Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 1/Partie Mathématiques

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HISTOIRE
DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES
DE L’INSTITUT DE FRANCE.

ANALYSE
Des Travaux de l’Académie Royale des Sciences,
pendant l’année 1816.
PARTIE MATHÉMATIQUE.
Par M. le Cher DELAMBRE, Secrétaire perpétuel.


Jamais peut-être le zèle des géomètres n’a été plus soutenu, jamais peut-être ils ne se sont livrés avec plus de constance à leurs travaux accoutumés, au développement de leurs premières idées, à l’achèvement des ouvrages déjà publiés en partie ; et cependant jamais nous n’avons trouvé tant de difficultés à la rédaction de l’histoire annuelle de l’Académie. Réduits presque uniquement à nos seuls souvenirs pour annoncer des Mémoires que les auteurs ont retirés pour les revoir ou les étendre, ou qu’ils ont déjà livrés à l’impression, pour accélérer de tout leur pouvoir la publication du volume qui va commencer une nouvelle série, sous le titre de Nouveaux Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, nous ne pouvons qu’indiquer brièvement les différens objets qui ont rempli nos séances pendant l’année qui vient de s’écouler. D’ailleurs, plus les mathématiques auront fait des progrès, plus les progrès ultérieurs deviendront difficiles, et plus nous éprouverons l’impossibilité de rendre frappans et sensibles les résultats nouvellement obtenus. Les problèmes se compliquent, l’énoncé même des théorèmes exige une attention soutenue pour en bien saisir le sens ; les applications de l’analyse à la physique qui, après l’explication complète du système du monde, faisaient l’espoir des mathématiciens, ne leur ont offert que des problèmes encore plus hérissés de difficultés ; les expériences même sont loin d’être aussi simples que l’étaient celles qui, les premières, ont fait connaître la nature et les principaux phénomènes de la lumière ou de l’électricité, il faut les répéter soi-même, et bien étudier les appareils nécessaires, si l’on veut se faire une idée des vérités nouvelles qui sont le fruit de ces recherches, qui exigent autant de patience que de sagacité. Ainsi, quoique pour les savans de profession la somme des travaux soit toujours la même, la partie dont il nous est possible de rendre compte doit diminuer de jour en jour.

On sera donc peu surpris, si nous nous bornons à donner simplement les titres de plusieurs Mémoires, malgré l’importance des sujets et le mérite que les auteurs ont su donner à l’exécution. Dans cette classe, nous sommes malgré nous forcés de ranger :

1o Un grand Mémoire de M. Poisson, sur la Variation des Constantes arbitraires.

2o Les Formules de M. Cauchy, relatives à la détermination des intégrales définies, et la Conversion des différences finies des puissances en intégrales de cette espèce, et sa Démonstration d’un théorème curieux sur les Nombres, de laquelle il fait découler, comme simple corollaire, une propriété remarquable des fractions ordinaires, observée par M. J. Farey. Et de plus un Mémoire sur les Solutions particulières, et un autre sur les Racines imaginaires des équations.

3o Deux grands Mémoires et plusieurs notes sur la diffraction, par MM. Pouillet, et Biot, qui les a insérés dans son Traité de Physique, auquel nous consacrerons un article particulier.

4o Divers Mémoires de M. Biot, sur le son des anches dans les instrumens de musique, sur l’intonation des tuyaux d’orgue remplis de différens gaz, sur la pile et l’électricité ; la description d’un colorigraphe, et ses Nouvelles Expériences sur la Polarisation de la Lumière.

(On sait que M. Arago s’occupe de son côté de recherches sur ce dernier objet, dont il a plusieurs fois entretenu l’Académie, et qu’il se propose de réunir en un seul ouvrage, dès qu’il les aura complétées.)

5o Enfin, les Notes lues par M. le comte Laplace, sur la Vitesse du son dans diverses substances, sur l’Action réciproque des Pendules, et sur une attention négligée jusqu’ici dans les expériences qui servent à la détermination de la longueur du pendule simple.

De toutes les expériences de ce genre, tentées en différens temps par les géomètres, les astronomes et les physiciens les plus distingués, celles de Borda sont regardées généralement comme les plus sûres et les plus concluantes, soit par les attentions nouvelles, les procédés ingénieux, la grandeur de l’appareil, soit enfin par l’habileté bien connue de cet excellent observateur.

On convient que c’est avec grande raison qu’il a préféré la suspension à couteau, qu’il a crue plus susceptible de précision que la suspension à pince, parce que, dans celle-ci, on a toujours quelque incertitude sur le vrai point autour duquel se font les oscillations, au lieu que dans l’autre, le tranchant du couteau étant très-vif, le centre du mouvement peut être censé dans le plan même sur lequel il pose. Cette supposition que Borda s’était permise, et qui lui a été long-temps accordée sans réclamation, a depuis fait naître quelques doutes. On a pensé que le tranchant ne pouvait jamais être assez vif pour être considéré comme une ligne mathématique, qu’il devait bien plutôt être traité comme un petit cylindre dont le centre était plus élevé que la ligne de contact, en sorte que le rayon de ce cylindre aurait dû s’ajouter à la longueur mesurée. La question méritait d’être examinée, et, si l’on ne pouvait se flatter de déterminer exactement le rayon de ce cylindre et la correction qu’il nécessiterait, on pouvait du moins estimer à-peu-près cette correction, et connaître les limites de l’erreur qu’on avait à craindre. C’est ce que M. le comte Laplace vient de soumettre à un calcul dont le résultat a dû le surprendre lui-même, puisqu’il a trouvé que ce rayon, quel qu’il puisse être, doit se retrancher, et non s’ajouter à la longueur mesurée ; mais cette longueur est environ quatre fois celle du pendule, et cela suffit peut-être pour légitimer la supposition de Borda, mais c’est en même temps un avertissement utile à tous les savans qui se proposeront de répéter l’expérience avec des pendules beaucoup moins longs.

Outre ces Notes diverses, qui toutes sont des applications heureuses des principes généraux qu’il a posés dans sa Mécanique Céleste, M. le comte Laplace a fait des supplémens et des augmentations utiles à sa Théorie Analytique des Probabilités, et à l’Essai Philosophique, sur le même sujet, dont la troisième édition a paru il y a quelques mois.

L’auteur termine cet ouvrage par cette réflexion, qu’il n’est point de science plus digne de nos méditations, et qu’il soit plus utile de faire entrer dans le système de l’instruction publique. Cette vue philosophique a été saisie par M. Lacroix, qui d’ailleurs avait pu la trouver dans les écrits d’un géomètre célèbre qui s’est, à plusieurs reprises, exercé sur ce sujet difficile autant qu’intéressant, et elle a donné naissance à l’ouvrage suivant qui complétera le Cours de Mathématiques du même auteur.

Traité Élémentaire du Calcul des Probabilités, par S. F. Lacroix, Paris, madame veuve Courcier, 1816. Quand le génie a créé une science nouvelle, ou que par une analyse savante il en a reculé les limites, il est du devoir de tout homme qui s’est livré particulièrement à l’instruction publique, et à qui toutes les parties de la géométrie moderne sont également familières, de lire, de commenter les ouvrages originaux, d’en extraire tout ce qu’on peut rendre accessible à l’intelligence moins exercée des lecteurs ordinaires, de chercher des démonstrations directes et particulières des théorèmes les plus utiles que l’inventeur a trouvés par des méthodes plus générales et plus fécondes, mais plus difficiles à bien comprendre. C’est ce qu’on trouvera dans l’ouvrage nouveau de M. Lacroix, qui a su y répandre tout l’intérêt dont la matière est susceptible, par des exemples bien choisis, par les nombreuses citations qu’il a faites des écrits originaux, par le soin d’assigner à chacun la part qu’il peut légitimement réclamer, et par l’histoire détaillée des travaux de ce genre, exécutés par les plus grands géomètres, depuis l’âge de Pascal et de Fermat jusqu’à nos jours.

Depuis l’époque de la suppression de l’Académie des Sciences, qui est à-peu-près celle où M. Legendre a publié son premier Mémoire sur les Transcendantes Elliptiques, ce profond géomètre n’a cessé d’étendre, chaque année, cette théorie, qu’il avait pour ainsi dire créée, et dont il a exposé la doctrine dans ses Exercices du Calcul Intégral, auxquels il a déjà publié plusieurs supplémens. Le dernier, qui a paru au mois de juillet 1816, a pour objet la construction des Tables Elliptiques.

En indiquant aux géomètres tout le parti qu’on pouvait tirer des transcendantes de cette espèce, l’auteur avait annoncé que ses solutions ne deviendraient véritablement usuelles qu’au moyen de tables où ces fonctions pourraient être évaluées dans tous les cas avec un degré d’approximation convenable, et sans exiger des calculs trop pénibles, enfin des tables qui fussent pour l’analyse ce que sont à-peu-près pour l’astronomie les tables des sinus, des tangentes, et des logarithmes des nombres. C’est la construction de ces tables qui fait l’objet principal du supplément nouveau que M. Legendre vient d’ajouter à son ouvrage.

La première de ces Tables offre 900 valeurs de quarts d’ellipse, et un pareil nombre de valeurs de la fonction analogue , dont 420 au moins ont été calculées directement jusqu’à 14 décimales, les autres l’ont été jusqu’à 12. Ces transcendantes sont donc maintenant connues plus exactement que ne l’était la circonférence du cercle avant les calculs de Ludolph Van Ceulen. On y a joint les différences 1re, 2e et 3e, et l’on a réduit le tout à 12 décimales. Jusqu’à 70° de l’argument, la 3e différence qui n’était d’abord que d’une seule figure significative, s’est accrue progressivement jusqu’à devenir 6778 pour  et 25284 pour la fonction  ; il a donc été nécessaire d’y ajouter les 4es différences qui sont alors 49 et 362, et croissent ensuite jusqu’à 485 160 et 5 706 908 015, qui sont les derniers nombres de ces deux colonnes.

La Table II donne les valeurs des fonctions , calculées à 12 décimales pour toutes les amplitudes  de demi-degré en demi-degré, depuis 0° jusqu’à 90°, l’angle de module étant 45°.

Cette Table est de même terminée à la douzième décimale, et présente les différences 1, 2, 3, 4 et 5e.

La Table III contient les sinus naturels à 15 décimales, et leurs logarithmes jusqu’à 14, pour tous les arcs de 15 en 15 minutes ; elle est un extrait des grandes Tables de Briggs.

La Table IV donne les valeurs logarithmiques de tangente (45° ) pour tous les angles de 30 en 30′ depuis 0° jusqu’à 90°, à 12 décimales avec cinq ordres de différences.

À la fin de cette Table on trouve neuf corrections pour les logarithmes à 20 décimales, de l’édition donnée à Avignon, par Pézénas. Sur quoi nous remarquerons que de ces neuf logarithmes deux seulement se trouvent dans l’édition anglaise de Gardiner, et qu’ils y sont corrects ; ils se trouvent tous, et pareillement exempts de fautes dans l’édition stéréotype de Callet.

Enfin, pour étendre l’usage de cette Table de logarithmes à 20 décimales, M. Legendre a extrait des grandes Tables du Cadastre (déposées au Bureau des Longitudes, et dont la notice se trouve dans les Mémoires de l’Institut, tome V), les logarithmes à 19 décimales de tous les nombres impairs, depuis 1163 jusqu’à 1501, et de tous les nombres premiers, de 1501 à 10000.

Il nous est impossible de donner ici une idée des moyens employés par l’auteur, soit pour la construction, soit pour la vérification, et même l’interpolation de ses Tables, si on désirait leur donner plus d’étendue. Il nous suffira de dire que rien n’a été épargné pour faciliter le travail à ceux qui voudraient construire un système complet de Tables Elliptiques. L’auteur « ose espérer que cette entreprise, dont l’utilité se fera sentir de plus en plus, sera mise un jour à exécution par quelqu’un de ces hommes laborieux qui apparaissent de temps en temps dans la carrière des sciences, pour laisser des monumens durables de leur patience et de leur zèle. »

À l’occasion de ces nouvelles Tables, l’auteur a fait des recherches pour faciliter l’interpolation des grandes Tables trigonométriques, telles que celles de Briggs, de Rhéticus, et de Vlacq. Il les a publiées dans la Connaissance des Temps de 1819. Par les moyens qu’il indique, on pourra trouver à 14 décimales le sinus, le cosinus et la tangente de tout arc, ou l’arc qui répond à une ligne trigonométrique donnée quelconque.

Dans les cas les plus ordinaires, où l’on n’a pas besoin de ce grand nombre de décimales, les formules se simplifient et peuvent devenir utiles et commodes dans les calculs trigonométriques qui exigent quelques attentions particulières.

À la suite de ce Mémoire on trouve une formule d’une élégance remarquable pour calculer la latitude d’une planète, en secondes, et en fonction de la tangente de la demi-inclinaison. L’auteur la déduit d’une formule plus générale, démontrée à l’article 116 de la cinquième partie des Exercices de calcul intégral ; elle peut se déduire plus simplement encore de la série que Lagrange a donnée pour l’angle que fait, en un point quelconque, l’écliptique avec le parallèle à l’équateur. Cette série peut se transporter à la déclinaison du soleil, ainsi que nous l’avons fait remarquer (Astronomie, tome II, page 239) ; dans ce cas, pour avoir la déclinaison du soleil en fonction de l’ascension droite , il suffit de mettre (90° ) à la place de la longitude  de la formule de Lagrange, et l’on a pour la déclinaison  la formule

Nous avons même calculé à l’endroit cité les coëfficiens numériques des premiers termes dont le cinquième peut toujours se négliger. Le seul inconvénient de cette formule est qu’elle donne la déclinaison en fonction de l’ascension droite, ou la latitude en fonction de l’argument réduit à l’écliptique, au lieu qu’on les cherche ordinairement en fonction de la longitude ou de l’argument non réduit de latitude. C’est ce qui nous a fait chercher une série qui n’eût pas cet inconvénient ; elle s’est trouvée beaucoup plus convergente encore, mais les coëfficiens n’ont pas la même simplicité.

M. Legendre a fait paraître encore un supplément à son Essai sur la Théorie des Nombres, seconde édition, février 1816.

Ce supplément est divisé en trois chapitres.

Le premier offre les moyens de décomposer un nombre donné en quatre quarrés, tels que la somme de leurs racines soit égale à un nombre donné compris entre certaines limites.

Ce problème sert d’introduction au chapitre suivant qui a pour objet la démonstration générale du théorème de Fermat, sur les nombres polygones. Cette démonstration est fondée sur les mêmes principes que celle dont la découverte récente est due à M. Cauchy ; elle en diffère cependant à quelques égards, et elle ne suppose démontré que le théorème relatif aux nombres triangulaires, qui est le premier cas du théorème général.

En rendant compte, l’année dernière, de la découverte faite par M. Cauchy, d’une démonstration inutilement cherchée jusqu’alors par tous les géomètres, nous avions exprimé quelques doutes sur la réalité ou la généralité de la démonstration que Fermat avait annoncée dans les termes les plus positifs, qu’il n’avait jamais donnée, et dont on n’a trouvé nul vestige dans ses papiers, quoique de sa nature cette démonstration dût être assez longue. Il nous paraissait donc tout-à-fait invraisemblable que Fermat n’eût jamais rien écrit sur une matière qui exigeait tant et de si longs développemens, et nous avions soupçonné que Fermat, après avoir plus mûrement examiné sa démonstration, en avait été lui-même peu satisfait, et s’était déterminé à la supprimer entièrement.

M. Legendre au contraire paraît ne douter nullement que Fermat n’ait été réellement en possession de la démonstration générale de son théorème. Il se borne à penser que cette démonstration était totalement différente de celle qu’il vient d’exposer. Fermat ne connaissait que deux cas tout au plus de la forme trinaire des nombres, sans quoi il n’eût pas restreint à la forme () une propriété qui s’étend généralement à tous les nombres impairs ; enfin, Fermat n’a point aperçu une chose qui donne à son théorème plus de précision et d’élégance, savoir que sur les () polygones de l’ordre () qui composent un nombre donné, il y en a toujours () qu’on peut supposer égaux à 0 ou à l’unité. Cette condition ajoutée par M. Cauchy, prouverait déjà que Fermat n’avait pas lui-même une idée assez précise de son théorème ; mais M. Legendre va plus loin encore ; il démontre que, passé une certaine limite facile à assigner pour chaque ordre de polygones, tout nombre donné peut être décomposé en quatre polygones ou cinq au plus.

Ces deux limitations apportées au théorème de Fermat, nous paraissent assez importantes pour qu’on puisse dire que depuis qu’il est démontré, ce théorème n’est plus tout-à-fait le même, et que sans cesser d’être vrai selon l’énoncé plus général de l’auteur, il a reçu des modifications utiles à connaître.

Le chapitre III de ce supplément contient des méthodes nouvelles pour la résolution approchée des équations numériques.

L’une de ces méthodes exige uniquement que l’on connaisse une limite supérieure à la plus grande des racines, et cette limite se trouve par une formule extrêmement simple.

L’auteur appelle fonction omale, c’est-à-dire unie et sans irrégularité, toute fonction qui jouit de la propriété d’être toujours croissante ou décroissante, à mesure que augmente dans le sens positif depuis égal à zéro jusqu’à infini.

Il détermine ensuite la plus grande des racines, et divisant l’équation par cette racine, il l’abaisse d’un degré, et cherche de nouveau la plus grande racine de l’équation ainsi préparée. Ici la limite est connue, puisque la seconde racine est nécessairement moindre que la première. Le même procédé donnera successivement toutes les racines dans l’ordre de leurs grandeurs toujours décroissantes.

La seconde méthode consiste à partager l’équation proposée en deux fonctions omales simples. On construit les courbes de ces deux équations, et les diverses intersections de ces courbes font connaître les racines positives qu’on peut déterminer.

L’auteur, enfin, s’occupe de la recherche beaucoup plus difficile des racines imaginaires, mais l’on sent que cette dernière partie est bien moins susceptible d’extrait que les précédentes.

Il termine en annonçant aux amateurs de la théorie des nombres, deux ouvrages importans, et d’un usage presque indispensable dans les recherches de ce genre. Le premier est le Cribrum Arithmeticum de M. Chernac, professeur de philosophie à Deventer, dans lequel on trouve tous les nombres premiers et les diviseurs des autres nombres, depuis un jusqu’à un million et plus. Cet ouvrage a déjà prouvé que la règle de M. Legendre, pour trouver en quelle quantité les nombres premiers se trouvent entre deux limites données, est une approximation singulièrement exacte.

L’autre est celui de M. Burckhardt, qui, pour étendre cette table beaucoup plus loin, a créé une méthode sûre et facile qui lui a fourni en peu de temps le moindre diviseur de tout nombre compris dans les deux millions qui suivent. Avant d’aller plus loin, M. Burckhardt a cru devoir donner le premier million dans la même forme que le second et le troisième. Cette première partie vient de paraître sous ce titre :

Table des diviseurs pour tous les nombres du premier million, ou plus exactement depuis 1 jusqu’à 1020000, avec les nombres premiers qui s’y trouvent, par J. Ch. Burckhardt. Paris, madame veuve Courcier, 1817.

La préface annonce la comparaison du million de M. Chernac avec un manuscrit de M. Schenmark, que possède l’Institut, et elle offre le relevé des fautes d’impression que cette comparaison a fait découvrir dans le Cribrum de M. Chernac. Personne ne s’étonnera que quelques erreurs typographiques se soient glissées dans un pareil ouvrage, et M. Burckhardt lui-même nous invite à annoncer qu’une faute de ce genre lui est échappée à la page 2, dans l’exemple qu’il donne de l’usage de la table. Il choisit le nombre 784241 dont il s’agit de trouver le plus petit diviseur 53 ; on a laissé par mégarde 764241 ; mais l’erreur est aisée à remarquer, et ne trompera personne, car à la page 88, qui est exactement indiquée, on aperçoit au premier coup-d’œil que le nombre doit commencer par 78 et non par 76. Au reste, tous ceux qui ont eu à s’occuper du travail ingrat et pénible de la publication des tables, soit astronomiques, soit arithmétiques, ont appris, par leur expérience, que les fautes qu’ils y ont laissées se rencontrent rarement dans les endroits plus difficiles qu’ils ont revus avec l’attention la plus sévère, mais qu’elles sont plus ordinairement à la place où il était plus aisé de les éviter, de manière qu’elles frappent tout aussitôt les yeux du lecteur moins préoccupé, qui même ne les cherche pas.

M. Burckhardt expose ensuite les moyens qu’il a imaginés pour étendre l’usage de ses tables des diviseurs ; il termine en avertissant que, si la vente des trois premiers millions donnait quelque espérance de placer de même les suivans, il reste peu de travail pour compléter les 4e, 5e et 6e millions.

Dénonçons encore aux calculateurs une faute d’impression ; elle se trouve dans des tables qu’on est dans la coutume d’employer avec confiance, celles de Schulze et de Véga. Le log. hyperbolique de 7853 est 8.968… au lieu de 8.967. En effet le logarithme de 7853 commence dans les deux tables par les figures 8.967, et il est évident que le 7 est trop faible ; un calcul facile prouve qu’en effet il faut lire 8.968. Nouvelle preuve de ce que nous disions tout-à-l’heure, que les erreurs restent toujours aux endroits où il était plus aisé de les apercevoir, et sur lesquels l’œil fatigué du réviseur ne se porte qu’avec une sorte de distraction.

URANUS.

On se rappelle la surprise des astronomes, en 1781, à la nouvelle qu’une planète jusqu’alors inconnue venait d’être découverte par M. Herschel ; les soins qu’ils se donnèrent pour observer assiduement cette petite planète, et leurs efforts pour dresser des tables qui en pussent représenter la marche apparente. À peine ces tables étaient-elles ébauchées, que les astronomes trouvèrent des ressources inattendues. Il parut singulier qu’une planète qui, dans les lunettes ordinaires, ne se distingue des étoiles de cinquième grandeur que par une lumière un peu plus terne, eût échappé aux yeux des auteurs qui ont donné des catalogues nombreux des étoiles même beaucoup plus faibles que la planète. M. Bode eut l’idée heureuse de la chercher dans les catalogues de Flamsteed et de Mayer, et de s’assurer que deux fois déjà la planète avait été observée, mais comme une étoile ordinaire. La même recherche dans les observations de Lacaille n’eut pas le même succès, ce qui tient à ce que cet astronome faisait d’avance la liste des étoiles dont il voulait vérifier les positions, et qu’il prenait dans les anciens catalogues. D’ailleurs on sait que la mort vint le frapper avant qu’il eût achevé son catalogue des étoiles zodiacales, qui n’a paru que quelques années plus tard. Outre ces deux observations de 1690 et de 1755, Lemonnier en publia trois autres, l’une de 1764, et les deux autres de 1768. Ces dernières auraient suffi pour lui assurer l’honneur de la découverte, s’il eût pris la peine de les comparer entre elles ; car elles se trouvaient dans les circonstances les plus favorables. Avec ces secours, et en y joignant une suite d’observations d’élite faites dans un intervalle de huit ans postérieurement à la découverte, on fit des tables dans lesquelles entrèrent les perturbations produites par Jupiter et Saturne ; et ces tables, qui depuis vingt-cinq ans sont entre les mains de tous les astronomes, représentaient les mouvemens d’Uranus avec une précision dont on n’eût osé espérer qu’elles fussent susceptibles, et bien supérieure à celle qu’on avait pu donner jusqu’à cette époque à la théorie des planètes connues de tout temps. Mais il était tout-à-fait hors de vraisemblance que cette exactitude pût durer bien long-temps encore, et l’on attendait patiemment que la suite des ans amenât un nombre d’observations suffisant pour confirmer ou rectifier une théorie qui n’était pas encore assez éprouvée. Le Journal de M. Lindenau nous apprit que M. Bessel avait trouvé dans le Recueil de Bradley une observation plus ancienne encore que celle de Mayer : le Journal n’en disait pas davantage. M. de Lindenau, à notre prière, demanda à M. Bessel les renseignemens que nous désirions. Une lettre de M. Bessel vient de nous apprendre que cette observation est du 3 déc. 1753, mais qu’elle est incomplète en ce qu’elle n’a été faite qu’à l’instrument des passages. Le temps sidéral du passage est 22h. 23′. 21″.828 ; ainsi le 3 déc. à 5h. 32′. 34″. 8 T. M. l’ascension droite était :

333° 50′.27″.4 la déclin.
10.55′ 
A
Nos tables donnent
50.39.9 
10.53.32″.9

Ainsi l’erreur des tables n’est que de 12″.5.

M. Bessel a de même calculé de nouveau l’observation de Mayer, et le 25 septembre 1756 à 10h. 51′. 52″. 8 T. M., il a trouvé

ascension droite 
348. 0. 52″ .9 décl. .1′ .49″ .1 A,
suivant nos tables 348. 1. 4
.5 
6 .1 .35 .4
excès de calcul 
+ 11 .6 − 12 .7

Ces deux observations précieuses, en conclut M. Bessel, sont donc parfaitement d’accord. Long-temps avant que nous eussions reçu cette réponse, sans même savoir que nous l’eussions demandée, M. Burckhardt s’était mis à chercher l’observation, qu’il avait facilement reconnue ; il l’avait aussi calculée pour la comparer aux tables, et il avait lu ses résultats dans une de nos séances. C’était à l’aide du catalogue de Flamsteed que M. Bode avait trouvé l’observation de 1690. Depuis cette époque, miss Caroline Herschel avait fait imprimer un catalogue complet de toutes les étoiles que Flamsteed avait observées, et qu’il n’avait pas fait entrer dans son catalogue. C’était une mine nouvelle à exploiter, et M. Burckhardt y a fait la découverte de cinq observations également importantes ; il les a calculées avec tout le soin possible, en employant même les mouvemens des étoiles tels qu’on a pu les déterminer. De cette manière il a déduit l’opposition d’Uranus, en 1715, quinze ans après la première observation, et quarante-un ans avant celle de Mayer. Il a donc obtenu les résultats suivants :

4 mars, asc. dr. 170°. 40′. 18″. 0 décl. 4°. 54′. 22″. 7
10 mars, 
170. 25. 45.
0. 
5. 0. 38. 6

Le résultat moyen est une erreur des tables de + 65″.7 en longitude, et + 1″.2 en latitude. Outre les trois observations employées ci-dessus, M. Burckhardt en a encore trouvé deux autres : la première est du 2 avril 1712, et l’autre du 29 avril 1715. Les trois observations de Lemonnier sont, l’une du 15 janvier 1764, les deux autres des 27 et 30 décembre 1768.

L’opposition de 1799 comparée à celle de Flamsteed donne 60″.9 de plus que les tables pour le mouvement en quatre-vingt-quatre ans ; car après une révolution entière, l’erreur de l’aphélie et celle de l’excentricité se trouvent les mêmes ; il faudrait donc ajouter 0″.725 au mouvement annuel, qui serait 4°.17′.55″.520. Ce résultat est d’autant plus important, qu’il n’avait pas été possible jusqu’ici de séparer les deux indéterminées.

M. Burckhardt remarque en outre que les observations de 1715 et 1753 sont très-bien situées pour déterminer le lieu de l’aphélie ; celles de 1690 et 1781 sont très-propres à rectifier l’équation du centre.

Les observations de 1690, 1715 et 1753, ont donné pour les tables les corrections suivantes :

Époques de 1799,

+ 34″.1 aphélie + 6’. 41″ équat. − 55″.3

Les observations de 1715, 1753 et 1781 ont donne

+ 27.5 aphélie + 6. 25 équat. + 3.6

Six minutes de changement dans l’aphélie peuvent en certains cas changer la longitude de 36″.

Quant à l’observation de Flamsteed, en 1690, qui était entrée dans la composition des tables, les Nouveaux Élémens ne la représentent qu’à 1’ près ; malheureusement elle est isolée, et il suffirait de lire dans le passage 44″ au lieu de 49″ pour tout accorder. Mais les manuscrits de Flamsteed se conservent à l’Observatoire de Greenwich, il sera donc facile de s’assurer si la conjecture de M. Burckhardt est fondée.

M. Burckhardt donne ensuite un moyen facile pour comparer les nouveaux élémens à toutes les observations qu’on voudra calculer, c’est d’ajouter aux longitudes moyennes des tables 0″.725 t, t étant le nombre d’années écoulées depuis 1761 ; d’ajouter 6’.26″ à l’aphélie, et de supposer que les tables de l’équation et du rayon vecteur sont pour l’année 1813.

Les étoiles que Flamsteed a observées en même temps qu’Uranus sont d du Lion et b de la Vierge.

COMÈTES de 1783 et 1793.

La première de ces comètes fut découverte par M. Méchain, le 26 novembre, et observée par lui, ainsi que par M. Messier, jusqu’au 21 décembre. M. Pigot l’avait vue en Angleterre, dès le 20 novembre, et n’avait pu la suivre que jusqu’au 3 décembre. Il n’avait même fait qu’estimer les déclinaisons, de sorte que l’incertitude à cet égard peut aller à deux minutes.

Méchain, le président Saron et le chevalier d’Angos n’avaient pu trouver de parabole qui satisfît aux observations mieux qu’à 5 ou 6′ dans un temps où le mouvement diurne n’était guères que de 4′ ½. Des erreurs aussi considérables dans un arc de 25 jours indiquaient une orbite différente de la parabole, car il est prouvé que les observations de Messier étaient parfaitement d’accord avec celles de Méchain.

Après avoir inutilement essayé les paraboles, M. Burckhardt a cherché une ellipse, et il a trouvé les élémens que voici :

Demi-grand axe 3.15854 ; révolution sidérale, 5 années, 7 mois ½, ou 2050j.4.

Excentricité 0.5395345 ; distance périhélie 1,1544.

Passage par le périhélie 1783 19j,50013 novembre, temps astronomique.

Lieu du périhélie, 50°. 3′. 8″. nœud ascendant 55°. 45′. 20″.

Inclinaison, 44°. 53′. 24″. mouvement direct.

Avec cette ellipse, les erreurs vont à peine à une minute et demie.

La comparaison de cette ellipse aux orbites connues porte à croire que la comète de 1783 pourrait être la même que celle de 1793 ; il fallait donc examiner si l’ellipse ci-dessus pouvait convenir à cette dernière comète.

Dans le cas où les deux ellipses seraient un peu différentes, il conviendrait encore d’examiner les effets de l’attraction de Jupiter, dont la comète a dû s’approcher beaucoup vers son aphélie. M. Burckhardt n’a pas encore eu le loisir de se livrer à ce travail, mais en attendant, et pour prendre date, il donne les erreurs des lieux de la comète calculées dans une ellipse de 5 ans et dans une ellipse de 10 ans, dont voici les élémens.

Passage au périhélie, 1783, nov. 19j. 56868 ; nœud, 65°. 12’′ ; inclinaison, 47°. 43′.

Périhélie, excentricité,  ; distance périhélie,

Demi-grand axe,

Les deux ellipses vont à-peu-près bien ; de légers changemens pourraient diminuer encore les erreurs de longitude, mais les erreurs de latitude sont plus fortes dans l’ellipse de dix ans. Au reste, la différence n’est pas telle qu’il ne reste beaucoup d’incertitude sur le grand axe ; ainsi on n’a nul espoir de déterminer sûrement les perturbations.

La comète de 1793 présente des incertitudes beaucoup plus fâcheuses. D’abord cette comète était très-faible, ce fut le hasard qui la fit découvrir à M. Perny, qui ne la cherchait pas. M. Messier ne put d’abord la voir avec sa lunette de nuit, il fut obligé d’y employer sa grande lunette achromatique. Cette circonstance suffirait pour expliquer comment il s’est fait que la comète n’ait pas été vue depuis, si en effet elle revient tous les dix ans ou tous les cinq ans.

L’intervalle que comprennent les observations est de 75 jours ; il n’était que de 55 en 1783.

Vers le même temps, M. Messier avait lui-même découvert une autre comète, qui l’intéressait davantage, et à laquelle il employait exclusivement sa meilleure lunette. Il n’avait, pour observer la comète de M. de Perny, qu’un instrument dont le micromètre était très-défectueux, et ne donnait les déclinaisons qu’à deux minutes près, ainsi qu’on l’a reconnu depuis. M. Perny avait une meilleure lunette et un micromètre plus exact, mais il paraît avoir un peu trop négligé de profiter de ces avantages pour multiplier les observations ; il sera donc bien difficile de prononcer sur l’orbite véritable. Les astronomes qui étaient alors à Paris, n’ayant pas le loisir de calculer ces observations, le président Saron, qui était en prison, voulut bien se charger de ce soin, et Lalande lui faisait passer exactement les données nécessaires au calcul. La parabole, déterminée par Saron, fut le dernier travail de ce respectable et infortuné magistrat. Dans une note qui subsiste encore, il témoignait sa surprise de ce qu’il lui était impossible de représenter les longitudes observées mieux qu’à 16 ou 17′, et les latitudes mieux qu’à deux ou quatre minutes ; mais il est juste de remarquer que la comète était tout près du pôle de l’écliptique, et que ces erreurs réduites au parallèle de la comète deviennent beaucoup moins considérables ; au reste il suffit des erreurs en latitude pour s’assurer que l’orbite ne pouvait être parabolique.

En supposant l’orbite entièrement inconnue, M. Burckhardt a trouvé une ellipse dont voici les élémens :

Passage, 1793 nov. 28j.60631, lieu du périhélie, 75°. 58′. 58″.

Inclinaison, 47°. 35′. 5″, nœud, 359. 4′. 48″.

Log. demi-grand axe, 0.7225030, log. paramètre, 0.3853764

Log. dist. périhélie, 0.1461360, excentricité, 0.7347635.

Révolution, douze ans et demi à-peu-près.

Cette ellipse ne représente la dernière longitude qu’à 47′ ½ près, et les latitudes à 1 ½.

En supposant connu le demi-grand axe et la révolution de dix ans, on aurait,

Excentricité, 0.701355 ; distance périhélie, 1.38859 ; périhélie, 75°. 49′ ; inclinaison, 46°. 55. Cette ellipse ne représente pas mieux l’observation du 8 décembre.

La conclusion de M. Burckhardt est qu’avec des observations si peu sûres, et dans de pareilles circonstances, il est impossible de prononcer sur l’identité de deux comètes, quelque vraisemblable qu’elle ait paru d’abord. Si les deux comètes n’en font qu’une, il faudra supposer un mouvement considérable tant au nœud qu’au périhélie de l’orbite. Les observations futures pourront seules décider la question, mais il y a bien des chances pour qu’une comète si faible revienne bien des fois à son périhélie sans être aperçue.


Mémoire sur les Mesures agraires des anciens Égyptiens,
par M
. Girard.

On sait que les inondations du Nil, en confondant les bornes des héritages, ont obligé les Égyptiens à cultiver la géométrie ; on dit même qu’ils ont été les premiers précepteurs des Grecs ; il est vrai que l’on raconte aussi que Thalès apprit aux prêtres d’Égypte à déterminer la hauteur des pyramides par la longueur de leurs ombres ; et dans ce cas, la science géométrique des Égyptiens se bornait probablement à quelques pratiques grossières d’arpentage. Voyons si le nouveau Mémoire pourra jeter quelque lumière sur une question si difficile.

« Ce qu’on pratique aujourd’hui en Égypte est la représentation fidèle de ce qu’on y a pratiqué dès les premiers temps de la civilisation. » Ainsi les pratiques actuelles vont nous donner la mesure des connaissances que l’on peut accorder aux prêtres de cette contrée. « On conçoit que dans le mesurage des terres on aurait perdu beaucoup de temps si l’on avait mesuré l’aroure, (c’était un carré dont le côté avait pour longueur cent coudées d’Égypte, et dont la superficie était l’espace que deux bœufs pouvaient labourer en un jour), en appliquant successivement le long de cette ligne une coudée simple ; on remplaça la coudée par un de ses multiples… L’arpenteur tenant d’une main un long roseau, se place à l’extrémité de la ligne qu’il doit mesurer… Il trace avec ce roseau un léger sillon transversal, pour indiquer le point où cette extrémité répond ; il y soutient le plus près possible du sol l’extrémité postérieure du roseau, et trace de l’extrémité opposée un second sillon transversal ; il reporte le bout postérieur de la canne sur ce second sillon, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ait parcouru toute la ligne… On voit que ce procédé de mesure est de la plus grande simplicité, et n’exige guère plus de temps qu’il n’en faudrait pour parcourir au pas l’intervalle qu’on doit mesurer ; mais il est visible qu’il n’est pas rigoureusement exact.

Puisque l’unité de mesure agraire était un carré de cent coudées de côté, il est évident que la longueur de la canne d’arpentage dût être primitivement d’un des facteurs de ce nombre. Un roseau de cinq coudées satisfaisait aux conditions essentielles. L’unité de mesure agraire de 10000 coudées carrées fut ainsi transformée en une autre de 400 cannes carrées.

Rendre les opérations de l’arpentage plus expéditives… c’était résoudre un problème de la plus haute importance. Les prêtres trouvèrent une nouvelle canne aussi facile à employer, et qui l’emportait sur la première par l’avantage qu’elle procurait d’abréger beaucoup, sans altérer sensiblement la valeur de la mesure agraire primitive. »

Tels sont les faits rapportés par l’auteur ; voici ses conjectures.

En construisant sur la diagonale d’un carré un carré nouveau, on vit qu’en prolongeant les côtés du carré primitif on avait les diagonales du second, et que le second était exactement double du premier. Il fut aisé d’en conclure qu’en prenant pour canne une aliquote de la diagonale, on obtiendrait, sans augmenter beaucoup le travail, une aroure double de la première. On vit aisément que la diagonale contenait plus de 28 cannes et moins de 29, plus de 141 coudées et moins de 142 ; on s’arrêta à 28 cannes : l’erreur n’était que de 16 cannes superficielles sur 800, c’est-à-dire un cinquantième, et cette erreur était favorable au gouvernement, parce qu’elle augmentait l’impôt. Le nombre 28 a pour diviseur le nombre 7 ; on donna donc sept coudées au roseau, toujours dans la vue d’abréger.

Il est vrai qu’on ne trouve dans l’antiquité aucun témoignage positif sur l’emploi de la canne de 7 coudées, mais on peut remplacer ces preuves positives par des rapprochemens qui auront à-peu-près la même certitude.

L’auteur a rapporté dans son Mémoire sur le nilomètre d’Éléphantine, plusieurs observations qui démontrent que les constructeurs de la grande pyramide ont eu l’intention de donner aux différentes parties de ce monument un nombre rond de mesures linéaires ; il est naturel de penser que la base de cette pyramide devait contenir un nombre rond de mesures superficielles. D’après les dernières mesures, la surface de la base est de 54135 mètres, ce qui fait juste dix de ces aroures septennaires, et donne pour la coudée 0.m525, précisément telle qu’elle se déduit des dimensions de la chambre sépulcrale, et la même encore qui se conclut du nilomètre d’Éléphantine.

Nous conviendrons bien volontiers de l’exactitude singulière de ces rapports ; mais, en adoptant l’hypothèse toute entière, il en résulterait tout au plus que les prêtres d’Égypte connaissaient le cas le plus simple du fameux théorème du carré de l’hypoténuse, ce qui n’indiquerait pas une science bien perfectionnée.

Les sections II et III du Mémoire traitent des mesures agraires de l’Égypte sous les Perses et sous les Romains. On y voit que le jugère de Héron n’est autre chose que le jugère romain ; on y voit prouvé par un passage curieux de Didyme d’Alexandrie, que le pied italique était le même que le pied romain. Toutes les modifications introduites dans les mesures agraires s’expliquent par ce principe, qui a toujours réglé la conduite des vainqueurs ; augmenter la somme des impositions, en ménageant, autant qu’il était possible, les habitudes du peuple conquis. Enfin, d’après des calculs qu’il nous est impossible d’extraire, il ne se trouverait que de différence entre la véritable valeur de la base de la grande pyramide et l’évaluation que Pline en a donnée.

La section IV a pour objet de prouver que les Arabes n’introduisent aucun changement bien sensible, et le Mémoire est terminé par ce tableau qui en est le résumé.

I. Aroure primitive. IV. Socarion de Héron.
m.000 m.0000
Coudée primitive 0.525 Coudée 0.5270
Canne de 5 coudées 2.625 Spithame royal 0.2035
Côté de 20 coudées 52.500 Orgye 9 ¼ spith 2.4351
Surface de 400 cannes 2756.000 Côté de 10 orgyes 24.3510
Surf. de la double aroure 5512.000 Surface du socarion 592.9710
Surface décuple 5929.7100
II. Double Aroure de la G. Pyramide. V. Feddan actuel des cultivateurs.
m.000 m.0000
Coudée 0.525 Pik beledy 0.5772
Canne de 7 coudées 3.675 Canne de 6 ⅔ Pik beledy 3.8500
Côté de 20 cannes 73.500 Côté de 20 cannes 77.0000
Surface de 400 cannes 5413.000 Surface de 400 cannes 5929.0000
III. Double Jugère Romaine. VI. Feddan actuel de Qobtes.
m.000 m.0000
Coudée 0.5270 Pik beledy 0.5775
Canne de 6 coudées ½ 2.5133 Canne de 6 ½ Pik bel 3.6580
Côté du double jugère 70.2000 Côté de 20 cannes 73.1600
Surface de 400 cannes 49.3700 Surface de 40 cannes 5353.0000


Sur l’Élévation des montagnes de l’Inde, par M. Alexandre de Humboldt.

« La mesure exacte des montagnes dont on ne peut atteindre la cime, offre des difficultés qui tiennent en grande partie à l’élévation des terrains dont leurs bases sont entourées ; les plateaux sur lesquels s’élèvent les chaînes sont généralement trop éloignés des côtes pour qu’on puisse en déterminer l’élévation, soit par des angles de dépression, soit par un nivellement géométrique ; il en résulte que chaque mesure d’une haute montagne est presque toujours en partie barométrique, en partie trigonométrique. »

Quand M. de Humboldt mesura la hauteur de Chimborazo, sur le plateau de Tapia, où il avait pris sa base, il était élevé de 2890 mètres au-dessus de la mer, et le sommet de la montagne ne s’élevait que de 6° 40′ au dessus de cet horizon.

La distance à la montagne était de 30437 mètres. Plus près, dans les plaines de Sisgun, la base aurait eu une élévation de 3900 mètres, et la partie déterminée géométriquement n’eût été que de 2630. Ainsi les voyageurs se trouvent souvent réduits à indiquer seulement la hauteur des montagnes au-dessus des plateaux dont ils ignorent l’élévation absolue, ou à faire des mesures dans des plaines très-éloignées, d’où la hauteur n’est vue que sous un angle fort aigu, que les réfractions peuvent altérer sensiblement.

Ce sont ces obstacles qui nous ont privés long-temps de la connaissance exacte de la hauteur des montagnes de l’Inde. La partie orientale de l’Himalaya (séjour des neiges, c’est l’Imaüs des anciens) est visible des plaines du Bengale, à la distance de 150 milles anglais ; sa hauteur au-dessus de ces plaines n’est donc pas moindre que de 2020 toises. Un pic très-élevé de l’Himalaya, que l’on distingue de la ville de Patna, fut estimé par le colonel Crawford, 20000 pieds anglais au-dessus des plaines de Népaul, qu’il supposait élevées de 5000 p. au-dessus du niveau de l’océan. Quoique ces élévations soient simplement approximatives, on a pu en conclure que les montagnes de l’Inde atteignent ou surpassent en élévation les Cordillères de Quito.

M. Elphinstone nous apprend que le lieutenant Macartney a trouvé plusieurs cimes de l’Hindou-Coosh (Montagne-Noire, en persan) élevées de 20493 pieds anglais. Au-dessus de quelle vallée cette évaluation a-t-elle été faite ? Si c’est au-dessus des plaines de Peshawer, on pourrait croire qu’il ne reste pas beaucoup à ajouter à la hauteur mesurée par M. Macartney. L’angle de hauteur n’était que de 1° 30′ ; la distance était de 100 milles. L’auteur lui-même n’ose mettre beaucoup de confiance au résultat de pareilles données.

M. Webb, lieutenant au corps d’infanterie du Bengale, à qui nous devons la connaissance plus exacte du cours du Gange, a été chargé de lever la carte du Kmaon et de la province de Népaul. Il a observé les hauteurs de vingt-sept pics couverts de neiges perpétuelles. Vingt de ces pics excèdent 20000 pieds anglais. Le plus bas est de 15733 pieds ; le plus élevé a 25669 pieds anglais, ou 412 toises. M. Webb ajoute que ce dernier est d’un mille plus élevé que le Chimborazo, qu’il ne suppose apparemment que de 3014 toises. Voici les hauteurs des quatre pics les plus élevés de l’Himalaya.

14e pic 25669 pieds. 4013 toises. 7821 mètres.
12e 23263…… 3637…… 7088
  3e 22840…… 3571…… 6959
23e 22727…… 3553…… 6925
Chimborazo, d’après M. de Humboldt 6530.

Le douzième volume des Recherches Asiatiques nous donnera à cet égard des renseignemens précieux. Déjà, par un extrait qu’on trouve dans le Journal of Sciences and Arts, nous apprenons que le pic de Chamalasi est vu de différentes parties du Bengale, à 232 milles de distance, ce qui indique, en admettant une réfraction moyenne, une hauteur de 28000 pieds anglais. Un autre pic de l’Himalaya paraît au Bengale, sous un angle de 1° 1′ à une distance qui, d’après les cartes du major Rennel, ne peut être moindre que de 150 milles. Sa hauteur est par conséquent au moins de 26000 pieds. Le lieutenant-colonel Colebrooke a pris dans deux stations des angles de hauteur d’une cime qui, en supposant 7 de réfraction, a 22.291 pieds sur les plaines du Rohilkhand, et à-peu-près 22800 pieds au-dessus du niveau de l’Océan. Selon quelques observations du major Lambton, la réfraction terrestre dans le climat de l’Inde est de  ; elle varie de à .

D’après les mesures du colonel Crawford, le mont Dhaibun a 20.140 pieds de hauteur au-dessus de Cathmandu, qui est élevé de 4500 pieds au-dessus de l’Océan. D’autres pics ont 17.819, 20.025, 18.662 pieds. Le plus proche est à 170 milles de distance, le plus éloigné à 226 milles. Le Dhawalagir (Montagne Blanche de l’Himalaya), relevé de quatre points différens, et en prenant trois angles de hauteur, fut trouvé de 26784 pieds, et de 27551 pieds, selon que l’on compte ou , de réfraction. Le président de la société de Calcutta trouve que, en supposant les erreurs de l’observation et de la réfraction au maximum, et également en excès, ce pic est encore élevé de 26462 pieds au-dessus des plaines de Gorakhpur, et de 26862 au-dessus de l’Océan.

L’Yamunavatari ou Jamautri est de 20.895 pieds au-dessus de Nagunghari, qui a 5000 p. au-dessus de l’Océan ; total, 25500 p. Une montagne, que l’on suppose être le Dhaibun, s’élève au-dessus du niveau de la mer, de 24740 pieds.

Un autre pic, visible à Pilibhit et Jethpur a 22768 p. au-dessus du niveau de la mer ; un autre vu à Cathmandu, dans la direction de Calabhairavi, a 24625 pieds. La vallée de Népaul même, dans laquelle plusieurs bases ont été mesurées, a 4600 pieds de hauteur absolue.

La plus haute cime de l’Himalaya qui, d’après les calculs de M. Webb, n’aurait que 4013 toises, ou 7821 mètres, aurait 1201 toises, ou 8187 mètres, d’après le calcul du président.

Il n’est pas exact de juger de la hauteur d’une chaîne de montagnes uniquement d’après la hauteur des cimes les plus élevées. Un pic de l’Himalaya excède le Chimborazo de 1300 mètres, le Chimborazo excède le Mont-Blanc de 1700 mètres, le Mont-Blanc excède le Mont-Perdu de 1300 mètres. Ces différences ne donnent pas les rapports de la hauteur moyenne des chaînes mêmes, c’est-à-dire la hauteur du dos des montagnes sur lequel s’élèvent les pics, les aiguilles, les pyramides, et les dômes arrondis. La partie du dos qui forme les passages des Andes, des Alpes et des Pyrénées, nous fournit une mesure très-exacte du minimum de hauteur qu’atteignent les chaînes de montagnes. En comparant ses mesures à celles de Saussure et de M. Bamond, l’auteur évalue la hauteur moyenne du dos des Andes au Pérou, à Quito, et dans la Nouvelle Grenade, à 3600 mètres, le dos des Alpes et des Pyrénées s’élève à 2300 m. La différence moyenne des Alpes et des Cordillères est par conséquent de 500 mètres plus petite qu’on ne l’aurait cru d’après la hauteur des pics. Il serait intéressant de connaître la hauteur moyenne de la chaîne de l’Himalaya entre les méridiens de Patna et de Lahore.

Les neiges perpétuelles ne commencent, près de l’équateur, dans les Andes, qu’à 4800 mètres d’élévation ; elles descendent vraisemblablement dans l’Himalaya par les 30° de latitude, jusqu’à 3700 mètres ; la végétation se développe donc, dans le Nouveau-Monde, sur une plus grande étendue que dans les Cordillères de l’Inde. Comme sous la zone tempérée les neiges durcissent par l’effet du froid de l’hiver, tandis qu’elles restent molles dans les Andes de Quito, on pourra vraisemblablement traverser les neiges de l’Himalaya, sans être obligé, comme l’ont été MM. de Humboldt et Bonpland, de suivre les arêtes étroites des rochers qui se présentent de loin, comme des stries noires au milieu des neiges éternelles. Mais ces excursions pénibles, dont les récits excitent l’intérêt du public, n’offrent qu’un petit nombre de résultats utiles aux progrès des sciences, le voyageur se trouvant sur un sol couvert de glace, entouré d’une couche d’air dont le mélange chimique est le même que celui des plaines, et dans une situation où des expériences délicates ne peuvent se faire avec toute la précision requise. (Voyez les Annales de chimie et de Physique, novembre 1816.)

Ce même cahier contient le Mémoire sur la vîtesse du Son, par M. Laplace, dont nous n’avons pu rapporter ci-dessus que le titre ; on y voit le théorème suivant :

« La vîtesse réelle du son est égale au produit de la vîtesse que donne la formule newtonnienne par la racine quarrée du rapport de la chaleur spécifique de l’air soumis à la pression constante de l’atmosphère, et à diverses températures, à sa chaleur spécifique, lorsque son volume reste constant. »

D’après cette règle, M. Laplace trouve 345.m35 pour la vîtesse du son dans une seconde sexagésimale à la température de 6°. Les académiciens français l’ont observée de 337.m18. Par des expériences de Lacaille rapportées au tome III de la Base de système métrique décimal, page 342, on aurait 344,42. Nous ignorons quelle était la température au temps de ces observations, qui sont du mois d’octobre, dans les environs de Marseille.

En parlant des expériences de Canton, M. Laplace a trouvé les vîtesses du son dans l’eau de pluie et dans l’eau de mer égales à 1525.m8 et 1620.m9. En sorte que la vîtesse du son dans l’eau douce est quatre fois et demie plus grande que dans l’air.


Traité de Physique expérimentale et mathématique, par M. Biot, quatre volumes in-8o formant plus de 2450 p. Paris, Déterville, 1816.

Dans son épitre dédicatoire à M. Berthollet, l’auteur trace le tableau de l’état actuel de la physique. « Toutes les personnes qui ont eu l’occasion de faire des recherches un peu variées ont dû reconnaître avec regret combien les matériaux de cette belle science sont encore épars, et combien sa marche générale est encore incertaine. Tel résultat est admis dans un pays, et tel dans un autre. Ici une évaluation numérique est employée habituellement ; là on la regarde comme douteuse ou comme inexacte. Les principes généraux même sont loin d’être universellement adoptés. » L’auteur en donne, pour exemple, les trois systèmes tout-à-fait différens sur l’électricité, les opinions diverses qu’on a manifestées sur la théorie newtonienne des accès de facile transmission de la lumière, « De-là vient que, n’étant pas d’accord sur les principes de la science, on est dans le cas de gens qui se parleraient en des langues diverses qu’ils n’entendraient pas mutuellement ; les bonnes méthodes ne se propagent point ; les considérations les plus fécondes restent long-temps inconnues, et par conséquent stériles ; quelques parties de la science s’avancent par fois rapidement dans un pays, et restent immobiles dans d’autres, ou y prennent une mauvaise marche. Ce n’est pas assurément qu’il manque de gens habiles pour cultiver la physique… aussi dans ce court intervalle (de quarante ans) que de résultats importans sûrement constatés, que de faits nouveaux découverts ! » Ici vient une énumération longue, quoique concise, dès travaux de Coulomb, de Galvani, de Volta, de Malus, et de plusieurs autres physiciens modernes. « Ce coup-d’œil, rapidement jeté sur la science, nous découvre l’immensité de ses richesses. Ce qui lui manque, c’est l’ensemble ; c’est une jonction de parties qui en fasse un seul corps ; c’est une fixité de données et de principes qui imprime à tous les efforts une même direction. Voilà ce que j’ai tâché de faire. L’entreprise était difficile ; on jugera si j’y ai réussi. »

Alors l’auteur entre dans le détail des secours précieux qui lui ont été prodigués ; et il expose le plan qu’il a cru devoir suivre dans son travail. « Beaucoup de personnes croyent que la physique doit être présentée sous une forme purement expérimentale, sans aucun appareil algébrique. On a dit que la précision dont nous croyons ainsi approcher est purement idéale, parce qu’elle dépasse infiniment les limites des erreurs auxquelles les expériences sont inévitablement sujettes… Mais quand on a observé avec précision les différens modes d’un même phénomène, et qu’on en a obtenu les mesures numériques, quel inconvénient y a-t-il à les lier par une formule qui les embrasse tous ? S’ils sont réductibles à quelque loi simple, mais qui pourtant ne s’aperçoive pas du premier coup d’œil, n’est-ce pas là l’unique voie pour la découvrir ?… Pour sentir combien cette méthode est sûre, et jusqu’où elle peut conduire, il n’y a qu’à voir l’usage que Newton en a fait dans ses recherches sur les propriétés les plus subtiles de la lumière… Si le livre de l’Optique où ses résultats se trouvent a été si peu compris, et en général si mal apprécié, la faute n’en est pas à l’emploi des formules algébriques, mais plutôt à ce qu’au lieu de formules, Newton a employé une synthèse qui se prêtait mal à pénétrer dans tant de détails… On verra dans l’ouvrage, qu’à l’aide du calcul analytique, tel qu’il est maintenant employé, je suis parvenu à exprimer tous les principes de cette théorie, par un petit nombre de formules simples, que l’on peut en déduire, avec une facilité extrême, tous les cas résolus ou indiqués par Newton ; et même les étendre à beaucoup d’autres… Sous cette forme nouvelle, on verra combien la théorie des accès acquiert de netteté, combien ces bases sont sûres, et avec quelle fidélité elle suit, dans leurs plus minutieux détails, une foule de phénomènes que Newton ne soupçonnait pas en l’établissant… Cette marche, que j’ai tâché par-tout de suivre, est celle que Newton nous a enseignée par ses ouvrages, et qui, après ce grand homme, a été peut-être trop peu suivie… C’est la seule qui puisse conduire à résoudre cette question générale, qui comprend toute la physique : Les circonstances qui déterminent un phénomène étant définies, assigner exactement en nombres toutes les particularités qui en résulteront. »

Telle était aussi la question que se proposaient les anciens astronomes, et qui a depuis été si complètement résolue par l’astronomie moderne. Après une exposition si claire et si précise, il ne nous reste qu’à indiquer, le plus brièvement qu’il nous sera possible, les objets que l’auteur traite successivement dans les différentes parties de son ouvrage.

Il décrit d’abord les instrumens qui servent dans toutes les expériences, il cherche les lois de la condensation de l’air et des gaz, celle de leur dilatation par la chaleur et à toutes températures, celle de la dilatation des solides et des liquides, il traite des forces qui déterminent les divers états des corps, des vapeurs, et de leur mélange avec les gaz, de l’évaporation, de l’hygrométrie ; des pesanteurs spécifiques des gaz, des liquides et des corps solides, enfin de l’élasticité.

Dans le livre II, qui est consacré à l’acoustique, on remarquera les expériences nouvelles de l’auteur en société avec M. Hamel.

Le livre III, qui parle de l’électricité, offre l’analyse des principales théories, celle de la pile de Volta, les découvertes de Coulomb, et les savans calculs de M. Poisson.

Le livre IV reproduit les expériences magnétiques de Coulomb, de MM. Gay-Lussac et de Humboldt, et les recherches des voyageurs sur les lois du magnétisme, dans les diverses parties du globe.

Le livre V, sur la lumière, est l’un, des plus considérables de ce traité. On y trouvera la description et le calcul de l’héliostate de S’gravesand, singulièrement perfectionné par M. Charles ; les moyens exacts et les formules nécessaires pour déterminer les lois de la réfraction dans les solides, les liquides et les substances aériformes ; enfin une Théorie très-détaillée de la réfraction, soit ordinaire, soit extraordinaire ; et la construction des micromètres à doubles images, qui n’avait jamais été exposée d’une manière si lumineuse et si complète.

Dans son Analyse de la Lumière, il rapporte, commente et éclaircit les Recherches de Newton ; il donne les formules exactes de l’achromatisme, et décrit l’appareil dont il s’est servi dans les expériences qu’il a faites en commun avec M. Cauchoix. Nous invitons les physiciens à méditer les développemens qu’il donne à la Théorie des accès de facile transmission et de facile réflexion, « dont tous les phénomènes pourraient se représenter avec la fidélité la plus parfaite, en attribuant aux molécules lumineuses deux pôles, l’un attractif, l’autre répulsif, qu’elles présenteraient alternativement aux surfaces des corps, en tournant d’un mouvement uniforme autour de leur centre de gravité. Les molécules lumineuses seraient alors dans le cas de deux aimans qui s’approcheraient l’un de l’autre par leurs pôles amis ou ennemis… Dans cette manière de voir, l’intervalle des accès ne serait autre chose que le temps écoulé entre deux retours consécutifs des molécules lumineuses à une même phase de leur rotation, et les longueurs des accès seraient les espaces décrits par la molécule entre les époques des deux phases correspondantes. Il paraît que Newton a eu cette idée, mais il ne l’a point développée, sans doute afin de ne pas mêler une idée très-vraisemblable, mais seulement vraisemblable, à la certitude qu’il avait obtenue de l’existence des accès. Ayant aujourd’hui plus de faits que n’en avait Newton, nous avons dû la développer davantage, en la donnant toutefois pour ce qu’elle est. »

La Polarisation de la lumière est la matière du livre VI. Il est inutile d’annoncer que l’auteur y a réuni et classé les découvertes de Malus, les siennes propres, et celles des savans tant étrangers que français, qui ont cultivé avec le plus de succès cette branche nouvelle de la physique.

Le livre VII traite du Calorique, soit rayonnant, soit latent. On y trouve les expériences de MM. Herschel, Wollaston, Ritter, Beckman, Bérard, Leslie, Rumford, et de la Roche ; les expériences que l’auteur a faites avec M. de Candolle, les recherches analytiques de MM. Fourier et Poisson, et les travaux de MM. Lavoisier et Laplace.

Le dernier chapitre traite des machines à vapeurs. L’ouvrage est terminé par le Mémoire de MM. Pouillet et Biot, sur la diffraction de la lumière.


MÉMOIRES ET OUVRAGES
présentés à l’académie par ses correspondans,
ou par les savans étrangers
.

M. Dupin, ingénieur-constructeur de la marine, correspondant de l’Académie, lui a soumis un Mémoire qui fait suite à ses Développemens de Géométrie, et qui en est une application à la Théorie générale du Tracé des Routes, ramenée à de simples considérations de géométrie descriptive. (Commissaires, MM. de Prony, et Girard, rapporteur.)

« Les grandes routes ouvertes, en ces derniers temps, à travers les Alpes, ont fourni aux ingénieurs français l’occasion d’acquérir une grande expérience, et cependant les plus habiles diffèrent encore entre eux sur une question fondamentale ; mais, quelle que soit l’hypothèse qui mérite la préférence, la géométrie pourra toujours s’en emparer, et ce ne sera jamais qu’en employant les moyens qu’elle fournit que l’on parviendra à donner au tracé des routes le degré de perfection dont cette opération est susceptible.

« Les différens ouvrages que M. Dupin a présentés à l’Académie, ont prouvé depuis long-temps qu’il réunissait les connaissances et les talens nécessaires pour s’aider avantageusement de la théorie et de l’observation dans les travaux qu’il entreprend. »

Les commissaires pensent que son nouveau Mémoire est une application utile de la géométrie descriptive à un objet important, et, d’après leur rapport, l’Académie en a voté l’impression dans le recueil des Mémoires présentés.

M. Dupin travaille depuis long-temps à un traité d’architecture navale, divisé en deux parties, et qui doit être composé de quatre volumes in-4o, et d’un volume de planches, grand-Atlas.

« Comme un travail de ce genre ne se trouve pas dans la Collection des Arts et Métiers, les commissaires proposent d’y faire réunir le Tableau de l’Architecture navale aux XVIIIe et XIXe siècles, dès que l’auteur aura terminé son ouvrage. » (Commissaires, MM. Laplace, Beautems-Beaupré, et Sané, rapporteur.)

Cette proposition a obtenu les suffrages de l’Académie ; et l’auteur, pour compléter son travail, vient de faire en Angleterre un voyage dans lequel les savans et les directeurs des divers établissemens se sont fait un plaisir de lui communiquer tous les renseignemens qui pouvaient l’intéresser. Actuellement à Dunkerque, il emploie tous les momens que peuvent lui laisser les fonctions dont il est chargé, à rédiger et mettre en ordre les riches matériaux qu’il a recueillis.

Dans un voyage qu’il avait fait précédemment à Rochefort, il avait eu l’occasion de voir et d’étudier les machines construites d’après les projets de M. Hubert, officier de génie maritime. Le Mémoire dans lequel il les a décrites a fixé l’attention de l’Académie.

Ces machines sont, 1o un Dynamomètre pour éprouver la force des cordages et des toiles à voiles. Les principaux motifs qui ont fait préférer cette machine à celle qu’on employait précédemment, sont sa précision, sa simplicité, et le peu d’efforts qu’elle exige sur les barres de la manivelle, relativement au degré de tension du cordage en expérience.

2o Une machine pour compter le nombre de tours que fait un axe se mouvant dans des colliers fixes. M. Hubert a fort heureusement simplifié l’ancien mécanisme auquel il a substitué deux roues minces de même diamètre, et juxta-posées qui portent l’une cent, et l’autre quatre-vingt-dix-neuf dents. Quand celle-ci, qui indique les centaines, aura fait une révolution entière, celle de cent, qui indique les dizaines et les unités, aura fait quatre-vingt dix-neuf tours correspondans à 9900 tours de la machine.

3o Une machine pour forer les parcs à boulets. La tarière, perfectionnée par M. Hubert, économise la moitié de la force motrice.

4o Une machine à percer dans le bois des trous cylindriques. La nouvelle machine a pour objet de faciliter, la manœuvre sans arrêter la rotation.

5o Une machine à creuser les trous pour incruster les dez des rouets des poulies. M. Hubert donne à son dez la figure d’un grand cercle, sur la circonférence duquel s’élèvent trois lunules ou portions de petits cercles ayant leurs centres aux sommets du triangle équilatéral inscrit au grand cercle.

6o Une machine à mortaiser les caisses des poulies. Pour bien concevoir la construction et les avantages de cette machine, il faudrait en avoir un modèle sous les yeux.

7o Un Moulin à draguer. M. Hubert a su remédier à tous les inconvéniens de l’ancien moulin. Le prix d’un seul curage, tel qu’on l’exécutait autrefois, a suffi pour payer les frais du nouveau moulin, et le modique salaire de deux condamnés, chargés de la surveillance de ce moulin, remplace la dépense que faisaient autrefois cinquante-six bœufs et leurs conducteurs.

8o Machines diverses mues par le moulin à draguer. La première est un laminoir qui offre plusieurs détails ingénieux ; la seconde fait mouvoir les meules dont on se sert pour broyer les couleurs avec lesquelles on peint l’intérieur et l’extérieur des vaisseaux. Enfin, dans le second étage du moulin, M. Hubert a placé un tour à tourner les essieux des poulies. Ce tour est mu par la force du vent.

M. Hubert fait exécuter en ce moment, à Rochefort, un moulin à scie, qui aura la propriété de diviser les bois non-seulement en parties planes, mais suivant des surfaces développables quelconques.

Les commissaires, en terminant leur rapport, font remarquer que M. Dupin et M. Hubert sont deux anciens élèves de l’École Polytechnique, et qu’il est maintenant peu de branches soit des hautes sciences, soit des arts utiles aux services publics et à la société en général qui ne doivent aux hommes sortis de cet établissement célèbre, ou quelque découverte ou quelque amélioration. (Les commissaires étaient MM. Molard, et Prony, rapporteur.)

M. Hachette a présenté deux Mémoires sur l’écoulement des fluides par des orifices en minces parois. Dans le premier, approuvé par l’Académie, sur le rapport de MM. Ampère, Girard, et Poisson, rapporteur, l’auteur traite de la contraction de la veine fluide, de la cause des singuliers phénomènes que présentent les ajutages cylindriques ou coniques, et enfin de la figure de la veine fluide, et des variations qu’elle éprouve suivant les différentes formes de l’orifice.

C’est un principe généralement admis, qu’à pression égale, et l’aire de l’orifice restant la même, la dépense ne varie pas. M. Hachette trouve en effet que le principe est exact dans les cas où l’orifice est circulaire, triangulaire, elliptique, ou formé d’un arc de cercle et de deux lignes droites. Mais il trouve des produits très-différens lorsque le contour de l’orifice présente des angles rentrans.

Si l’orifice est circulaire et que le plan dans lequel il est percé ne soit pas horizontal, la veine fluide forme une courbe qui doit être une parabole correspondante à une vîtesse initiale, que l’auteur a déterminée par des mesures directes ; calculant ensuite la vîtesse du fluide en un point déterminé, par exemple, à l’endroit de la plus grande contraction, il trouve que le théorème de Torricelli est exact quand on le rapporte à cette section de la veine, mais qu’il ne saurait être vrai en même temps par rapport à la vîtesse moyenne des molécules qui traversent la section de l’orifice, à cause de la différence entre les aires des deux sections.

Pour déterminer la quantité de la contraction par le rapport de la dépense observée à la dépense calculée, l’auteur a suivi la règle prescrite par D. Bernoulli, en prenant d’ailleurs toutes les précautions nécessaires pour atténuer les erreurs de l’observation ; un tableau placé à la fin du Mémoire présente les résultats de vingt-huit expériences sur des hauteurs d’eau comprises entre 135 et 888 millimètres, et pour des orifices dont les dimensions varient depuis 1 jusqu’à 41 millimètres. La moindre contraction est de 0.781 pour le plus petit diamètre. Pour des diamètres au-dessus de 10mm, la contraction devient presque constante, car elle est comprise entre 0.60 et 0.63. À égalité d’orifice elle augmente un peu avec la hauteur du fluide ; il paraît au contraire qu’elle est indépendante de la direction du jet. Newton trouvait 0.70, et Borda 0.60. Plusieurs causes ont pu produire, cette différence. M. Hachette trouve que, toutes choses égales d’ailleurs, cette dépense est la plus petite quand la paroi en contact avec le fluide est convexe, et qu’elle augmente quand la surface est plane ; elle augmente encore si la surface devient concave ; ainsi la dépense variera d’un vingtième quand l’on retournera le disque de cuivre sur lequel est percé l’orifice aux minces parois, si l’une des surfaces du disque est convexe et l’autre concave.

Il observe enfin, que si l’orifice est grand, et que son diamètre soit une fonction donnée de celui du cylindre, le temps de l’écoulement dépendra de l’espèce de transcendantes dont M. Legendre a donné des tables étendues dans ses exercices de calcul intégral.

Poleni avait remarqué que la dépense augmente d’un tiers si l’on ajoute un ajutage cylindrique d’une longueur triple du diamètre de l’orifice. M. Venturi a fait voir qu’avec un ajutage composé d’un cylindre d’une certaine longueur et terminé par deux cônes dont il a fixé les dimensions, on pouvait augmenter la dépense dans le rapport de 12 à 5. En changeant la forme de l’appareil de M. Venturi, M. Clément est parvenu à augmenter notablement la dépense. Cette augmentation tient à ce que le fluide coule à plein tuyau dans l’ajutage, ce qui fait disparaître la contraction de la veine ; il restait à expliquer d’une manière satisfaisante pourquoi le fluide remplit ainsi le tuyau. M. Hachette en trouve la cause principale dans l’adhésion du fluide aux parois de l’ajutage, c’est-à-dire dans la force qui produit les phénomènes capillaires et d’autres phénomènes analogues. C’est ce qu’il parvient à démontrer par diverses expériences.

La troisième partie du Mémoire contient la description des différentes branches que présente la veine fluide pour certaines figures de l’orifice.

L’Académie, en approuvant ce travail, avait invité l’auteur à continuer ses recherches. Cette continuation se trouve dans un second Mémoire, approuvé de même, sur le compte avantageux qu’en ont rendu MM. Poisson, Ampère, et Cauchy, rapporteur. L’auteur y détermine l’influence qu’exercent sur les phénomènes de l’écoulement, par un orifice de grandeur donnée, la grandeur de l’orifice, sa forme, celle de la surface sur laquelle il est placé, l’addition d’un ajutage cylindrique ou conique, la hauteur et la nature du liquide, enfin le milieu environnant.

De ces nouvelles expériences il résulte qu’il faut porter à 0.31 au lieu de 0.22 la contraction pour un orifice circulaire d’un millimètre de diamètre. C’est celle qui a lieu dans l’appareil dont on se sert pour jauger les eaux courantes, par pouces de fontainier.

Le rapporteur appelle contraction, la perte éprouvée par la veine qui, de 1.00 s’est réduite à 0.78 ou 0.69. Dans ces deux cas, la contraction sera le complément à 100 de la veine contractée, c’est-à-dire 0.22 et 0.31. Il soupçonne que les variations observées dans cette contraction pourraient venir de ce qu’il ne serait plus permis de regarder comme étant à mince paroi une plaque dont l’épaisseur serait comparable au diamètre de l’orifice.

L’addition d’un ajutage dans lequel le fluide coule à plein tuyau, produit le double effet de dilater la veine et de diminuer la vitesse. Si la longueur de l’ajutage n’est pas considérable, le premier de ces deux effets est seul sensible, et la dépense augmente. Si la longueur devient considérable relativement à l’orifice, la dépense diminue, et il peut arriver que l’écoulement ne se fasse plus que goutte à goutte, si le tube est capillaire.

La contraction de la veine diminue ou augmente avec la hauteur du liquide au-dessus de l’orifice, ou, ce qui revient au même, avec la pression qui résulte de cette hauteur ; il était naturel d’en induire que dans le cas où l’on se sert d’un ajutage, le fluide, sous des pressions toujours constantes, doit tendre de plus en plus à se détacher des parois de l’ajutage et peut finir par s’en séparer. La pression nécessaire pour effectuer la séparation, diminue avec la longueur de l’ajutage ; elle est plus petite pour un ajutage conique que pour un ajutage cylindrique, et elle décroît en même temps que l’angle du cône ; c’est ce que l’expérience a confirmé.

Lorsque la hauteur du fluide au-dessus d’un orifice devient très-petite, la veine fluide peut obtenir une forme toute différente de celle qu’elle affectait auparavant, et qui paraît indépendante de la forme de l’orifice.

Lorsque le vase qui renferme le liquide a des dimensions très-petites, relativement à celle de l’orifice, la forme de la veine se trouve sensiblement altérée, et devient très-irrégulière, mais on peut toujours faire disparaître l’irrégularité, en augmentant indéfiniment la hauteur du liquide.

Les phénomènes, pour la plupart, restent sensiblement les mêmes, quand on substitue le mercure à l’eau.

L’alcool, dont les molécules adhérent moins l’une à l’autre que celle de l’eau, s’écoule plus promptement ; la pression à laquelle la veine fluide se détache des parois d’un ajutage est aussi plus faible que pour l’eau.

Si l’on substitue l’huile à l’eau, la viscosité du fluide augmente considérablement la durée de l’écoulement par les petits orifices. Pour un orifice d’un millimètre, les temps d’écoulement des deux liquides sont dans le rapport d’un à trois.

La nature du liquide est une des causes principales desquelles dépend la continuité ou la discontinuité du jet dans l’écoulement par des tubes capillaires.

L’air environnant peut modifier la pression que le liquide exerce sur l’orifice, il peut opposer une certaine résistance à la sortie du liquide. M. Hachette n’a observé aucune différence dans la forme des veines fluides qu’a données dans l’air et dans le vide l’écoulement de l’eau et du mercure par un orifice triangulaire. Il s’est assuré que si un tube de 6.mm6 peut donner pour diverses densités de l’air des produits différens, c’est que la veine fluide remplit l’ajutage dans un cas et ne le remplit pas dans l’autre.

La conclusion des commissaires est que M. Hachette a déterminé avec beaucoup de soin les principales circonstances des phénomènes qu’il a observés, et quelquefois même les lois de ces phénomènes. Il leur paraît cependant qu’il reste encore plusieurs questions à résoudre, et ils l’engagent à les prendre en considération dans ses recherches ultérieures.


Mémoire de M. Hachette, sur la Théorie des lignes et des surfaces courbes. Commissaires, MM. Legendre, et Arago, rapporteur.

« Ce Mémoire peut être considéré comme le complément du Traité de Géométrie descriptive de M. Monge. Ce bel ouvrage, dont M. Hachette a donné lui-même une nouvelle édition enrichie de notes, renferme les principes généraux de la méthode des projections, et les applications qu’on en fait à la détermination des plans tangens et à la recherche des intersections des surfaces. Les questions qui se rapportent aux courbes à double courbure n’y sont qu’effleurées. L’auteur les avait traitées par l’analyse, avec beaucoup de soin et de détail, dans un ouvrage non moins original, et qui servait aussi à l’enseignement de l’École Polytechnique. M. Hachette se propose aujourd’hui de rendre ces mêmes théories accessibles à ceux qui seraient totalement étrangers au calcul différentiel et intégral… Le Mémoire de M. Hachette est écrit avec méthode et clarté, et semble très-propre à remplir l’objet que l’auteur s’est proposé. » Pour preuve de leur opinion, les commissaires exposent la méthode imaginée par M. Hachette, pour mener une tangente à une courbe, soit plane, soit à double courbure, et dont la nature est inconnue. La même construction donne le centre de courbure et le plan osculateur. Mais ces détails ne sont pas de nature à entrer dans notre notice.


Recherches sur le Mouvement des ondes, par feu M. De Brémontier, inspecteur-général des ponts-et-chaussées. Commissaires, MM. de Prony, Sané, et Ampère, rapporteur.

On trouve dans cet ouvrage, 1° des observations tellement nouvelles à l’époque où il a été écrit, qu’on les regarda dans le temps comme incompatibles avec la théorie généralement adoptée.

2° Des explications plus ou moins satisfaisantes de divers phénomènes relatifs aux effets des ondes, et à ceux des marées dont la cause n’était pas connue quand il en fit l’objet de ses recherches.

3° Des applications de sa théorie soit à la navigation, soit aux constructions hydrauliques à la mer.

Parmi les observations de M. Brémontier, il y en a une d’autant plus remarquable qu’elle devait être regardée comme inexplicable avant le travail que vient de faire M. Poisson, sur le mouvement des ondes. D’autres observations, dont les résultats paraissent également incontestables sur la relation qui existe entre la longueur et la largeur d’une onde dans les changemens qu’elle éprouve, à mesure qu’elle s’étend ; sur les dimensions qu’elle prend par l’action continuée de la cause qui l’a produite ; sur les changemens qu’elle éprouve, quand elle passe d’une mer profonde à des endroits où le fond se rapproche de la surface ; sur les phénomènes que présentent les vagues à la rencontre des rivages, suivant qu’ils leur opposent des plans verticaux, ou plus ou moins inclinés, etc., n’offrent pas moins d’intérêt, et paraissent propres à fournir des matériaux précieux à un ouvrage plus complet que n’a pu l’être celui de M. Brémontier, à une époque où l’on manquait des secours qu’offre maintenant la mécanique rationnelle à celui qui entreprendrait aujourd’hui le même travail.

Quelques-unes de ces observations conduiraient immédiatement à une conséquence qui paraît contraire aux résultats de la théorie. Telle est celle de la grande profondeur à laquelle paraît s’étendre l’agitation de la mer. Les faits que l’auteur cite à l’appui de son opinion semblent tellement concluans, qu’il faudrait peut-être, avant de la rejeter, chercher s’il n’y a pas quelque moyen de la concilier avec la théorie mathématique, où l’on fait abstraction de plusieurs circonstances qui peuvent influer sur cette profondeur.

Les explications que donne M. Brémontier des phénomènes constatés par l’expérience, sont claires, exactes, et elles étaient alors bien moins faciles à trouver qu’elles ne le seraient aujourd’hui. Celle de la barre ou mascaret dans les fleuves a paru la seule qui laissât quelque chose à désirer, au moins du côté de la clarté.

À l’égard des applications que M. Brémontier fait de sa théorie à la pratique des constructions hydrauliques à la mer, il serait difficile d’en juger sans le secours d’expériences faites en grand, vu la multiplicité des causes encore peu connues ; mais ces applications sont appuyées sur un si grand nombre de faits et de considérations théoriques indubitables, que l’on doit vivement désirer que les expériences de M. Brémontier soient reprises, et qu’on en ajoute de nouvelles.

Le rapport finit par un juste tribut d’éloges à la mémoire d’un homme « que ses talens, son zèle ardent et désintéressé pour le bien public, et les grands travaux qu’il a exécutés avec succès pour préserver de vastes terrains de l’envahissement des dunes, ont placé au nombre des hommes les plus utiles à leur pays. »


Pompe centrifuge de M. Jorge. Commissaires, MM. Prony, de Rossel, Girard, rapporteur.

L’idée d’une pompe dont les effets seraient produits par la force centrifuge n’est pas nouvelle. Une machine de ce genre a été décrite dans le Recueil de l’Académie en 1732. Euler, en 1751, en fit l’objet d’un Mémoire, publié par l’Académie de Berlin. La pompe centrifuge de M. Erskine est décrite dans l’Encyclopédie Britannique, édition de 1778. En 1777, M. le marquis Ducrest en avait présenté une autre à l’Académie, en se réservant d’exposer, dans un Mémoire particulier, la manière dont il devait former ses tuyaux avec une substance particulière qui réunirait une grande force à une grande légèreté. Les commissaires développent les raisons qui se sont opposées au succès de ces diverses tentatives, et s’attachent à montrer comment M. Jorge est parvenu à remédier à tous les inconvéniens. Le Mémoire dont ils avaient à rendre compte était accompagné de dessins très-détaillés, qui en expriment toutes les parties avec beaucoup de clarté et de précision. L’auteur a fait exécuter un modèle en grand ; l’eau s’y élève à plus de cinq mètres, au moyen d’un aspirateur de 11 centimètres de diamètre. Le rayon des branches transversales est de 54 centimètres environ. « M. Charles, alors président de l’Académie, et les commissaires réunis, ont été témoins des effets de cette machine, et le succès leur en a paru tel que l’auteur l’avait annoncé. Ils regrettent seulement que la localité n’ait point permis d’employer convenablement la force motrice, et par conséquent de faire un calcul exact de l’effet utile de cette machine.

Ils pensent au surplus « que sans rien préjuger sur l’emploi spécial qu’on peut en faire dans la marine ou pour les épuisemens, le perfectionnement de la pompe centrifuge, présentée par M. Jorge, doit contribuer à rendre cet ingénieux appareil d’un usage plus général, et qu’il mérite l’approbation de l’Académie. »


Phénomènes de la diffraction de la lumière, par M. Fresnel. Commissaires, MM. Poinsot, et Arago, rapporteur. 25 mars 1816.

Au carton blanc sur lequel les physiciens recevaient les bandes irisées qui bordent les ombres, M. Fresnel a imaginé de substituer un miroir légèrement dépoli dont les facettes dispersent la lumière dans tous les sens, tant par réflexion, que par réfraction ; il se forme ainsi sur la surface dépolie des peintures de l’ombre et des franges qui ont une grande netteté, et qui peuvent être examinées par derrière avec une forte loupe, sans que l’observateur ait besoin de placer la tête entre le corps opaque et le tableau. Le seul inconvénient est que l’éclat des teintes se trouve un peu affaibli ; mais M. Fresnel a reconnu, depuis, que l’interposition de ce verre est inutile, et qu’on peut avec la loupe apercevoir distinctement les bandes, quelle que soit la distance au corps opaque. En les suivant de cette manière avec une loupe d’un court foyer, on les voit se rapprocher graduellement du corps qui les produit, n’en être ensuite séparées que par un intervalle d’un centième de millimètre au plus, et disparaître enfin complètement lorsque le bord du corps passe par le foyer de la loupe.

De cette manière, l’auteur a remarqué que l’angle sous lequel un rayon est infléchi en passant près d’un corps n’est pas constant, qu’il augmente assez rapidement à mesure que le corps se rapproche du point lumineux ; il a mesuré les angles à diverses distances, et il a vu que la déviation qu’un corps éprouve dans sa marche dépend du chemin qu’il a parcouru depuis son origine jusqu’au bord du corps qui le diffracte.

Un fait non moins remarquable, c’est que, pour une distance constante et quelconque du point lumineux au corps, l’angle de diffraction varie suivant qu’on détermine la position des bandes dans tel ou tel autre point de leur trajet ; ce qui entraîne la conséquence singulière, que les rayons qui la forment ne se meuvent pas en ligne droite ; ainsi l’auteur a été conduit à penser que les trajectoires des franges de tous les ordres sont des hyperboles dont les foyers communs sont le bord du corps et le point lumineux. Il trouve, comme Young, que les franges intérieures naissent du concours des deux faisceaux infléchis dans l’ombre par les deux bords opposés du corps. Avec sa loupe seule, il les suit depuis le moment où elles se meuvent comme de très-minces filets lumineux, également espacés et sans aucune coloration apparente, jusqu’aux distances où chacune d’elles occupe une plus grande étendue, et paraît sensiblement irisée. Les bandes intérieures ne partent pas des bords du corps, et se meuvent à-peu-près en ligne droite ; elles sont à toute distance, symétriquement placées de part et d’autre du centre de l’ombre, qui toujours est un filet clair. Les intervalles qui les séparent sont proportionnels à la distance du corps au micromètre, et ne dépendent pas de celle du point lumineux.

Pour les bandes extérieures, les intervalles sont indépendans des dimensions du corps qui porte ombre ; pour les autres, elles sont d’autant moindres, à parité de circonstances, que le corps est plus large.

M. Fresnel a découvert, par des observations multipliées, que pour une distance constante du micromètre à des fils de différentes grosseurs, les largeurs des bandes sont juste en raison inverse des diamètres de ces fils. Il se sert de cette belle loi pour expliquer les franges hyperboliques qui se forment dans la fameuse expérience des couteaux de Newton.

M. Fresnel considère la lumière comme les ondulations d’un milieu subtil et doué d’une grande élasticité : c’est l’opinion, de Hooke, d’Huygens, d’Euler, etc. Il distingue dans chaque onde lumineuse des parties analogues à celles que D. Bernoulli a nommées ventres et nœuds, dans son Mémoire sur le son et les tuyaux d’orgue. Il admet que deux ondulations qui se rencontrent sous un petit angle peuvent s’affaiblir dans les points où les nœuds de l’une coïncident avec les ventres de l’autre, et que l’intensité sera au contraire augmentée par-tout où les parties analogues des mêmes ondulations se réuniront. Ces changemens au reste ne doivent être que momentanés ; en sorte que des rayons qui se sont obscurcis parce qu’ils étaient en discordance, acquièrent de nouveau leur ancien éclat quand la discordance cesse.

Nous ne suivrons pas l’auteur dans la construction qu’il donne pour représenter les croisemens qui doivent donner naissance aux bandes diffractées. C’est par des considérations analogues qu’il explique le phénomène des anneaux colorés, et il a puisé dans les tables de Newton les valeurs des ondulations aériennes pour les rayons de toutes couleurs, et elles lui paraissent égales au double des épaisseurs dans lesquelles se produisent les anneaux du premier ordre. Il a fait de nombreuses mesures des bandes à toutes les distances possibles du point lumineux au fil, et du fil au carton ; par-tout le calcul et l’observation se sont accordés dans les limites de quelques centièmes de millimètre. Les tableaux que renferme le Mémoire mettent dans tout son jour cette belle découverte de l’auteur, que les bandes de différens ordres ne se propagent pas en ligne droite.

Il a cherché aussi à rattacher les lois de la réflexion et de la réfraction de la lumière à sa Théorie des accords et des discordances des ondes. Les raisonnemens, tout ingénieux qu’ils sont, ne feront probablement pas abandonner, pour le moment, l’explication si claire que Newton adonnée de la réfraction dans le système de l’émission.

Le fait découvert par M. Fresnel, de la propagation des bandes dans des hyperboles, nous semble un des plus curieux résultats de l’optique. Dans la Théorie des accords et des discordances, il n’est pas nécessaire d’attribuer un mouvement courbe à la lumière, il suffit de supposer que les intersections des ondes, qui, par leur concours produisent les franges, ne sont pas situées sur une ligne droite. Nous ignorons comment ce mouvement singulier pourrait se concilier avec l’hypothèse de l’émission.

Les circonstances les plus simples de la formation des bandes intérieures sont inexplicables, ou du moins inexpliquées dans la théorie ordinaire… Si nous ajoutons qu’il n’est aucune expérience de diffraction connue jusqu’à-présent qui ne puisse être, nous ne dirons pas expliquée, mais même calculée, on ne pourra s’empêcher d’avouer, quelque opinion qu’on ait d’ailleurs sur le fond de la question, que l’hypothèse de M. Fresnel mérite d’être suivie et de fixer l’attention des physiciens et des géomètres.

Nous pensons en conséquence, 1o que l’Académie devra accorder des témoignages de satisfaction à M. Fresnel, pour les belles expériences qu’il a faites sur la formation des franges diffractées et sur les lois de leur propagation dans l’espace ; 2o que, sans rien statuer sur le mérite de l’hypothèse qu’il a examinée avec tant de sagacité, elle pourrait engager cet habile physicien à l’appliquer, s’il est possible, à d’autres phénomènes, à éclaircir quelques points qui sont encore un peu obscurs, et à faire toujours marcher de front, dans ses recherches, le calcul et l’observation. Nous proposerons enfin à l’Académie d’arrêter que le Mémoire sera inséré dans le Recueil des savans étrangers. »

Le Mémoire de M. Fresnel a paru dans les Annales de Chimie et de Physique. Mars, 1816.


Expériences sur les anneaux colorés qui se forment par la réflexion des rayons à la seconde surface des plaques épaisses, et sur un nouveau phénomène qui s’y rapporte, par M. Pouillet. Commissaires, MM. Ampère et Poisson, rapporteur, 22 janvier 1816.

M. Pouillet a d’abord répété les expériences de Newton, et il en a reconnu l’admirable exactitude ; il a fait ensuite des expériences analogues, en employant des miroirs de diverses formes et de différentes épaisseurs ; les diamètres des anneaux qu’il a mesurés se sont trouvés, dans tous les cas, parfaitement d’accord avec ceux qu’il a calculés d’après la théorie. Son Mémoire renferme plusieurs tableaux où sont rapportées les grandeurs calculées et observées, et l’on n’y remarque que des différences si petites, que l’on peut les attribuer sans scrupule aux erreurs inévitables des observations. En liant à la théorie des accès celle de ces phénomènes, l’auteur explique la formation des anneaux. Les modifications qu’y éprouve la lumière n’ont lieu qu’à la seconde surface du verre. M. Pouillet en a conclu que si l’on supprimait la matière comprise, entre ces deux surfaces et qu’on la remplaçât par de l’air, de l’eau, ou quelque autre substance, il devrait encore se produire des phénomènes analogues ; conjecture qu’il a vérifiée, en mettant devant un miroir métallique une lame mince de mica, qui remplaçait la première surface du verre ; et calculant, par les formules de M. Biot, ces nouvelles expériences, il a trouvé le même accord que dans les précédentes. Faute d’avoir mesuré les diamètres, le duc de Chaulnes avait présenté les résultats comme une exception à la théorie de Newton, tandis qu’ils en sont au contraire une importante confirmation.

Enfin M. Pouillet a reconnu qu’il n’est pas nécessaire que le rayon lumineux traverse la matière même de la lame qu’on place devant le miroir métallique. Si l’on y pratique un trou, au travers duquel on fait passer la lumière, la portion qui est réfléchie irrégulièrement par le miroir, et qui vient repasser une seconde fois par le trou, produit encore des anneaux colorés comme dans les cas précédens ; ce qui montre que l’action inconnue qui émane des bords de l’ouverture faite à la lame, s’exerce à distance sensible sur la lumière. La forme de cette ouverture peut être telle qu’on voudra, on peut même la remplacer par le simple bord d’une lame opaque ; il se forme toujours des anneaux dont les diamètres suivent la loi ordinaire des racines quarrées des nombres impairs, et qui varient en grandeur absolue avec la distance de la lame au miroir réflecteur. Seulement il faut observer que dans le cas de la lame opaque, les anneaux sont encore parfaitement circulaires, mais leur intérieur est très-faible dans une portion de leur circonférence. « On pourrait peut-être penser que les anneaux d’une intensité inégale se confondent avec les bandes lumineuses de la diffraction, mais l’auteur ne se prononce pas sur l’identité ou la différence des deux phénomènes, et c’est une question qu’il se propose de décider par de nouvelles expériences.

« L’Académie verra sans doute avec plaisir le premier travail d’un jeune physicien qui joint à l’art de faire des expériences exactes, la sagacité qui en suit toutes les conséquences…… Nous pensons qu’il est digne de tous les encouragemens de l’Académie, et que son Mémoire mérite d’être approuvé et imprimé dans le Recueil des savans étrangers. »

Nous avons annoncé ci-dessus ses nouvelles recherches à l’occasion du Traité de Physique de M. Biot, qui les y a insérées comme supplément à l’Optique. On y voit, page 751, que les anneaux et les bandes diffractées diffèrent essentiellement des anneaux et des bandes qui rejaillissent par réflexion de la seconde surface des plaques épaisses. Et, page 752, cette seconde loi : Lorsque la lumière passe dans une ouverture circulaire ou rectiligne très-étroite, les diamètres des anneaux réfractés et les intervalles des bandes diffractées de même ordre, formées par chaque espèce de lumière simple, sont proportionnels aux longueurs des accès de ses particules, et les anneaux ou bandes diffractées des différens ordres répondent à la succession de ces accès. Pour le surplus de ce Mémoire intéressant, nous renverrons à l’ouvrage dans lequel il a été consigné en entier.


Nouvelles Lunettes de spectacle, par M. Cauchoix. Commissaires, MM. Charles, Poisson, et Biot, rapporteur. 22 janvier 1816.

On donne aux lunettes de ce genre un objectif à large ouverture, on n’emploie qu’un faible grossissement, et la distance focale de l’objectif doit être fort courte. Il en résulte que les aberrations de réfrangibilité et de sphéricité sont très-sensibles. Pour y remédier, il faut trouver des courbures telles que ces aberrations se compensent ou s’atténuent : de telles combinaisons de courbure sont aujourd’hui ce qu’il y a le plus à désirer pour le perfectionnement des grands objectifs. Dans les lunettes de spectacles on n’avait pu atteindre encore qu’au grossissement de 1 ou de 3 fois. Le nouveau pas fait par M. Cauchoix consiste à avoir trouvé le moyen de détruire complètement les deux aberrations de l’objectif, et à lui faire supporter un grossissement beaucoup plus considérable. À ces avantages il a su joindre celui d’une grande clarté ; ce qui est dû en partie à l’introduction d’une couche mince d’un liquide dont la réfraction est presque moyenne entre celle des deux verres, et qui unit les surfaces consécutives du flint et du crown. Des verres ainsi collés se maintiennent depuis vingt ans sans altération. Ces nouvelles lunettes grossissent jusqu’à sept fois ; elles sont faites avec du crown et du flint français ; éprouvées au spectacle, ou, pendant le jour, sur des objets terrestres, leur effet a toujours paru excellent. Dollond avait déjà obtenu des grossissemens égaux ou supérieurs, mais c’était en diminuant les ouvertures de l’objectif et de l’oculaire, d’où il resultait que ses lunettes donnaient très-peu de lumière, en sorte qu’elles ne pouvaient guères servir que de jour. En ce genre, M. Cauchoix avais porté le grossissement jusqu’à vingt fois, mais il a totalement abandonné ce système.

La conclusion des commissaires est que son nouveau travail doit mériter à M. Cauchoix l’approbation de l’Académie, et qu’on doit l’engager à essayer d’en transporter les avantages à de plus grands objectifs.


Lunettes de spectacle, de l’invention de M. Le Rebours. Commissaires, MM. Bouvard, Biot, et Arago, rapporteur. 23 décembre 1816.

Pour juger les nouvelles lunettes, les commissaires ont pris pour terme de comparaison les lunettes de M. Cauchoix, dont le rapport précèdent établit la supériorité sur tout ce qui s’était fait précédemment ; par des expériences nombreuses et variées, ils ont cru pouvoir s’arrêter à cette conclusion : « Qu’à parité de circonstances les lunettes de M. Le Rebours terminent un peu mieux en général que celles de M. Cauchoix, et que celles-ci à leur tour sont légèrement supérieures en lumière. M. Cauchoix introduit entre les verres une substance… qui détruit toute réflexion intermédiaire et augmente la clarté ; cet artifice atténue beaucoup les effets des irrégularités du travail… Dans les objectifs de M. Le Rebours, les lunettes de flint et de crown sont seulement superposées. C’est un avantage dont le temps peut seul déterminer l’importance. L’Académie a déjà eu plusieurs occasions de s’occuper des importans travaux de M. Le Rebours. C’est à lui que les astronomes français doivent le plaisir de pouvoir placer une lunette française en tête des meilleurs instrumens de l’Observatoire Royal. Un nouvel objectif, de 18 centimètres (6 pouces) dont on étudie maintenant les effets, prouve que cet artiste cherche avec le zèle le plus louable et le plus désintéressé, à vaincre les difficultés qu’ont rencontrées jusqu’ici les opticiens, qui se sont occupés de ces grands instrumens. Nous désirons vivement que M. Le Rebours puisse trouver dans le débit des excellentes lorgnettes qu’il vient de construire, les moyens de continuer ses utiles et laborieuses recherches.

« En général, il nous semble que l’Académie doit voir avec plaisir, et encourager par son approbation, les travaux de deux artistes qui, pour la construction des instrumens d’optique, sont parvenus à nous rendre tout-à-fait indépendans de l’étranger. Nous ne serions pas même éloignés de penser que leurs ateliers renferment dans ce moment un plus grand nombre d’excellentes lunettes achromatiques à large ouverture, qu’il ne s’en trouverait chez tous les opticiens de Londres réunis. »


Miroirs Parallèles de MM. Richer fils. Commissaires, MM. Bouvard, et Arago, rapporteur, 11 mars 1816.

Ces verres, d’un travail très-difficile, sont employés dans la construction des instrumens à réflexion, dans celle des horizons artificiels pour les observations qu’on fait à terre.

MM. Richer ont pensé que, s’ils parvenaient à construire mêmes les miroirs parallèles, et à s’affranchir du tribut que presque tous les artistes de l’Europe payaient aux opticiens anglais, ils pourraient faire une diminution sensible sur le prix des instrumens à réflexion, et que par-là ils contribueraient à en répandre l’usage. Leurs efforts n’ont pas été infructueux.

Les miroirs remis aux commissaires étaient de centimètres ou pouces. Placés devant l’objectif de la lunette méridienne de l’Observatoire, ils n’altèrent pas le foyer d’une manière sensible. On les a soumis à une autre épreuve, en regardant avec une forte lunette l’image d’un objet éloigné réfléchie sur leur surface. Il restait à mesurer l’inclinaison mutuelle des faces opposées ; rarement on a pu trouver des déviations de Un miroir anglais, acquis à Londres par M. Cauchoix, placé dans les mêmes circonstances, a donné des écarts sensiblement plus grands.

Les miroirs de deux millimètres d’épaisseur paraissent avoir éprouvé, dans quelques points, des flexions qui altéraient la netteté des images ; il est à desirer que MM. Richer choisissent dorénavant des verres plus épais. Il paraîtrait aussi très-convenable de travailler les verres dans des dimensions plus grandes que celles qu’ils doivent conserver. Avec. ces attentions, dont MM. Richer ont reconnu l’utilité, leurs miroirs plans pourront soutenir la concurrence avec tout ce qui a été exécuté de plus parfait de ce genre tant en France que dans les pays étrangers. Les astronomes et les physiciens ont eu de fréquentes occasions d’apprécier le mérite de M. Richer père. Ils connaissent l’ingénieux instrument que cet artiste a imaginé pour réduire en distances vraies les distances apparentes de la lune aux étoiles ; ses travaux pour perfectionner l’hygromètre à cheveu ; ses micromètres sur verre... dont la finesse et la pureté des divisions est telle que 500 ne remplissent pas un millimètre.... Nous pensons que l’Académie n’apprendra pas sans intérêt que MM. Richer fils ont profité des utiles leçons qu’ils ont dû recevoir à une aussi bonne école, et qu’elle accordera son suffrage à leur zèle et aux succès qu’ils viennent d’obtenir. »

Précis des travaux géographiques dont la Martinique a été l’objet, depuis l’organisation de la colonisation de cette ile ; et Notice sur la Carte physique, minéralogique, statistique et militaire de la même île, par M. Alexandre Moreau de Jonnès, correspondant de l’Académie.

Dès l’an 1640, le missionnaire Dutertre visita l’île et dressa un croquis de ses côtes. L’exactitude en paraît étonnante quand on considère les obstacles qu’il a dû trouver dans les bois qui couvraient alors.la totalité de l’île et dans le voisinage des Caraïbes. En 1693, un autre missionnaire, le P. Labat, envoyé à la Martinique, dressa, pour la joindre à son Voyage, qui ne parut qu’en 1722, une autre carte qui semblerait n’être qu’une copie de celle du P. Dutertre, s’il n’avait rempli le périmètre de reliefs dessinés d’imagination. Le P. Dutertre avait esquissé et nommé la montagne Pelée ; il avait figuré les deux pitons du Carbet, sans leur donner de nom ; le P. Labat les nomma dans sa carte et les représenta comme deux hauts reliefs dentelés ; il indiqua le lac de la Montagne Pelée, et le premier il figura le morne de la Calebasse et le gros morne. Mais il exagéra beaucoup les dimensions de ce dernier.

Le P. Laval, en 1720, fit une carte qui ne diffère pas essentiellement de la plus ancienne.

Le P. Feuillée, en 1725, fit une carte plus inexacte qu’aucune des précédentes.

En 1741, La Condamine, en visitant le sommet du volcan éteint de la Montagne Pelée, gagna la fièvre jaune, à laquelle il n’échappa que par un rare bonheur. Le seul résultat de son excursion fut une mesure approximative de la hauteur de la montagne.

En 1751, Chanvalon, qui avait été administrateur à la Martinique, donna à son tour une carte qui ne se distingue des précédentes, qu’en ce^qu’elle est plus mal orientée. D’après l’opinion vulgaire, qui n’est peut-être elle-même qu’une tradition caraïbe, il désigna la montagne Pelée fomme un ancien volcan, et il a transformé en un peloton de monticules en pain de sucre le piton volcanique du Carbet, dont les pyramides de porphyre sont deux fois hautes comme le Vésuve et le mont Hécla.

La carte dressée, en 1758, par Bellin, ne diffère des précédentes que par la grandeur de l’échelle et par les profils de relief jetés au hasard-, et par les groupes informes qu’il y a placés pour désigner la montagne Pelée, le piton Vauclin, et ceux du Carbet.

Celle de Th. Jefferys, géographe du roi d’Angleterre, a été dressée d’après de prétendues observations d’un M. Houel : on n’y remarque que l’esquisse de reliefs imaginaires. Cette carte eut deux autres éditions qui ne sont pas plus fidèles.

En 1772, MM. Verdun, Borda, et Pingré, déterminèrent la longitude et la lat1tude du Fort - Royal, et les positions ^des points extrêmës et des principaux sailTans de l’île, dont la position et l’étendue ne furent plus douteuses ; il est à regretter que leurs observations aient été restreintes à l’hydrographie, et ne se soient pas étendues aux opérations géodésiques. Ils indiquèrent seulement la montagne Pelée, léVauclin, et les pitons du Carbet, au nombre de trois. Dutertre et Labat n’en montrent que deux.

Enfin, en 1776, Moreau du Temple fut chargé de lever la carte physique et géodésique de la Martinique. Il mit dans ce travail immense autant de talent que de persévérance, et fit tout ce qu’il était possible de faire alors. Cette carte est le meilleur ouvrage^de topographie qu’on ait sur l’archipel ; mais les parties qu’il fut obligé de confier à ses collaborateurs sont très-loin du degré de perfection des parties qui sont entièrement de lui. Malheureusement aussi ce géographe, très-instruit d’ailleurs, n’avait aucune connaissance géologique. En 1794, à la prise de l’île, cette carte tomba entre les mains du général anglais, Charles Grey, qui l’envoya en Angleterre, pour qu’on en multipliât les copies ; elle périt dans l’incendie du vaisseau qui la transportait, et les soins qu’on avait pris pour sa conservation eurent un effet tout contraire. Le ministère anglais desirait une carte physique qui pût, dans tous les temps, servir à tracer les opérations militaires d’une invasion. Il en chargea un officier français nommé de Sanée, qui la commença en effet, mais il devint trop exigeant, et l’on eut recours à d’autres moyens.

Par suite du traité d’Amiens, la Martinique fut rendue à la France, des officiers de génie y furent envoyés, mais ils périrent presque tous de la fièvre jaune presque en arrivant. MM. Allaire et Moreau de Jonnès, aides-de-camp du commandant en second de la colonie, furent chargés de lever une carte nouvelle. À peine les opérations étaient-elles commencées, que M. Allaire fut atteint lui-même de la fièvre jaune, et périt au bout de cinq jours. M. Moreau de Jonnès ne résista qu’avec peine aux effets de l’action du soleil des tropiques et aux exhalaisons délétères qui s’élèvent des marais fangeux et des forêts humides qu’il avait à traverser journellement. Le général qui vérifiait les opérations sur le terrain périt enfin lui-même, et M. Moreau de Jonnès resta seul. Pendant huit annéeş il s’occupa de ce travail : ensuite ; devenu prisonnier de guerre, et retenu pendant six ans, il eut beaucoup de peine à sauver ses manuscrits.

Dès le commencement de ses opérations il put reconnaître que tout ce qu’on avait écrit sur cette île n’était fondé ni sur l’observation, ni sur la vérité. Il cite la description de Raynal pour la réfuter. Il affirme, contre le récit de cet auteur, que la montagne Pelée est la plus accessible de tous les grands reliefs de l’île, qu’il n’y a aucune culture sur les pitons du Carbet, dont les versans ont de et de déclivité, et dont les pieds sont entourés de forêts de l’accès le plus difficile. Les sources dont parle Raynal sont des rivières qui ont plusieurs lieues de cours ; elles ne sortent pas de la montagne Pelée, mais descendent en bien plus grand nombre du Carbet. Nous passons sous silence d’autres erreurs réfutées par M. de Jonnès, pour arriver aux résultats de ses propres observations.

« L’île a été formée de toutes pièces par les volcans, et, à l’exception de quelques substances de formation secondaire, toute la lithologie de la Martinique se compose de laves porphyritiques et cornéennes, de pierres-ponces et de basaltes homogènes. »

Par des nivellemens et des observations barométriques, l’auteur a déterminé les points culminans et les principaux centres d’éruptions volcaniques ; il a fait la reconnaissance détaillée de l’aire de chacun de ces anciens foyers ; il a trouvé les limites de leur circonscription et l’étendue de leur périmètre. Il a observé soigneusement le cours des eaux ; il cherche dans l’examen géologique des lieux, les circonstances de la formation des ports et du littoral, et les escarpemens des rivages ; et, remontant jusqu’aux pitons, il a escaladé les grandes pyramides de laves porphyritiques ; pour ses recherches, il fut obligé de dresser levés, et plus de profils, offrant la coupe orthographique de chaque système de volcans. Il a comparé des milliers de specimens lithologiques.

L’auteur a consigné dans un ouvrage inédit les détails de l’exploration géologique dont on vient de voir les principaux résultats. Un nouveau voyage, qu’il est sur le point d’entreprendre, lui permettra d’y faire plusieurs additions importantes. Il compte y réunir l’ensemble des hauteurs barométriques rectifiées, la géographie des plantes, la topographie médicale, et le tableau des phénomènes météorologiques, qui ont lieu dans les différentes couches de l’atmosphère correspondantes aux diverses régions des hautes montagnes de la Martinique.

Précis d’un Traité analytique de Trigonométrie sphérique, par M. Henri. Commissaires, MM. Biot, Arago, et Delambre, rapporteur.

« Cet ouvrage est la collection la plus complète que nous connaissions de formules applicables à tout triangle sphérique quelconque ; ces formules se déduisent les unes des autres par des procédés purement analytiques, en partant de quelques équations fondamentales, fournies par une construction géométrique... Ce Précis est un riche répertoire où l’on trouvera au besoin toutes les formules dont l’application et la combinaison doivent conduire à la solution de tous les problèmes qu’on peut se proposer dans la pratique de l’astronomie et de la géodésie. La marche de l’auteur est simple et uniforme.... Son ouvrage prouve une grande connaissance et un long usage de l’analyse trigonométrique, et nous croyons qu’il est digne d’être approuvé par l’Académie. »

Traduction de l’Almageste de Ptolémée, par M. Halma.

« Les deux traductions de l’Almageste, ce vaste dépôt de toutes les connaissances des anciens en astronomie, étaient presque illisibles ; on voit trop qu’elles n’ont pas été faites par des mathématiciens. Aujourd’hui, pour étudier Ptolémée, pour le consulter, pour y chercher tous les détails d’une observation ancienne qu’on aurait quelque intérêt de calculer de nouveau, on ne rencontrera plus que les difficultés inhérentes au sujet... On n’a rien négligé pour la facilité du lecteur ; le caractère est plus net, les lignes moins serrées ; on en a banni les abréviations et ces ligatures souvent plus longues, et toujours moins certaines que les syllabes qu’elles remplacent, et qui sont les inventions de copistes sans goût. Dans l’édition de Basle, le texte ainsi resserré, n’occupe que 320 pages ; dans l’édition nouvelle, il est étendu à près de 900 pages. De fréquens alinea reposent la vue, et facilitent les recherches. Pour sentir à cet égard tous les avantages de la nouvelle édition, il faut avoir fait un long usage de l’ancienne. Quand on considère tous les soins que le traducteur s’est donnés pour épurer le texte, par la comparaison de tant de manuscrits, d’une lecture extrêmement difficile, pour être toujours fidèle à son original, même quand il cherche à dissimuler l’embarras de ses longues explications ; quand on songe aux sacrifices de tout genre qu’il s’est imposés pour cette édition, on est forcé de convenir que M. Halma a les droits les plus certains, non-seulement à l’estime des savans et aux récompenses dont ils pourraient disposer, mais à tous les encouragemens qui lui seraient nécessaires pour terminer son utile et laborieuse entreprise. »

On sait que M. Halma a fait un travail semblable sur Théon, Géminus, et tous les astronomes anciens. (M. Delambre, rapporteur.)

Euclide grec, latin et français, de M. Peyrard, tome II ; Commissaires,
MM.
Laplace, Legendre, Prony, et Delambre, rapporteur.

À l’occasion du premier volume, qui a paru il y a environ deux ans, nous avons suffisamment expliqué ce qui distingue cette édition des précédentes, et les ressources que l’éditeur a trouvées pour en épurer le texte. Rien n’est changé à cet égard, puisque le manuscrit, no 190, de la bibliothèque du Vatican, le plus correct et le plus important de tous, n’est pas encore sorti des mains de M. Peyrard, et ne sera rendu qu’après la publication entière de l’ouvrage.

Le second volume contient les livres VIII et IX, qui traitent des nombres, et le dixième, où l’on trouve la doctrine des incommensurables démontrée à la manière des anciens., Ces livres sont généralement peu connus ; les éditeurs, pour la plupart, les ont supprimés. Le plus considérable de ces trois livres, c’est-à-dire le dixième, est sur-tout regardé comme superflu et comme très-difficile à entendre.

Il semble à M. Peyrard que ces deux reproches sont mal fondés ; il trouve dans ce livre un grand nombre de propositions utiles aux géomètres, et une foule d’autres qui sont dignes de leur admiration. Cette assertion, quoique un peu exagérée, ne peut paraître surprenante de la part d’un éditeur, et, à quelques égards, elle peut se soutenir par des raisons plausibles. M. Peyrard aurait pu l’étayer de plusieurs témoignages, et particulièrement de celui de Simon Stévin, mathématicien, célèbre en son temps, et qui avait fait une étude particulière de ce dixième livre. Mais, quoique ce savant professe à-peu-près la même opinion que le nouveau traducteur, sa manière de voir et de sentir est cependant beaucoup plus différente qu’elle ne paraît d’abord. Du temps de Stévin les avis étaient fort partagés, et voici ce que nous lisons dans son livre, dont nous rapporterons fidèlement les expressions.

« Après que nous avions veu et reveu le dixième livre d’Euclide, traitant des incommensurables grandeurs, aussi lu et relu plusieurs commentateurs sur le même, desquels aucuns le jugeaient pour la plus profonde et la plus incompréhensible de la mathématique ; les autres que ce sont propositions trop obscures et la croix des mathématiciens ; et qu’outre cela, je me persuadais d’entendre cette matière par ses causes, et qu’elle n’a en soi telles difficultés comme l’on estime vulgairement, je me suis adonné d’en décrire ce traité.... Mais veu que cette affaire est facile et sans difficulté aux experts en la nature des nombres radicaux.... sans laquelle on se tourmente en vain en cette matière, il reste encore de dire quelle est la cause de l’obscurité dudit dixième livre. Il faut donc savoir que les inventeurs de ces propositions se proposaient nombres binomiaux, et par les qualités qu’ils y découvraient.... ils ont décrit des lignes de semblables qualités.... et en ont exposé diverses propositions.... mais ils en ont détenu les nombres qui leur avaient la été guide assuré pour comprendre parfaitement la propriété d’icelles lignes, sans lesquels nombres ils ne pouvaient rien effectuer, et nous ont ainsi laissé ces lignes imparfaites.... de sorte qu’il leur était beaucoup plus facile d’inventer et de descrire ces lignes, qu’à autres entendre leurs propositions.... Par quoy les mathématiciens semblent aucunement avoir leurs raisons, confessant ne leur pouvoir animadvertir aucune utilité.... veu que l’on n’y traite point absolument, mais le tout par manière d’obscurs énigmes, et cela à cause (comme nous avons dit) que les inséparables nombres ne leur sont pas adjoints. »

Stévin trouve donc facile et clair tout ce qu’on regarde communément comme obscur et inintelligible ; mais c’est en refondant toute la doctrine, en lui donnant d’autres bases, et en la ramenant à une douzaine de formules extrêmement simples, dont il cherche les racines quarrées, qui lui fournissent des solutions faciles de toutes les questions, en assez petit nombre, auxquelles cette théorie se trouve applicable.

Clavius, commentateur d’Euclide, un peu plus ancien que Stévin, se rapproche bien plus de l’opinion de M. Peyrard. Il suit pas à pas la marche de son auteur, il n’ajoute que peu de développemens, rejette expressément les expressions numériques, sans lesquelles Stévin prétend qu’on ne peut rien faire ; dans ses notes peu nombreuses, il témoigne plus d’une fois sa profonde admiration pour les démonstrations d’Euclide, et l’on ne peut pas dire qu’il ait tout-à-fait tort.

En effet supposez que le lecteur ait pu se loger dans la mémoire, et d’une manière imperturbable, une vingtaine de définitions longues et compliquées de termes nouveaux et presque tous fort étranges pour le moins, qu’il soit parvenu à ne se tromper jamais sur le sens exact et précis de toutes ces dénominations, alors toute difficulté disparaît, la marche des démonstrations paraîtra, simple et claire ; cette marche est en effet assez uniforme, presque toutes reposent sur la même construction, et cette construction est du genre le plus simple. Les premiers mots de chaque phrase en font le plus souvent deviner le reste, et l’on arrive à la conclusion définitive par une route qui ne paraît ni bien longue ni bien pénible ; mais on n’en verra guères mieux le but où l’on tend, ni les applications dont les 117 propositions du livre sont susceptibles. Euclide et Clavius n’en disent pas un seul mot ; et d’ailleurs l’effort de mémoire que cette lecture exige nous paraît au moins fort difficile, s’il n’est absolument impossible.

La marche de Stévin est incontestablement plus lumineuse ; il commence par réduire en formules douze des définitions d’Euclide ; ces douze formules sont binomiales, et renferment toutes un radical et quelquefois deux. On peut les réduire à six en donnant au plus petit terme le double signe On peut les réduire en une seule en mettant des lettres au lieu des nombres, soit entiers, soit fractionnaires, soit rationnels, soit radicaux, employés par Stévin. Ces nombres, au reste, sont les plus simples qu’on puisse désirer ; ces nombres sont et les racines quarrées de et Il reste pour la solution des problêmes à prendre la racine quarrée des douze expressions ; et, dans tous les cas, la solution se réduit en dernière analyse à résoudre ou construire des équations du second degré.

Par ce moyen bien simple, les propositions les plus abstraites et les plus longues se réduisent à de simples énoncés évidens par eux-mêmes, les démonstrations s’abrégent ou deviennent inutiles ; on peut supprimer le plus grand nombre de ces propositions, qui ne servent qu’à démontrer le petit nombre de théorêmes vraiment utiles.

Avant Stévin, un autre commentateur d’Euclide, au témoignage de Clavius, avait démontré numériquement toutes les propositions d’Euclide. Ce commentateur se nommait Michel Stifelius ; il jouissait de quelque réputation, et la perdit pour avoir annoncé la fin du monde pour l’année 1559 ; il ne mourut que huit ans après l’époque qu’il prétendait devoir être si fatale. Au reste, Clavius paraît fort satisfait de ses démonstrations, puisqu’il les donne comme un des motifs qu’il allègue pour réprouver la substitution des signes algébriques aux signes des anciens. Son second motif, c’est que l’algèbre était encore une science peu répandue, qui, par son obscurité naturelle, ajouterait de nouvelles difficultés à celles du sujet. Aujourd’hui que l’algèbre est simplifiée et généralement connue, qu’elle a été appliquée à la géométrie avec le plus grand succès, les raisons de Clavius, qui pouvaient être fort bonnes pour son temps, ne lui paraîtraient plus aussi fortes, et sans doute il n’oserait les reproduire. Quoi qu’il en soit, ce serait une chose assez curieuse que le rapprochement des méthodes de Stifelius, de Stévin, et de l’algèbre moderne, et la comparaison qu’on en ferait avec les procédés d’Euclide ; si ce parallèle n’ajoutait rien aux connaissances actuelles, il serait du moins fort intéressant pour l’histoire de la science et celle dès progrès de l’esprit humain.

Stévin a commencé ce travail, il en a tracé le plan ; il range en trois classes les 118 propositions qui, suivant l’édition de Zamberti, composent le dixième livre.

Dans la première, sont rangées trente propositions qui servent uniquement de préparation aux douze formules par lesquelles il a représenté les définitions d’Euclide ; de cette manière, il nous dit qu’elles sont manifestes, et la plupart d’icelles consistent en communes sentences, dont l’énoncé porte avec lui sa démonstration.

À côté de chacune de ses formules, il place les termes dont Euclide s’est servi pour l’exprimer, et ce rapprochement soulage au moins la mémoire.

Dans la seconde, il réunit les problêmes qui servent aux constructions des douze binomes et à celles de leurs racines.

La troisième, enfin, comprend 71 propositions qui expriment les propriétés des douze formules, suivant les combinaisons qu’elles offrent entre les nombres rationnels et les radicaux.

Il ne fait qu’indiquer cet ordre, et il s’excuse d’entrer dans de plus longs détails, par la raison que dans son arithmétique il a donné des solutions plus faciles encore et plus générales.

Ce travail, simplement indiqué par Stévin, a été exécuté d’une manière un peu différente par un anonyme, dont l’ouvrage a paru à Paris en 1640, sous ce titre :

Traité des grandeurs incommensurables, où sont décidées plusieurs belles questions des nombres rationaux et irrationaux ; les erreurs de Stévin réfutées, et le dixième livre d’Euclide illustré de nouvelles démonstrations plus faciles et plus succinctes que les ordinaires, et réduit à 62 propositions.

Cette annonce a piqué notre curiosité, car nous avouerons que, sans refaire les calculs de Stévin, et sans les étendre aux 118 propositions d’Euclide, nous avions pensé qu’il avait parfaitement raison. Nous avons donc scrupuleusement examiné toutes les critiques de l’anonyme, et nous avons vu avec plaisir qu’elles ne portent que sur la partie métaphysique du traité de Stévin, métaphysique que nous n’avons aucune envie de défendre, et sur laquelle on pourrait sans inconvénient donner gain de cause à l’anonyme. Il pourrait bien s’être trompé pourtant quand il a soutenu, contre l’idée de Stévin, que les géomètres grecs n’avaient été nullement guidés dans leurs recherches par la considération des nombres et des radicaux, et qu’ainsi on ne peut leur reprocher d’avoir supprimé ces nombres, dont réellement ils n’auraient fait aucun usage ; mais quoique nous soyons bien tentés de donner la préférence à l’opinion de Stévin sur celle de l’anonyme, comme nous n’avons pas plus que lui de raisons positives à produire à l’appui de notre conjecture, nous ne nous arrêterons pas à discuter cette question[1]. Nous dirons seulement que le parti pris par l’anonyme, de refondre en entier le livre d’Euclide, d’intervertir l’ordre des propositions, d’en changer souvent l’énoncé qu’il trouve obscur, faux, ou du moins équivoque ; enfin de ne conserver aucune des démonstrations de l’auteur grec, que ce parti extrême nous paraît la critique la plus sévère qu’on ait jamais faite de l’ouvrage. Nous ajouterons encore que le soin mis par l’anonyme à éclaircir toutes ses démonstrations par des exemples numériques, après avoir soutenu contre Stévin l’inutilité des nombres, pourrait être regardé comme une espèce de contradiction, ou du moins comme une concession assez importante qu’il fait à son adversaire. Nous ne dirons rien de l’amertume ni du ton de supériorité et de mépris avec lequel il traite un mathématicien qui a laissé un nom, et dont Lagrange a parlé d’une manière fort honorable. Au reste, l’anonyme ne fait aucun usage de l’algèbre, mais son ouvrage fait sentir à chaque pas l’avantage qu’aurait la notation algébrique sur les constructions qu’il emploie, et même sur les nombres qu’il donne pour exemples ; car s’il a pu réduire à 62 les 118 propositions d’Euclide, l’algèbre pourrait bien réduire les siennes à une douzaine, ce qui serait encore beaucoup si l’on voulait ne conserver que ce qui serait indispensable.

Mais laissons cet examen tout-à-fait étranger à la nouvelle traduction, dont nous avons à rendre compte, revenons au travail de M. Peyrard, qui n’a pris aucun parti dans cette dispute. Il n’a promis qu’un texte pur et une double traduction ; et pour rendre plus sensible l’ordre qui règne dans ce livre et l’enchaînement des parties qui le composent, il se borne, dans sa préface, à rassembler en un tableau l’énoncé des 117 propositions et les définitions qui sont de trois ordres, dont chacun suppose la connaissance de l’ordre précédent. Les premières sont fort simples et universellement connues. Les secondes arrivent après la 48e proposition. On y voit des lignes de deux noms de six espèces différentes, ce sont les six premiers binomes de Stévin. Les deux termes y sent positifs. Dans le troisième ordre, qui vient après la 85e proposition, le second terme est négatif, la ligne alors s’appelle apotome, nom que l’anonyme change en celui de résidu. Il y en a de même de six espèces, qui sont les six derniers binomes de Stévin. On y voit des lignes congruentes et non congruentes, et d’autres noms plus bizarres, sur quoi nous ferons une observation grammaticale. • La congruente se nomme en grec προσαρμόζουσα, quœ convenit, quœ congruit, ligne qui convient à une autre ligne, et qui, en s’y ajoutant, remplit certaines conditions. Quand le verbe est à la troisième personne, le traducteur met indifféremment en lațin convenit ou congruit, en français il met toujours convient et jamais congrue, qui pourrait faire équivoque. Quand il est au participe il met toujours congruente, en sorte que la même idée est exprimée successivement par deux mots différens, sans que rien avertisse qu’ils sont synonymes ; il en résulte une espèce d’obscurité qui n’existe pas dans le grec, et qui cesse dès qu’on a recours à l’original. Une note à ce sujet ne serait pas superflue pour nombre de lecteurs. L’anonyme, en ce cas, nomme toujours cette ligne convenante.

C’est dans le dixième livre sur-tout qu’on rencontre les variantes en grand nombre. Une foule de superfluités s’y étaient introduites, l’éditeur les en a fait disparaître ; il aurait pu étendre plus loin la réforme, et nous sommes en ce point entièrement de son avis ; mais comme cette manière de voir ne serait peut- être pas celle de tout le monde, il a donné comme variante tout ce qu’il a éliminé du texte. Parmi les lemmes et les scholies rejetés à la fin du volume, il en est plusieurs qu’il est impossible d’attribuer à Euclide, qui s’y trouve nommé à la troisième personne. Nous avons fait nous-mêmes une remarque semblable 1 sur l’optique du même auteur, qui, dans l’état où elle se trouve aujourd’hui dans l’édition d’Oxford, ne peut passer tout au plus que pour un extrait de l’ouvrage d’Euclide, fait par quelque mathématicien malhabile, qui y a fait entrer des théorêmes faux et des démonstrations fausses de théorêmes vrais.

M. Peyrard termine sa préface par des réflexions nouvelles sur quelques propositions du premier volume, qui étaient altérées dans les éditions précédentes, et qu’il a rétablies dans leur pureté primitive, à l’aide des manuscrits.

Une des principales richesses de la nouvelle édition est cette foule de variantes recueillies avec soin en douze manuscrits différens. Le second volume en offre à lui seul quatre-vingt-seize pages. Toutes ne peuvent être de la même valeur ; quelques-unes paraissent assez indifférentes. D’autres sont des fautes qu’ou a bannies du texte ; d’autres l’allongeraient inutilement et le rendraient plus obscur. Il en est dont l’adoption a été indispensable, sans quoi le lecteur se serait vu arrêté, et n’aurait pu suivre une démonstration qui par elle-même présente encore assez d’obscurité.

Une autre richesse est le texte en trois langues qui donne au lecteur une triple sûreté ; car il serait bien difficile qu’une même faute se trouvât dans toutes ; et si malgré les soins, soit de l’éditeur, soit des personnes qui ont bien voulu le seconder dans le travail fastidieux de la révision des épreuves, quelque erreur avait échappé à tant de regards attentifs, il suffirait de confronter les textes. Une connaissance parfaite du grec n’est pas même nécessaire. Ce qui importe sur-tout, c’est d’avoir correctement les lignes et les lettres qui entrent dans la démonstration ; et les caractères qui les désignent étant les mêmes dans le texte et dans les deux traductions, un coup-d’oeil suffirait pour reconnaître l’erreur.

Nous avons d’un bout à l’autre comparé le français à l’original grec, et par-fois à la traduction latine, sans rien remarquer qui puisse être l’objet d’une critique fondée. On peut donc se borner à la traduction française, qui, n’admettant aucune de ces inversions qui étaient dans le génie des langues grecque et latine, est par-là même plus favorable à la clarté des démonstrations qu’on y voit se développer dans l’ordre le plus naturel.

Quoique le style d’Euclide, qui écrivait dans le dialecte commun, soit plus simple et moins rempli de grands mots que celui d’Archimède qui suivait le dialecte dorique, nous ne balancerons pas à dire de la nouvelle traduction ce que nous avons dit de celle d’Archimède : la lecture en français en sera toujours plus facile que dans l’original, auquel on n’aura jamais besoin de recourir que dans le cas où une proposition n’étant pas facile à comprendre, on voudrait s’assurer qu’en effet elle a été fidèlement rendue. Or nous croyons que dans tous les cas on peut avoir toute confiance au traducteur.

On ne s’attend pas que nous entrions dans aucun détail sur les changemens que M. Peyrard a faits aux textes d’Oxford et de Bâle. Une semblable discussion serait ici bien inutile. Nous pensons que le second volume mérite de paraître avec l’approbation de l’Académie, comme le premier ; qu’il doit faire desirer la publication du troisième qui aura lieu dans quelques mois ; et et nous exprimerons le vœu que ce travail si long et si peu attrayant puisse valoir à son auteur les encouragemens qui le mettraient en état de livrer bientôt à l’impression son Apollonius dont nous avons eu entre les mains la traduction complète, suivie de variantes recueillies de même en divers manuscrits. Nous remarquerons enfin qu’on doit lui savoir d’autant plus de gré de son Euclide, que sans lui l’édition n’aurait jamais été entreprise, au moins en France, où il n’eût été possible de la donner ni plutôt ni plus tard.

COMÈTE de 1815.

La comète découverte, le 5 mars 1815, par M. Olbers, est devenue bien intéressante pour les astronomes, depuis qu’on est parvenu à déterminer, avec une grande probabilité, le temps de sa révolution périodique, et l’époque à laquelle il est permis de croire qu’elle pourra reparaître.

MM. de Lindenau, Nicolaï et Bessel, sont les premiers qui en aient calculé l’orbite elliptique, et qui nous aient appris que la comète doit revenir dans soixante-treize ans.

M. Bessel, dans l’intention d’ajouter à la probabilité de ce résultat singulier, a publié récemment un Mémoire auquel l’Académie des Sciences vient d’adjuger la médaille fondée par Lalande ; il y a rassemblé 187 observations faites en différentes parties de l’Allemagne et de l’Italie. De cette nombreuse série, qui commence au 6 mars et finit au 25 août, il a déduit de nouveaux élémens elliptiques, que l’on doit croire fort approchans de la vérité.

Les astronomes de Paris, instruits beaucoup plus tard de l’apparition du nouvel astre, contrariés d’ailleurs par les mauvais temps, et distraits par les événemens qui ont signalé cette époque, n’ont pu réunir que 29 observations, du 29 mars au 29 juin.

C’est avec ce nombre médiocre d’observations que M. Nicollet a tenté de calculer à son tour les élémens elliptiques de la comète. Sans se prévaloir en rien de ce qu’avaient déja trouvé les astronomes distingués que nous avons nommés ci-dessus, et sur un intervalle de temps moindre de 80 jours, par des observations toutes différentes, il est parvenu aux élémens qui suivent, et qui diffèrent très-peu de ceux qu’a trouvés M. Bessel.

Passage au périhélie, 1815, avril, temps moyen compté de minuit, à Paris.

Longitude du périhélie sur l’orbite
Inclinaison de l’orbite
Longitude du nœud ascendant
Excentricité
Distance périhélie
Demi-grand axe
Révolution sidérale, ans

    Mouvement direct.

Ainsi, la révolution est de trois ans environ moindre que celle de la célèbre comète qui est revenue en 1759, suivant la prédiction de Halley ; son demi-grand axe est un peu moindre ; il s’en faut à-peu-près d’un diamètre de l’orbite de la terre que ce demi-grand axe égale celui de la planète Uranus, qui ne fait sa révolution qu’en 84 ans. Mais la comète, dans sa plus grande distance au soleil, en est éloignée d’une quantité presque double, c’est-à-dire de fois environ la distance moyenne de la terre au soleil. Halley mourut à 86 ans, 17 ans avant le retour de sa comète. Les astronomes qui ont calculé l’orbite nouvelle, n’ont guères plus de chances pour voir l’accomplissement de leur prédiction.

  1. Nous disons qu’il nous serait difficile de donner des raisons positives pour prouver que les Gre ont formé leurs lignes d’après les considération des nombres ; mais nous avons au moins de fortes probabilités. Les lignes se divisent en deux ordres ; elles sont, ou ne sont pas, entre elles comme nombre à nombre, Euclide n’en considère pas d’autres. Quoi de plus naturel, en ce cas, que d’exprimer les unes par des nombres, et les autres par des radicaux. Mais le signe radical manquait à la géométrie des Grecs. Cette notation eût tout simplifié. Nous pourrions encore argumenter des expressions d’Euclide ; il appelle ῥητἠ dicible, exprimable la ligne que les traducteurs désignent moins exactement par le mot rationnelle ; il appelle ῥητόν un rectangle qui peut s’exprimer par des nombres ; n’est-il pas évident qu’en définissant ses lignes, par-tout il songeait aux nombres. Mais pour donner des théorêmes plus généraux il a exprimé ses nombres par des lignes. Que ne les exprimait-il par des lettres ? Cette idée aurait pu le conduire à la découverte de l’algèbre. Mais les lettres grecques servaient déjà à l’arithmétique, il aurait fallu inventer d’autres caractères pour l’algèbre et c’est peut-être ce qui a empêché les Grecs de faire cette importante découverte.

    L’anonyme avoue lui - même que la vérité des théorêmes qui se rapportent aux congruentes se reconnaît bien plus facilement en nombres qu’en lignes, et il donne de ces congruentes une idée beaucoup plus nette que celle qu’on peut recueillir des expressions d’Euclide, qui emploie ce terme sans le définir.