Mélanges/Tome I/08

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imprimerie de la Vérité (Ip. 20-22).

SUPPLIQUE DU CLERGÉ DE MONTRÉAL


11 août 1881


L’Evénement discute encore la question universitaire. Assurément, ce n’est pas le temps convenable de traiter cette grave affaire dans la presse. Attendons patiemment la décision de Rome, et prenons la ferme résolution de nous conformer à cette décision, quelle qu’elle soit.

Du reste, le rédacteur de l’Événement manque absolument des qualités voulues pour faire un docteur en théologie. Il tourne admirablement une chronique de théâtre, il fait une jolie Gazette du Jour et ses Ça et là se lisent bien. Mais qu’il ne s’avise plus de nous donner des sermons. À coup sûr, comme il dirait lui-même, ce rôle ne lui va pas.

Parlant du clergé de Montréal, le rédacteur de l’Événement dit :

« Ces prêtres infatués d’eux-mêmes ne savent plus ni ce qu’ils font, ni ce qu’ils disent. Ils ont perdu le sentiment de toutes les convenances avec le sentiment du devoir et le respect de la règle. En un mot, ils ont oublié ce qu’ils se devaient à eux-mêmes, à leur caractère pieux, à l’Épiscopat, à ce pays si profondément catholique, etc. »

Tout l’article est sur ce ton souverainement déplacé.

Cela n’a pas même le mérite d’être spirituel. Ce sont des insultes que le premier venu pourrait lancer à la face du clergé.

Le rédacteur de l’Événement ne s’aperçoit donc pas qu’en appelant le clergé de Montréal, un « clergé rebelle » (sic), il donne un rude soufflet à Mgr Fabre ? Il le représente comme parfaitement incapable, sans l’aide des journaux, de contrôler son clergé et de gouverner son diocèse. C’est un procédé peu fraternel, pour ne rien dire de plus.

Soyons certain d’une chose, c’est que le Saint-Père n’a pas besoin des immenses lumières de l’Événement pour juger l’importante cause qui lui est soumise.

Nous sommes très surpris de voir que pas un journal de Québec n’a eu le courage de protester contre l’article inconvenant que nous venons de signaler.

Voilà que le Quotidien, de Lévis, emboîte le pas derrière l’Événement pour régenter le clergé de Montréal. Sous prétexte de défendre la cause de l’Université-Laval, il attaque, de la manière la plus violente, les prêtres du diocèse de Montréal. Nous n’avons pas du tout l’intention de discuter la question université, c’est une de ces questions qu’on ne saurait traiter dans la presse. Du reste, cette grave affaire étant portée à Rome, il convient que les catholiques se taisent en attendant la décision de cet auguste tribunal. Mais nous pouvons et nous devons flétrir l’incroyable inconvenance des journalistes qui se permettent de vilipender un très grand nombre de prêtres éminemment respectables. Nous n’avons pas qualité pour juger l’action du clergé de Montréal ; il ne nous convient ni de la blâmer ni de la louer. Ces choses-là ne sont pas de notre ressort. Une chose, cependant, dont nous sommes bien certain, c’est que le clergé de Montréal ne relève que de son évêque, et que le rédacteur inconnu du Quotidien n’a pas le droit de lui demander compte de sa conduite. C’est le renversement de tout ordre, c’est souverainement indécent.

Avec tous les véritables amis de Laval, nous déplorons amèrement ces attaques abominables contre le clergé de Montréal, attaques qui n’ont ni sens ni à propos, et qui sont tout simplement de nature à compromettre gravement la cause de l’Université.


18 août 1881


Le Journal de Québec, à son tour, publie une correspondance sur la question universitaire. Dans cet écrit, que nous ne qualifierons pas, il est dit en toutes lettres que le fameux « Louis Dessaulles était à cent coudées en deçà des prêtres de Montréal. » C’est-à-dire que les prêtres de Montréal sont bien pires que ce triste personnage ! Comment peut-on publier de pareilles énormités ! Et pense-t-on sérieusement que c’est par de telles attaques qu’on va régler cette brûlante question ?