Louÿs – Poésies/Stances 1
STANCES
À LA NYMPHE DE SUMÈNE
Sous les rocs à face humaine,
La nuit, tu nous apparais,
Nymphe antique de Sumène,
Âme du noir Vivarais.
Les vols de sylphes et d’elfes
Ne hantent pas ton ravin ;
Tu ne reçois que de Delphes
Le rayonnement divin.
Quand tu marches à la brune,
Tes pieds laissent sur les eaux
Des traces de clair de lune
Où vont boire les oiseaux.
Près de toi, l’herbe et la feuille
Frissonnent, le soir tombé ;
C’est ta source qui recueille
Endymion et Phœbé.
Dans ton eau calme et fertile
Tu regardes leur sommeil…
Ô Nymphe aux yeux de myrtille,
Naïade, écoute un conseil :
Quand tu verras sur la grève,
Vers l’ombre de tes bras nus,
Les sylvains de Saint-Agrève
Tendre leurs mufles cornus,
Avec ta main délicate
Glisse en tes obscurs cheveux
Le fatal croissant d’Hécate
Qui détourne les aveux ;
Et sur la vasque où tu baignes
Tes pieds frais aux cressons verts,
Nous t’offrirons des châtaignes,
Du lait de chèvre, et des vers.
Lapras, 17 août 1899.