Mélanges/Tome I/42

La bibliothèque libre.
imprimerie de la Vérité (Ip. 134-136).

CES BONS FRANCS-MACONS


24 juin 1882


La Minerve vient d’accuser MM. Poirier, Geoffrion, Laflamme, Robidoux et Lareau d’être francs-maçons. La vieille affecte de se scandaliser de voir des francs-maçons dans les rangs du parti libéral ; nous ne craignons pas de dire que c’est là de l’hypocrisie pure, attendu que la Minerve compte bon nombre d’amis intimes qui sont membres de sociétés secrètes.

Les accusés ont intenté chacun une action de 25 000 $ contre la Minerve. De plus, M. Tassé, qui est censé diriger la Minerve, est poursuivi au criminel.

Naturellement, nous ne savons pas si tous les cinq personnages en question sont francs-maçons ou non ; tout ce que nous savons c’est que la franc-maçonnerie fait de terribles ravages parmi nous, non-seulement parmi les rouges, mais aussi parmi les bleus.

Ce que nous trouvons amusant, c’est le zèle que met la Patrie à défendre ses amis contre l’accusation de la Minerve, car la Patrie, on le sait, a pour directeur un homme qui s’est avoué franc-maçon très-avancé !

La Patrie, voulant disculper ses amis, publie le document suivant :


Certificat du grand-Secrétaire des Francs-maçons de
la Province de Québec.

Grande Loge de Québec,

A. F. & A. M. Sceau
de la
Loge.
Bureau du Grand-Secrétaire
 
 
 
Montréal, 16 juin 1882.

A. M. Alfred Meunier, vénérable de la loge des Cœurs-Unis, No. 45 R. Q.

Mon Cher Monsieur,

En réponse à votre lettre me demandant si MM. A. E. POIRIER, avocat de Montréal, FÉLIX GEOFFRION, de Verchères, JOSEPH ÉMERY ROBIDOUX, avocat de Montréal, RODOLPHE LAFLAMME, avocat de Montréal, et EDMOND LAREAU, avocat de Montréal, ou aucun d’eux sont FRANCS-MAÇONS et enregistrés comme tels, j’ai l’honneur de vous dire qu’aucun d’eux, à ma connaissance, sont FRANCS-MAÇONS et qu’ils ne sont certainement pas inscrits sur les régistres comme tels dans ce bureau et qu’ils ne peuvent par conséquent appartenir à une loge de cette juridiction.

JOHN H. ISAACSON,
Grand Secrétaire de la grande Loge de la province de Québec.


En bonne vérité, est-ce que la Patrie prend, tous les Canadiens pour des imbéciles ? Nous voudrions bien savoir ce qu’un pareil certificat prouve. Ne sait-on pas que les francs-maçons font serment de ne jamais révéler les secrets de la loge ? et voici que la Patrie veut nous faire croire que le Grand Secrétaire de la Grande Loge de la Province de Québec va communiquer un relevé exact des registres de la loge au frère Meunier, pour qu’à son tour il le passe au frère Beaugrand qui, lui, est chargé de le livrer au public ? Contez cela à d’autres, frère Beaugrand. Votre certificat maçonnique ne prouve rien du tout.

À propos de cette dispute entre la Minerve et la Patrie, voici quelque chose de touchant. C’est la Gazette, de Montréal, dirigée par un franc-maçon haut gradé, M. Thomas White, qui vient à la rescousse de la Minerve de la manière que voici :


On fait beaucoup de bruit de ce temps-ci parce que la Minerve a affirmé que MM. Poirier, Laflamme, Lareau, Geoffrion, etc. sont francs-maçons. Cette affirmation a été faite, cependant, non comme une attaque contre ces messieurs, mais comme une réplique à la Patrie, qui, depuis une quinzaine de jours, dénonce le parti conservateur parce que, dit-elle, il est dirigé par des orangistes et des francs-maçons. La Minerve N’A PAS CONDAMNÉ LA FRANC-MAÇONNERIE ; elle a simplement fait remarquer le fait, réel ou supposé, que de bons et éminents libéraux appartiennent à l’ordre.


Voilà ce que c’est que de se faire défendre par des amis compromettants. Ainsi, on le voit, au témoignage de la Gazette, organe bleu, la Minerve, la bonne vieille, n’a pas condamné la franc-maçonnerie. Oh ! non ! Elle a voulu tout bonnement faire une petite malice aux rouges en jouant au tu quoque.

Mais elle s’est bien gardée de condamner la franc-maçonnerie !

Bonne vieille, on commence à vous connaître.