Loi organique relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (version initiale)

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République Française
ordonnance n° 58-1064 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative à l'élection du Président de la République (p. 2-4).

Ordonnance n° 58-1064 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative à l'élection du Président de la République.

Le président du conseil des ministres,
Vu la Constitution, et notamment ses articles 6, 7 et 92,
Le conseil d'Etat entendu,
Le conseil des ministres entendu,
Ordonne


TITRE Ier


CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ ET PRÉSENTATION DE CANDIDATURES


Art. 1er ― Dix jours au moins avant le premier tour de scrutin ouvert pour l'élection du Président de la République, le Gouvernement assure la publication de la liste des candidats

Cette liste est préalablement établie par le Conseil constitutionnel au vu des présentations qui lui sont adressées, douze jours au moins avant le premier tour de scrutin, à titre individuel ou collectif par les membres du collège électoral chargé d'élire le Président de la République et investis d'un mandat public électif. Aucun nom ne peut être retenu s'il n'est proposé par au moins cinquante membres dudit collège.

Le Conseil constitutionnel doit s'assurer du consentement des personnes présentées.

Les nom et qualité des membres du collège qui ont proposé les candidats inscrits sur la liste ne sont pas rendus publics.


TITRE II


COLLÈGE ÉLECTORAL


Art. 2. ― Le collège électoral chargé d'élire le Président de la République est convoqué par décret.


Art. 3. ― Le collège chargé d'élire le Président de la République est composé, conformément à l'article 6 de la Constitution, des membres du Parlement, des conseillers généraux, des membres des assemblées territoriales ou provinciales des territoires d'outre-mer, des représentants élus des conseils municipaux et, dans les territoires d'outre-mer des représentants élus des communes de plein et moyen exercice et des communes mixtes ainsi que des présidents élus des conseils des autres collectivités municipales ou rurales.

Les dispositions de l'alinéa ci-dessus seront, pour l'application de l'article 81 de la Constitution, adaptées et complétées dans les conditions prévues à l'article 6 de la Constitution.


Art. 4. ― Les conseils municipaux sont représentés au collège électoral compte tenu de la population des communes dans les conditions prévues à l'article 6 de la Constitution

Les communes de plein exercice des territoires d'outre-mer sont représentées dans les mêmes conditions.

Dans les communes de moyen exercice et dans les communes mixtes des territoires d'outre-mer dont la commission municipale est élue, les conseils municipaux et les commissions municipales sont représentés dans les mêmes conditions. Toutefois, le maire nommé ne fait pas partie du collège électoral ; il y est remplacé par un adjoint ou un conseiller municipal ou un membre de la commission municipale pris dans l'ordre du tableau ou, si le tableau est épuisé, par un délégué désigné par le conseil municipal ou par la commission municipale dans les conditions prévues aux articles 5 et 9 à 14 ci-après.

Dans les territoires d'outre-mer, font partie du collège électoral les présidents élus parmi les membres des autres collectivités municipales ou rurales légalement instituées et dotées de la personnalité morale, d'un conseil élu au suffrage universel et direct et d'un budget propre.


Art. 5. ― Les conseils municipaux des communes de plus de 30.000 habitants désignent parmi les électeurs inscrits sur la liste électorale de la commune des délégués dans les conditions prévues à l'article 6 de la Constitution. Il en est de même pour les communes de moyen exercice et les communes mixtes d'outre-mer comptant plus de 30.000 habitants.


Art. 6. ― Aucun membre du collège électoral ne dispose, au sein de ce collège, de plus d'un mandat.


Art. 7. ― Au cas où un conseiller général, un membre d'une assemblée territoriale ou provinciale est membre du Parlement, un remplaçant lui est désigné, sur sa présentation, par le président de l'assemblée départementale, territoriale ou provinciale à laquelle il appartient.

Au cas où un membre du Parlement, d'un conseil général, d'une assemblée territoriale ou provinciale est représentant de droit d'un conseil municipal ou du conseil d'une collectivité municipale ou rurale d'outre-mer, il est remplacé en cette dernière qualité par un conseiller municipal ou un membre du conseil de la collectivité municipale ou rurale pris dans l'ordre du tableau ou, si le tableau est épuisé, par une personne désignée sur la présentation de cet électeur par le président de l'assemblée intéressée.


Art. 8. ― Dans les communes de moins de 1.000 habitants, le maire est suppléé par l'adjoint s'il est empêché de prendre part au scrutin.

Dans les communes de 1.000 à 9.000 habitants, le maire, les adjoints et les conseillers municipaux, représentants des conseillers municipaux ou des conseils de collectivités municipales ou rurales d'outre-mer sont, en cas d'empêchement, suppléés par un membre de l'assemblée municipale intéressée dans l'ordre du tableau.

Dans les communes de plus de 9.000 habitants, le conseil municipal ou, lorsqu'il s'agit d'un territoire d'outre-mer, la commission municipale élit, dans les conditions précisées à l'article 9 ci-dessous, des suppléants chargés de remplacer le maire, les adjoints, les conseillers municipaux et les délégués qui se trouveraient dans l'impossibilité de participer à l'élection du Président de la République. Le nombre de suppléants à élire est de un pour cinq membres du collège électoral ou fraction de cinq.


Art. 9. ― L'élection des délégués et des suppléants a lieu suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle du plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel. Dans les communes de plus de 30.000 habitants, l'élection des délégués et des suppléants a lieu simultanément sur la même liste.

Les listes peuvent comprendre moins de noms qu'il n'y a de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir.

L'ordre des suppléants élus est déterminé par leur rang de présentation.

En cas d'empêchement d'un représentant de droit ou d'un délégué, le suppléant de la même liste venant immédiatement après le dernier délégué de la liste est appelé à le remplacer.


Art. 10. ― Dans les communes où une délégation spéciale a été nommée en application de l'article 19 du code municipal, l'ancien conseil municipal assure, dans les conditions prévues aux articles ci-dessus, la représentation de la commune au sein du collège électoral.


Art. 11. ― En vue de l'élection des délégués et des suppléants, les assemblées municipales sont convoquées par décret publié vingt jours au moins avant la date fixée pour l'élection du Président de la République.


Art. 12. ― Le procès-verbal de l'élection des délégués et des suppléants est transmis immédiatement au préfet ou au chef du territoire par le maire ou le président de l'assemblée municipale.

Il mentionne l'acceptation ou le refus des délégués ou suppléants présents, ainsi que les contestations sur la régularité de l'élection soulevées par un ou plusieurs de l'assemblée municipale.

Une copie du procès-verbal est affichée sans délai à la porte de la mairie.


Art. 13. ― Les délégués ou suppléants qui n'étaient pas présents sont avisés de leur élection dans les vingt-quatre heures, par les soins du maire. S'ils refusent ces fonctions, ils doivent en avertir, dans le délai d'un jour franc à dater de la notification, le préfet ou, dans les territoires d'outre-mer, le chef du territoire par l'intermédiaire du chef de la circonscription.

Ils doivent, dans le même délai, informer de leur refus le maire qui porte d'office sur la liste des délégués et suppléants de la commune le suivant des suppléants élus à qui cette décision est notifiée immédiatement.


Art. 14. ― Le tableau des électeurs présidentiels est établi par le préfet ou le chef du territoire et rendu public dans les trois jours suivant l'élection des délégués et suppléants.

Des recours portés directement devant le conseil d'Etat au contentieux qui statue d'urgence et sans frais, peuvent être présentés contre l'établissement de ce tableau, dans les trois jours de sa publication, par tout membre du collège électoral. Dans les mêmes conditions, la régularité de l'élection des délégués et suppléants d'une commune peut être contestée par le préfet ou le chef de territoire ainsi que par les électeurs de cette commune.


Art. 15. ― Tout membre du collège électoral qui, sans cause légitime, n'aura pas pris part au scrutin, sera condamné à une amende de 3.000 F par le tribunal civil du chef-lieu, sur réquisition du ministère public.


TITRE III


MODALITÉS DU SCRUTIN ET DÉPOUILLEMENT


Art. 16. ― Le collège électoral se réunit au chef-lieu du département et, dans les territoires d'outre-mer, au chef-lieu de chacune des circonscriptions définies par arrêté du chef du territoire. Il est présidé par le président du tribunal civil, assisté de deux juges audit tribunal désignés par le premier président de la cour d'appel et des deux électeurs les plus âgés présents à l'ouverture du scrutin. En cas d'empêchement, le premier président de la cour d'appel désigne des suppléants. Dans les territoires d'outre-mer le président peut être remplacé par un magistrat et les magistrats, à l'exception du président, par des électeurs.

Le représentant du Gouvernement met à la disposition du président du bureau électoral les moyens que celui-ci juge nécessaires pour assurer la régularité et la sincérité du scrutin.

Un arrêté du préfet ou du chef du territoire fixe le local et les heures du scrutin.


Art. 17. ― Le bureau répartit s'il y a lieu les électeurs en section de vote; il nomme le président de chacune de ses sections.

Il statue sur toutes les difficultés et contestations qui peuvent s'élever au cours du scrutin.


Art. 18. ― Dès la clôture du scrutin, le bureau procède en présence des électeurs au dépouillement des bulletins; en cas de sectionnement, chaque président de section participe à cette opération.

Un procès-verbal est établi en deux exemplaires par le bureau. Il est signé par tous les membres. Il précise le nombre des électeurs inscrits, des votants, des suffrages exprimés et des voix obtenues par chaque candidat; y sont annexés les bulletins contestés ou nuls.


Art. 19. ― Tout membre du collège électoral peut présenter une réclamation concernant la régularité du scrutin et du dépouillement; les réclamations sont mentionnées au procès-verbal.

Le préfet ou le chef de territoire peut adresser au président du conseil constitutionnel, dans les quarante-huit heures de la clôture du scrutin, un recours contre la régularité des opérations électorales.


Art. 20. ― Un exemplaire du procès-verbal est transmis, sans délai, au président du Conseil constitutionnel.


Art. 21. ― Le recensement général des suffrages est effectué publiquement à Paris, au siège du Conseil constitutionnel.


Art. 22. ― Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à affecter le résultat d'ensemble du scrutin, il prononce l'annulation de l'élection. Le gouvernement fixe alors par décret la date du nouveau scrutin.


Art. 23. ― S'il apparaît nécessaire de substituer au dépouillement au chef-lieu d'une ou plusieurs circonscriptions électorales un dépouillement à Paris, il peut en être ainsi décidé après avis conforme du Conseil constitutionnel, par décret en conseil des ministres, pris le conseil d'Etat entendu. Ce décret prévoit les mesures propres à garantir la sincérité du scrutin, ainsi que l'organisation et la publicité du dépouillement. Il peut avancer, au maximum de six jours, la date fixée pour la réunion du collège électoral dans les territoires et les départements d'outre-mer.


TITRE IV


CONDITIONS DE L'ÉLECTION ET PROCLAMATION DES RÉSULTATS


Art. 24. ― Est proclamé élu au premier tour de scrutin le candidat qui a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés.


Art. 25. ― Il est procédé, s'il y a lieu, à un deuxième tour de scrutin dans un délai de huit jours.

Aucun candidat nouveau ne peut-être présenté au deuxième tour, sauf si deux candidats au premier tour le présentent en leur lieu et place.


Art. 26. ― Est proclamé élu au deuxième tour de scrutin le candidat qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages.


Art. 27. ― Le Conseil constitutionnel statue souverainement sur les réclamations dont il a été saisi. Il arrête et proclame les résultats de l'élection, qui sont publiés au Journal officiel de la République française dans les vingt-quatre heures de la proclamation.


TITRE V


Art. 28. ― Les attributions conférées au Conseil constitutionnel par la présente ordonnance seront exercées, jusqu'à la mise en place de ce Conseil, par la commission prévue à l'alinéa 7 de l'article 91 de la Constitution.

Les délais prévus à l'article 1er sont ramenés respectivement à cinq et sept jours pour la première élection du Président de la République.


Art. 29. ― La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République française et exécutée comme loi organique.


Fait à Paris, le 7 novembre 1958

C. DE GAULLE
Par le président du conseil des ministres:

Le ministre d'Etat,

GUY MOLLET.
Le ministre d'Etat,
PIERRE PFLIMLIN.

Le ministre d'Etat,

FELIX HOUPHOUET-BOIGNY.
Le ministre d'Etat,
LOUIS JACQUINOT.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

MICHEL DEBRÉ.