Lotus de la bonne loi/Chapitre 16

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Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 199-209).
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CHAPITRE XVI.

PROPORTION DES MÉRITES.

Pendant que cette exposition de la durée de la vie du Tathâgata était faite, un nombre immense et incalculable de créatures en retirèrent du profit. Alors Bhagavat s’adressa ainsi au Bôdhisattva Mahâsattva Mâitrêya : Pendant qu’a été donnée, ô toi qui es invincible, cette indication de la durée de la vie du Tathâgata, laquelle est une exposition de la loi, des centaines de mille de myriades de kôṭis de Bôdhisattvas en nombre égal à celui de soixante-huit Ganges, ont acquis la patience surnaturelle dans la loi. Un nombre cent mille fois plus grand d’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, a obtenu la possession des formules magiques. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes de mille univers, après avoir entendu cette exposition de la loi, ont obtenu le pouvoir de n’être enchaînés [par aucun contact]. D’autres Bôdhisattvas, en nombre égal à celui des atomes d’un univers(175 b), ont obtenu la possession de la formule magique qui fait cent mille fois dix millions de tours. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes d’un univers formé de trois mille mondes, f. 176 a.après avoir entendu cette exposition de la loi, ont fait tourner la roue qui ne revient pas en arrière. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes d’un moyen [millier d’] univers, après avoir entendu cette exposition de la loi, ont fait tourner la roue de la loi nommée Celle dont l’éclat est sans tache. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes d’un petit [millier d’] univers, après avoir entendu cette exposition de la loi, ont été destinés à obtenir, au bout de huit naissances, l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes de quatre univers formés de quatre îles, après avoir entendu cette exposition de la loi, ont été destinés à obtenir, au bout de quatre naissances, l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes de trois univers formés de quatre îles, après avoir entendu cette exposition de la loi, ont été destinés à obtenir, au bout de trois naissances, l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes de deux univers formés de quatre îles, après avoir entendu cette exposition de la loi, ont été destinés à obtenir, au bout de deux naissances, l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. D’autres Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes d’un seul univers formé de quatre îles, après avoir entendu cette exposition de la loi, ont été destinés à obtenir, au bout d’une naissance, l’état suprême de Buddha parfaitement accompli. Des Bôdhisattvas Mahâsattvas, en nombre égal à celui des atomes de huit univers formés d’un grand millier de trois mille mondes, après avoir entendu f. 176 b.cette exposition de la loi, ont conçu la pensée de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli.

À peine Bhagavat eut-il exposé à ces Bôdhisattvas Mahâsattvas le sujet qui renferme la démonstration de la loi, qu’alors du haut de l’atmosphère et du ciel il tomba une grande pluie de fleurs de Mandârava et de Mahâmandârava. Les cent mille myriades de kôṭis de Buddhas qui, après être arrivés dans ces cent mille myriades de kôṭis d’univers, étaient assis sur des trônes auprès d’arbres de diamant, furent tous couverts de cette pluie. Le bienheureux Tathâgata Çâkyamuni, vénérable, etc., et le bienheureux Tathâgata Prabhûtaratna, vénérable, etc., qui était entré dans le Nirvâṇa complet, tous deux assis sur un trône de diamant, en furent complètement couverts, ainsi que la foule tout entière des Bôdhisattvas, avec les quatre assemblées. Des poudres divines de santal et d’Aguru tombèrent comme une pluie. On entendit, du haut du ciel, retentir dans les airs de grandes timbales qui rendaient, sans être frappées, des sons agréables, doux et profonds ; des pièces doubles d’étoffes divines tombèrent par centaines et par milliers du haut des airs ; des colliers, f. 177 a.des guirlandes, des chapelets de perles, des joyaux, de grands joyaux et de gros diamants parurent en l’air, suspendus à tous les points de l’horizon. Des centaines de mille de vases de diamant qui contenaient un encens précieux, s’avancèrent d’eux-mêmes de tous côtés. Les Bôdhisattvas Mahâsattvas soutinrent en l’air, au-dessus de chaque Tathâgata, des lignes de parasols faits de pierreries, qui s’élevaient jusqu’au ciel de Brahmâ ; c’est de cette manière que les Bôdhisattvas Mahâsattvas soutinrent en l’air au-dessus de ces innombrables centaines de mille de myriades de kôṭis de Buddhas, des lignes de parasols faits de pierreries qui s’élevaient jusqu’au ciel de Brahmâ. Chacun d’eux célébra ces Tathâgatas en faisant entendre des stances sacrées à la louange des Buddhas.

Alors le Bôdhisattva Mahâsattva Mâitrêya prononça dans cette occasion les stances suivantes :

1. Le Tathâgata nous a fait entendre une loi merveilleuse, une loi qui n’a jamais été entendue par nous auparavant ; il nous a dit quelle est la magnanimité des Guides [du monde] et combien est infinie la durée de leur existence.

2. Aussi, après avoir entendu aujourd’hui cette loi qui leur est donnée de la bouche du Sugata, des milliers de kôṭis d’êtres vivants, qui sont les fils chéris du Guide du monde, se sentent épanouis de joie.

f. 177 b.3. Quelques-uns sont établis dans l’état suprême de Bôdhi qui ne retourne pas en arrière ; quelques-uns possèdent la meilleure des formules magiques ; d’autres sont fermes dans l’énergie du détachement, et d’autres ont la possession de milliers de kôṭis de formules.

4. Quelques-uns, aussi nombreux que les atomes d’un monde, sont arrivés à(177 b) l’excellente science de Buddha ; d’autres sont destinés à devenir, à partir de leur huitième existence, des Djinas doués d’une vue infinie.

5. Après avoir franchi les uns quatre, les autres trois, les autres deux existences, ceux qui ont entendu cette loi de la bouche du Guide [du monde], obtiendront l’état de Bôdhi en voyant la vérité.

6. Quelques-uns, au bout d’une seule existence, arriveront à l’omniscience dans la vie suivante ; c’est là le fruit excellent qu’ils recueilleront de l’attention qu’ils auront donnée à ce récit de la vie du Guide [du monde].

7. Ils sont aussi innombrables, aussi incalculables que les atomes de poussière que renferment huit mondes, les milliers de kôṭis de créatures qui, après avoir entendu cette loi, ont conçu la pensée de l’excellent état de Bôdhi.

8. C’est là l’œuvre que vient d’accomplir le grand Richi, quand il a expliqué l’état de Buddha, cet état qui n’a ni terme ni mesure, et qui est aussi incommensurable que l’élément de l’éther.

9. De nombreux milliers de kôṭis de fils des Dêvas ont fait tomber une pluie de fleurs de Mandârava ; des Çakras et des Brahmâs en nombre égal à celui des sables du Gange, ont quitté des milliers de kôṭis de terres pour se réunir ici.

10. Répandant des poudres odorantes de bois de santal et d’Aguru, f. 178 a.ils parcourent le ciel, semblables à des oiseaux, et ils en couvrent l’Indra des Djinas d’une manière convenable.

11. Du haut des airs, des timbales font entendre, sans être frappées, des sons agréables ; des milliers de kôṭis de pièces d’étoffes divines tombent en tournant autour des Guides [des hommes].

12. Des milliers de kôṭis de vases faits de pierreries et contenant un encens précieux, se rendent ici d’eux-mêmes de tous côtés, afin d’honorer le Protecteur, le Chef des mondes.

13. Les sages Bôdhisattvas soutiennent d’innombrables myriades de kôṭis de parasols, hauts, grands et faits de pierreries, qui s’élèvent en ligne jusqu’au monde de Brahmâ.

14. Ils dressent au-dessus des Guides [des hommes] des drapeaux et des étendards beaux à voir ; les fils de Sugata, l’esprit transporté de joie, les louent dans des milliers de stances.

15. Voilà, ô Guide [des hommes], les êtres merveilleux, éminents, admirables et variés que je vois aujourd’hui ; toutes ces créatures ont été comblées de joie par l’exposition qui leur a été faite de la durée de la vie [du Sugata].

16. Il est vaste le sens de la parole des Guides [des hommes], laquelle s’est répandue aujourd’hui dans les dix points de l’espace ; des milliers de kôṭis de créatures en sont remplies de joie, f. 178 b.et elles sont douées de vertu pour arriver à l’état de Buddha.

Ensuite Bhagavat s’adressa ainsi au Bôdhisattva Mahâsattva Mâitrêya : Tous ceux qui, pendant que se donnait cette indication de la durée de l’existence du Tathâgata, laquelle est une exposition de la loi, ont fait preuve de confiance(178 b), ne fût-ce que par un seul acte de pensée, ou qui y ont ajouté foi, quel immense mérite en recueillent-ils, ces fils ou ces filles de famille ? Écoute cela, et grave bien dans ton esprit(178 b 2) quel immense mérite ils en recueillent. Supposons d’un côté, ô toi qui es invincible, un fils ou une fille de famille qui, désirant obtenir l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, remplirait, pendant huit centaines de mille de myriades de kôṭis de Kalpas, les devoirs des cinq perfections, c’est-à-dire, de la perfection de l’aumône, de celle de la moralité, de celle de la patience, de celle de l’énergie, de celle de la contemplation, de celle de la sagesse ; et d’un autre côté, ô toi qui es invincible, un fils ou une fille de famille, qui après avoir entendu cette indication de la durée de la vie du Tathâgata, laquelle est une exposition de la loi, ferait preuve de confiance, ne fut-ce que par un seul acte de pensée, ou qui y ajouterait foi. Eh bien ! comparée à cette dernière masse de mérites, la première masse de mérites f. 179 a.et de vertus acquise par l’accomplissement des cinq perfections pratiquées pendant huit centaines de mille de myriades de kôṭis de Kalpas, n’en égale pas la centième partie, ni la millième, ni la cent-millième, ni la dix-millionième, ni la dix-trillionième, ni la quintillionième ; la seconde masse de mérites surpasse tout nombre, tout calcul, toute comparaison, toute similitude. Un fils ou une fille de famille, ô toi qui es invincible, qui est pourvu d’une telle masse de mérites, ne peut jamais se détourner de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli ; non, cela n’est pas possible.

Ensuite Bhagavat prononça dans cette occasion les stances suivantes :

17. Qu’un homme cherchant à obtenir la science de Buddha, laquelle est sans égale, fasse vœu en ce monde de pratiquer les cinq perfections ;

18. Qu’il emploie huit mille kôṭis de Kalpas complets à donner, à plusieurs reprises, l’aumône aux Buddhas et aux Çrâvakas,

19. À réjouir des myriades de Pratyêkabuddhas et de Bôdhisattvas, en leur donnant de la nourriture, des aliments, du riz, des boissons, des vêtements, des lits et des sièges ;f. 179 b.

20. Qu’il fasse faire ici, pour ces personnages, des habitations et des Vihâras de bois de santal, des ermitages agréables avec des lieux de promenade(179 b) ;

21. Qu’il répande en ce monde des dons variés et de diverses espèces, et qu’ayant fait de telles aumônes pendant des milliers de kôṭis de Kalpas, il songe à l’état de Buddha ;

22. Qu’en vue de la science de Buddha, il observe la règle de la moralité qui est pure, qui a été décrite par tous les Buddhas, qui forme un tout continu, qui est louée par les sages ;

23. Que, plein de patience, il soit établi sur le terrain de la modération ; qu’il soit plein de constance et de mémoire, et qu’il supporte beaucoup d’injures ;

24. Qu’en vue de la science de Buddha, il supporte les dédains des êtres arrogants qui se reposent dans l’orgueil ;

25. Que, toujours attentif à déployer sa force, toujours énergique et doué d’une mémoire ferme, il reste pendant des milliers de kôṭis de Kalpas occupé de la même pensée ;

26. Que, dans la forêt où il habite, soit qu’il marche, ou qu’il soit debout, ou qu’il se lève, il vive pendant des kôṭis de Kalpas, étranger au sommeil et à la paresse ; 27. Que, livré à la contemplation ; à la grande contemplation, y trouvant son plaisir et toujours recueilli, il passe à méditer huit mille kôṭis de Kalpas complets ;

28. Que, dans son héroïsme, il demande, par cette méditation, l’excellent état de Bôdhi, et qu’en disant : f. 180 a.« Puissé-je obtenir l’omniscience, » il soit parvenu à la perfection de la contemplation.

29. Eh bien ! le mérite que pourrait acquérir un tel homme, en accomplissant pendant des milliers de kôṭis de Kalpas les devoirs que je viens de décrire,

30. Est de beaucoup inférieur au mérite sans fin qu’acquiert l’homme ou la femme qui ayant entendu ce récit de la durée de mon existence, y ajouterait foi, ne fût-ce qu’un seul instant.

31. Celui qui renonçant au doute, à l’inquiétude et à l’orgueil, accorderait à ce récit ne fût-ce qu’un moment de confiance, doit en recueillir le fruit que je viens d’indiquer.

32. Les Bôdhisattva qui, pendant des milliers de Kalpas, ont rempli les devoirs qui leur sont imposés, n’éprouveront aucun sentiment d’effroi en entendant cet inconcevable récit de la durée de mon existence.

33. Ils diront en inclinant la tête : « Et moi aussi, puissé-je, dans un temps à venir, être semblable à ce Buddha ! Puissé-je sauver des kôṭis de créatures !

34. Puissé-je être comme le chef Çâkyamuni, comme Çâkyasimha, le grand Solitaire ! Qu’assis au sein de l’intime essence de l’état de Bôdhi(180 a), je fasse entendre le rugissement du lion !

35. Et moi aussi, puissé-je, dans l’avenir, honoré par tous les êtres et assis au sein de l’intime essence de l’état de Bôdhi, enseigner également que mon existence a une pareille durée ! »

36. Les hommes doués d’une application extrême, qui après avoir entendu et possédé cette exposition, comprennent le sens de mon langage énigmatique, ne conçoivent aucun doute.

f. 180 b.Encore autre chose, ô toi qui es invincible. Celui qui après avoir entendu cette indication de la durée de la vie du Tathâgata, laquelle est une exposition de la loi, la comprendrait, l’approfondirait et la connaîtrait, celui-là recueillerait une masse de mérites, plus incommensurable encore que celle [que je viens d’indiquer], de mérites faits pour conduire à la science de Buddha ; à bien plus forte raison, celui qui entendrait une exposition de la loi semblable à celle-ci, qui la ferait entendre à d’autres, qui la répéterait, qui l’écrirait, qui la ferait écrire, qui après l’avoir renfermée en un volume, l’honorerait, la vénérerait, l’adorerait, en lui offrant des fleurs, de l’encens, des parfums, des guirlandes, des substances onctueuses, des poudres odorantes, des vêtements, des parasols, des drapeaux, des étendards, des lampes alimentées par de l’huile, par du beurre clarifié, par des huiles odorantes ; celui-là, dis-je, recueillerait une masse bien plus grande encore de mérites, faits pour conduire à la science de Buddha.

Et quand un fils ou une fille de famille, ô toi qui es invincible, après avoir entendu cette indication de la durée de la vie du Tathâgata, laquelle est une exposition de la loi, y donnera sa confiance avec une application extrême, voici à quel signe devra se reconnaître son application. C’est qu’il me verra établi sur la montagne de Grĭdhrakûta, enseignant la loi, entouré d’une foule de Bôdhisattvas, servi par une foule de Bôdhisattvas, au milieu d’une assemblée de Çrâvakas ; f. 181 a.qu’il verra cette terre de Buddha que j’habite, c’est-à-dire l’univers Saha, faite de lapis-lazuli, présentant une surface égale, couverte d’enceintes tracées en forme de damier avec des cordes d’or, parsemée d’arbres de diamant ; qu’il y verra des Bôdhisattvas habitant des maisons dont les étages seront élevés. C’est là, ô toi qui es invincible, le signe auquel il faut reconnaître qu’un fils ou qu’une fille de famille donne sa confiance avec une application extrême. Il y a plus, ô toi qui es invincible, je dis qu’ils donnent leur confiance avec une application extrême, les fils de famille qui, lorsque le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet, ayant entendu cette exposition de la loi, ne la mépriseront pas, et bien au contraire, en éprouveront de la satisfaction ; à bien plus forte raison en dis-je autant de celui qui la retiendra et la récitera. Il porte le Tathâgata dans ses bras, celui qui après avoir renfermé cette exposition de la loi en un volume, la transporte dans ses bras. Ce fils ou cette fille de famille, ô toi qui es invincible, n’a pas besoin de faire pour moi des Stûpas, ni des Vihâras ; il n’a pas besoin de donner à l’assemblée des Religieux des médicaments destinés aux malades ou des meubles. Pourquoi cela ? C’est que ce fils ou cette fille de famille, ô toi qui es invincible, a rendu à mes reliques le culte que l’on doit aux reliques du Buddha, qu’il a fait des Stûpas formés des sept substances précieuses, f. 181 b.s’élevant jusqu’au ciel de Brahmâ, recouverts d’un parasol proportionné à leur circonférence, ornés de bannières, retentissants du bruit des cloches ; c’est qu’il a rendu à ces Stûpas contenant mes reliques, des honneurs de diverses espèces, en leur offrant des fleurs, de l’encens, des parfums, des guirlandes, des substances onctueuses, des poudres odorantes, des vêtements, des parasols, des drapeaux, des étendards, des bannières divines et humaines, en faisant retentir, [près de ces monuments,] le bruit agréable et doux des instruments de toute espèce, des tambours, des grands tambours, des timbales, des grandes timbales, des plaques de cuivre, en exécutant des danses, des chœurs et des chants de diverses espèces, nombreux et sans fin. En un mot, ces hommages ont duré pendant un nombre immense de centaines de mille de myriades de kôṭis de Kalpas. Celui qui, depuis mon entrée dans le Nirvâṇa complet, a possédé cette exposition de la loi, qui l’a récitée, qui l’a écrite, qui l’a expliquée, celui-là, ô toi qui es invincible, m’a construit des Vihâras spacieux, étendus, élevés, bâtis de santal rouge, renfermant trente-deux palais, ayant huit étages, pouvant servir d’habitation à mille Religieux, embellis de fleurs, de jardins, ayant dans leur voisinage un bois pour la promenade, fournis de lits et de sièges, remplis de médicaments destinés aux malades, de boissons, d’aliments et de mets, ornés de toutes sortes de meubles commodes. Ces êtres, qu’ils soient en grand nombre, f. 182 a.en nombre incommensurable, qu’ils soient au nombre soit de cent, soit de mille, soit de cent mille, soit de dix millions, soit de cent kôṭis, soit de mille kôṭis, soit de mille myriades de kôṭis, doivent être regardés comme ayant été présentés devant moi, pour former l’assemblée de mes Çrâvakas, et comme ayant été de ceux dont j’ai joui complètement. Celui qui, après l’entrée du Tathâgata dans le Nirvâṇa complet, possédera cette exposition de la loi, qui la récitera, l’enseignera, l’écrira, la fera écrire, oui, je le déclare de cette manière, ô toi qui es invincible, celui-là n’aura pas besoin de m’élever des Stûpas, quand je serai entré dans le Nirvâṇa complet, il n’aura pas besoin d’honorer l’assemblée ; à bien plus forte raison, ô toi qui es invincible, le fils ou la fille de famille qui, possédant cette exposition de la loi, se perfectionnera soit dans l’aumône, soit dans la moralité, soit dans la patience, soit dans l’énergie, soit dans la contemplation, soit dans la sagesse, recueillera certainement une plus grande masse de mérites, faits pour conduire à la science de Buddha, de mérites immenses, innombrables, infinis. Tout de même, ô fils de famille, que l’élément de l’éther est sans bornes, dans quelque direction qu’on se tourne, à l’orient, au midi, au couchant, au nord, au-dessus ou au-dessous de nous, ainsi est non moins immense et non moins innombrable la masse de mérites, faits pour conduire à la science de Buddha, que recueillera ce fils ou cette fille de famille. Celui qui possédera cette exposition de la loi, qui la récitera, f. 182 b.l’enseignera, l’écrira, la fera écrire, celui-là sera attentif à honorer les monuments élevés en l’honneur du Tathâgata ; il fera l’éloge des Çrâvakas du Tathâgata ; célébrant les cent mille myriades de qualités des Bôdhisattvas Mahâsattvas, il les exposera aux autres ; il sera accompli dans la patience ; il aura de la morale ; il possédera les conditions de la vertu ; il aura d’heureuses amitiés ; il sera patient, maître de lui, exempt d’envie et de toute pensée de colère ; il ne concevra pas la pensée de nuire ; il sera doué de mémoire, de force et d’énergie ; il sera constamment appliqué à rechercher les conditions des Buddhas ; il sera livré à la contemplation ; il attachera le plus grand prix à la méditation profonde et s’y appliquera fréquemment ; il saura résoudre habilement les questions qui lui seront faites ; il se débarrassera de cent mille myriades de kôṭis de questions. Le Bôdhisattva Mahâsattva, ô toi qui es invincible, qui, après que le Tathâgata sera entré dans le Nirvâṇa complet, possédera cette exposition de la loi, aura les qualités que je viens d’énumérer. Qu’il soit fils ou fille de famille, il doit être, ô toi qui es invincible, considéré de la manière suivante : « Entré dans la pure essence de l’état de Bôdhi(182 b), ce fils ou cette fille de famille se rend auprès du tronc de l’arbre Bôdhi, afin de parvenir à l’état de Buddha parfait. » f. 183 a.Et dans quelque endroit, ô toi qui es invincible, que ce fils ou cette fille de famille vienne à se tenir debout, ou à s’asseoir, ou à marcher, il faudra élever là un monument à l’intention du Tathâgata. Ce monument devra être fait par le monde réuni aux Dêvas dans cette pensée : « Ceci est le Stûpa du Tathâgata. »

Ensuite Bhagavat prononça dans cette occasion les stances suivantes :

37. Il aura une masse infinie de mérites que j’ai célébrée plus d’une fois, celui qui possédera ce Sûtra, lorsque le Guide des hommes sera entré dans le Nirvâṇa.

38. Celui-là m’a rendu un culte, il m’a fait élever des Stûpas pour renfermer mes reliques, des Stûpas faits de substances précieuses, variés, beaux à voir et resplendissants,

39. Égalant en hauteur le monde de Brahmâ, recouverts de lignes de parasols ayant une circonférence proportionnée, beaux et ornés d’étendards,

40. Retentissants du bruit des clochettes, rehaussés de guirlandes faites d’étoffes de soie ; les cloches y sont agitées par le vent ; ces Stûpas, enfin, reçoivent leur éclat des reliques du Djina. 41. Il leur a rendu un culte étendu avec des fleurs, des parfums et des substances onctueuses, avec des instruments de musique, des étoffes et des timbales frappées à plusieurs reprises.

42. Il a fait retentir auprès de ces édifices des instruments de musique dont le son est agréable ; il les a entourés de tous côtés de lampes alimentées par des huiles odorantes.

43. Celui qui possédera ce Sûtra, et qui l’enseignera pendant la période de l’imperfection, m’aura rendu le culte varié et sans fin que je viens d’indiquer.

44. Il a fait construire de nombreux kôṭis d’excellents Vihâras bâtis en bois de santal, formés de trente-deux palais et hauts de huit étages,

45. Fournis de lits et de sièges, remplis d’aliments et de mets, munis d’excellentes tentures et renfermant des chambres par milliers.

46. Il a donné des ermitages et des lieux de promenade, ornés de jardins et pleins de fleurs, ainsi que de nombreux coussins f. 183 b.de diverses formes et couverts de dessins divers.

47. Il a rendu en ma présence un culte varié à l’assemblée, celui qui doit posséder ce Sûtra, quand le Guide [du monde] sera entré dans le Nirvâṇa.

48. Qu’un homme soit plein des meilleures dispositions, eh bien ! celui qui récitera ce Sûtra ou qui l’écrira, recueillera de cette action beaucoup plus de mérite que lui.

49. Qu’un homme le fasse écrire et le renferme dans un volume ; puis, qu’il rende un culte à ce volume, en lui présentant des parfums, des guirlandes et des substances onctueuses ;

50. Qu’il lui offre sans cesse, en signe de respect, une lampe alimentée d’huile odorante, avec des oblations de beaux lotus bleus, de perles et de fleurs de Tchampaka ;

51. Qu’un homme, en un mot, rende un culte de cette espèce aux volumes [sacrés], il en recueillera une masse de mérites dont il n’existe pas de mesure.

52. De même qu’il n’existe pas de mesure pour l’élément de l’éther, de quelque côté des dix points de l’espace qu’on se dirige, de même il n’en existe pas davantage pour cette masse de mérites,

53. Que faudra-t-il donc dire, s’il s’agit d’un homme patient, maître de lui-même, recueilli, fidèle à la morale, livré à la contemplation, et dont l’activité s’exerce tout entière à la méditation ;

54. D’un homme exempt de colère et de méchanceté, honorant de ses respects le monument [du Buddha], s’inclinant sans cesse devant les Religieux, ne connaissant ni l’orgueil, ni la paresse ; 55. Doué de sagesse et de fermeté, qui, lorsqu’on lui adresse une question, ne se met pas en colère ; qui, le cœur plein de compassion pour les créatures, leur donne une instruction proportionnée [à leurs forces] ?f. 184 a.

56. Oui, s’il existe un tel homme qui possède ce Sûtra, il possède des mérites dont il n’existe pas de mesure.

57. Si un homme voit un tel interprète de la loi qui possède ce Sûtra, qu’il le traite avec respect.

58. Qu’il répande sur lui des fleurs divines et qu’il le couvre de vêtements divins, et qu’ayant salué ses pieds en les touchant de la tête, il conçoive cette pensée : « Celui-ci est un Tathâgata. »

59. À la vue de ce personnage, il fera aussitôt cette réflexion : « Oui, il va se rendre auprès de l’arbre, et il y acquerra l’état suprême et fortuné de Buddha, pour le bien du monde réuni aux Dêvas. »

60. En quelque lieu que ce sage se promène, qu’il se tienne debout, qu’il vienne à s’asseoir, ou que, plein de constance, il s’arrête pour se coucher, en récitant ne fut-ce qu’une seule stance de ce Sûtra,

61. Qu’on élève dans ces divers endroits des Stûpas variés et beaux à voir pour le Meilleur des hommes, à l’intention du bienheureux Buddha, le Guide [du monde], et qu’on rende à ces édifices des hommages de toute espèce,

62. J’ai certainement été en possession de l’endroit de la terre où s’est trouvé ce fils de Buddha ; j’ai moi-même marché en ce lieu ; en ce lieu je me suis assis moi-même.


Notes du chapitre XVI

CHAPITRES XV ET XVI.

f. 169 a. À l’intime et suprême essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « au trône éminent de la Bôdhi. » f. 169 a.

f. 170 b. Les hommes ordinaires.] Le texte se sert ici d’une expression consacrée dans le style buddhique, celle de prĭthagdjana, littéralement « homme à part, « homme séparé de ceux qui sont sur la voie de parvenir aux perfections les plus élevées. J’ai rassemblé dans l’Appendice, no XIX, divers textes qui prouvent que cette dénomination est aussi familière aux Buddhistes du Sud qu’à ceux du Nord.

f. 175 b. D’autres Bôdhisattvas, en nombre égal à celui des atomes d’un univers.] Les deux manuscrits de M. Hodgson lisent ainsi : « en nombre égal à celui des atomes d’un univers formé d’un grand millier de deux mille mondes. »

f. 177 b. St. 4. Sont arrivés à.] Lisez, « sont partis pour. »

f. 178 b. Ont fait preuve de confiance.] Lisez, « ont fait preuve de pénétration. » Cette correction s’applique également à la fin du fol. 178 b.

Et grave bien dans ton esprit.] L’expression dont se sert ici le texte est sâdhutcha suchthutcha manasikuru ; j’en ai forcé un peu le sens pour ne rien omettre des mots sâdhutcha suchthuicha ; car employé seul, le verbe composé manasikrĭ signifie seulement « penser. » M. L. J. Schmidt traduisant d’après la version tibétaine le Vadjra tchtchhédika des Tibétains, rend cette expression même de la manière suivante : « garde convenablement dans ta mémoire ce que tu auras entendu[1]. » Il est à peine besoin d’avertir que du verbe composé manasikrĭ on forme le substantif manasikâra, « acte de pensée, pensée. » Le verbe et le substantif sont aussi familiers aux Buddhistes du Sud qu’à ceux du Nord. Je les trouve l’un et l’autre employés et parfaitement expliqués dans le passage suivant du Nidâna vagga pâli : Sâdhuḳam̃ manasikarôthâti manasikârô daḷhakammaṇi yôdjanêna manindriyavikkkêpanîvâraṇam̃. « Fixez bien dans votre esprit [dit le texte] : le mot manasikâra est pris dans le « sens de rendre ferme (affermir) ; c’est l’action d’empêcher par l’application le dérangement de l’organe de l’esprit[2]. »

f. 179 b. St. 20. Des lieux de promenade.] On sait par les descriptions que plusieurs auteurs ont données des Vihâras, qu’un lieu de promenade est attaché à ces édifices. C’est là un souvenir et une imitation de la promenade philosophique à laquelle se livra Çâkyamuni, auprès de l’arbre Bôdhi, lorsqu’il parvint à l’état suprême de Buddha parfait[3]. Ce lieu de promenade se nomme tchag̃krama sthâna, et plus ordinairement, tchag̃kramaṇa. On comprend que les Buddhistes du Sud connaissent également ce terme et l’emploient de même dans les légendes de la vie de Çâkya. Ainsi Turnour traduisant un passage de la glose de Buddhaghôsa sur le Dîgha nikâya, en donne cette interprétation : « il descendait de la salle où l’on se promène en méditant, » peripatetic hall of meditation[4]. On retrouve ce même terme dans un autre passage de la même glose que M. Turnour traduit ainsi : « Ayant fait produire un tchankaman (un lieu de promenade), il passa sept jours à se promener de long en large sur ce long Ratana tchankaman, lieu de promenade fait de pierres précieuses[5]. » C’est ce dernier lieu de promenade sur lequel Çâkyamuni médita avant de devenir Buddha, et dont il est parlé dans le Lalita vistara. Il est particulièrement célèbre chez les Buddhistes de toutes les écoles, comme l’un des sept endroits dans chacun desquels Çâkyamuni passa sept jours en contemplation. Les Barmans, dans leur prononciation altérée, le nomment Yatana zengyan, pour Ratna tchag̃krama[6]. C’est en effet une particularité de la prononciation barmane, que la consonne r, surtout initiale et médiale, soit remplacée par un y. M. Latter a signalé ce fait dans sa grammaire barmane[7] ; mais les limites dans lesquelles il convient de le restreindre ne sont pas encore déterminées avec précision. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il constitue un des traits distinctifs de la langue des Myanma comparée au dialecte des Rakaing ou Arracanais. Chez ces derniers la prononciation du r est aussi recherchée que celle du y chez leurs voisins ; et de plus, un y même primitif se change en r, comme on le voit dans le nom même de Rakaing, que l’on dérive avec beaucoup de vraisemblance du pâli Yakkha, pour le sanscrit Yakcha[8].

f. 180 a. St. 34. Assis au sein de l’intime essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « assis sur le trône de la Bôdhi. » Cette correction s’applique également à la stance 35.

f. 182 b. Entré dans la pure essence de l’état de Bôdhi.] Lisez, « parti pour le trône de la Bôdhi. »


  1. Ueber das Mahâyâna, dans Mém. de l’Acad. des sciences de S. Pétersbourg, t. IV, p. 187.
  2. Nidâna vagga, f. 3 b ; conf. Clough, Singhal. Diction. t. II, p. 515.
  3. Rgya tcher rol pa, t. II, p. 364.
  4. Examin. of Pâli Buddh. Ann. dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 517.
  5. id. ibid. t. VII, p. 814.
  6. H. Burney, Translation of an Inscription in the Burmese language discovered at Buddha Goya, dans Asiat. Res. t. XX, p. 186.
  7. Gramm. of the lang. of Burmah, p. 12.
  8. Phayre, Hist. of Arakan, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. XII, p. 24 et 25.