour la privation et la possession, il est impossible qu’elles se changent jamais l’une dans l’autre. De la possession il peut bien se faire un changement en privation ; mais il n’y a pas de changement possible de la privation à la possession : quand on est une fois devenu aveugle, on ne recouvre pas la vue ; un homme chauve n’est jamais devenu chevelu, un édenté n’a jamais fait de dents.

§ 21[131]. Les opposés qui le sont comme négation ou affirmation ne sont évidemment opposés d’aucune des façons qu’on a dites jusqu’ici ; mais pour ces choses, et pour elles seules, il faut toujours nécessairement que l’une des deux soit vraie et l’autre fausse. § 22[132]. Dans les contraires, il n’est pas toujours nécessaire que l’un des deux soit vrai et l’autre faux, ni dans les relatifs, ni dans les choses de possession et de privation. Ainsi, la santé et la maladie sont des contraires, et cependant ni l’une ni l’autre n’est ni vraie ni fausse. Et de même pour le double et la moitié, qui sont opposés comme relatifs, ni l’un ni l’autre ne sont ni vrais ni faux, non plus que les choses de privation ou de possession, par exemple, la vue et l’aveuglement. En général, les mots pris isolément n’expriment ni vérité ni erreur, et les mots dont on vient de parler sont tous pris sans combinaison. § 23[133]. Toutefois, on pourrait croire que cette remarque s’applique surtout aux contraires exprimés avec combinaison de mots, et qu’ainsi : Socrate est bien portant est contraire à : Socrate est malade. Mais, même pour les contraires de ce genre, il n’est pas toujours nécessaire que l’un soit vrai, l’autre faux. Si Socrate existe, l’un sera vrai, et l’autre faux ; si Socrate n’existe pas, ils seront faux tous les deux ; puisqu’en effet si Socrate n’existe pas du tout, il ne peut être vrai, ni qu’il soit malade, ni qu’il soit bien portant. § 24[134]. Dans les choses de privation et de possession, quand l’objet n’existe pas, aucun des deux contraires n’est vrai ; et quand l’objet existe, il ne s’ensuit pas toujours que l’un soit vrai et l’autre faux. Ainsi, Socrate y voit, Socrate est aveugle, sont deux propositions opposées comme possession et privation. En admettant que Socrate existe, il n’est pas nécessaire encore que l’un des deux soit vrai ou faux, puisque si le moment naturel de la possession n’est pas encore venu, tous deux sont faux ; et si Socrate n’existe pas du tout, les deux assertions sont également fausses, qu’il est aveugle ou qu’il y voit. § 25[135]. Au contraire, pour la négation et l’affirmation, que l’objet existe ou n’existe pas, il faut que l’une soit fausse et l’autre vraie. Soit par exemple, l’affirmation : Socrate est malade, et la négation : Socrate n’est pas malade ; si Socrate existe, il faut nécessairement que l’une soit vraie et l’autre fausse et il en est encore de même s’il n’existe pas : s’il n’existe pas, être malade est faux, n’être pas malade est vrai. § 26. Ainsi donc, les choses qui sont opposées, comme négation et affirmation, ont seules cette propriété spéciale que l’une des deux doit toujours être fausse ou vraie.

CHAPITRE XI.

DES CONTRAIRES.
Exemples divers de contraires. — Un contraire peut exister sans l’autre. — Le sujet des contraires est le même, soit en espèce, soit en genre. — Les contraires doivent être ou dans le même genre, ou dans des genres contraires, ou former eux-mêmes des genres contraires.


§ 1[136]. Le mal est nécessairement contraire au bien ; et cela est évident en parcourant les cas particuliers. La maladie est contraire à la santé, la justice à l’injustice, le courage à la lâcheté ; et ainsi du reste. § 2[137]. Mais si le bien est le contraire du mal, parfois aussi le mal est le contraire du mal : par exemple, le luxe qui est un mal, est le contraire de la misère qui est un mal aussi ; et de même l’aisance, la médiocrité, qui est contraire à l’un et à l’autre, est un bien. Ceci, du reste, s’applique à un fort petit nombre de cas ; dans la plupart, c’est le bien qui est le contraire du mal.

§ 3[138]. En outre dans les contraires, l’existence de l’un n’entraîne pas nécessairement celle de l’autre. Si tout le monde se porte bien, la santé existera et la maladie n’existera point ; et de même si tous les objets sont blancs la blancheur existera et la noirceur n’existera pas. § 4[139]. Il y a plus ; si « Socrate se porte bien » est contraire à « Socrate est malade », comme il n’est pas possible que les deux choses existent à la fois dans le même individu, il est impossible aussi que l’un des contraires existant, l’autre existe aussi ; car si ce fait : « Socrate se porte bien », existe, cet autre fait : « Socrate est malade », n’existe pas.

§ 5[140]. Il est évident que les contraires sont naturellement applicables à un objet identique, soit en genre soit en espèce. Ainsi, la maladie et la santé sont naturellement placées dans le corps de l’animal ; la blancheur et la noirceur ne peuvent être non plus que dans le corps, la justice et l’iniquité, que dans le cœur de l’homme.

§ 6[141]. Il faut nécessairement pour tous les contraient qu’ils soient ou dans des genres contraires, ou dans le même genre, ou enfin qu’ils soient eux-mêmes des genres. Noir et blanc appartiennent à un même genre, puisque la couleur est le genre de tous les deux : justice et iniquité sont dans des genres contraires ; car le genre de l’un c’est la vertu, celui de l’autre c’est le vice. Enfin, le bien et le mal ne sont pas dans un genre, mais ils sont eux-mêmes genres de certaines choses.

CHAPITRE XII.

DE LA PRIORITÉ.
Quatre espèces principales de priorité : 1° relativement au temps ; 2° relativement à la non-réciprocité ; 3° relativement à l’ordre ; 4° relativement au mérite. On peut distinguer encore une cinquième espèce de priorité, la priorité de nature.

§ 1[142]. Une chose peut être antérieure à une autre de quatre façons différentes.

§ 2[143]. D’abord et de la manière la plus spéciale, relativement au temps, d’après lequel une chose est dite plus vieille ou plus ancienne qu’une autre. En effet, par cela seul qu’il s’est écoulé un espace de temps plus considérable, la chose est appelée plus vieille, plus ancienne.

§ 3[144]. En second lieu, la priorité appartient à toutes les choses qui ne rendent pas réciproquement la consécution d’existence. Ainsi, un précède deux, parce que deux existant, il s’ensuit sur-le-champ qu’un existe ; tandis qu’un existant, il ne s’ensuit pas nécessairement que deux existe ; et l’un ne suit pas réciproquement l’existence du reste. Ainsi donc, une chose semble être première quand il n’en sort pas réciproquement l’existence d’une autre.

§ 4[145]. En troisième lieu, l’idée de priorité s’applique à un ordre quelconque, comme dans les sciences et dans les discours. Dans les sciences démonstratives, il y a la priorité et la postériorité selon un certain ordre : ainsi, les éléments précèdent en ordre les démonstrations de géométrie ; et dans la grammaire, les lettres précèdent les syllabes. Et de même dans les discours, l’exorde est selon l’ordre avant la narration.

§ 5[146]. Outre ces priorités qu’on vient d’énumérer, on peut dire encore que le mieux, le plus honorable, tient par nature le premier rang : c’est ainsi que l’on dit généralement que l’homme qu’on estime le plus, qu’on aime le plus, est le premier des hommes. Mais de tous les modes de priorité, ce dernier est le moins commun.

§ 6. Tels sont, à peu près, tous les modes de priorité.

§ 7[147]. Mais peut-être pourrait-on croire qu’outre tous ceux-là il en existe encore un autre. Ainsi, dans les choses qui se rendent réciproquement la présupposition d’existence, celle qui d’une façon quelconque est cause de l’existence de l’autre, semblerait naturellement devoir être appelée première. Or, il est évident qu’il y a certaines choses de ce genre. Par exemple, quand on dit : L’homme existe, il y a rapport réciproque entre l’existence de l’homme, et le jugement vrai qu’on énonce sur cette existence ; en effet, si l’homme existe, le jugement par lequel nous déclarons que l’homme existe est vrai. Et la réciproque n’est pas moins juste ; car si le jugement par lequel nous déclarons que l’homme existe est vrai, l’homme existe aussi véritablement. Mais un jugement, quelque vrai qu’il puisse être, n’est pas cause qu’une chose est ; et la chose, au contraire, semble lire en quelque sorte la cause de la vérité du jugement, puisqu’en effet, c’est selon que la chose est ou n’est pas que le jugement est faux ou vrai.

§ 8. Ainsi donc, l’on peut dire de cinq façons qu’une chose est antérieure à une autre.

CHAPITRE XIII.

DE LA SIMULTANÉITÉ.
Trois espèces de simultanéité : 1° en temps ; 2° par nature ; 3° par division spécifique.

§ 1[148]. On dit en général, et dans le sens le plus spécial du mot, que deux choses coexistent quand leur existence a lieu dans le même temps. L’une n’est pas antérieure, ni l’autre postérieure ; elles sont dites exister à la fois dans le temps.

§ 2[149]. On appelle simultanées par nature, les choses qui se rendent réciproquement la présupposition d’existence, sans que l’une soit cependant pour l’autre cause d’existence. Tels sont, par exemple, le double et la moitié ; car ces deux choses sont réciproques ; parce que dès que le double existe, la moitié existe ; et que réciproquement, la moitié existant, le double existe aussi ; mais l’un n’est pas la cause de l’existence de l’autre.

§ 3[150]. Les choses d’un même genre, mais placées dans des divisions différentes les unes des autres, sont dites aussi simultanées par nature. Placées dans des divisions différentes les unes des autres, se dit des choses comprises dans une même division : par exemple, le volatile est divisé par opposition en terrestre et en aquatique ; terrestre et aquatique, en effet, sortis du même genre, sont des divisions opposées l’une à l’autre. L’animal se divise, en effet, en toutes ces classes : en volatile, en terrestre, en aquatique ; et de toutes ces choses, aucune n’est antérieure ou postérieure à l’autre ; elles coexistent naturellement. Au reste, chacun de ces genres pourrait encore se décomposer en espèces diverses, le volatile aussi bien que le terrestre et l’aquatique. On appelle donc simultanées par nature les choses sortant d’un même genre, et comprises dans une même division.

§ 4[151]. Les genres, du reste, précèdent toujours les espèces ; car ils ne rendent pas réciproquement la superposition d’existence. Par exemple, du moment que l’espèce aquatique existe, le genre animal doit exister ; mais l’animal peut exister sans qu’il y ait nécessité que l’aquatique existe.

§ 5[152]. Ainsi donc, on appelle simultanées par nature, des choses qui, réciproques quant à la supposition d’existence, ne sont pas causes d’existence l’une pour l’autre, et les choses d’un même genre, séparées par divisions opposées entre elles. D’une manière générale, on appelle simultanées, les choses dont l’existence se produit dans le même temps.

CHAPITRE XIV.

DU MOUVEMENT.
Six espèces de mouvement : rapports et opposition de ces espèces entre elles.

§ 1[153]. On distingue six espèces de mouvement : naissance ou génération, destruction, accroissement, décroissement, modification, déplacement dans le lieu.

§ 2[154]. Évidemment tous ces mouvements diffèrent entre eux : la naissance n’est pas la destruction ; l’accroissement n’est pas le décroissement, non plus que le déplacement, et ainsi du reste.

§ 3[155]. Quant à la modification, on peut demander s’il n’est pas toujours nécessaire que ce qui est modifié le soit selon un des autres mouvements. § 4[156]. Mais cette supposition n’est pas juste. Dans toutes nos sensations, ou du moins dans la plupart, il arrive que nous sommes modifiés sans qu’aucun autre mouvement ne vienne nous affecter. Il n’est pas nécessaire, en effet, que ce qui est mû par une sensation s’accroisse ou diminue, ni qu’il éprouve aucun des autres mouvements. Ainsi donc la modification est bien réellement un mouvement d’espèce différente de toutes les autres. Si elle n’était qu’un mouvement de même nature, il faudrait que sur-le-champ la chose modifiée s’accrût ou diminuât, ou éprouvât un des autres mouvements ; or, il n’en est rien. § 5[157]. Et de même, il faudrait que ce qui croît ou est affecté de tout autre mouvement fût aussi modifié ; mais il est des choses qui croissent sans être modifiées : par exemple, un quadrilatère, si on lui applique le gnomon, devient il est vrai plus grand, mais il n’est pas autre chose qu’un quadrilatère. Ceci peut être dit de toutes les choses du même genre, etc. Ainsi, tous ces mouvements sont différents les uns des autres.

§ 6[158]. D’une manière absolue, le repos est contraire au mouvement ; mais chaque mouvement spécial est contraire à un autre mouvement spécial : la destruction à la génération, le décroissement à l’accroissement ; le repos dans le lieu au déplacement dans le lieu. Le déplacement dans un lieu contraire, pourrait plus que les autres mouvements sembler une modification : par exemple, le déplacement en haut est opposé au déplacement en bas, et réciproquement. Mais pour la modification, le dernier des mouvements énoncés, il ne serait pas facile de dire ce qui est son contraire. Rien, en effet, ne paraît lui être contraire à moins qu’on ne lui oppose le repos avec telle qualité ou bien le changement de la qualité dans son contraire ; de même qu’au déplacement dans le lieu, on oppose le repos dans le lieu, ou le changement dans le sens contraire. § 7[159]. La modification, en effet, est aussi un changement de qualité : ainsi, le repos dans une qualité ou bien le changement dans le contraire de cette qualité sera opposé au mouvement dans la qualité ; ainsi devenir blanc sera opposé à devenir noir ; car alors, l’objet est modifié, parce que le qualitatif vient à changer en ses contraires.

CHAPITRE XV.

DE LA POSSESSION.
Huit espèces principales de la possession ; exemples.

§ 1[160]. Avoir, s’emploie de plusieurs façons. § 2[161]. D’abord comme manière d’être, disposition ou toute autre qualité : on dit, en effet, qu’un homme a de la science, de la vertu. § 3[162]. En second lieu, comme quantité, par exemple, la taille que quelqu’un a ; car on dit qu’il a trois coudées, quatre coudées. § 4[163]. Ou bien relativement à ce qui entoure le corps : on dit que quelqu’un a un manteau, un vêtement. § 5. Ou par rapport à ce qui est dans une partie du corps : comme on dit que quelqu’un a un anneau à la main. § 6. Ou même relativement à une partie du corps : on dit que quelqu’un a un pied, une main. § 7[164]. Ou par rapport à ce qui est dans un vase, comme on dit que le médimne a du grain, la cruche du vin ; car on dit fort bien que le médimne a du grain, que la cruche a du vin. Et toutes ces mesures sont dites avoir quelque chose en tant que vase. § 8[165]. Ou enfin comme propriété ; car on dit que quelqu’un a une maison, un champ.

§ 9[166]. On dit encore d’un homme, qu’il a une femme, d’une femme qu’elle a un mari ; mais ce mode de possession paraît le plus éloigné de tous ; car ordinairement avoir une femme ne signifie pas autre chose que cohabiter avec elle.

§ 10.[167] Il y a peut-être encore d’autres modes de possession ; mais nous avons énuméré tous ceux à peu près qu’on emploie le plus habituellement.




FIN DES CATÉGORIES.
  1. § 1. Mais dont la définition… Speusippe, au rapport de Simplicius, proposait de lire simplement : dont la définition est différente. Est-ce une leçon que proposait Speusippe, ou une variante qu’il avait trouvée dans quelque manuscrit ? — Les Scholastiques appelaient les êtres homonymes : æquivoca æquivocata, et les mots qui expriment ces homonymes : æquivoca æquivocantia. — L’être appliqué aux dix Catégories est homonyme, et voilà pourquoi Aristote commence par cette définition des homonymes, selon David : et s’il ne parle des synonymes qu’après les homonymes, c’est qu’ils sont moins simples parce qu’ils supposent deux noms, tandis que les homonymes n’en supposent qu’un, édition de Berlin, Scholies, p. 40, b, 30. — Sous cette appellation identique, j’ai ajouté identique pour être plus clair. — Essentiellement, une leçon adoptée par Andronicus, Boëthus, Iamblique et Syrien, supprimait ce mot. Voir Scholies, p. 42, a, 5. Herminus, Porphyre et Dexippe le conservaient.
  2. § 2. On appelle synonymes, Les Catégories s’appliquent synonymiquement à tous les êtres qui y sont compris ; les genres s’appliquent synonymiquement aux espèces, les espèces aux individus. — Les scholastiques appelaient les êtres synonymes univoca univocata ; et les mots qui les représentent univoca univocantia.
  3. § 3. On appelle paronymes, Il faut trois conditions pour les paronymes, comme le remarque Simplicius : identité de chose, identité de nom, différence de terminaison. Il y a donc, pour continuer la pensée de David, entre les homonymes, les synonymes et les paronymes, la même progression qu’entre les nombres 1, 2, 3. — Différence de terminaison, Le texte dit précisément : différant par le cas ; cas veut dire ici différence de terminaison, comme l’explique Simplicius, Schol., p. 43, a, 35. Dexippe, et Simplicius après lui, font remarquer qu’il n’y a point de discussion correspondant à celle de ce premier chapitre dans les Catégories d’Archytas le pythagorien, qu’ils semblent considérer tous deux comme le modèle de celles d’Aristote. Schol., p. 43, b, 30. Boëce, d’après Thémistius, a réfuté cette erreur, ibid. 33, a, 1 ; Voir aussi mon mémoire sur la Logique, tom.  2, p. 156 et 337 où cette question est spécialement discutée.
  4. § 1. Tantôt liés entre eux, Aristote fait encore une distinction à peu près pareille, Herméneia, ch. 1, § 5.
  5. § 2. Se dire d’un sujet, C’est-à-dire, être attributs. — Être dans un sujet, c’est-à-dire n’être pas sujet, ne pas servir de sujet ni recevoir des attributs, mais être un simple accident qui n’a d’être que dans un autre que soi. — Par exemple l’homme, L’homme est une substance générique, universelle, qui s’applique comme attribut à un individu homme, à Socrate, à Platon, mais qui n’est dans aucun sujet parce qu’elle est substance, et que, par conséquent, elle existe en soi, et non pas dans un autre. Ainsi la première division des choses comprend les substances universelles, genres ou espèces. — D’autres choses, La seconde division comprend les accidents particuliers, qui ne sont pas par eux-mêmes, qui sont dans un sujet autre qu’eux, et qui ne peuvent servir d’attributs parce qu’ils sont individuels. — La grammaire particulière, faite par tel auteur, opposée à la grammaire de tel autre. — Certaines choses peuvent à la fois, La troisième division des choses comprend les accidents universels, qui comme accidents ne sont que dans un autre qu’eux-mêmes, et qui comme universels peuvent servir d’attributs. — Certaines choses enfin, La quatrième et dernière division des choses comprend les existences individuelles, qui sont par soi et ne peuvent jamais servir d’attributs. Ce sont toutes les réalités sensibles, les individus de tous genres que nous offre la nature. Ammonius, Schol., p. 44, b, 1, aurait préféré qu’Aristote eût dit que la substance est un sujet, plutôt que de dire qu’elle n’est pas dans un sujet. — Par exemple, la grammaire, C’est l’exemple de la seconde division déjà cité plus haut. Les choses se partagent donc en deux grandes classes qui se subdivisent chacune en deux autres analogues : d’abord elles se partagent en substances et accidents : puis les substances et les accidents se subdivisent en universels et particuliers, en genres ou espèces et en individus. Les substances sont sujets toujours et parfois attributs : les accidents, quand ils sont sujets, ne sont que sujets d’attribution (subjectum prædicationis), et jamais sujets d’inhérence (subjectum inhærentiæ).
  6. § 1. Cette règle est évidente. L’attribut étant toujours plus large que le sujet, tout attribut de l’attribut sera nécessairement aussi l’attribut du sujet.
  7. § 2. Les différences aussi, Pacius remarque avec raison qu’il s’agit ici des différences distributives aussi bien que des différences constitutives. Pour ces dernières, la chose est évidente, mais elle l’est moins pour les autres ; et voilà pourquoi les différences que cite Aristote ne sont que des différences distributives. Voir dans l’Introduction de Porphyre, ch. 3, § 12 et suiv., la distinction entre toutes ces différences.
  8. § 3. Les genres supérieurs peuvent servir d’attributs, Cette troisième règle rentre dans la première. — Toutes les différences de l’attribut : Boëthus, d’après Simplicius, voulait renverser la phrase et dire : Toutes les différences du sujet… celles de l’attribut. Schol., p. 46, b, 32. Dexippe et Porphyre repoussent cette variante. Ibid. 47, a, 6.
  9. § 1. Une des choses suivantes, Aristote énumère toutes les dix Catégories sans exception et suivant l’ordre même où elles sont ici placées, dans les Topiques, liv. I, ch. 9, § 2. Partout ailleurs il n’en énumère que quelques-unes, et il en bouleverse l’ordre très souvent, si ce n’est pour la substance qu’il place toujours la première. Cette énumération ou division des Catégories a été fort attaquée dans l’antiquité : Voir Simplicius, Schol., p. 47, b, 18 ; Dexippe et Porphyre, p. 48 et surtout David, ibid. p. 48, b, 28. — L’état, Voir pour cette Catégorie le dernier chapitre qui lui est spécialement consacré et qui la développe.
  10. § 2. Être couché, être assis… Quelques manuscrits donnent ces verbes à la troisième personne du singulier ; et c’est la leçon qu’a suivie l’édition de Berlin. J’ai préféré l’infinitif à cause de son indétermination même.
  11. § 3. N’emporte seul et par lui-même l’idée d’affirmation, C’est là ce qui distingue les Catégories de l’Herméneia, et les place nécessairement avant elle. Voir Ammonius, Schol., p. 49, b, 13. Adraste d’Aphrodise, qui n’était point, comme le dit Simplicius, un commentateur vulgaire, voulait cependant les placer avant les Topiques, et leur donnait un titre analogue à ce changement ; édit. de Berlin, Schol., p. 32, b, 37. — Ou de négation, Quelques manuscrits, suivant Ammonius, supprimaient ces mots, Schol., p. 49, b, 23. — Ainsi : homme, blancheur, C’est à peu près l’exemple déjà donné plus haut, chap. 2, § 1.
  12. § 1. Qui ne se dit point d’un sujet, Voir plus haut, chap. 2. La quatrième division des choses. — Et ne se trouve point dans un sujet, D’inhérence, c’est-à-dire qui est en soi. — Un homme, un cheval, Socrate, Bucéphale.
  13. § 2. Où existent les substances qu’on nomme premières, Non point comme dans leurs sujets d’inhérence, mais comme les individus, les cas particuliers existent dans l’universel, les parties dans le tout.
  14. § 3. Il suit évidemment de ce qui précède, Ceci est en effet une conséquence de la règle posée plus haut, chap. 3, § 1. — Seront attribuées parfaitement au sujet, l’attribution est synonyme, puisque le nom et la définition sont identiques. Voir plus haut, ch. 1, § 2.
  15. § 4. Pour les choses… qui sont dans un sujet, Pour les accidents qui ne sont pas par soi. — Mais pour la définition, il est impossible, L’attribution est simplement homonyme. Voir plus haut, chap. 1, § 1.
  16. § 5. Toutes les choses autres que les substances, C’est-à-dire les accidents et même les substances secondes. — Se disent des substances premières prises comme sujets, D’attribution. — Ou bien elles sont dans ces substances qui leur servent de sujets, D’inhérence, pour les accidents. — Si donc il n’y avait pas de substances premières, On voit ici combien est profonde la différence des doctrines de Platon et d’Aristote. Pour Aristote l’essence est dans les individus, pour Platon elle n’est que dans les Idées distinctes et séparées des individus.
  17. § 6. Ce que c’est que la substance première, Un individu quelconque pris comme exemple.
  18. § 7. Sont attribuées à elles ou sont en elles, C’est la doctrine du § 5 répétée ici.
  19. § 8. Les espèces qui ne sont pas genres, Les espèces spécialissimes, Voir l’Introd. de Porphyre, ch. 2, § 27, sur les espèces qui n’ont que les individus au-dessous d’elles.
  20. § 10. Dans tout le reste, En excluant les accidents. — On se fera mieux comprendre, Répétition du § 6 plus haut. — Parmi toutes les autres choses, Parmi le nombre infini des accidents de la substance.
  21. § 11. Et que toutes les autres choses… en elles, L’édition de Berlin supprime toute cette phrase qu’elle cite dans les variantes et que j’ai cru devoir conserver.
  22. § 12. C’est de n’être point dans un sujet, Précisément parce qu’elle est par soi, et qu’elle est substance. Voir plus haut, ch. 2, § 2. — L’homme n’est point dans un homme, Mais il est dans tous les individus hommes, bien qu’il marque chaque homme du caractère qui lui est propre essentiellement. Un homme est une partie relativement à l’homme qui est le tout.
  23. § 13. La différence aussi… Parce que la différence fait partie de la substance : elle n’est pas plus qu’elle dans un sujet. Voir la définition de cette formule, plus haut, ch. 2, § 2.
  24. § 14. Les parties des substances, Ainsi la main, le pied dans le corps de l’homme. — Comme les parties dans un tout, C’est la réserve expresse qui a été faite plus haut, ch. 2, § 2.
  25. § 15. Les substances et les différences, Seconde propriété de la substance. — Est nommé synonymiquement, Voir plus haut, ch. 1, § 2, l’explication du mot synonyme. — Il n’y a pas de catégorie, Cela se conçoit sans peine. L’individu ne peut pas être attribut, parce qu’il est indivisible et par conséquent le moins large de tous les sujets. L’espèce, au contraire, renferme l’individu et peut lui servir d’attribut ; le genre enveloppe l’espèce et peut lui être également attribué. — Aux espèces et aux individus, L’édition de Berlin donne le singulier : j’ai préféré le pluriel, que donnent plusieurs manuscrits et éditions. Le genre a toujours plus d’une espèce, l’espèce plus d’un individu. — Tout ce qu’on peut dire de l’attribut, C’est la première règle posée plus haut, ch. 3, § 1. — Plus haut, ch. 1, § 2.
  26. Toute substance semble, Troisième propriété de la substance. — Un objet réel, Un objet spécial, déterminé, et limité par son unité même et son individualité. — Par la forme même de l’appellation qui se rapproche beaucoup de celle de la substance première : l’homme, un homme. — Le sujet ici n’est pas un, Parce qu’il n’est pas individuel. — Une chose qualifiée, la qualité d’une chose, une certaine qualité de substance. Voir plus loin, ch. I, la Catégorie de la qualité.
  27. Limitent la qualité à la substance, Qualifient la substance en lui ôtant son caractère primitif d’individualité — Plus compréhensive, Peut-être faudrait-il traduire plutôt extensive pour être plus exact. Le genre est plus large évidemment que l’espèce.
  28. Les substances possèdent la propriété, Quatrième propriété de la substance.
  29. À celle de la quantité, voir plus loin, ch. 6, la Catégorie de la quantité, et spécialement sur cette question, le § 19 et suiv. — Peu est le contraire de beaucoup. Peu et beaucoup sont des relatifs plutôt que des quantitatifs, voir ibid. § 20 et suiv. — Quant aux quantités définies ou discrètes, voir la définition de ce mot plus loin, ch. 6, § 1. Les autres sont des quantités continues.
  30. La substance ne paraît pas. Cinquième propriété de la substance. — Car j’ai déjà dit qu’il en était ainsi, Plus haut dans ce chapitre même, § 6.
  31. La propriété la plus spéciale, Sixième propriété de la substance, la plus vraie de toutes et l’on pourrait presque dire la seule, puisque les précédentes appartiennent aussi à des Catégories autres que la substance : celle-là au contraire appartient à la substance tout entière et à la substance seule, omni et soli.
  32. A moins qu’on ne soutienne, Objection que se fait Aristote à lui-même et qu’il prévient en se la faisant.
  33. Ce paragraphe ne semble être qu’une répétition de celui qui précède. La pensée est identique : et les expressions le sont presque aussi. Les commentateurs ont essayé de trouver entre ces deux paragraphes une différence que je n’y puis voir. La tautologie est évidente, bien qu’elle soit peu explicable.
  34. De la quantité. Les prétendues Catégories d’Archytas mettaient la qualité et non la quantité après la substance, Schol., p. 55, b. 46. — Ou définie, On pourrait dire encore : discrètes. J’ai préféré le premier mot comme plus rapproché de l’expression grecque et plus clair, bien que le second soit peut-être plus spécial. — Voir dans la Métaphysique, liv. 5, ch. 13, le résumé de ce chapitre sur la quantité.
  35. Le nombre et la parole, Pacius remarque avec raison que dans le chap. 13 du liv. 5 de la Métaphysique, Aristote ne compte plus la parole parmi les quantités. Il est assez singulier en effet de l’y voir figurer. — Le temps et l’espace forment aussi des Catégories distinctes, voir plus haut, ch. 4, § 1, et plus loin, ch. 9, § 6.
  36. Il n’y a… aucun terme commun, Voilà la définition de la quantité discrète ou définie.
  37. La parole en fait également partie, Malgré les motifs qu’Aristote donne de cette classification, il est bien difficile de la comprendre. La parole n’est pas plus une quantité qu’une foule d’autres choses qui ne sont point énumérées ici ; et en particulier, le mouvement.
  38. On a dit, J’ai ajouté ces mots pour rendre la pensée plus complète ; voir ci-dessus, § 1.
  39. Et à quelle autre partie elle se lie, En tant que quantité continue.
  40. Celles qui se lient entre elles parce que ce sont encore des lignes continues.
  41. Pour les parties de l’espace, L’espace est une quantité finie et a des parties qui ont une position respective.
  42. Même difficulté pour les parties du temps, Le temps, quoique continu comme l’espace, n’a pas de parties qui aient position les unes à l’égard des autres.
  43. Dont les parties n’ont pas de position, Voir ci-dessus, § 1 et § 10, pour le sens spécial de cette formule.
  44. Les quantités proprement dites, Distinction reproduite dans la Métaphysique, liv. 5, ch. 13. — On la déterminera par la surface, Ceci n’est pas exact. On dit d’une blancheur qu’elle est grande pour dire qu’elle est plus vive, qu’elle est plus forte. Il y a une différence d’intensité et non pas seulement de surface. Il est vrai que dans ce cas, non plus que dans l’hypothèse d’Aristote, la blancheur n’appartient pas à la quantité, et qu’elle demeure toujours dans la catégorie de la qualité. — Sont celles que nous avons dites, Au nombre de sept, et énumérées plus haut, § 2 ; nombre, parole, point, ligne, surface, temps et espace.
  45. La quantité… n’a pas de contraires. Première propriété de la quantité qui appartient aussi à la substance ; voir ch. 5, § 18.
  46. Beaucoup est contraire à peu, Voir plus haut, ch. 5, § 19, où cette objection est déjà indiquée.
  47. Bien plutôt des relatifs, voir au chapitre suivant la Catégorie des relatifs, et particulièrement § 3.
  48. Dira-t-on que c’est la substance, Voir au chap. précédent, § 21. — Elle admet les contraires, Mais non point à la fois.
  49. Le centre est à la plus grande distance possible, Du centre à la circonférence, sans doute, mais non pas d’un point de la circonférence à l’autre, représentés par les deux extrémités d’un diamètre.
  50. La quantité ne paraît pas susceptible de plus et de moins, seconde propriété de la quantité. — Cette proposition, qui semble au premier coup d’œil contraire à l’axiome mathématique qui définit la quantité, est parfaitement vraie au sens que lui donne Aristote.
  51. La propriété la plus spéciale, Troisième propriété de la quantité, qui n’appartient qu’à elle : soli et omni. — Dont nous avons parlé… citées plus haut, Voir plus haut, § 2. — Et dissemblable, l’édition de Berlin supprime deux fois ce mot que j’ai cru devoir rétablir deux fois, avec Pacius et la plupart des éditeurs. Ils complètent fort bien la pensée.
  52. Des relatifs, Plusieurs commentateurs ont élevé des objections contre cet ordre des Catégories, et ils auraient préféré placer la qualité avant les relatifs. Simplicius les réfute, Schol p. 39, 6, 3, ainsi que David, ib., p. 60, a, 39. Dans la Métaphysique, liv. 5, la qualité vient avant les relatifs, ch. 14 et 15. — On appelle relatives, c’est la définition vulgaire des relatifs. Boethius, et à sa suite David, prétendent qu’elle appartient à Platon. Schol.., p. 61, a, 3 et 10. Aristote en donnera une nouvelle et meilleure plus bas, § 24. — Pacius remarque aussi que dans le 5e livre de la Métaphysique la catégorie de la qualité est placée avant celle de la relation. — Les choses d’autres choses, Le génitif qui est employé ici indique que la relation s’établit le plus souvent du nominatif au génitif, bien qu’elle puisse aussi s’établir du nominatif à tel autre cas, ce que signifient ces mots : de quelque façon différente que ce soit. Cette première définition des relatifs ne considère donc que les mots.
  53. Plus grand que. J’ai été obligé, par notre langue, de prendre cette expression ; en grec, c’est le génitif qui exprime cette relation, comme en latin c’est l’ablatif ; pour double, la relation se fait en français comme en grec par le génitif. — Ou ont tel autre rapport à une autre chose, Ou se rapportent à une autre chose au moyen de tel autre cas que le génitif. L’édition de Berlin supprime ces mots que je crois devoir amener avec la plupart des éditeurs. — Et ne valent que par ce rapport. Ceci fait déjà pressentir la nouvelle définition qui sera donnée plus loin. § 24. — Dites, quelles qu’elles soient, comme plus haut, § 1.
  54. De quelque façon que ce soit, Comme plus haut. § 1 ; et en effet les exemples qu’il propose dans la fin de ce paragraphe-ci montrent la relation non plus de nominatif au génitif, mais de nominatif au datif ou à tel autre cas.
  55.  : Par dérivation, Paronymiquement. Voir plus haut, ch. 1, § 3, la définition des paronymes.
  56. Les relatifs possèdent, Première propriété des relatifs. Il faut remarquer que dans le chapitre précédent, § 22, Aristote a dit que les relatifs n’ont pas de contraires, et ici il soutient une opinion tout opposée. La restriction qu’il fait au § 6 explique cette apparente contradiction : quelques relatifs ont des contraires d’autres n’en ont pas.
  57. Les relatifs possèdent, Première propriété des relatifs. Il faut remarquer que dans le chapitre précédent, § 22, Aristote a dit que les relatifs n’ont pas de contraires, et ici il soutient une opinion tout opposée. La restriction qu’il fait au § 6 explique cette apparente contradiction : quelques relatifs ont des contraires d’autres n’en ont pas.
  58. Les relatifs aussi paraissent… Seconde propriété des relatifs. — Égal et inégal le sont aussi plus ou moins, C’est qu’on prend alors égal et inégal dans un sens peu précis et peu exact ; car autrement les choses ne sont pas plus ou moins égales et inégales ; elles le sont ou ne le sont pas absolument.
  59. Tous les relatifs s’appliquent, Troisième propriété des relatifs. — Dans l’énonciation, Par la manière dont elles sont exprimées. — Par la terminaison, Par le cas, dit le texte. Ainsi un relatif tient à un relatif par le génitif et ce second relatif tient au premier par un autre cas, comme dans les exemples qu’il cite. — La science de ce qui est su. Au génitif ; ce qui est su est su par la science Ablatif : de l’objet senti, Génitif : senti par la sensation, Ablatif
  60. Si l’on rapporte l’aile à l’oiseau, En effet, si l’on dit bien l’aile d’un oiseau, on ne dit pas l’oiseau d’une aile : on pourrait de là conclure la fausseté de l’appellation. — Bien d’autres choses ont des ailes, Comme tous les insectes qui ont des ailes et ne sont pas cependant des oiseaux.
  61. Gouvernallisée, J’ai dû créer ce mot, comme Aristote le fait lui-même en grec, ainsi que l’indiquent ces mots : ou si l’on employait toute autre expression pareille, attendu qu’il n’y a point ici de mot spécial. — Têtifié, J’ai dû forger aussi ce mot pour répondre à la pensée du texte. — Beaucoup d’animaux n’en ont pas, les vers, les mollusques, les coquillages. Dans l’antiquité, du reste, ces mots forgés par Aristote avaient été souvent critiqués. Voir Simplicius, Schol., p. 63, a, 36.
  62. Des primitifs, C’est-à-dire de celui des relatifs qu’on connaît comme gouvernallisé, de gouvernail : têtifié, de tête, etc. — D’aile faisant ailé, Il semblerait qu’Aristote a créé aussi le mot qui en grec répond à ailé. On peut objecter que sans forger de mots la relation est souvent fort claire, comme le prouvent les exemples mêmes d’abord cités dans le texte : maître et esclave, père et fils.
  63. Mais à l’homme, à l’animal bipède, Ce sont là en effet les accidents et non l’essence même de maître.
  64. Tous les faits accidentels, Tous les attributs qui ne se rapportent pas essentiellement à la relation. — Susceptible de science, L’un des éléments de la définition de l’homme, et accidentellement de maître qui est homme.
  65. Dite de quelque chose, Et par conséquent relatif.
  66. Les relatifs semblent pouvoir, Quatrième propriété des relatifs. — Par nature, par leur nature propre, ou si l’on veut aussi d’une manière plus générale : dans la nature. Il faut remarquer qu’il s’agit toujours ici des simples relatifs verbaux : relata secundum dici, comme disent les Scholastiques. Aristote prouvera plus bas que les vrais relatifs, relata secundum esse, sont toujours simultanés, § 24. C’est la définition nouvelle qui il donne lui-même.
  67. Paraît antérieure, Et non simultanée. — Les sciences, Dans le sens de connaissances, perceptions.
  68. Car ce serait la science de rien, Ces mots, que je conserve avec l’édition de Berlin, manquent dans plusieurs éditions : ils ne sont pas indispensables. Sylburge et Pacius ont peut-être bien fait de ne pas les admettre. C’est un manuscrit d’Isingrinius qui les donne. — La quadrature du cercle, Voir Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 9, § 1. Cette question y revient même plusieurs fois.
  69. Les sensations s’appliquent à un corps, C’est le corps senti. — Et sont dans un corps. Le corps qui sent. La sensation suppose deux fois l’existence du corps : le corps ne suppose pas la sensation.
  70. On peut se demander, Objection élevée contre la première définition des relatifs. — Un homme de telle chose, Je n’ai pu rendre autrement le génitif grec : il faut, pour bien comprendre cette formule, se rappeler le § 1 de ce chapitre. Un homme n’est pas un homme de quoi que ce soit, comme un père est père d’un fils, un fils fils d’un père. Les relatifs comme père ne se suffisent pas et ont besoin d’un complément, d’un corrélatif qui se lie à eux par la forme du génitif, ou par tel autre cas. Les substances, au contraire, et leurs parties se suffisent, et n’ont pas besoin de complément. Voilà ce qu’Aristote a voulu dire, et la chose est parfaitement vraie. — L’homme de quelque chose, Même remarque sur cette formule. — Pour quelques-unes des substances secondes. Voir plus haut, ch. 5, § 3. — Qui paraissent appartenir aux relatifs, secundum divi : car, en effet, l’appellation est de la même forme et pourrait se confondre avec celle des vrais relatifs d’après la définition du § 1. Il faut cependant la bien distinguer.
  71. Si donc la définition, Donnée plus haut au § 1.
  72. Les relatifs sont les choses, Voilà la définition nouvelle qu’Aristote substitue à la première, et qui a été attaquée par plusieurs commentateurs. Voir Simplicius, Scol., p. 66, a, 34. — Alors il y aurait moyen, En effet, les parties des substances secondes, la tête la main sont bien la tête, la main de quelqu’un : mais leur essence ne consiste pas uniquement dans ce rapport, comme pour le père qui n’est pas sans le fils, comme pour le fils qui n’est pas sans le père.
  73. S’applique sans doute à tous les relatifs, Mais convient aussi à d’autres choses, et par exemple aux parties des substances.
  74. De ce qu’on a dit, Cinquième propriété des relatifs. — La chose à laquelle ce relatif s’applique, Le corrélatif de ce relatif. — Soit identique au rapport, Selon la définition du § 24. — S’il se rapporte à quelque chose, Si ce relatif existe.
  75. On peut savoir d’une manière précise, Nouvel argument pour prouver que les parties des substances ne sont pas des relatifs, comme pourrait le faire croire la définition du § I. Ce ne sont donc pas ici des relatifs. — Il n’y a pas de substance qui fasse partie des relatifs, Au sens de la nouvelle définition du § 24.
  76. Qu’ils sont de telle façon, Je n’ai pu rendre en français toute la symétrie du grec : et il aurait peut-être fallu dire : qu’ils sont qualifiés de telle façon.
  77. Est un mot à plusieurs sens, C’est le titre particulier, d’après les commentateurs, du 5e livre de la Métaphysique. Voir M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique, p. 111 et suiv.
  78. La capacité, J’ai préféré ce mot à celui d’habitude, qui aurait cependant eu l’avantage de se rapprocher plus de la forme du mot grec ; c’est la première espèce de la qualité.
  79. La science… paraît une des choses les plus stables, Voir Derniers Analytiques, liv. 1, ch. 33.
  80. Plus ou moins de dispositions, Ou mieux : Qu’ils aient plus ou moins d’habileté dans la science dont ils s’occupent.
  81. Une seconde espèce de la qualité, C’est la puissance ou l’impuissance physique, l’adresse ou la maladresse naturelle, etc., selon Simplicius. Eudore soutenait que cette seconde espèce se confondait avec la première, Schol. p. 71. b, 33. — Une certaine manière d’être, Non point parce qu’ils sont actuellement de telle ou telle façon ; mais parce qu’ils peuvent être ou ne peuvent pas être ordinairement de telle ou telle façon. — En une certaine disposition, Non parce qu’ils luttent ou qu’ils courent actuellement, mais parce qu’ils pourraient courir ou lutter, s’ils en avaient le besoin ou la volonté.
  82. Un troisième genre, Aristote prend ici le mot genre dans le sens d’espèce ; cette confusion est très fréquente. — Qualités affectives, en tant qu’elles affectent d’autres corps ; affections, en tant qu’elles sont dans le corps même. — La noirceur, j’ai pris ce mot au physique, bien que ce sens soit réel.
  83. Telles ou telles. Le mot a comme plus haut un rapport complet de ressemblance avec le mot de qualité ; voir la note du § 1 — Reçoit la douceur, pour réunir sa qualification de douceur.
  84. Parce que relativement aux sensations qu’elles nous donnent, On pourrait reconnaître ici le germe de la doctrine des qualités premières et secondes de la matière. — Elles proviennent elles-mêmes d’une affection, C’est tout au moins une comparaison singulière dont se sert Aristote. Les corps humains sont rouges ou blancs, semble-t-il dire, comme nous-mêmes nous devenons rouges de honte, ou pâles de crainte. Les qualités naturelles du corps sont comme les émotions morales en nous. — Une couleur du même genre soit causée par la nature, la nature agit dans le corps primitivement comme certaines émotions morales agissent sur l’homme, selon les circonstances diverses. Physiologiquement, ceci est encore à prouver.
  85. Permanente et invariable, Comme celle que la nature nous donne dès notre naissance et qui persiste durant notre vie entière. — Une chaleur brûlante, Comme pour les peuples du Midi. — Ce sont donc là des affections, Aristote distingue donc ici trois degrés : 1° les qualités affectives, qui viennent de la nature même, et qui font partie du tempérament : elles sont dès l’origine et persistent sans cesse : 2° les qualités affectives qui ne sont pas naturelles, mais qui sont en quelque sorte acquises par suite d’un accident ou d’une longue habitude ; elles sont permanentes d’ailleurs comme les premières, ou ne peuvent que très difficilement disparaître : 3° les affections qui sont flottantes, passagères, et qui ne laissent pas de traces durables.
  86. Il y a également pour l’âme, Des qualités affectives du corps, il passe aux qualités affectives de l’âme ; et il y fait les trois distinctions, qu’il vient de dire pour le corps. — Causes rapides et passagères, l’édition de Berlin ne donne que l’un de ces mots dans le texte.
  87. Le quatrième genre, Genre est encore pris ici pour espèce, comme plus haut § 8. — La figure et la forme, Ces deux mots peuvent être considérés comme identiques ; ou bien l’on peut comprendre, comme l’ont fait quelques commentateurs, que la figure s’applique aux figures mathématiques, et la forme aux choses naturelles. L’exemple cité plus bas du triangle et du quadrilatère semblerait justifier cette distinction.
  88. Expriment bien plutôt la situation, et rentrent par conséquence dans cette Catégorie, voir plus loin ch. 9, § 5, et plus haut ch. 4, § 1, et ch. 7, § 4.
  89. Il peut y avoir encore quelque autre mode, Il a terminé la Catégorie précédente de la relation par une remarque tout à fait pareille, ch. 7, § 29. Ces observations sembleraient indiquer que la rédaction de ce traité n’est pas achevée, et qu’Aristote songeait à y mettre une dernière main.
  90. Telles que nous les avons énoncées, C’est-à-dire, formant plusieurs espèces distinctes.
  91. Qualitatifs, C’est un mot que j’ai cru devoir forger, et qui se comprend sans peine : il répond à ce mot spécial en grec, et il est tout à fait indispensable, comme le prouveront les développement, qui suivent. — Soit par dérivation, paronymiquement : voir plus haut ch. 1, § 3 — Ou de tout autre manière, Quand il n’y a pas un nom analogue pour la qualité et le qualitatif.
  92. Presque tous, Il y a des exceptions, et il en cite dans les §§ suivants.
  93. Il n’existe pas de mot, Il y en a plus en français qu’il n’y en a en grec. — Une qualification dérivée, la langue française n’a pas de mot de ce genre.
  94. Ainsi honnête est le qualitatif de vertu, En français le qualitatif de vertu, c’est vertueux : en grec, l’analogie n’existe pas, et l’adjectif est tout à fait différent du substantif. Je n’ai pu conserver exactement cette ressemblance dans notre langue et j’ai dû prendre le mot d’honnête qui, s’il ne correspond pas à vertu, pourrait correspondre à honneur, comme vertueux et vertu se correspondent. J’ai vainement cherché dans notre langue deux mots qui fussent dans un désaccord analogue à celui que présentent les deux mots grecs. La pensée du reste se comprend fort bien, et n’a pour ainsi dire pas besoin d’explication.
  95. Les contraires existent aussi, Première propriété de la qualité.
  96. Cette propriété n’est pas cependant générale, Ainsi elle n’appartient pas à la qualité omni et soli.
  97. Si l’un des deux contraires, Les commentateurs font ici une seconde propriété de la qualité. Je crois qu’on pourrait regarder cette observation comme la conséquence nécessaire de ce qui précède ; et que ce n’est pas à vrai dire une propriété nouvelle : ce n’est que la suite et le complément de la première.
  98. Les qualitatifs sont susceptibles de plus et de moins, Seconde propriété de la qualité, ou troisième, si on veut compter la seconde comme les commentateurs le font. — Une augmentation de qualité, ou une diminution. Car la qualité étant susceptible de plus, et de moins peut avoir l’un ou l’autre.
  99. Qu’une justice soit plus ou moins justice, La qualité ne reçoit pas de plus et de moins : le qualitatif, l’objet ou l’être qualifié d’âpres cette qualité en reçoit. — Donc les choses, ou les êtres.
  100. Un triangle… ou un quadrilatère, Voilà des qualitatifs qui ne sont pas susceptibles de plus et de moins.
  101. Cette propriété spéciale aux qualités, Quatrième ou troisième propriété de la qualité, selon que l’on admet ou que l’on n’admet pas la seconde. C’est la propriété spéciale, omni et soli.
  102. Faisaient, selon nous, partie des relatifs, Voir plus haut, ch. 7, § 2.
  103. Se rapportent à la relation, Font partie de la catégorie de la relation comme pour les exemples cités plus bas. — Mais par elles-mêmes, Ou mieux par leur genre qui entre, il est vrai, dans leur définition essentielle.
  104. Dans l’un et l’autre genre, Dans l’une et l’autre catégorie. La science prise en elle-même et regardée comme une certaine disposition de l’esprit, est dans la catégorie de la qualité : considérée par rapport à l’objet auquel elle s’applique, elle est dans la catégorie de la relation. Rien n’empêche de la classer dans les deux catégories.
  105. L’action et la passion, Dans l’énonciation des catégories, ch. 4, § 1. il plaçait l’action et la passion en dernier lieu.
  106. Reçoivent les contraires, Première propriété de l’action et de la passion.
  107. Elles reçoivent également le plus et le moins, Seconde propriété de l’action et de la passion. — Être plus ou moins chagrin, L’édition de Berlin rejette ces mots dans les variantes : ils sont certainement bien placés dans le texte, et ils correspondent au § précédent.
  108. Quant à celle de situation, Plus haut, ch. 4, § 1, elle est placée après le temps. — Il en a été question dans les relatifs, ch. 7, § 4.
  109. À ce qu’on en a dit au début. Voir plus haut, ch. 4, §§ 1 et 2.
  110. En ce qui concerne les genres ou catégories. — Pour compléter cette discussion des catégories on peut voir d’abord sur la catégorie de la manière d’être ou possession, le dernier chap. des Catégories, puis le chap. 13 du cinquième livre de la Métaphysique, et pour la catégorie de la position le chap. 21 du même livre. Simplicius, Schol., p. 76, b, 45, fait remarquer qu’Aristote a traité tout au long de l’action et de la passion dans le livre de la Génération et de la destruction, du lieu et du temps dans les Leçons de physique, et de toutes les catégories en général dans la Métaphysique. Lévi, le commentateur d’Averroës, a essayé de suppléer à la concision d’Aristote et à celle d’Averroës, en développant tout au long les dernières catégories résumées ici. Voir l’édition d’Averroës, Venise, 1551. — On peut voir aussi les chap. 2, 3, 4, 5 du livre Gilbert de la Porrée sur les six principes, et le long commentaire d’Albert sur ce livre.
  111. Andronicus rejetait cette dernière partie des Catégories. Le fameux Archytas avait fait sur les matières qui y sont traitées un ouvrage spécial, Simplicius, Schol., p. 81, a, 27, et b, 23.— Opposés est un terme plus général que contraires : il ne faut pas les confondre. Voir sur l’opposition le ch. 10 du liv. 5 de la Métaphysique.
  112. De quatre manières différentes. Qu’il va étudier successivement dans le reste du chapitre, et comparer entre elles.
  113. Et pour donner des exemples, Aristote emploie ici la même expression qu’il a employée plus haut pour l’énonciation des catégories.
  114. Comme relatif est dit ce qu’il est de la chose, Voir pour la définition des relatifs, plus haut.
  115. Toutes les choses donc, Pacius fait ici un paragraphe, et j’ai cru devoir conserver sa division : mais il vaudrait mieux placer le Paragraphe un peu plus loin à l’alinéa suivant. — Les choses opposées comme contraires, Après avoir traité des relatifs, il passe ses contraires, seconde espèce des opposés. — Ne sont pas du tout dites réciproquement, Comme le père est le père du fils, le fils est le fils du père. — Ces oppositions, L’opposition par relatifs, l’opposition par contraires.
  116. Qui les possèdent naturellement, Comme sujets d’inhérence. — Auxquelles on les attribue, Comme sujets d’attribution. Voir plus haut, ch. 2, § 9, et la note. — Il n’y a pas d’intermédiaire entre eux, Ce sont les contraires immédiats.
  117. Il y a toujours quelque intermédiaire, Ce sont les contraires médiats.
  118. Ici, aucun intermédiaire, Pacius fait remarquer que Galien distingua plus tard, comme médecin, un état intermédiaire entre la santé et la maladie, qu’il nomma état neutre. La citation d’Aristote n’en est pas moins juste : et le prétendu état neutre de Galien n’est qu’une nuance insaisissable de l’un ou l’autre extrême. Les extrêmes d’ailleurs sont ici également difficiles à déterminer. — Ni entre le pair et l’impair, Ici l’absence d’intermédiaire est plus évidente.
  119. Où l’alternative n’est pas nécessaire, Dans les cas où les deux contraires peuvent manquer simultanément. — Ce qui n’est ni bon ni mauvais, Voir le paragraphe qui suit.
  120. On le détermine par la négation, Comme il vient de le faire lui-même dans le paragraphe qui précède.
  121. La privation et la possession, Troisième espèce des opposés. — L’un et l’autre, La possession et la privation.
  122. Susceptible de possession, Ou mieux susceptible d’être possédée. — Qu’elle est affectée de privation, Que le sujet qui devrait posséder cette qualité en est privé. — Édenté. J’ai gardé ce mot, qui dans la langue de l’histoire naturelle à une autre signification, afin d’éviter une longue périphrase. La pensée d’ailleurs est fort claire. Édenté ne se dira pas d’un enfant qui vient de naître, parce que naturellement, à ce moment de la vie, l’enfant ne doit pas avoir de dents. On le dira au contraire fort bien d’un vieillard qui a perdu les siennes. — Ou qui est aveugle, Comme pour le petit chien qui vient de naître, on ne peut pas dire qu’il soit aveugle, bien qu’il ne voie pas : à cette époque de sa vie, il doit naturellement avoir les yeux fermés et n’y point voir. — Certains êtres, L’enfant, le petit chien, etc.
  123. Être privé et posséder, La remarque qui suit est vraie ; mais on ne voit pas bien comment elle est nécessaire ici : c’est peut-être pour préparer la remarque du § 15.
  124. De même que l’aveuglement, voilà le rapport de ressemblance après la différence.
  125. Ce qui tombe sous la négation, Les objets auxquels s’appliquent la négation et l’affirmation. — L’affirmation est un jugement, Ou, pour être plus approché du texte : une énonciation.
  126. On peut dire que ces choses aussi, Comme plus haut, § 14, être privé et posséder sont opposés entre eux. — Être assis, n’être pas assis, Même remarque.
  127. On voit sans peine, Discussion sur la nature spéciale de l’opposition entre la privation et la possession. Elles ne sont pas opposées comme les relatifs ; il sera prouvé au § suiv. qu’elles ne le sont pas comme les contraires. — De celle qui lui est opposée, Voir plus haut la définition vulgaire des relatifs, ch.
  128. — De quelque autre façon que ce soit, Par un autre cas que le génitif. — On sait que tous les relatifs s’appliquent à des choses réciproques, C’est la troisième propriété des relatifs. Voir plus haut, ch. 7, § 9. — De réciprocité pareille, On ne dit pas plus la vue de l’aveuglement que l’aveuglement de la vue ; mais l’un dit fort bien pour les relatifs : le père du fils, le fils du père.
  129. D’abord, pour les contraires, Voir plus haut dans ce ch. § 6 et suiv., et au chapitre suivant les propriétés des contraires. — Et l’on se rappelle, Voir plus haut. § 8. — L’on a cité pour exemples, ibid. — On sait encore, Voir plus haut, § 9. — Souvenons-nous, de plus, Pacius remarque avec raison que tous ces détails sont un peu prolixes, (utitur prolixitate, dit-il,) il est certain que ce § aurait pu être plus concis. — Ce qui naturellement n’a pas encore, Voir plus haut, § 12. — On se rappelle qu’il n’y a jamais nécessité, Voir plud haut. § 9.
  130. Comme la chaleur dans le feu, Voir le § précédent — On peut remarquer aussi une certaine abondance de mots dans ce §. — Une fois devenu aveugle, Dans le sens rigoureux du mot.
  131. Les opposés qui le sont comme négation, Quatrième espèce des opposés Voir plus haut, §§ 2 et 3. — Que l’une des deux soit vraie et l’autre fausse, Voilà le caractère spécial de cette opposition.
  132. Dans les contraires… Dans les trois espèces d’opposition autres que l’affirmation et la négation. — En général, les mots pris isolément, C’est la pensée tout entière des Catégories. Voir plus haut, ch. 2, § 1. et ch. 4, § 1. — Dont on vient de parler, Les trois espèces d’opposition différentes de l’affirmation et de la négation.
  133. Avec combinaison de mots, Au lieu de considérer les mots dans leur isolement, comme on le fait dans tout ce traité.
  134. Dans les choses de privation et de possession, Après les contraires exprimés par des mots combinés, formant une proposition, il examine de même les opposés par privation ou possession exprimés aussi dans une proposition en forme.
  135. Ainsi donc. Propriété spéciale des opposés par négatifs et affirmation, et qui les distingue de tous les autres.
  136. Le mal est nécessairement, Pacius fait de cette remarque une première propriété des contraires. Cette distinction n’est pas très juste et je ne crois pas devoir l’adopter.
  137. Mais si le bien est le contraire du mal, Seconde propriété des contraires suivant Pacius ; elle n’est pas plus réelle que la première. — De même l’aisance… est un bien, On reconnaît là cette théorie morale d’Aristote, qui place la vertu, le bien, entre deux vices, deux maux extrêmes. Voir la Morale à Nicomaque, liv. II, ch. 6, 7 et 8.
  138. En outre dans les contraires, Pacius reconnaît ici une troisième propriété des contraires ; j’en ferais plutôt la première, les deux autres n’étant pas vraiment des propriétés. — Si tout le monde se porte bien,Il faut remarquer qu’il ne s’agit ici que des contraires simples une combinaison : la santé, la maladie.
  139. Il y a plus, si Socrate se porte bien, Il s’agit ici de contraires combinés, c’est-à-dire, représentés par des propositions entières.
  140. Il est évident que les contraires, On pourrait faire de ceci une seconde propriété des contraires : c’est la cinquième pour Pacius.
  141. Il faut nécessairement Troisième propriété des contraires, la sixième pour Pacius. — Il faut rapprocher de ce chapitre et du précédent le chap. 10 du 5ème liv. de la Métaphysique où sont résumées la théorie des opposés et celle des contraires.
  142. Une chose peut être antérieure à une autre, Voir le 5e livre de la Métaphysique, ch. 2, où la priorité et la postériorité sont divisées autrement qu’ici et moins nettement.
  143. Une chose est dite plus vieille, La guerre de Troie est antérieure à la guerre Médique, exemple cité au ch. II du 5e livre de la Métaphysique.
  144. Qui ne rendent pas réciproquement la consécution d’existence, Les exemples que cite Aristote obscurcissent la pensée. Je n’ai pu trouver une traduction plus claire que celle que j’ai donnée. — Réciproquement l’existence d’une autre, Qui implique l’existence de la première.
  145. Dans les sciences démonstratives, Les mathématiques, comme le prouve l’exemple cité plus bas. — Les démonstrations de géométrie, Ou, comme le texte dit, les figures qui servent en géométrie pour faire les démonstrations. — L’exorde est selon l’ordre, Voir la Rhétorique, liv. III ch. 14.
  146. Outre ces priorités, Quatrième espèce de la priorité.
  147. Mais peut-être pourrait-on croire, Cinquième espèce de la priorité : la réalité est antérieure au jugement qui l’énonce. Simplicius affirme que, dans d’autres ouvrages, Aristote énonçait beaucoup plus d’espèces de priorité qu’il ne fait ici, et que Straton, dans sa monographie sur l’antérieur et le postérieur, en distinguait aussi bien davantage. Schol., p. 89, a, 40 et p. 90, a, 12.
  148. On dit en général, La simultanéité la plus ordinaire est celle qui est considérée dans le temps.
  149. Qui se rendent réciproquement la présupposition, Voir au ch. précédent, § 3. — Par nature, Ou dans la nature.
  150. Sont dites aussi simultanées par nature, L’expression d’Aristote est la même qu’au paragraphe qui précède. La formule est pareille, mais les choses qu’elle comprend sont différentes : Ici, les divisions opposées d’un même genre : là, des choses réciproques l’une à l’autre. Il faut soigneusement faire cette distinction.
  151. Les genres, du reste, précèdent toujours les espèces, Logiquement parlant : l’exemple donné fait bien comprendre la pensée.
  152. Ainsi donc, on appelle, Résumé des diverses espèces de simultanéité développées dans tout ce chapitre
  153. On distingue six espèces de mouvement, Voir la théorie générale du mouvement dans les Leçons de Physique, liv. 5 et suiv., et dans la Métaphysique, liv. II. chap. 12, et liv. 12. ch. 7. — Modification, Ou altération, l’action de devenir autre. J’ai préféré le mot de modification comme plus général. Celui d’altération présente en français un sens trop spécial, et par conséquent infidèle.
  154. Diffèrent entre eux, Quelques-uns sont contraires les uns des autres. Voir plus bas, § 6.
  155. Quant à la modification ou altération.
  156. Cette supposition n’est pas juste, La modification ou altération est une espèce toute particulière du mouvement, qui ne peut se confondre avec aucune autre.
  157. Si on lui applique le gnomon, Si l’on prolonge la diagonale d’un carré d’une quantité égale à elle-même, et qu’on abaisse de l’extrémité de ce prolongement des parallèles à chacun des côtés, la portion de figure ainsi ajoutée à la figure primitive est ce qu’on appelle un gnomon. On a formé ainsi un carré nouveau égal à quatre fois le premier carré. Le quadrilatère est donc accru, mais les parallèles mêmes n’ont fait que l’accroître sans changer sa figure : il est toujours quadrilatère, et carré, par exemple, s’il l’était d’abord. La dimension est changée : la forme n’est pas modifiée, altérée : elle n’est point autre. Albert donne deux explications du gnomon d’après Euclide et d’après Boèce.
  158. D’une manière absolue, En général, et sans poser aucune limitation à l’expression.
  159. Le qualitatif, Voir pour la justification de ce mot, plus haut. ch. 8, § 18.
  160. Avoir, Comparez plus haut la catégorie de la qualité ch. 4, § 2, ch. 9, § 6 et dans ma Métaphysique chapitre 23 du livre 5e.
  161. Ou toute autre qualité, la catégorie de la possession est appliquée à celle de la qualité.
  162. En second lieu, comme quantité, ou bien elle est appliquée à celle de la quantité.
  163. On dit que quelqu’un a un manteau, Voir plus haut, ch. 4, § 2, l’exemple cité.
  164. Par rapport à ce qui est dans un vase, La catégorie de la possession est appliquée ici à celle du lieu.
  165. Comme propriété, Et à celle de la relation.
  166. Cohabiter avec elle, Pacius s’indigne qu’Aristote réduise le mariage à la cohabitation, et il le traite de païen. C’est mal comprendre ce passage. Aristote ne dit pas que le mariage ne soit que la cohabitation, comme le pense le commentateur. Voir T. VI, 7, 3.
  167. Il y a peut-être encore, On aurait pu attendre ici un résumé de tous le traité des Catégories.