Mémoires historiques/47

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Maisons héréditaires.
Dix-septième maison.
K' ong - Tse

CHAPITRE XLVII

Dix septième maison héréditaire

K' ong - Tse (101).


p.283 K’ong-tse naquit dans la ville de Tseou (102), qui faisait p.284 partie du district de Tch’ang-p’ing (103) dans (l’État de) Lou. Son ancêtre était originaire (du pays) de Song et s’appelait K’ong Fang-chou (104). (K’ong) Fang-chou engendra p.285 Po-hia ; p.287 Po-hia engendra Chou-leang Ho (105). (Chou-leang) Ho contracta une union disproportionnée (106) avec une fille de p.288 la famille Yen (107) et engendra K’ong-tse. (Sa mère) pria sur p.289 la colline Ni (108) et conçut K’ong-tse. C’est la vingt-deuxième année du duc Siang (551) que K’ong-tse naquit (109). A sa p.290 naissance, le sommet de son crâne se relevait sur les bords ; c’est pourquoi on tira de là son nom personnel qui fut K’ieou ; son appellation fut Tchong-ni (110) ; son nom de famille était Kong. p.291 Après la naissance de Kieou, Chou-leang Ho mourut (111). p.292 On l’enterra sur la montagne Fang ; la montagne Fang se trouvait à l’Est (de la capitale) de Lou (112) ; à la suite de cela, K’ong-tse fut dans l’incertitude au sujet de l’emplacement de la tombe de son père, car sa mère avait évité de lui en parler (113).

Lorsque K’ong-tse était enfant, dans ses jeux, il avait coutume de disposer des étals et des vases pour les sacrifices et de préparer les formes extérieures des rites.

La mère de K’ong-tse étant morte, il l’enterra provisoirement près de la route des Cinq pères (114) ; telle fut sans doute sa circonspection (115). La mère d’un certain Wan-fou p.293 qui était (de la ville) de Tseou, révéla à K’ong-tse (l’emplacement de) la tombe de son père ; à la suite de cela donc, il réunit la sépulture (de sa mère à celle de son père) à Fang. Lorsque K’ong-tse portait encore la ceinture de deuil, le chef de la famille Ki (116) offrit un banquet aux hommes p.294 de valeur ; K’ong-tse s’y rendit en leur compagnie. Yang Hou (117) lui fit un affront en lui disant :

— Le chef de la famille Ki offre un banquet aux hommes de valeur ; il ne se permettrait pas de vous offrir un banquet.

A la suite de cela, K’ong-tse se retira (118).

Lorsque K’ong-tse était âgé de dix-sept ans (119), un grand officier de Lou, Mong Hi-tse (120), tomba malade et, se trouvant sur le point de mourir, donna cet avertissement au fils qui devait lui succéder, (Mong) I-tse (121) :

— [ (122) Kong K’ieou est le descendant d’un homme saint (123) ; son aïeul p.295 Fou-fou Ho avait d’abord (le trône de) Song, mais, quoique étant l’héritier légitime, il céda la place au duc Li (124). Puis Tcheng K’ao-lou (125) aida les ducs Tai (799-766), Ou (765-748) et Siuen (747-729) ; (élevé à des dignités de plus en plus hautes par) trois décrets (successifs), il ne fit que redoubler d’humilité ; c’est pourquoi l’inscription de son trépied était ainsi conçue :

« A la première nomination, j’ai courbé la tête ; — à la seconde nomination, j’ai baissé les épaules ; — à la troisième nomination, je me suis tenu profondément incliné (126). — Je marche en p.296 rasant les murs ; — d’ailleurs personne ne se permet de me mépriser ; — je prépare ma bouillie épaisse de millet dans cet (ustensile) ; — je prépare ma bouillie claire de millet dans cet (ustensile) — pour donner la bouillie à ma bouche (127).

Telle fut son humilité. Pour moi, j’ai entendu dire que, même si le descendant d’un p.297 homme saint n’occupe pas dans le monde la place qui lui revient (128), (dans sa postérité) cependant il ne manquera pas d’y avoir un homme doué de pénétration.] Maintenant, Kong K’ieou, quoique jeune, s’entend bien aux rites ; ne serait-ce pas lui qui est l’homme doué de pénétration ? Quand je ne serai plus, ayez soin de le prendre pour maître. »

Puis (Mong) Hi-tse mourut (129) ; (Mong) Hi-se et Nan-kong King-chou (130), du pays de Lou, allèrent (auprès de K’ong-tse), pour étudier les rites.

En cette année (535), Ki Ou-tse mourut (131) ; (Ki) P’ing-tse lui succéda.

K’ong-tse était pauvre et de condition humble (132). Devenu homme fait, il fut scribe au service (du chef) de la famille Ki (133) et le compte et la mesure des grains furent p.298 exacts ; il fut officier chargé de s’occuper des pieux (134) (auxquels on attache les bœufs et les moutons) et les bestiaux devinrent nombreux et se multiplièrent. De ces (fonctions), il s’éleva à la charge de se-k’ong ; puis il quitta (le pays de) Lou ; il fut chassé (du pays) de Ts’i ; il fut rejeté (des pays) de Song et de Wei ; il se trouva en péril entre (les pays) de Tch’en et de Ts’ai ; puis il revint dans (le pays de) Lou (135). K’ong-tse était haut de neuf pieds six pouces. Les hommes l’appelaient tous un géant et s’émerveillaient (de sa taille) (136). (Le prince de) Lou le traita de nouveau bien, et c’est pourquoi il revint dans (le pays de) Lou (137).

p.299 Nan-kong King-chou, (du pays) de Lou, dit au prince de Lou :

— Je vous demande la permission d’aller avec K’ong-tse dans (le pays des) Tcheou. Le prince de Lou lui donna un char, deux chevaux et un serviteur (138), et ensemble (139) (Nan-kong King-chou et K’ong-tse) se rendirent dans (le pays des) Tcheou (140). (K’ong-tse) s’informa des rites. Ce fut sans doute alors qu’il vit Lao-tse (141). Quand p.300 il prit congé pour s’en aller, Lao-tse le reconduisit en lui disant :

— J’ai entendu dire que l’homme riche et puissant reconduit les gens en leur donnant des richesses, que l’homme bon reconduit les gens en leur donnant des paroles. Je ne saurais être riche et p.301 puissant, mais je prends furtivement (142) le titre d’homme bon ; je vous reconduirai donc en vous donnant des paroles, et voici ce que je vous dirai : Celui qui est intelligent et qui est profond observateur est près de mourir, car il critique les hommes avec justesse ; celui dont l’esprit est très savant, ouvert et vaste (143), met en péril sa personne, car il dévoile les défauts des hommes. Celui qui est fils ne peut plus se posséder ; celui qui est sujet ne peut plus se posséder (144).

Quand K’ong-tse fut revenu du (pays des) Tcheou (145) p.302 dans (la principauté de) Lou, ses disciples affluèrent graduellement en nombre de plus en plus grand (146).

En ce temps, le duc P’ing (557-532) (147), de Tsin, se livrait à des excès (148) ; les six hauts dignitaires empiétèrent sur son autorité ; du côté de l’Est, ils attaquèrent les seigneurs. Le roi Ling (540-529), de Tch’ou, avait une forte puissance militaire ; il opprimait (149) les Royaumes du Milieu (150). Ts’i était grand et était voisin de Lou. Lou était petit et faible ; s’il voulait se rattacher à Tch’ou, Tsin s’en irriterait ; s’il prétendait se rattacher à Tsin, c’est alors Tch’ou qui viendrait l’attaquer ; s’il ne se mettait pas en garde contre Ts’i, les soldats de Ts’i envahiraient (le territoire de) Lou.

La vingtième année (522) du duc Tchao, de Lou, K’ong-tse étant donc (151) âgé de trente ans, le duc King, de Ts’i, vint avec Yen Yng dans le pays de Lou (152). Le duc King demanda à K’ong-tse :

— Autrefois le duc Mou (659-621), de Ts’in, avait un royaume petit et demeurait dans une p.303 région écartée. Comment se fait-il qu’il ait obtenu l’hégémonie ? 

(K’ong-tse lui) répondit :

— Quoique (le duc de) Ts’in eût un royaume petit, sa résolution était grande ; quoiqu’il demeurât dans une région écartée, sa conduite était juste et correcte (153). Lui-même il éleva en dignité « (le grand officier des) cinq béliers » (154) et lui donna le titre de grand officier ; il le retira des liens qui le garrottaient (155) et s’entretint avec lui pendant trois jours ; il lui confia le gouvernement. Si on prend cela en considération, (on reconnaîtra que,) même obtenir la royauté (156) (le duc de Ts’in) l’eût pu ; c’est peu qu’il ait obtenu l’hégémonie. »

Le duc King fut satisfait (157).

Lorsque K’ong-tse avait trente-cinq ans (517), Ki P’ing-tse, à cause d’un combat de coqs qu’il avait fait avec Heou Tchao-po (158), se rendit coupable aux yeux du duc Tchao, de Lou ; le duc Tchao, à la tête de ses soldats, attaqua (Ki) P’ing-tse ; mais celui-ci, unissant les forces de sa famille p.304 à celles des deux familles Mong et Chou-suen (159), attaqua le duc Tchao ; les soldats du duc Tchao furent battus, et lui-même s’enfuit dans (le pays de) Ts’i ; le duc de) Ts’i logea le duc Tchao à Kan-heou (160). Peu de temps après cela, (le pays de) Lou fut en révolution ; K’ong-tse se rendit dans (le pays de) Ts’i et se mit au service personnel de Kao Tchao-tse (161), dans l’espérance de parvenir ainsi jusqu’au duc King. Il conversa sur la musique avec le grand maître de la musique (du pays) de Ts’i ; il entendit les airs de (la musique) chao ; il les étudia, et, pendant trois mois, il ne connut pas le goût de la viande (162). Les gens de Ts’i le louèrent.

p.305 [ (163) Le duc King interrogea K’ong-tse sur le gouvernement. K’ong-tse lui dit :

— (Pour que le gouvernement soit bon, il faut) que le prince agisse en prince, que le sujet agisse en sujet, que le père agisse en père, que le fils agisse en fils (164).

Le duc King dit :

— C’est fort bien p.306 (répondu) — Si en effet le prince n’agit pas en prince, si le sujet n’agit pas en sujet, si le père n’agit pas en père, si le fils n’agit pas en fils, même si j’avais mes revenus, comment pourrai-je en jouir ? » (165)].

Un autre jour, (le duc King) interrogea encore K’ong-tse sur le gouvernement. K’ong-tse dit :

— Le bon gouvernement consiste à user avec modération des richesses (166) ».

[ (167) Le duc King fut satisfait (168) ; il se proposait de p.307 donner en apanage à K’ong-tse les champs de Ni-k’i, (mais) Yen Yng s’avança et dit :

— Les lettrés  (169) sont des sophistes (170) qu’on ne peut prendre pour modèle et pour norme (171). Arrogants, et ne suivant que leurs propres opinions, on p.308 ne saurait leur faire diriger le peuple  (172). Attachant une grande importance aux deuils, ils se livrent à l’affliction ; ils ruinent les fortunes dans des funérailles somptueuses (173) ; on ne saurait leur faire diriger les mœurs. Discoureurs qui vont de lieu en lieu pour demander à emprunter (174), on ne saurait leur faire diriger l’État. Après l’apparition des grands sages (175), quand la maison des Tcheou tomba en décadence, les rites et la musique furent défectueux et eurent des lacunes. (C’est pourquoi) maintenant K’ong-tse multiplie les formes extérieures et les belles apparences (176) ; il complique les rites pour p.309 monter et pour descendre, les règles pour marcher rapidement et pour marcher les bras étendus (177). Plusieurs vies ne suffiraient pas à épuiser les études (qu’il prescrit) ; en y employant des années (178) on ne parviendrait pas à examiner à fond les rites (qu’il impose). O prince, si vous voulez lui confier un emploi afin d’amener un changement dans les mœurs (du pays) de Ts’i, ce ne sera point là le moyen de mettre le (bien du) menu peuple au premier rang (de vos préoccupations) (179).

Après cela, le duc King traita K’ong-tse avec respect quand il l’admettait en sa présence, mais il ne l’interrogea plus sur (ses opinions concernant les) rites (180).]

[Un autre jour, le duc King retint K’ong-tse et lui dit :

— Vous honorer comme (le duc de Lou honore) le chef de la famille Ki, je ne le puis.

Il le traita d’une manière p.310 intermédiaire entre celle qui convenait au chef de la famille Ki et celle qui convenait au chef de la famille Mong (181) ]. Les grands officiers de Ts’i voulaient du mal à K’ong-tse ; K’ong-tse en informa (le duc King) ; le duc King lui [dit : « Je suis vieux ; je ne puis me servir de vous (182) » K’ong-tse alors s’en alla] et revint dans (le pays de) Lou (183).

Lorsque K’ong-tse eut quarante-deux ans (510), le duc Tchao, de Lou, mourut à Kan-heou (184). Le duc Ting monta sur le trône. La cinquième année (505) du duc Ting, en été, Ki P’ing-tse mourut. (Ki) Hoan-tse lui succéda (comme chef de la famille Ki).

  1. [Ki Hoan-tse, en creusant,un puits, trouva une jarre de terre dans laquelle était un être qui ressemblait à un mouton. Il interrogea K’ong-tse à ce sujet en lui disant :

— J’ai trouvé un chien.

Tchong-ni dit :

— D’après ce que moi, K’ieou, j’ai appris, c’est un mouton. Voici ce que p.311 moi, K’ieou, j’ai appris : les prodiges du bois et de la pierre sont le k’oei et le wang-leang ; les prodiges de l’eau sont le dragon et le wang-siang ; le prodige de la terre est le mouton fen (185).]

p.312 [(Le prince de) Ou (186), ayant attaqué (le prince de) Yue (494), bouleversa le Koei-ki (187) et trouva un ossement, qui faisait la charge entière d’un char. (Le prince de) Ou envoya un émissaire demander à Tchong-ni comment il se faisait que cet ossement fût si grand. Tchong-ni dit :

Yu fit venir la foule des divins sur la montagne Koei-ki (188). p.313 Fang-fong (189)  arriva en retard, Yu le tua et exposa son corps ; chacun de ses ossements faisait la charge entière d’un char. Voilà pourquoi cet (ossement) est grand.

L’étranger de Ou dit :

— Qui étaient les divins ?

Tchong-ni répondit :

— Les dieux (190) des montagnes et des cours d’eau sont capables de régler le monde (191) ; ceux qui président (aux sacrifices qu’on leur rend) sont les divins. (Ceux qui président aux sacrifices qu’on rend aux) dieux du sol et des moissons sont les ducs et les p.314 marquis (192). Tous dépendaient du roi (193).

L’étranger dit :

— (A quels sacrifices) présidait Fang-fong ?

Tchong-ni répondit :

—  Il était prince de Wang-wang (194) ; il présidait aux montagnes Fong et Yu (195). Il était du clan Hi. A l’époque de Yu (Choen), des Hia et des Chang, (cette principauté) était celle de Wang-wang ; à l’époque des Tcheou, ce fut celle des Ti géants (196) ; aujourd’hui on appelle (les gens de ce pays) les hommes grands.

L’étranger demanda :

— Quelle est la grandeur de la taille humaine (197) ?

Tchong-ni répondit :

— (Le peuple des) Tsiao-yao a trois pieds (198) ; c’est la dernière petitesse ; les hommes les plus p.315 grands ne dépassent pas dix fois cette taille (199) ; c’est là le chiffre extrême. »]

Alors l’étranger de Ou dit :

— Très bien (répondu) ! Voilà un homme saint.

Un courtisan de (Ki) Hoan-tse, nommé Tchong-leang Hoai, avait des raisons d’inimitié contre Yang Hou ; p.316 Yang Hou voulut chasser (Tchong leang) Hoai ; Kong-chan Pou-nieou l’en empêcha (200). L’automne de cette même année (505), (Tchong-leang) Hoai ayant redoublé d’arrogance, Yang Hou l’arrêta. (Ki) Hoan-tse en fut irrité et c’est pourquoi Yang Hou emprisonna (Ki) Hoan-tse ; il fit une convention avec lui, puis le relâcha ; à la suite de cela, Yang Hou redoubla de mépris pour la famille Ki. La famille Ki, de son côté, empiétait sur les prérogatives de la famille ducale. Ceux qui étaient doublement sujets (201) exerçaient le gouvernement de l’État ; ainsi, dans le pays de Lou, depuis les grands officiers jusqu’aux fonctionnaires subalternes, tous s’arrogeaient des droits usurpés et s’éloignaient de la droite voie. Aussi, K’ong-tse n’exerça-t-il aucune fonction publique ; il se retira et arrangea (202) les Poésies, le Chou (king), les rites et la musique ; ses disciples furent plus nombreux que jamais ; ils venaient même des contrées éloignées p.317 et il n’était personne qui ne reçût son enseignement (203).

La huitième année du duc Ting (502 av. J.-C.), Kong-chan Pou-nieou, n’obtenant pas ce qu’il désirait de la famille Ki, s’unit à Yang Hou pour faire des troubles ; (lui et Yang Hou) désiraient dégrader les chefs par droit de naissance des trois familles issues du duc Hoan, et leur substituer ceux des fils de naissance inférieure qui étaient de longue date affectionnés à Yang Hou ; ils (tentèrent) donc de s’emparer de Ki Hoan-tse ; mais (Ki) Hoan-tse, grâce à un stratagème, put s’échapper (204).

La neuvième année du duc Ting (501 av. J.-C.), Yang Hou, n’ayant pas eu le dessus, s’enfuit dans le pays de Ts’i. A cette époque, K’ong-tse était âgé de cinquante ans (205).

Kong-chan Pou-nieou, s’étant rendu maître de la ville de Pi (206), se révolta contre la famille Ki. Il envoya un messager inviter K’ong-tse à venir auprès de lui. K’ong-tse se conformait à la raison depuis fort longtemps ; il était très expérimenté (207) et ne trouvait cependant point à être mis dans des fonctions publiques (208) ; il n’était personne qui p.318 pût se servir de lui ; il dit :

— Puisque (les rois) Wen et Ou (209) de (la dynastie) Tcheou sont partis de Fong et de Hao pour devenir rois (210), maintenant Pi, quoique étant une petite localité, ne pourrait-il peut-être pas (avoir la même destinée) ?

Il désirait se rendre (auprès de Kong-chan Pou-nieou). Tse-Lou ne fut pas content et retint K’ong-tse. K’ong-tse lui dit :

[ (211) — Celui qui m’appelle à lui, comment le ferait-il sans raison ? S’il se sert de moi, ne ferai-je pas de lui un Tcheou oriental ? (212)]

En définitive cependant, il ne partit pas (213).

Quelque temps plus tard, le duc Ting nomma K’ong-tse gouverneur de Tchong-tou (214) ; au bout d’un an, aux p.319 quatre points cardinaux tous prenaient (K’ong-tse) pour modèle (215) ; du poste de gouverneur de Tchong-tou il fut promu à celui d’intendant des travaux publics (216), et, de ce poste, à celui de chef de la justice (217).

La dixième année du duc Ting (500 av. J.-C.), au printemps, (Lou) fit la paix avec Ts’i. En été, un grand officier de Ts’i, Li Tch’ou, dit au duc King  :

— (Le duc de) Lou se sert de Kong K’ieou et cette circonstance est dangereuse pour Ts’i.

Alors (le duc de Ts’i) envoya un ambassadeur pour inviter (le duc de) Lou à une réunion p.320 amicale ; on se réunit à Kia-kou (218). Le duc Ting, de Lou, se disposait à y aller amicalement (219) avec ses chars ordinaires (220) ; K’ong-tse, qui exerçait les fonctions de conseiller (221), lui dit :

— Votre sujet a entendu dire que, lorsqu’il y a une affaire pacifique, on doit avoir fait des préparatifs de guerre, et que, lorsqu’il y a une affaire guerrière, on doit avoir fait des préparatifs de paix. Dans p.321 l’antiquité, lorsqu’un seigneur sortait de son territoire, il ne manquait pas de prendre ses officiers avec lui pour l’accompagner. Je vous demande de prendre avec vous vos maréchaux de gauche et de droite.

Le duc Ting dit :

— Je vous approuve.

Il prit avec lui ses maréchaux de gauche et de droite. Il se rencontra avec le prince de Ts’i à Kia-kou. On disposa une esplanade avec trois marches en terre et (les deux princes) se virent suivant les rites des entrevues (222). Après s’être salués et s’être cédé le pas, ils montèrent (sur l’esplanade). Quand ils eurent terminé le rite de s’offrir le vin de part et d’autre, un fonctionnaire de Ts’i s’avança rapidement et vint dire :

— Je propose qu’on fasse la musique des quatre points cardinaux (223).

Le duc King y consentit. Aussitôt, guidons en plumes et en poils, plumes et genouillères (224), piques et hallebardes, épées et boucliers de s’avancer au bruit des tambours et des cris (225). K’ong-tse s’avança p.322 promptement et gravit les marches (de l’esplanade), mais sans monter sur la dernière ; il leva ses manches et dit :

— Nos deux princes tiennent une réunion amicale. Que vient faire ici la musique des barbares I et Ti ? Je demande que des ordres soient donnés aux officiers pour que les officiers repoussent (ces danseurs).

Comme (les danseurs) ne s’en allaient pas, les assistants regardèrent alors Yen-tse et le duc King ; le duc King éprouvait de la honte dans son cœur ; il fit donner un signal avec le drapeau et renvoya (les danseurs). Au bout d’un moment, un fonctionnaire de Ts’i s’avança rapidement et dit :

— Je propose qu’on fasse la musique de l’intérieur du palais.

Le duc King y consentit. Des chanteurs grotesques et des nains (226) se présentèrent en faisant des tours. K’ong-tse s’avança promptement ; il gravit les marches (de l’esplanade), mais sans monter sur la dernière, et dit :

— Quand des hommes de basse condition jettent le trouble (227) parmi des seigneurs, leur crime mérite la mort. Je demande que des ordres p.323 soient donnés aux officiers pour que les officiers appliquent la loi.

(Alors on mit à mort les nains (228)) ; leurs mains et leurs pieds (229) furent dispersés (230). Le duc King, saisi de crainte, fut ébranlé ; il comprit qu’il ne s’était pas conformé à la justice. A son retour, il eut fort peur et dit à ses officiers assemblés :

— (Les gens de) Lou soutiennent leur prince par la doctrine des sages ; mais vous, vous ne m’avez instruit que dans les doctrines des barbares I et Ti et vous avez fait que je me suis rendu coupable envers le prince de Lou. Quel remède y apporter ?

Un fonctionnaire s’avança et lui répondit :

« Quand le sage a commis une faute, il s’en excuse par des actes réels ; quand un homme inférieur a commis une faute, il s’en excuse par des paroles (vides) ; ô prince, si vous êtes affligé de ce que vous avez fait, excusez-vous en d’une manière réelle.

Alors le marquis de Ts’i (231), pour s’excuser de sa faute, rendit les champs de Yun, Wen-yang et Koei-yn (232) qu’il avait pris à Lou.

p.324 La treizième année du duc Ting (497) (233), en été, K’ong-tse dit au duc Ting :

— Un sujet ne doit pas avoir des armes cachées ; un grand officier ne doit pas avoir des murailles de cent tche de tour (234).

Il chargea p.325 [Tchong-yeou (235) d’être le conseiller du chef de la famille Ki dans l’intention de démanteler les trois places fortes (236) : Alors le chef de la famille Chou-suen commença par démanteler Heou. Le chef de la famille Ki s’apprêtait à démanteler Pi, mais Kong-chan Pou-nieou (237) et Chou-suen Tche se mettant à la tête des gens de Pi, attaquèrent à l’improviste (la capitale) de Lou ; le duc et les chefs des trois (familles issues du duc Hoan) entrèrent dans le palais du chef de la famille Ki et montèrent sur le belvédère Ou-tse. Les gens de Pi les attaquèrent mais n’eurent pas l’avantage ; il y en eut cependant qui pénétrèrent jusqu’auprès du duc (238). K’ong-tse ordonna à Chen Kiu-siu et à Yo K’i (239) de descendre (du belvédère) pour les combattre. Les gens de Pi furent vaincus ; ceux du royaume (de Lou) les p.326 poursuivirent et les battirent à Kou-mie (240). (Kong-chan Pou-nieou et Chou-suen Tche) s’enfuirent tous deux dans (le pays de) Ts’i. Alors on démantela Pi].

[Comme on s’apprêtait à démanteler Tch’eng, Kong-lien Tch’ou-fou dit au chef de la famille Mong-suen :

« Si on démantèle Tch’eng, les gens de Ts’i arriveront certainement (aussitôt) à la porte du nord ; d’ailleurs, Tch’eng est le rempart protecteur de la famille Mong ; supprimer Tch’eng, c’est supprimer la famille Mong. Pour moi, je ne démantèlerai pas (cette ville) (241).

Le douzième mois, le duc assiégea Tch’eng, mais ne put en triompher.]

La quatorzième année (496) du duc Ting, K’ong-tse, alors âgé de cinquante-six ans, quitta la charge de ministre de la justice pour exercer les fonctions de conseiller (242). Comme il avait l’air content, un de ses disciples lui dit :

— J’ai entendu dire que le sage, lorsque le malheur arrive n’est pas saisi de crainte, et, lorsque le bonheur arrive n’éprouve pas de joie.

K’ong-tse dit :

« Ce dicton existe en effet. Mais ne dit-on pas aussi : Il se réjouit de ce que, étant élevé en dignité, il s’humilie devant les autres (243) ?

Puis (244) il mit à mort le chao tcheng Mao, grand officier de Lou qui jetait le désordre dans le gouvernement (245).

p.327 Quand on eut associé (K’ong-tse) au gouvernement de l’État, au bout de trois mois ceux qui vendaient des agneaux et de jeunes porcs ne faussaient plus leurs prix ; les hommes et les femmes qui passaient se tenaient séparés les uns des autres sur la route ; sur le chemin on ne ramassait pas ce qui avait été laissé par mégarde (246) ; les étrangers venus des quatre points cardinaux, quand ils étaient arrivés dans la ville, n’avaient pas à recourir aux magistrats, car on les traitait tous comme s’ils avaient été dans leur propre pays (247).

Les gens de Ts’i apprirent cela et en furent effrayés ; p.328 ils dirent :

« Puisque K’ong-tse exerce le gouvernement, certainement (Lou) obtiendra l’hégémonie. Quand il aura atteint l’hégémonie, comme c’est nous dont le territoire est le plus proche, c’est nous qui serons les premiers annexés. Pourquoi ne pas lui offrir un territoire (248) ?

Li Tch’ou (249) dit :

— Je propose d’essayer d’abord de mettre obstacle (à K’ong-tse) ; si nous lui mettons obstacle, mais que cela ne réussisse pas, comment serait-il alors trop tard pour offrir (à Lou) un territoire ?

Alors (250) a on choisit dans le pays de Ts’i quatre-vingts belles femmes (251), qui, revêtues toutes d’habits élégants, jouaient en dansant la musique k’ang (252), et trente quadriges de chevaux superbes pour les envoyer au prince de Lou. Ces danseuses et ces beaux chevaux furent exposés en dehors de la Porte Haute, au sud de la capitale de Lou. Ki Hoan-tse alla les voir p.329 sous un déguisement et y retourna à deux et à trois reprises ; désireux d’accepter (les présents), il dit au prince de Lou d’aller faire un tour sur la route ; (le prince de Lou) alla et contempla (ces femmes et ces chevaux) jusqu’à la fin du jour ; il négligea les affaires du gouvernement. Tse-lou dit (à K’ong-tse) :

— Maître, il vous faut partir.

K’ong-tse répondit :

— (Le prince de) Lou va bientôt faire le sacrifice kiao ; s’il envoie de la viande du sacrifice aux grands officiers (253), je pourrai encore rester.

[ (254) (Ki) Hoan-tse en définitive reçut les danseuses (du pays) de Ts’i, et trois jours durant, on ne s’occupa pas du gouvernement.] En outre lors du sacrifice kiao, on n’envoya pas de la viande du sacrifice découpée sur l’étal aux grands officiers. K’ong-tse alors partit (255).

Il passa la nuit à T’oen (256). Or, le maître de musique I, p.330 qui l’avait accompagné, lui dit :

— Maître, vous n’avez commis aucune faute.

K’ong-tse lui dit :

— Puis-je vous chanter quelque chose ? 

Il chanta ceci :

Les bouches de ces femmes (257) — ont réussi à me chasser ; La visite de ces femmesest cause de mort et de ruine ; J’errerai donc de ci et de , — et cela jusqu’à l’année de ma fin (258).

Lorsque le maître de musique I fut revenu (dans la capitale de Lou), (Ki) Hoan-tse lui demanda :

— Que vous a dit de son côté K’ong-tse ?

Le maître de p.331 musique I lui raconta ce qui s’était passé. (Ki) Hoan-tse dit en poussant un profond soupir :

— Si le maître me juge coupable, c’est à cause de cette troupe de femmes viles (259).

K’ong-tse se rendit alors dans le pays de Wei (260). Il habita dans la maison de Yen Tchouo-tseou (261), frère aîné de la femme de Tse-lou. Le duc Ling, de Wei, demanda à K’ong-tse quels étaient ses appointements quand il résidait dans (le pays de) Lou. Il répondit qu’il recevait soixante mille mesures (262) de grain. Les gens de Wei lui attribuèrent aussi soixante mille mesures de grain. Au bout d’un certain temps, quelqu’un ayant calomnié K’ong-tse auprès du duc Ling de Wei, le duc Ling chargea Kongsuen Yu-kia de l’accompagner dans toutes ses allées et venues. K’ong-tse craignit d’être accusé d’un crime, et, au bout de dix mois, il quitta le pays de Wei. p.332 Se proposant d’aller dans (le pays de) Tch’en (263), il passa par K’oang (264). Yen K’o (265) lui servait de cocher ; il lui montra de son fouet (la ville) en lui disant :

— Autrefois je suis entré ici par cette brèche (266).

Des gens de K’oang entendirent ce propos et prirent (K’ong-tse) pour Yang Hou, du pays de Lou. Yang Hou avait autrefois violenté les gens de K’oang. Les gens de K’oang arrêtèrent donc K’ong-tse. K’ong-tse avait un extérieur qui ressemblait à celui de Yang Hou ; on se saisit de lui. Au bout de cinq jours, [ (267) Yen Yuen arriva en retard ; le maître lui dit  :

— Je pensais que vous étiez mort.

Yen Yuen répondit :

— O maître, tant que vous vivez, comment pourrais-je mourir (268) ?]

Les gens de K’oang gardant K’ong-tse avec p.333 un redoublement de rigueur, les disciples eurent peur ; [ (269) K’ong-tse leur dit :

— Après que le roi Wen eut disparu, sa perfection ne fut-elle pas placée en cet homme-ci (270) ? Si le Ciel avait voulu faire périr cette perfection, moi, le successeur du mort (271), je n’aurais pu obtenir de participer à cette perfection. Puisque le Ciel ne veut point encore faire périr cette perfection, que peuvent les gens de K’oang contre moi ?

K’ong-tse chargea un de ceux qui le suivaient de se mettre au service de Ning Ou-tse (272) dans (le pays de) Wei et c’est ainsi qu’il put s’en aller.

Il partit et passa alors à P’ou (273).

p.334 Au bout de plus d’un mois il revint dans le pays de Wei. Il demeura dans la maison de K’iu Po-yu (274).

Parmi les femmes du duc Ling, il y avait Nan-tse (275). Elle envoya un messager dire à K’ong-tse :

— Les sages, venus des quatre points cardinaux, qui n’ont pas eu honte de désirer entretenir des relations fraternelles avec notre prince, n’ont pas manqué de me rendre visite, à moi humble princesse (276) ; moi humble princesse, je désire vous voir.

K’ong-tse (commença par) s’excuser, mais, ne pouvant faire autrement, il alla lui rendre visite. L’épouse (du prince) était cachée derrière des tentures ; quand K’ong-tse eut franchi la porte, il se prosterna en se tournant vers le nord. L’épouse (du prince) salua par deux fois de derrière les tentures ; ses bracelets et ses pendeloques rendirent un son de jade comme lorsqu’on frappe la pierre sonore (277). K’ong-tse p.335 dit :

— Je pensais d’abord ne pas lui rendre visite ; mais, quand j’ai été en sa présence elle m’a répondu suivant les rites.

[ (278) Tse-Lou étant mécontent, K’ong-tse s’expliqua franchement (279) avec lui, disant :

« Si j’ai mal fait, c’est le Ciel qui m’y a contraint, c’est le Ciel qui m’y a contraint (280).]

Après qu’il eut résidé plus d’un mois dans le pays de Wei, le duc Ling fit une sortie dans un char où il était avec sa femme et où l’eunuque Yong K’iu était monté à côté d’eux (281) ; il ordonna à K’ong-tse de monter p.336 sur un char derrière eux (282) ; ils se promenèrent ainsi à travers toute la place du marché. [ (283) K’ong-tse dit :

— Je n’ai point encore vu quelqu’un qui aime la vertu comme on aime une belle femme (284). ]

Alors, trouvant cela honteux, il quitta (le pays de) Wei. Il passa par Ts’ao (285). Cette année-là, le duc Ting, de Lou, mourut (495) (286).

K’ong-tse partit de Ts’ao et alla (dans le pays de) Song (287). Tandis qu’il s’exerçait aux rites avec ses disciples au p.337 pied d’un grand arbre, Hoan T’oei, se-ma de Song, voulant tuer K’ong-tse, abattit cet arbre. K’ong-tse se retira, mais comme ses disciples lui disaient qu’il fallait se hâter, il leur répondit :

[ (288) — Le Ciel a produit en moi la vertu. Que peut Hoan T’oei contre moi (289) ?]

K’ong-tse se rendit (dans le pays de) Tcheng (290). S’étant séparé par mégarde de ses disciples (291), K’ong-tse se trouvait seul debout à la porte orientale du faubourg (292). Un homme de Tcheng dit à Tse-kong :

— A la porte orientale est un homme (293) qui par le front (294) ressemble à Yao, par la nuque ressemble à Kao-yao (295), par les épaules p.338 ressemble à Tse-tch’an (296). Cependant, il s’en faut de trois pouces que la partie de son corps qui est au-dessous de la ceinture n’atteigne (la taille de) Yu (297). Il est tout embarrassé, comme le chien dans une famille où il y a un mort (298).

Tse-kong rapporta fidèlement ce propos à K’ong-tse ; K’ong tse tout joyeux dit en riant :

— La forme extérieure (du corps) est sans importance (299) ; mais que je ressemble au chien dans une famille où il y a un mort, cela est bien vrai, cela est bien vrai (300).

p.340 K’ong-tse alla alors (dans le pays) de) Tch’en (301). Il demeura dans la maison du surveillant des remparts Tcheng-tse (302). Au bout de plus d’un an, le roi de Ou, Fou-tch’ai, attaqua Tch’en ; il lui prit trois villes, puis se retira (303). Tchao Yang attaqua (la ville de) Tchao-ko. (Le roi de) Tch’ou assiégea (la capitale de) Ts’ai ; (le prince (de) Ts’ai se transporta dans (le pays de) Ou. (Le roi de Ou battit le roi de Yue, Keou-tsien, à Koei-ki (304).

[ (305) Il y eut un épervier (306) qui s’abattit dans le palais (du p.341 prince) de Tch’en et mourut ; une flèche en bois hou (307) le traversait ; elle avait une pointe en pierre (308) ; la flèche était longue d’un pied et huit pouces. Le duc Min (309), de Tch’en, envoya un messager interroger Tchong-ni (à ce sujet). Tchong-ni dit :

— Cet épervier vient de loin (310), c’est là une flèche des Sou-chen (311). Autrefois, quand le roi Ou eut triomphé (de la dynastie) des Chang, il fit pénétrer entièrement son influence) chez les neuf (peuples) p.342 I et chez les cent (tribus) Man ; il les obligea tous à venir apporter en tribut des présents consistant en produits de leurs pays respectifs et les empêcha ainsi d’oublier les obligations de leurs fonctions. Alors les Sou-chen apportèrent en tribut des flèches en bois hou, qui avaient une pointe en pierre et qui étaient longues de un pied et huit pouces. L’ancien roi (312), voulant manifester son excellente vertu (313), donna en partage les flèches des Sou-chen à Ta-ki (314) ; il maria celle-ci au duc Hou, (descendant) de Yu (315), en donnant Tch’en en fief (à ce dernier). (Dans l’antiquité), on attribuait à ceux qui appartenaient à la famille royale des joyaux, (afin de) renforcer leur amitié ; on attribuait à ceux qui appartenaient à des familles étrangères les redevances des pays lointains, afin qu’ils n’oubliassent pas d’être soumis. C’est ainsi qu’on attribua à Tch’en les flèches des Sou-chen.

On vérifia le fait en opérant des recherches dans les p.343 anciens magasins (du palais) et en effet on y trouva (ces flèches)  (316).]

K’ong-tse demeura trois années dans (le pays de) Tch’en. A cette époque Tsin et Tch’ou se contestaient la prédominance et tour à tour ils attaquaient Tch’en ; Ou aussi envahissait Tch’en ; Tch’en subissait constamment des ravages. [ (317) K’ong-tse dit :

— Je m’en retourne ! je m’en retourne ! mes jeunes disciples sont ardents mais négligents ; ils vont de l’avant pour saisir (la sagesse), mais ils n’oublient pas leur ancienne nature (318).]

Alors K’ong-tse partit (du pays de) Tch’en.

p.344 Il passa par P’ou (319). En ce moment, le chef de la famille Kong-chou s’était révolté dans cette ville (320). Les gens de P’ou arrêtèrent K’ong-tse. Parmi ses disciples se trouvait un certain Kong Leang Jou ; il suivait K’ong-tse avec cinq chars qui étaient sa propriété particulière ; c’était un homme d’âge mûr, et il était sage ; il était brave et fort. Il dit :

— Auparavant déjà, en vous accompagnant, ô p.345 maître, je me suis trouvé en péril à Koang (321). Si maintenant je me trouve de nouveau en péril ici, c’est la destinée qui le veut. Puisque pour la seconde fois, ô maître, je suis pris dans des difficultés avec vous, il vaut mieux que je meure en combattant.

Il combattit avec une extrême vigueur (322). Les gens de P’ou eurent peur et dirent à K’ong-tse :

— Si réellement vous n’allez pas dans le pays de Wei, nous vous laisserons sortir.

Ils conclurent avec lui une convention jurée et firent sortir K’ong-tse par la porte orientale (323). K’ong-tse se rendit immédiatement dans le pays de Wei (324). Tse-kong lui demanda :

— A-t-on le droit de violer un serment ? 

K’ong-tse répondit :

— C’était un serment extorqué par la violence ; les dieux ne l’ont pas entendu (325).

p.346 Le duc Ling, de Wei, apprenant la venue de K’ong-tse, fut content et alla à sa rencontre hors de la ville. Il lui demanda :

— Devons-nous attaquer P’ou ? 

— Vous le devez, répondit (K’ong-tse).

Le duc Ling reprit :

— Mes grands officiers estiment que nous ne le devons pas. Maintenant en effet, P’ou est ce par quoi Wei se prémunit contre Tsin et Tch’ou. L’attaquer avec (les forces mêmes de) Wei, n’est-ce pas une chose qu’on ne doit pas faire (326) ?

K’ong-tse dit :

— Dans cette ville, les hommes sont résolus à mourir (pour leur patrie) (327) ; les femmes désirent protéger le Si-ho (328) ; ceux que nous combattrons ne seront que quatre ou cinq hommes.

p.347 Le duc Ling approuva fort ces paroles, mais il n’attaqua pas P’ou.

Le duc Ling était vieux ; il négligeait le gouvernement ; il ne se servit pas de K’ong-tse. K’ong-tse dit en soupirant profondément :

[ (329) — S’il il y avait (un prince) qui fût capable de se servir de moi, au bout d’un cycle de douze mois il y aurait déjà un résultat obtenu ; au bout de trois ans, la perfection serait réalisée. ]

K’ong-tse partit (330).

Pi Hi était gouverneur de Tchong-meou (331) ; lorsque Tchao Kien-tse fit la guerre aux familles Fan et Tchong-hang et attaqua Tchong-meou, Pi Hi se révolta. Il envoya des gens inviter K’ong-tse à venir ; [ (332) K’ong-tse était disposé à se rendre auprès de lui ; Tse-lou (333) lui dit :

— O maître, moi Yeou, je vous ai entendu dire : Lorsqu’un homme agit personnellement d’une manière mauvaise, le sage n’entre pas (dans son pays). Maintenant Pi Hi s’est révolté en personne à Tchong-meou et vous désirez vous rendre auprès de lui. Qu’est-ce que cela signifie ?

K’ong-tse répondit :

— Il y a en effet ce dicton. Mais ne dit-on pas (aussi) : Ce qui est dur, on peut le frotter sans l’user ? ne dit-on pas : Ce qui est blanc, on peut le plonger dans la teinture sans le rendre p.348 noir (334) ? Suis-je une calebasse qui peut rester pendue sans manger (335) ?]

[ (336) Comme K’ong-tse jouait de la pierre sonore, un homme portant un panier pour les herbes vint à passer devant sa porte et dit :

— Il a du cœur, celui qui joue (ainsi) de p.349 la pierre sonore ! mais il est trop opiniâtre ! puisque personne ne l’apprécie, qu’il se résigne (337).]

[ (338) K’ong-tse apprit à jouer du luth (339) auprès du maître de musique Siang-tse (340). Au bout de dix jours, comme il ne p.350 progressait pas, le maître de musique Siang-tse lui dit  :

— Vous pouvez aller plus loin.

K’ong-tse lui répondit :

— Moi K’ieou, je me suis exercé aux mélodies (de cette musique), mais je n’ai pas encore saisi les proportions numériques.

Quelque temps après, (Siang-tse) lui dit :

— Vous vous êtes exercé aux proportions numériques ; vous pouvez aller plus loin.

K’ong-tse répondit :

— Moi K’ieou, je n’ai pas encore saisi les intentions (de cette musique).

Quelque temps après, (Siang-tse) lui dit :

— Vous vous êtes exercé aux intentions (de cette musique) ; vous pouvez aller plus loin. 

K’ong-tse répondit :

— Moi K’ieou, je n’ai pas encore compris quel homme était (celui qui a fait cette musique).

Quelque temps après, (Siang-tse) lui dit :

— Vous avez avec votre air majestueux quelque pensée profonde : vous avez avec votre air joyeux quelque haute espérance et quelque intention lointaine (341).

(K’ong-tse) répondit :

— Moi K’ieou, j’ai saisi qui était cet homme. Sous une apparence ténébreuse il est noir (342) ; p.351 de haute taille, il est grand. Son regard est celui du mouton qui regarde au loin (343) ; son cœur est comme celui de quelqu’un qui règne sur les royaumes des quatre points cardinaux. Si ce n’est le roi Wen, qui peut être un tel homme (344) ?

Le maître de musique Siang-tse quitta sa natte (345) et se prosterna par deux fois en disant :

— Les maîtres de musique disent en effet que c’est un air de musique du roi Wen.]

K’ong-tse n’étant pas parvenu à obtenir un emploi public dans (le pays de) Wei (346), se disposa à aller dans l’Ouest rendre visite à Tchao Kien-tse (347). Mais, arrivé au Fleuve (348) il apprit la mort de Teou Ming-tou (349) et de Choen-hoa.

p.352 Il s’approcha du bord du Fleuve et dit en soupirant :

« Qu’elle est belle, cette onde dont l’étendue est immense ! Si moi K’ieou je ne traverse pas ce (Fleuve), c’est la Destinée qui l’a voulu.

Tse-kong, s’avançant promptement vers lui, lui dit :

— Permettez-moi de vous demander pourquoi vous dites cela.

K’ong-tse répondit :

Teou Ming-tou et Choen hoa étaient de sages grands officiers du royaume de Tsin. Tant que Tchao Kien-tse ne fut point parvenu à ses fins, il eut besoin de ces deux hommes pour pouvoir plus tard exercer le gouvernement ; mais ensuite, quand il fut parvenu à ses fins, il tua (ces deux hommes) et alors exerça le gouvernement. Moi K’ieou, j’ai entendu dire ceci : Quand on fend les matrices pleines pour tuer les êtres prématurément, le k’i et le lin (350) ne viennent pas dans la banlieue ; lorsqu’on dessèche les étangs pour prendre les poissons en les mettant à sec, le dragon kiao (351) ne maintient pas l’harmonie entre les principes yn et yang ; lorsqu’on renverse les nids pour briser les neufs, le fong et le hoang (352) n’arrivent pas en voltigeant. Qu’est-ce à dire ? C’est que le sage s’éloignera de celui qui fait du mal à ceux qui lui sont semblables ; en effet, si les oiseaux et p.353 les quadrupèdes eux-mêmes, en ce qui concerne ceux qui se conduisent contrairement à la justice, savent les éviter, à combien plus forte raison, moi Kieou (devrai-je agir de même)  (353) !

Alors il revint sur ses pas, et, s’étant reposé dans le bourg de Tseou (354), il y composa le chant Tseou (355) afin d’exprimer son affliction à ce sujet. Puis il revint dans le pays de Wei et alla demeurer dans la maison de K’iu Po-yu (356).

Un autre jour, [ (357) le duc Ling l’interrogea sur la manière de disposer les rangs des soldats. K’ong-tse lui dit :

— Ce p.354 qui concerne les étals et les vases (358), je m’en suis enquis depuis longtemps. Mais ce qui concerne les armées et les bataillons, je ne l’ai jamais étudié (359).]

Le lendemain, (le duc Ling) s’entretenait avec K’ong-tse (360) lorsqu’il vit une oie sauvage qui volait ; il leva la tête pour la regarder et parut ne plus s’occuper de K’ong-tse (361). K’ong-tse aussitôt partit. Il se rendit de nouveau dans (le pays de) Tch’en (362).

En été (493), le duc Ling, de Wei, mourut. On mit sur le trône son petit-fils Tchao ; ce fut le duc Tch’ou, de Wei. [ (363) Le sixième mois, Tchao Yang réinstalla l’héritier présomptif K’oai-wai dans (la ville de) Ts’i (364). Yang Hou fit prendre le bonnet de deuil à l’héritier présomptif et chargea huit hommes, portant le pectoral et la ceinture de deuil, de se prétendre faussement venus de Wei pour l’accueillir. (K’oai-wai) fit son entrée en pleurant (dans la ville de Ts’i) et s’y installa (365)].

p.355 En hiver, (le prince de) Ts’ai transféra (sa capitale) à Tcheou-lai (366). Cette année était la troisième année (492) du duc Ngai ; K’ong-tse était alors âgé de soixante ans (367). Ts’i aida Wei (368) à assiéger (la ville de) Ts’i parce que l’héritier présomptif K’oai-wai s’y trouvait.

En été (492), les temples funéraires (des ducs) Hoan (711-694) et Hi (659-627), de Lou, furent incendiés. Nan-kong King-chou prit les mesures de secours en cette p.356 occasion (369). K’ong-tse, qui se trouvait dans (le pays de) Tch’en, apprit (qu’il y avait eu un incendie) (370) et dit :

— Cette calamité a dû atteindre les temples funéraires (des ducs) Hoan et Hi.

Plus tard, on sut qu’il en avait été réellement ainsi.

p.357 En automne (492), Ki Hoan-tse tomba malade ; porté dans une voiture tirée par des hommes, il vint visiter la ville (capitale du pays) de Lou et dit en soupirant profondément :

— Ce royaume a failli devenir prospère ; p.358 mais, parce que j’ai commis une faute à l’égard de K’ong tse (371), il n’a point été prospère.

Il fit ses dernières recommandations à son héritier (Ki) Kang-tse en lui disant :

— Quand je serai mort, vous deviendrez certainement conseiller (du prince) de Lou. Quand vous serez conseiller du prince de Lou, ne manquez pas d’appeler auprès de vous Tchong-ni.

Quelques jours après, (Ki) Hoan-tse mourut ; (Ki) K’ang-tse lui succéda dans ses dignités. Quand il eut fait les funérailles (de son père), il voulut appeler auprès de lui Tchong-ni ; (mais) Kong Tche-yu lui dit :

— Autrefois, votre père défunt donna un emploi à K’ong-tse, mais ne le garda pas jusqu’au bout, et, en définitive, fut la risée des seigneurs. Si maintenant vous le reprenez à votre service et que vous ne puissiez pas le garder jusqu’au bout, vous serez de rechef la risée des seigneurs.

(Ki) K’ang-tse demanda :

— Qui dois-je alors appeler auprès de moi ?

(Kong Tche-yu) lui répondit :

— Il vous faut appeler Jan K’ieou (372).

Alors (Ki K’ang-tse) envoya un messager mander Jan K’ieou. Jan K’ieou se disposant à partir, K’ong-tse dit :

— Si les gens de Lou mandent (Jan) K’ieou, ce n’est pas pour l’employer à de petites choses, c’est pour l’employer à de grandes choses.

Ce même jour, K’ong-tse dit :

p.359 [ (373) — Je m’en retourne ! je m’en retourne ! Mes jeunes disciples sont ardents, mais négligents ; ils réalisent (parfois) avec élégance la perfection, mais ils (374) ne savent comment régler (leur conduite).]

Tse-kong, sachant que K’ong-tse songeait à revenir (dans le pays de Lou), accompagna Jan K’ieou et en profita pour lui donner cet avertissement :

— Quand vous serez entré en charge, faites en sorte que K’ong-tse soit appelé. 

Jan Kieou partit alors.

L’année suivante (491), K’ong-tse se transporta (du pays) de Tch’en dans celui de Ts’ai (375). Le duc Tchao, de Ts’ai, se disposait (alors) à se rendre auprès (du roi) de Ou, car (le roi de) Ou l’avait mandé ; comme le duc Tchao avait précédemment (493), en trompant ses ministres, p.360 transféré (sa capitale) à Tcheou-lai, lorsque, plus tard (491) il se disposa à aller (auprès du roi de Ou), ses grands officiers craignirent qu’il ne fît un nouveau transfert (de capitale) ; (aussi) Kong-suen P’ien tua-t-il à coups de flèches le duc Tchao (491) (376). (Le roi de) Tch’ou envahit (alors le territoire de) Ts’ai. En automne, le duc King, de Ts’i, mourut (377).

L’année suivante (489) (378), K’ong-tse partit de Ts’ai pour aller dans (la ville de) Che (379). [ (380) Le gouverneur de Che interrogea sur le gouvernement K’ong-tse qui lui p.361 répondit :

— Le bon gouvernement consiste à attirer à soi ceux qui sont éloignés, et à attacher à soi ceux qui sont proches (381).]

Un autre jour, [ (382) le gouverneur de Che interrogea Tse-Lou au sujet de K’ong-tse et Tse-Lou ne lui répondit pas (383). K’ong-tse, l’ayant appris, dit :

— Vous, Yeou (384), pourquoi ne lui avez-vous pas répondu : C’est un homme] qui étudie la sagesse sans se lasser, qui enseigne les hommes sans en éprouver de satiété (385), [qui a une telle ardeur (pour atteindre la vertu) qu’il en oublie de manger, qui a une telle joie (quand il l’a obtenue) qu’il en oublie ses tristesses, et qui ne s’aperçoit pas que la vieillesse arrive (386) ?

(K’ong-tse) partit de Che et revint à Ts’ai (387). p.362 [ (388) Tch’ang-tsiu et Kie-ni (389) étaient ensemble à labourer. K’ong-tse, jugeant que c’étaient des (sages) qui se cachaient (390), envoya Tse-lou leur demander où était le gué. Tch’ang-tsiu dit :

— Celui qui tient les rênes dans le char, qui est-ce ?

Tse-lou répondit :

— C’est K’ong- K’ieou

L’autre dit :

— Est-ce donc K’ong K’ieou, (du pays) de Lou (391) ?

Sur la réponse affirmative (de Tse-lou), il dit :

— Cet homme connaît le gué (392). 

Kie-ni demanda à Tse-lou :

— Qui p.363 êtes-vous ?

— Je suis Tchong Yeou, répondit-il.

— Êtes-vous, ajouta (Kie-ni), disciple de Kong K’ieou ? 

Sur sa réponse affirmative, Kie-ni dit :

— Comme cette immensité désordonnée (393), ainsi est tout l’empire. Qui pourrait le changer ? Plutôt donc que de suivre un sage qui évite (tel ou tel) homme, ne vaudrait-il pas mieux suivre les sages qui évitent le monde (entier) (394) ?

Il se mit à recouvrir les semences (395) sans s’arrêter. — Tse-lou rapporta (ces paroles) à K’ong-tse. K’ong-tse dit avec abattement :

— Les oiseaux et les bêtes sauvages, nous ne pouvons nous associer avec eux et vivre en leur compagnie (396). Si l’empire était bien ordonné, qu’aurais-je besoin de le changer ?]

Un autre jour, [ (397) (Tse-lou rencontra sur sa route un vieillard qui portait sur l’épaule un panier, et lui demanda :

— Avez-vous vu le Maître ? 

Le vieillard répondit :

— Vos quatre membres ne se donnent pas de p.364 peine ; les cinq espèces de céréales ne sont pas distinguées (par vous). Qui est le Maître (398) ! 

Il enfonça son bâton dans le sol et se mit à sarcler. Tse-Lou raconta ce qui s’était passé à K’ong-tse qui dit :

— C’est un sage) qui se cache.

(Tse-lou) retourna (là où il avait vu le vieillard), mais celui-ci avait disparu.]

K’ong-tse s’était transporté dans (le pays de) Ts’ai depuis trois ans (491-489), lorsque (le roi de) Ou attaqua (le pays de) Tch’en. (Le roi de) Tch’ou vint au secours de Tch’en et campa à Tch’eng-fou (399) (489) ; il apprit que K’ong-tse se trouvait dans la région comprise entre Tch’en et Ts’ai (400) ; (le roi de) Tch’ou envoya des gens apporter des présents à K’ong-tse pour l’inviter à venir. K’ong-tse se disposait à aller (l’en remercier en) le saluant suivant les rites ; mais les grands officiers de Tch’eu et de Ts’ai firent un complot entre eux, en disant :

K’ong-tse est un sage ; tous les blâmes qu’il formule atteignent les défauts des seigneurs. Maintenant, il a longtemps séjourné dans la région comprise entre p.365 Tch’en et Ts’ai ; la conduite que nous tenons, nous les grands officiers, n’est en rien conforme aux intentions de Tchong-ni. Maintenant, (le roi de) Tch’ou (règne sur) un grand royaume ; il a apporté des présents à K’ong-tse pour l’inviter à venir ; si K’ong-tse trouve un emploi auprès (du roi) de Tch’ou, les grands officiers qui exercent le gouvernement à Tch’en et à Ts’ai seront en péril.

Ils s’entendirent donc pour envoyer des satellites qui cernèrent K’ong-tse dans la campagne et l’empêchèrent d’avancer (401).

p.366 [ (402) Les vivres firent défaut (403) ; ceux qui l’accompagnaient tombèrent malades et devinrent incapables de se lever ;] K’ong-tse (cependant) discourait et récitait, jouait d’un instrument à cordes et chantait sans se laisser abattre. [Tse-lou, manifestant un vif déplaisir, vint à lui et dit :

— Le sage lui aussi doit-il être en détresse ?

K’ong-tse répondit :

— Le sage supporte avec fermeté d’être en détresse (404) ; mais quand l’homme vulgaire est p.367 en détresse, il ne connaît plus aucun frein.]

Tse-lou rougit (405).

[ (406) K’ong-tse dit :

— Vous, Se (407), vous pensez sans doute que je suis un homme qui a appris beaucoup de choses et qui les sait.

(Toan-mou Se) répondit :

— Oui. Ne serait-ce pas exact ?

K’ong-tse répondit :

— Ce n’est pas exact. Je n’ai que le seul principe qui fait tout comprendre.]

K’ong-tse, sachant que ses disciples avaient de l’irritation dans leur cœur, appela Tse-lou (408) et lui demanda :

— Il est dit dans le Che (king) :

« Nous ne sommes ni des rhinocéros ni des tigres pour nous tenir dans ces régions désertes  (409).

Ma sagesse serait-elle en faute ? Pourquoi me trouvé-je dans une telle situation ?

Tse-lou répondit :

— A mon avis, c’est parce que nous ne sommes point encore bons que les hommes ne nous croient pas ; à mon avis, c’est parce que nous ne sommes point encore sages que les hommes ne mettent pas en pratique nos préceptes (410).

Kong-tse répliqua :

— En p.368 serait-il ainsi ? O Yeou, pour prendre des exemples, si l’homme bon était nécessairement cru, comment y aurait-il eu Po-i et Ch’ou-ts’i (411) ? si l’homme sage voyait nécessairement ses préceptes mis en pratique, comment y aurait-il eu le fils de roi Pi-kan (412) ?

Tse-lou étant parti, Tse-kong se présenta. K’ong-tse lui dit :

 — O Se (413), il est dit dans le Che (king) :

« Nous ne sommes p.369 ni des rhinocéros ni des tigres pour nous tenir dans ces régions désertes. Ma sagesse serait-elle en faute ? Pourquoi me trouvé-je dans une telle situation ?

Tse-kong répondit :

— Votre sagesse, ô Maître, est d’une grandeur extrême. C’est pourquoi il n’est personne dans l’empire qui puisse vous admettre. O maître, vous devriez vous abaisser un peu.

K’ong-tse répliqua :

« O Se, un bon laboureur peut semer, mais il n’est pas sûr qu’il puisse récolter ; un bon artisan peut être habile, mais il n’est pas sûr qu’il puisse plaire (au goût des clients) ; l’homme supérieur peut mettre en pratique sa sagesse ; les règles essentielles, les maintenir ; les principes généraux, les observer ; mais il n’est pas sûr qu’il puisse se faire admettre. Maintenant, quand vous dites qu’il ne faut pas mettre en pratique la sagesse qu’on possède, mais chercher à se faire admettre, ô Se, vos visées ne sont pas à longue portée.

Tse-kong étant parti, Yen Hoei se présenta. K’ong-tse lui dit :

— O Hoei, il est dit dans le Che (king) :

« Nous ne sommes ni des rhinocéros ni des tigres pour nous tenir dans ces régions désertes.  Ma sagesse serait-elle en faute ? Pourquoi me trouvé-je dans une telle situation ?

Yen Hoei répondit :

— Votre sagesse, ô Maître est d’une grandeur extrême ; c’est pourquoi il n’est personne dans l’empire qui. puisse vous admettre ; cependant, ô Maître, continuez sans relâche à la mettre en pratique : si on ne vous admet pas, quel mal y a-t-il à cela ? si on ne vous admet pas, plus tard pourtant on reconnaîtra en vous l’homme supérieur (414). Quand la sagesse n’est pas mise en pratique (par nous), c’est une honte pour nous ; mais p.370 quand la sagesse s’est trouvée pleinement réalisée par nous et qu’on ne nous emploie pas, c’est une honte pour ceux qui possèdent des royaumes. Si on ne vous admet pas, quel mal y a-t-il à cela ? Si on ne vous admet pas, plus tard pourtant on reconnaîtra en vous l’homme supérieur.

K’ong-tse se montra content et dit en riant :

— Vous avez raison. O enfant de la famille Yen, si vous aviez beaucoup de richesses, je serais votre intendant (415).


p.371 Ensuite, (K’ong-tse) envoya Tse-kong à Tch’ou (416). Le roi Tchao, de Tch’ou, mit en campagne des soldats qui vinrent au devant de K’ong-tse, et c’est ainsi qu’il put échapper.

Le roi Tchao se proposait de donner en fief à K’ong-tse (417) un territoire comprenant sept cents groupes de familles (418) p.372 enregistrées ; le ling-yn de Tch’ou, Tse-si (419), lui dit :

— Parmi les ambassadeurs que Votre Majesté envoie auprès des seigneurs, en est-il qui vaillent Tse-kong ?

La réponse étant négative, il reprit :

— Parmi les conseillers d’État de Votre Majesté, en est-il qui vaillent Yen Hoei ?

La réponse étant négative, il ajouta :

— Parmi les généraux de Votre Majesté, en est-il qui vaillent Tse-lou ?

La réponse étant négative, il ajouta :

— Parmi les fonctionnaires de Votre Majesté, en est-il qui vaillent Tsai Yu (420) ?

La réponse ayant encore été négative, p.373 il reprit :

— En outre, l’ancêtre (des rois) de Tch’ou reçut l’investiture des Tcheou qui lui conférèrent le titre de vicomte ou de baron et un territoire de cinquante li. Maintenant K’ong-tse se conforme aux règlements des trois premières dynasties et remet en honneur la politique (des ducs) de Tcheou et de Chao (421). Si Votre Majesté le prend à son service, comment (le royaume de) Tch’ou pourra-t-il devenir de génération en génération de plus en plus magnifique et occuper une étendue de plusieurs milliers de li ? (D’autre part), lorsque le roi Wen était à Fong et lorsque le roi Ou était à Hao, ils n’étaient princes que d’un pays de cent li (422) ; en définitive cependant ils régnèrent sur l’empire entier. Maintenant si K’ong K’ieou devient maître d’un territoire et s’il a pour l’aider ses disciples sages, cela ne peut porter bonheur à Tch’ou (423).

Alors le roi Tchao renonça (à son projet). Dans l’automne de cette année-là (489), le roi Tchao mourut à Tch’eng-fou  (424).

[ Le fou (du pays) de Tch’ou, Tsie-yu (425), passa en p.374 chantant devant K’ong-tse ; il disait :

— O phénix ! O phénix ! p.375 combien ta vertu est dégénérée (426) ; pour ce qui est passé, les reproches sont inutiles, mais, pour l’avenir, on peut encore aller à ta poursuite (pour t’empêcher d’aller plus loin) (427). Cesse ! Cesse ! Dans le temps présent, les hommes qui prennent part au gouvernement sont en péril (428).

K’ong-tse descendit (de son char) (429) dans l’intention de causer avec lui, mais il se retira en toute hâte, et (K’ong-tse) ne put lui parler.]

Alors K’ong-tse revint (du pays) de Tch’ou (430) dans celui p.376 de Wei. En cette année-là, K’ong-tse avait soixante-trois ans et c’était la sixième année (489) du duc Ngai, de Lou.

L’année suivante (488), (le roi de) Ou et (le duc de) Lou eurent une entrevue à Tseng (431). (Le roi de Ou) exigea cent groupes de victimes. Le premier ministre (de Ou), (Po) P’i manda Ki Kang-tse ; (Ki) K’ang-tse chargea Tse-kong (432) de se rendre auprès de lui et c’est ainsi qu’il put mettre fin (à cette affaire) (433).

[ (434)K’ong-tse dit :

— Les gouvernements de Lou et de Wei sont frères (435).]

p.377 En ce temps, le père de Tcho, prince de Wei, n’avait pu monter sur le trône et se trouvait à l’étranger (436) ; les seigneurs avaient souvent fait des remontrances à ce sujet (au prince de Wei). (D’autre part), un grand nombre de disciples de K’ong-tse étaient investis de charges publiques dans le pays de Wei. Le prince de Wei désira s’attacher K’ong-tse afin de lui confier le gouvernement (437).

p.378 [ (438) Tse-Lou dit (à K’ong-tse) :

— Le duc de Wei vous retient pour vous confier le gouvernement. Que considérerez-vous comme la première (tâche à entreprendre) ?

K’ong-tse répondit :

— L’essentiel, c’est de rendre les dénominations correctes (439).

Tse-Lou dit :

— En est-il vraiment p.381 ainsi ? Maître, vous vous égarez (440). A quoi bon cette correction ?

K’ong-tse répliqua :

— Que vous êtes simple, ô Yeou (441). Si les dénominations ne sont pas correctes, p.384 les paroles ne sont pas conformes (à la réalité des choses) ; si les paroles ne sont pas conformes (à la réalité des choses), les entreprises ne réussissent pas ; si les entreprises ne réussissent pas, les rites et la musique ne sont pas florissants ; si les rites et la musique ne sont pas florissants, les supplices et les punitions ne sont pas équitables ; si les supplices et les punitions ne sont pas équitables, le peuple ne sait où mettre la main ni le pied (442). Ainsi le sage peut certainement dénommer p.385 ce qu’il fait (443) et peut certainement mettre, à exécution ce qu’il dit. L’homme supérieur, dans ses paroles, ne (prononce) rien à la légère (444) ».

L’année suivante (484), Jan Yeou (445), étant à la tête de l’armée pour le compte de Ki (K’ang-tse), combattit contre Ts’i à Leang (446) et le vainquit. Ki K’ang-tse lui demanda :

— Vos talents militaires sont-ils acquis par l’étude, ou vous sont-ils innés ? 

Jan Yeou répondit :

— Je p.386 les ai acquis en étudiant auprès de K’ong-tse

Ki K’ang-tse reprit :

— Quelle sorte d’homme est K’ong-tse ?

(Jan Yeou) répondit :

— Si on lui donne une fonction publique, il aura de la gloire (447) ; quand il annoncera (448) au peuple (ce qu’il aura fait) et quand il interrogera à ce sujet les divinités (449), nul ne sera mécontent (450) ; ce qu’il recherche, p.387 c’est d’atteindre à cette conduite vertueuse (451). Même si vous accumulez autour de lui mille groupes de familles (452) (pour les lui donner en apanage), K’ong-tse n’en tirera pas d’avantage personnel (453).

(Ki) K’ang-tse dit :

— Je désire le mander auprès de moi. Est-ce possible ?

(Jan Yeou) répondit :

— Si vous désirez le mander auprès de vous, ne le traitez pas avec étroitesse (454) comme vous feriez pour un homme de peu ; dans ces conditions ce sera possible.

Cependant, dans le pays de Wei, [ (455) K’ong Wen-tse (456), se p.388 disposant à attaquer T’ai-chou (457), demanda à Tchong-ni de lui proposer un plan (d’attaque) ; Tchong-ni s’excusa en disant qu’il n’y connaissait rien (458) ; puis, s’étant retiré, il donna des ordres pour qu’on attelât son char et pour partir ; il dit (alors) :

— L’oiseau peut choisir l’arbre (sur lequel il se pose) ; mais comment l’arbre pourrait-il choisir l’oiseau (459) ?

(K’ong) Wen-tse s’efforçait de le retenir lorsque Ki K’ang-tse envoya (460) l’honorable Hoa, l’honorable Pin et l’honorable Lin, avec des présents, p.389 au-devant de K’ong-tse. K’ong-tse revint (donc) dans (le pays de) Lou.]

K’ong-tse était parti de Lou depuis quatorze années en tout (461) lorsqu’il revint dans (le pays de) Lou.

Le duc Ngai ayant interrogé (K’ong-tse) sur le gouvernement, il répondit :

— Le gouvernement consiste à (savoir) choisir les ministres (462).

Ki K’ang-tse ayant interrogé (K’ong-tse) sur le gouvernement, il répondit :

[ (463) — (Le bon gouvernement consiste à) élever les bons et à placer les méchants (dans des places inférieures) (464) ; alors les méchants deviendront bons.]

[ (465) (Ki) K’ang-tse se plaignant des voleurs, K’ong-tse lui dit :

— Si vous p.390 n’aviez pas de convoitises, même si vous offriez des récompenses on ne déroberait pas (466).]

En définitive cependant, Lou (467) ne put pas confier de fonctions à K’ong-tse, et K’ong-tse de son côté ne demanda aucune charge officielle.

A l’époque de K’ong-tse, la maison des Tcheou s’était amoindrie et les rites et la musique avaient été négligés : le Che et le Chou (468) étaient devenus défectueux. (K’ong-tse) rechercha et suivit à la piste les (textes relatifs aux) rites des trois dynasties.

Il fit des préfaces aux récits du Chou (469) ; en haut, il mit p.391 en ordre les temps de T’ang (Yao) et de Yu (Choen) ; en bas, il arriva jusqu’au (duc) Mou, de Ts’in (470).

Il groupa et classa les sujets dont ils traitaient (471). Il disait :

[ (472) — Les rites des Hia, je puis en parler, mais K’i ne fournit pas une vérification suffisante ; les rites des Yin, je puis en parler, mais Song ne fournit pas une vérification suffisante (473). Si (ces deux royaumes) suffisaient (à p.392 la vérification), moi je pourrais (à mon tour) fournir la vérification (de mes dires (474)).]

Considérant les p.394 suppressions et les additions faites par les Ya et les Hia, il disait :

[ (475) — Même dans cent générations on pourra les connaître (476)].

Tant pour la forme que pour le fond, [les p.395 Tcheou ont observé les deux dynasties (477). Très achevée est la perfection (de leurs rites). Je me conformerai aux (rites des) Tcheou (478).

p.396 Ainsi les récits du Chou et les mémoires sur les rites (479) nous viennent de K’ong (tse).

[ (480) K’ong-tse tint ce discours au grand maître de la musique (481) (du pays) de Lou :

— La musique, on peut la connaître (482). Lorsque le début se produit (483), il y a accord. Quand on donne carrière (aux autres instruments) (484), il p.397 y a harmonie, il y a distinction, il y a continuité (485), et ainsi se réalise (la musique parfaite.)] [ (486) Depuis que je suis revenu (du pays) de Wei dans celui de Lou, la musique a été rendue correcte : le ya et le song ont été chacun mis à leur place (487). 

p.398 Autrefois, le Che (488) comprenait plus de trois mille pièces. Lorsque vint K’ong-tse, il supprima celles qui faisaient double emploi et ne conserva que celles qui pouvaient être utiles pour les rites et la justice. En haut, il recueillit (celles qui concernaient) Sie et Heou-tsi (489) ; au milieu, il transmit (celles qui se rapportaient aux) temps prospères des Yn et des Tcheou ; il arriva jusqu’à (celles qui traitaient des) époques défectueuses, des (rois) Yeou et Li (490). Commençant aux nattes sur lesquelles on se couche, ce qui est la raison de l’expression « les désordres de (l’ode) Koan ts’iu (491) », il en fit le p.399 commencement du fong ; de (l’ode) lou ming, il fit le commencement du siao ya ; de (l’ode) Wen wang, il fit le commencement du ta ya ; de (l’ode) ts’ing miao, il fit le p.400 commencement du song (492). Il y eut trois cent cinq pièces (493) que K’ong-tse jouait sur la cithare et chantait, afin de chercher à les accorder avec les harmonies (des musiques) chao, ou, ya et song (494).

A partir de ce moment, les rites et la musique purent être connus et transmis afin de montrer au complet la conduite qui convient au souverain et afin de rendre parfaites les six disciplines (495).

K’ong-tse sur le tard, se plut au I (496), au siu, au t’oan, au hi, au siang, au chouo koa et au wen yen (497). Quand il p.402 lisait le I, les lanières de cuir se rompirent trois fois (498). Il dit :

[ (499) — Si on me donnait en plus (500) quelques années (que je pusse employer) ainsi, je parviendrais à une connaissance parfaite du I (501).]

p.403 K’ong-tse prenait pour matière de son enseignement le Che (les Poésies), le Chou (les Documents historiques), les Rites et la Musique. Ses disciples doivent avoir été au nombre de trois mille. Ceux qui personnellement comprirent entièrement les six disciplines (502) furent au nombre de soixante-douze (503). Quant à ceux qui, p.404 comme Yen, Tchouo et Tsiu (504), reçurent quelques parties de sa doctrine, ils furent extrêmement nombreux.

[ (505) K’ong-tse enseignait quatre choses : les sujets d’instruction (506), les devoirs sociaux (507), le loyalisme et la bonne foi.] [ (508) Il s’était affranchi de quatre choses : il s’abstenait de présumer ; il s’abstenait des résolutions arbitraires ; il n’avait pas d’obstination ; il n’avait pas d’égoïsme,]

[ (509) Ce à quoi il était attentif, c’étaient les cas de jeûne, de combat (510), de maladie]

p.405 [ (511) Le Maître parlait rarement de l’avantage, de la destinée et de la bonté absolue (512).]

[ (513) Devant celui qui ne manifestait pas un vif désir (d’apprendre), il ne s’expliquait pas (514) ; quand il avait montré un coin (d’une question) (515), si on ne lui répondait p.406 pas (en témoignant qu’on avait vu) les trois autres coins, il ne recommençait pas (sa leçon).]

[ (516) Lorsqu’il était dans son village, il paraissait saisi de respect et semblait quelqu’un qui n’osait pas parler (517). Lorsqu’il était dans le temple ancestral (518) ou aux p.407 audiences de la cour, il discourait avec beaucoup de netteté, mais en restant attentif.]

[ (519) Lorsqu’il était à la cour (avant l’audience), il s’entretenait avec les grands officiers supérieurs d’une manière correcte et cérémonieuse ; il s’entretenait avec les grands officiers inférieurs d’une manière aimable et enjouée (520). ]

p.408 [ (521) Quand il entrait par la porte du duc (522), c’était en pliant p.409 son corps (523) ;) [il s’avançait rapidement en étendant (ses bras comme) des ailes. (524)]

p.410 [(525) Quand le prince l’appelait pour le charger de recevoir un hôte (526), il changeait (527) de couleur.]

[ (528) Quand il était appelé par un ordre du prince, il n’attendait pas que sa voiture fût prête (529).]

[ (530) Quand le poisson était trop avancé ou quand la viande était gâtée,] [ou quand (la nourriture) n’était pas coupée régulièrement, il ne mangeait pas.]

p.411 [ (531) Quand sa natte n’était pas disposée régulièrement, il ne s’asseyait pas (532).]

[ (533) Quand il mangeait à côté d’une personne en deuil, il ne mangeait jamais de manière à se rassasier. — Le jour où il avait fait des lamentations (sur un mort), il ne chantait pas,]

[ (534) Quand il voyait un homme en deuil ou un aveugle, même si c’était un jeune garçon, il ne manquait pas de changer de contenance.]

[ (535) (Le Maître disait) : « Quand nous sommes trois hommes allant ensemble (536), je trouve là mes maîtres (537).]

p.412 [ (538) (Le Maître disait) :

— Que, lorsqu’il s’agit de la vertu, on ne la pratique pas constamment, que, lorsqu’il s’agit de l’étude, on ne s’y exerce pas par la discussion, que, lorsqu’on apprend ce qui est juste, on ne s’y porte pas (539), que, lorsqu’on fait ce qui n’est pas bien, on ne se corrige pas, voilà ce qui me tourmente (540). ]

[ (541) Quand il faisait chanter un homme, si c’était bien il le faisait recommencer et alors il l’accompagnait.]

[ (542) Le Maître ne discourait pas sur les prodiges, les tours de force (543), les actes de rébellion et les êtres surnaturels (544).

[ (545) Tse-kong dit :

— Les enseignements du Maître sur les arts libéraux, on peut les apprendre ; mais les paroles du Maître sur la voie céleste ainsi que sur la nature humaine et la destinée, on ne peut les apprendre (546).]

p.413 [ (547)Yen-Yuen dit en poussant un profond soupir :

— Lorsque je levais la tête pour regarder (les enseignements du Maître), ils me semblaient de plus en plus élevés ; quand je les creusais, ils me semblaient de plus en plus résistants ; quand je les considérais devant moi, soudain ils se trouvaient derrière moi. Le Maître, d’une manière très méthodique, excelle à guider les hommes. Il m’a développé par l’instruction et m’a contenu par les rites. Quand je voulais renoncer (à l’étude de ces enseignements), je ne le pouvais pas ; après avoir épuisé toutes mes capacités, il y avait encore comme quelque chose de très élevé qui se dressait (devant moi) ; quand bien même je voulais y atteindre, je ne trouvais pas le moyen de le faire. ]

p.414 [ (548) Un jeune garçon du canton de Ta-Hiang (549) dit :

— Vraiment grand est K’ong-tse ; il a des connaissances vastes sans avoir acquis de réputation en quelque spécialité.

Le Maître ayant appris ce propos, dit :

— A quoi m’attacherai-je ? m’attacherai-je à l’art de conduire un char ou m’attacherai-je au tir à l’arc ? Je m’attacherai à l’art de conduire un char !]

[ (550) Lao (551) dit :

— Le Maître disait : C’est parce que je n’avais pas de fonction publique que je me suis adonné aux arts libéraux.]

p.415 [ (552) La quatorzième année (481) du duc Ngai, de Lou, au printemps, on chassa à Ta-ye (553). Tch’ou-chang, conducteur d’un des chars de Chou-suen, captura un animal (étrange) (554) ; il pensait que c’était un mauvais p.416 présage (555) - Tchong-ni vit (cet animal) et dit :

— C’est un lin.

(Alors) on l’emporta (556).]

[ (557) (Le Maître) dit :

— Le Ho ne produit plus le Tableau] ; le Lo ne produit plus l’Écrit. [C’en est fini de moi (558).]

p.417 [ (559)Yen Yuen (560) étant mort, K’ong-tse dit :

— Le Ciel veut ma mort (561). ]

Puis, lors de la chasse du côté de l’Ouest (562), il vit le lin et dit :

— Ma carrière est terminée (563).

[ (564) Il dit en poussant un profond soupir :

— Personne ne me connaît.

Tse-kong lui demanda :

— Que signifie ceci que personne ne vous connaît ? 

Le Maître p.418 répondit :

— Je ne suis pas irrité contre le Ciel et je ne blâme pas les hommes. Puisque j’étudie ce qui est en bas et que je pénètre ce qui est en haut, celui qui me connaîtra, ce sera sans doute le Ciel (565).][ (566) Ceux (567) qui ne soumirent pas leur volonté et qui ne laissèrent subir aucun affront à leur personne, est-ce que ce ne furent pas po I et chou Ts’i (568) ? On peut dire de Hoei (originaire) de Lieou-hia (569), et de Chao-Lien (570) qu’ils soumirent leur volonté et qu’ils p.419 exposèrent aux affronts leur personne (571) ; on peut dire de Yu-tchong (572) et de I-i (573) qu’ils restèrent dans la retraite et qu’ils gardèrent le silence (574) ; lorsqu’ils agirent, ils se conformèrent à la pureté ; lorsqu’ils se retirèrent, ils se conformèrent aux circonstances. Pour moi, je suis différent de ces hommes. Il n’est pas (de règle fixe) pour que j’aille de l’avant et il n’est pas (de règle fixe) pour que je m’abstienne (575).]

Le Maître dit :

— Non ! non (576) ! [ (577) L’homme supérieur s’affligerait que sa bonne renommée ne fût pas célébrée p.420 après sa mort (578).] Puisque ma doctrine n’a pas été mise en pratique, par quoi me ferai-je connaître à la postérité ?

Alors, en se servant des mémoires des historiens (579), il composa (580) le Tch’oen-ts’ieou (581). En remontant, il alla jusqu’au duc Yn (722-712) ; en descendant, il arriva p.421 jusqu’à la quatorzième année (481) du duc Ngai, (embrassant ainsi les règnes de) douze ducs. Se fondant sur le fait que (les princes de) Lou étaient apparentés aux (rois de la dynastie) Tcheou, il transporta donc dans (leur histoire des récits concernant) les trois dynasties (582). Il condensa son style, mais en lui faisant indiquer beaucoup de choses (583) : c’est ainsi que les princes de Ou et de p.422 Tch’ou se donnaient le titre de roi ; or le Tch’oen-ts’ieou les rabaisse en les appelant des vicomtes ; lors de la réunion de Tsien-t’ou (632), le Fils du Ciel (la dynastie) Tcheou, fut en réalité sommé d’y venir ; or le Tch’oen-ts’ieou dissimule ce fait en disant : Le roi par la grâce du Ciel (passa l’inspection des) fiefs à Ho-yang (584). C’est en remontant à des exemples de ce genre qu’on trouve une règle pour le temps présent (585) ; la signification des abaissements et des suppressions (586) (que fait le Tch’oen-ts’ieou) sera mise au jour et expliquée quand il y aura des souverains (dignes de ce nom) ; si la signification du Tch’oen-ts’ieou prévaut, alors dans tout le monde les sujets rebelles et les malfaiteurs seront saisis de crainte (587). Lorsque K’ong-tse exerçait une fonction publique, les phrases par lesquelles il s’exprimait quand il jugeait des procès étaient à peu près semblables à celles qu’employaient les autres hommes et ne présentaient rien qui lui fût particulier ; mais, lorsqu’il fit le Tch’oen-ts’ieou, il écrivit ce qu’il fallait écrire, il supprima ce qui était à p.423 supprimer, (de telle sorte que) les gens tels que Tse-hia (588) ne purent critiquer une seule expression. Quand ses disciples reçurent le Tch’oen-ts’ieou, K’ong-tse (leur) dit :

— Dans les générations à venir, [ (589) ceux qui me rendront justice, ce sera à cause du Tch’oen-ts’ieou ; et ceux qui me condamneront, ce sera aussi à cause du Tch’oen-ts’ieou (590). ]

L’année suivante (480), Tse-lou mourut dans le pays de Wen (591).

K’ong-tse étant tombé malade, Tse-kong demanda à le voir. [ (592) En ce moment, K’ong-tse s’appuyant sur son bâton (593), p.424 allait et venait devant sa porte ; il lui dit :

— O Se, pourquoi venez-vous si tard (594) ?

K’ong-tse chanta alors ceci en soupirant :

Le T’ai-chan va s’écrouler ;

La maîtresse poutre va s’affaisser ;

L’homme sage va se flétrir (595)].


En même temps (qu’il chantait cela), ses larmes coulaient. Il dit à Tse-kong :

— Voici longtemps que le monde n’a plus de sagesse ; personne n’a été capable de me prendre pour maître (596). [Les gens de l’époque des Hia déposaient le cercueil (en haut de l’escalier de l’Est ; les gens de l’époque des Tcheou, (en haut de l’escalier de l’Ouest ; les gens de l’époque des Yn le plaçaient entre les deux colonnes (597). La nuit dernière, j’ai rêvé p.425 que j’étais assis entre les deux colonnes, devant les offrandes qu’on fait à un mort. C’est sans doute parce que je suis un homme (qui descend) des Yn (598).

Sept jours plus tard, il mourut.].

K’ong-tse était âgé de soixante-treize ans et c’était le jour ki-tch’eou du quatrième mois de la seizième année (479) du duc Ngai, de Lou, quand il mourut (599).

[ (600) Le duc Ngai prononça son éloge funèbre en disant (601) :

« Le Ciel miséricordieux n’a pas compassion (de moi) ; il n’a pas pu prendre sur lui de me laisser un seul vieillard expérimenté (602) qui fût capable de me protéger, moi l’homme unique (603), pendant que je règne. Plein de tristesse, je suis plongé dans l’affliction. Hélas ! Vénérable p.426 Ni (604) ! je n’ai plus personne qui me serve de règle.

Tse-kong dit :

— Le prince, ne mourra certainement pas dans le pays de Lou (605) ! Le Maître en effet a dit : Pécher dans la pratique des rites, c’est preuve d’aveuglement d’esprit ; pécher dans l’emploi des mots, c’est preuve de tendance aux abus. Pécher en ce qui concerne les intentions, c’est aveuglement d’esprit ; pécher en ce qui concerne les places appropriées, c’est tendance aux abus. (Or, ce que vient de faire le duc Ngai, à savoir :) celui dont il n’a pas su se servir pendant qu’il vivait, faire son éloge après sa mort, c’est pécher dans la pratique des rites ; dire en parlant de lui-même « moi l’homme unique (606) », c’est pécher dans l’emploi des mots.]

K’ong-tse fut enterré au nord de la capitale (du pays) de Lou, sur les bords (de la rivière) Se (607).

p.427 Ses disciples portèrent tous les vêtements de deuil pendant trois années (608) ; au bout de trois ans, leur deuil de cœur étant terminé, quand ils se séparèrent les uns des autres pour s’en aller (609), ils éclatèrent en lamentations p.428 et chacun d’eux donna de nouveau libre cours à son affliction. Quelques-uns d’entre eux restèrent encore (610). Seul Tse-kong habita dans une butte sur le tertre de la tombe (611) et y passa en tout six années (612), après lesquelles il partit.

Parmi les disciples et les gens (du pays) de Lou, ceux qui vinrent s’établir à demeure aux environs de la tombe formèrent plus de cent habitations qu’on appela pour cette raison « le hameau de K’ong (613) ».

p.429 (Les princes de) Lou se transmirent de génération en génération la coutume d’offrir des sacrifices à K’ong-tse à des époques fixes de l’année. D’autre part, les lettrés aussi s’exercèrent à pratiquer les rites tels que le banquet de district et le grand tir à l’arc auprès de la tombe de K’ong-tse. La sépulture de K’ong-tse est grande de un k’ing (614). La salle dans laquelle demeurèrent autrefois les disciples (615) a été transformée en un temple funéraire par les générations suivantes qui y ont déposé les vêtements de K’ong-tse, son chapeau de cérémonie, son luth, son char et ses écrits. Tout cela se conserva sans interruption pendant plus de deux cents années jusqu’à l’avènement des Han. Lorsque l’empereur Kao passa dans le pays de Lou (195), il offrit un sacrifice de trois grandes victimes (à la tombe de K’ong-tse) (616). Quand les seigneurs, les hauts dignitaires et les conseillers arrivent (dans le pays de Lou), ils commencent toujours par aller rendre visite (à cette tombe) et ce n’est qu’ensuite qu’ils s’occupent du gouvernement (617).

p.430 K’ong-tse engendra Li, dont l’appellation fut Po-yu.

Po-yu mourut à l’âge de cinquante ans, avant K’ong-tse (618).

Po-yu engendra Ki, dont l’appellation fut Tse-se (619). (Il p.431 vécut) soixante-deux ans. Il fut en danger dans (le pays de) Song (620). Tse-se composa le Tchong-yong (621).

Tse-se engendra Po, dont l’appellation fut Tse-chang. (Il vécut) quarante-sept ans.

Tse-chang engendra K’ieou, dont l’appellation fut Tse-kia. (Il vécut) quarante-cinq ans.

Tse-kia engendra Ki, dont l’appellation fut Tse-king (622). (Il vécut) quarante-six ans.

Tse-king engendra Tch’oan, dont l’appellation fut Tse-kao. (Il vécut) cinquante et un ans.

Tse-kao engendra Tse-chen (623) qui (vécut) cinquante-sept ans et qui fut conseiller de Wei.

p.432 Tse-chen engendra Fou (624) qui (vécut) cinquante-sept ans et qui fut po-che au service de Tch’en Che, le roi (625) ; il mourut à la suite de Tch’en (Che) (626).

p.433 Le frère cadet de Fou, Tse-siang (627), (vécut) cinquante-sept années ; il fut po-che au service de l’empereur Hiao-hoei (194-188), puis il fut promu au titre de gouverneur de Tch’ang-cha (628) ; il était grand de neuf pieds et six pouces (629).

Tse-siang engendra Tchong, qui (vécut) cinquante-sept ans.

Tchong engendra Ou (630).

Ou engendra Yen-nien (631) et Ngan-kouo. K’ong p.434 Ngan-kouo fut po-che au service de l’empereur actuel ; il parvint au grade de gouverneur de Lin-hoai (632). Il mourut prématurément (633).

Ngan-kouo engendra Ang.

Ang engendra Hoan.

Le duc grand astrologue dit : le Livre des Vers renferme cette parole :

La haute montagne, il la contempla ; La voie large, il y marcha (634). Même sans pouvoir y atteindre, son cœur cependant p.435 tendait à y aller (635). — Pour moi, quand je lisais les écrits de K’ong-tse, j’ai cru voir quel homme il fut ; (puis,) lorsque je suis allé dans (le pays) de Lou, que j’ai regardé la salle du temple funéraire de Tchong-ni, son char, ses vêtements, ses ustensiles rituels, (lorsque j’ai vu) tous les maîtres qui, aux époques prescrites, s’exerçaient aux rites dans sa demeure (636), je revenais pénétré de respect m’attarder là et je ne pouvais m’éloigner. Dans le monde, ils sont légion ceux qui, depuis les souverains jusqu’aux hommes sages, eurent de leur vivant une gloire qui prit fin après leur mort. Mais K’ong-tse, quoique vêtu de toile (637), a transmis (sa renommée) pendant plus de dix générations (638) ; ceux qui se livrent à l’étude le considèrent comme leur chef. Depuis le Fils du Ciel, les rois et les seigneurs, tous ceux qui dans le Royaume du Milieu dissertent sur les six arts libéraux se décident et se règlent d’après le Maître. C’est là ce qu’on peut appeler la parfaite sainteté !

Notes

(101. ) Dans une Note additionnelle placée à la fin de ce chapitre, j’ai essayé de faire la critique de la biographie de Confucius écrite par Se-ma Ts’ien ; j’ai montré comment elle avait été constituée et j’ai indiqué qu’elle me paraissait sur plusieurs points incertaine ou arbitraire. — Dans les Prolégomènes du premier volume de ses Chinese Classics (p. 56-90), Legge a raconté, d’une manière trop dogmatique à mon avis, la vie de Confucius en se fondant sur les recherches érudites qui forment les deux premiers chapitres de l’ouvrage de Kiang Yong (1680-1762) intitulé Hiang tang t’ou k’ao (H. T. K. K., chap. CCLXI et CCLXII).

(102. ) Cette ville de Tseou est appelée Tcheou dans le Luen yu (III, 15) où Confucius est désigné comme étant le fils de l’homme de Tseou ; elle est appelée [] dans le texte du Tso tchoan (10e année du duc Siang) où il est fait mention du père de Confucius. Enfin on écrit parfois ce nom [], ce qui a conduit certains auteurs, comme par exemple Li Tao-yuen dans son commentaire au Choei-king, à confondre par erreur la ville où naquit Confucius avec l’ancienne principauté de Tseou ou Tchou qui est aujourd’hui la sous-préfecture de Tseou (cf. tome IV, n. 31.209). D’après le Kouo ti tche, l’ancienne ville de Tseou (celle où naquit Confucius) était à 60 li au S.-E. de la s.-p. de Se-choei (préf. de Yen-tcheou, prov. de Chan-tong). K’ong Ngan-kouo, cité par Siu Koang, nous apprend que le père de Confucius, Chou-leang Ho, était gouverneur de cette ville.

On dit souvent que Confucius est né à K’iue-li et on place ce canton à 3 li au sud-ouest de l’ancienne capitale de Lou qui est aujourd’hui la sous-préfecture de K’iu-feou (préf. de Yen-tcheou, prov. de Chan-tong) ; le « temple de l’ancien maître parfaitement saint » (c.-à-d. Confucius), qui se trouve à l’intérieur de la porte méridionale de K’iu-feou, marquerait l’emplacement même de l’ancienne demeure de Confucius à K’iue-li. — En réalité, le nom de K’iue-li, d’après le Kouo ti tche (chap. V, p. 3 v°), désigna d’abord un canton situé à 50 li au S. de la s.-p. de Se-choei, par conséquent dans le voisinage immédiat de cette ville de Tseou que Se-ma Ts’ien indique comme le lieu de naissance de Confucius ; quand Confucius fut devenu grand, il se transporta dans la ville de K’iu-feou et l’endroit ou il résida prit le nom de K’iue-li ; c’est parce qu’on a méconnu les deux applications différentes du nom de K’iue-li qu’on a parfois considéré à tort la ville de K’iu-feou comme ayant donné naissance à Confucius.

(103. ) D’après le Kouo ti tche, le district de Tch’ang-P’ing tirait son nom de 1a montagne Tch’ang-p’ing qui était à 60 li au S. de la s.-p. de Se-choei (préf. de Yen-tcheou, prov. de Chan-tong).

(104. ) La généalogie traditionnelle de Confucius est exposée dans le § 39 (pen sing kie) du Kia yu. En nous servant de ce texte et des indications que Se-ma Ts’ien nous donne, tant dans le présent chapitre que dans d’autres parties de son œuvre, nous pouvons exposer cette généalogie comme suit : Au début de la dynastie Tcheou, lorsque le fils du dernier souverain Yn se fut révolté, le roi Tch’eng p.285 conféra à K’i (ou K’ai ; cf. t. II, p. 214, n. 3), vicomte de Wei, le territoire de Song (auj. s.-p. de Chang-k’ieou, préf. de Koei-, prov. de Ho-nan), pour qu’il y accomplît les sacrifices en l’honneur de la maison des Yn (cf. t. I, p. 208, et t. IV, p. 231) ; K’i était le fils aîné, mais de naissance secondaire, de l’empereur I, avant-dernier souverain de la dynastie Yn (cf. t. IV, p. 214), et c’est pourquoi il fut choisi pour représenter cette famille déchue ; après qu’il eut reçu le fief de Song, on le connut sous le nom de K’i, vicomte de Wei et prince de Song ». K’i eut pour successeur son frère cadet Tchong-se, dont le nom personnel était Yen ou Sie ; c’est celui que Se-ma Ts’ien (t. IV, p. 232) appelle Wei-tchong, c.-à-d. le cadet, (prince de) Wei. Celui-ci engendra Ki, duc de Song, qui, à son tour, eut pour successeur son fils Chen, duc Ting.

A partir d’ici, nous trouvons une divergence notable entre le Kia yu et Se-ma Ts’ien  :

— d’après le premier de ces ouvrages, le duc Ting engendra Kong, duc Min et Hi, duc Siang ; ce dernier engendra Fou-fou Ho et Fang-se, duc Li. — d’après Se-ma Ts’ien (t. IV, p. 232), le duc Ting eut pour fils Kong, duc Min, et Hi, duc Yang, qui se succédèrent sur le trône ; le duc Yang fut assassiné par Fou-se (ou, suivant une bonne variante indiquée par Siu Koang, Fang-se) qui fut le duc Li. Se-ma Ts’ien considère ce Fou-se (ou Fang-se), duc Li, comme le fils du duc Min ; il n’indique pas quel était le rapport de parenté qui unissait Fou-fou Ho au duc Li ; nous pouvons admettre avec le Kia yu que Fou-fou Ho était le frère aîné du duc Li, car la chose semble confirmée par le passage du Tso tchoan (7e année du duc Tchao) où il est dit que Fou-fou Ho aurait eu plus de droits que le duc Li à monter sur le trône de Song. ? C’est à Fou-fou Ho que le Tso tchoan (7e année du duc p.286 Tchao) rattache expressément la généalogie de Confucius, et c’est ainsi que Confucius est regardé comme un descendant des princes du pays de Song, ou, en remontant plus haut encore, comme un rejeton des empereurs de la dynastie Yn. — Fou-fou Ho engendra Song-fou Tcheou. — Song-fou Tcheou engendra Che-tse Cheng ; ce personnage est omis dans le Che pen. — Che-tse Cheng engendra Tcheng K’ao-fou ; sur la date à laquelle vécut Tcheng K’ao-fou, et sur le rôle qui lui est attribué par Se-ma Ts’ien dans la composition des odes sacrificatoires des Chang, cf. tome IV, n. 38.209.

Tcheng K’ao-fou engendra K’ong-fou Kia. Ce personnage est le premier qui ait eu le nom de K’ong ; le Kia yu donne de l’origine de ce nom deux explications ;

suivant la première, la règle voulait que, après cinq générations, les branches collatérales de la famille princière fussent considérées comme définitivement détachées de cette famille et prissent un nom de famille distinct ; c’est ainsi que K’ong-fou Kia, descendant à la cinquième génération du duc Min, fut le fondateur de la famille K’ong ;

suivant l’autre tradition, K’ong-fou est le surnom qui fut donné à K’ong-fou Kia à sa naissance, et ce surnom devint le nom de famille de sa postérité ; Kiang Yong approuve cette seconde explication.

Si Se-ma Ts’ien désigne ici K’ong Fang-chou, et non K’ong-fou Kia, comme l’ancêtre de la famille K’ong, c’est parce que K’ong Fang-chou se transporta du pays de Song dans celui de Lou et qu’il peut être ainsi considéré comme le véritable fondateur de la famille K’ong du pays de Lou. K’ong-fou Kia fut tué en 710 av. J.-C. par Hoa Tou qui convoitait sa femme (cf. t. IV, p. 235).

K’ong-fou Kia engendra Mou-kin-fou ; d’après le Che pen, Mou-kin-fou, en butte à l’animosité de la famille de Hoa-Tou, ne fut plus, comme l’avaient été ses ancêtres, haut dignitaire dans le pays de Song et tomba au rang de simple patricien.

Mou-kin-fou engendra Kao-i, que le Che pen appelle K’i-fou.

Kao-i engendra (K’ong) Fang-chou, qui, pour échapper à l’inimitié persistante de la famille Hoa, dut quitter le pays de Song et se réfugia dans la principauté de Lou. — Fang-chou, dit Kiang Yong, est ainsi nommé parce qu’il fut gouverneur de la ville de Fang qui était au N.-E. de la s.-p. de Fei (préf. de Yen-tcheou, prov. de Chan-tong). — Kong Fang-chou engendra Po-hia. — Po-hia engendra Chou-leang Ho qui fut le père de Confucius.

(105. ) Chou-leang Ho est mentionné à deux reprises dans le Tso tchoan : en 563. , les troupes des seigneurs avaient attaqué la ville de Pi-yang ; les assiégés ouvrirent une de leurs portes qui, au moyen d’un mécanisme, pouvait être remontée de bas en haut ; les assaillants se précipitèrent vers cette entrée, mais la porte retombant les emprisonna dans la ville ; Chou-leang Ho se trouvait parmi eux ; grâce à sa grande vigueur, il put soulever la porte et permit ainsi à ses compagnons de s’échapper. En 556, Chou-leang Ho apparaît comme l’un des trois chefs militaires, qui à la tête de 300 hommes du pays de Lou, attaquent de nuit l’armée de Ts’i et l’obligent à se retirer. — Dans le premier de ces textes, Chou-leang Ho est appelé [Tseou..] et, dans le second [Tseou..] ; cela prouve, dit Kiang Yong, qu’il était gouverneur de la ville de Tseou, car lorsqu’on parlait d’un gouverneur de ville, c’était la coutume de faire précéder son nom personnel de celui de sa ville.

(106. ) L’expression [] est expliquée par Se-ma Tcheng et Tchang Cheou-tsie comme faisant allusion à la trop grande différence d’âge qu’il y avait entre le vieux Chou-leang Ho et sa jeune femme. D’après une ancienne théorie chinoise que rappelle Tchang Cheou-tsie, la vie de l’homme est réglée par le nombre de huit : à huit mois, il pousse ses dents de lait ; à huit ans il les perd ; à seize ans (2 x 8), la voie du yang s’ouvre, c’est-à-dire qu’il devient pubère ; à soixante-quatre ans (8 x 8), la voie du yang se ferme. La vie de la femme est dominée par le nombre sept : à sept mois elle pousse ses dents de lait ; à sept ans elle les perd ; à quatorze ans (2 x 7), la voie du yn s’ouvre, c’est-à-dire qu’elle devient nubile ; à quarante-neuf ans (7 x 7), la voie du yn se ferme. Toute union contractée par un homme avant seize ans ou après soixante-quatre ans, et par une femme avant quatorze ans ou après quarante-neuf ans, est contraire à la règle.

L’expression [] signifie donc que Chou-leang Ho se maria après avoir dépassé l’âge de soixante-quatre ans.

(107. ) Le Kia yu, dans la section 39, nous donne les renseignements suivants sur le mariage de Chou-leang Ho :

« Chou-leang Ho avait épousé une fille de la famille Che et en avait eu neuf filles, mais aucun fils ; sa concubine avait enfanté Mong-P’i qui eut aussi le surnom de Po-ni ; comme Mong-p’i avait une infirmité des pieds, (Chou-leang Ho) chercha donc à contracter un mariage dans la famille Yen. Le père Yen avait trois filles dont la plus jeune se nommait Tcheng-tsai. Le père Yen interrogea ses trois filles en leur disant :

— Quoique le père et le grand-père du gouverneur de Tseou (c.-à-d. Chou-leang Ho) aient été de simples patriciens, cependant ses ancêtres sont des descendants des saints rois. Maintenant cet homme a une stature de dix pieds de haut et sa vigueur aux combats est extraordinaire. Pour moi, je désire fort (m’allier avec lui). Bien qu’il soit vieux et d’un caractère austère, il n’y a pas lieu à hésiter. Qui de vous, mes trois enfants, veut être sa femme ?

Deux des filles ne répondirent pas ; Tcheng tsai s’avança et dit :

— J’obéirai à ce que mon père ordonne ; à quoi bon m’interroger ?

Son père lui dit :

— Eh bien, soit.

Il la maria donc (à Chou-leang Ho). Après que Tcheng-tsai eut été présentée dans le temple ancestral (de sa nouvelle famille), considérant que son mari était âgé, elle craignit de n’avoir pas de fils en temps utile et se rendit secrètement à la montagne Ni k’ieou pour y prier. Elle enfanta K’ong-tse dont le nom personnel fut donc K’ieou , et l’appellation Tchong-ni. »

Ce texte du Kia yu complète heureusement le témoignage trop succinct de Se-ma Ts’ien et mérite de retenir quelques instants notre attention. Si Chou-leang Ho contracta un mariage dans sa vieillesse avec une fille de la famille Yen, c’est dans l’espérance qu’elle lui donnerait un fils capable de s’acquitter des sacrifices ancestraux ; de sa première épouse il n’avait eu en effet que des filles ; quant au fils qu’avait enfanté sa concubine, c’était un infirme ; or nous trouvons dans le Tso tchoan (à la date de 535) un passage intéressant qui prouve qu’un infirme était considéré comme mal qualifié pour succéder au chef de la famille : le duc Siang, de Wei, avait deux fils dont l’aîné Mong-tche, avait les pieds en mauvais état et marchait difficilement : après avoir consulté les sorts, on choisit le cadet pour monter sur le trône à la place de son père ;

Mong(-tche), dit le devin chargé d’interpréter l’augure, n’est pas un homme (complet) ; il ne pourra pas prendre rang dans le temple ancestral ; il ne peut être appelé l’aîné.

— La mère de Confucius s’appelait Tcheng-tsai de son nom personnel ; ceci nous est confirmé par un passage du chapitre T’an kong du Li ki :

« Lorsqu’un nom se compose de deux mots, il n’est pas défendu d’employer ces mots chacun séparément. (Ainsi) la mère de Confucius s’appelait Tcheng-tsai ; le Maître, après la mort de sa mère, employait encore les mots tsai, tcheng, mais séparément, sans jamais les unir l’un à l’autre (trad. Couvreur, t. I, p. 242).

— La bravoure de Chou-leang Ho nous est attestée par les deux textes du Tso tchoan que nous avons cités plus haut (cf. n. 105). Quant à sa stature de dix pieds, elle explique pourquoi Confucius lui-même eut une fort haute taille. Se-ma Ts’ien nous apprend en effet (voyez plus loin, p. 298, ligne 9) que Confucius mesurait neuf pieds et six pouces et qu’il était considéré par ses contemporains comme un géant.

(108. ) Cette montagne Ni ou Ni-k’ieou est placée par le Ta Ts’ing i t’ong tche (chap. CXXIX, p. 2 v°) à 60 li au S.-E. de la s.-p. de K’iu-feou, à la limite entre les sous-préfectures de Se-choei et de T’seou. Suivant une indication du Yuen ho kiun hien tche (publié en 813 par Li Ki-fou), la montagne Ni-k’ieou était à 50 li au S. de la s.-p. de Se-choei. Le Kouo ti tche (publié en 642 par Tai, roi de Wei) dit :

« Le temple de Chou-leang Ho, qu’on appelle aussi sanctuaire de la montagne Ni k’ieou, est à 50 li de la sous-préfecture de Se-choei qui dépend de l’arrondissement de Yen, à la base orientale de la montagne Ni-k’ieou.

(109. ) Dans les Tableaux chronologiques, Se-ma Tsien rapporte aussi la naissance de Confucius à la 22e année du duc Siang (551). D’autre part, à la fin du présent chapitre, il dit que Confucius mourut la 16e année du duc de Ngai (479), le 4e mois, le jour ki-tch’eou et qu’il était alors âgé de 73 ans (à la manière de compter chinoise), ce qui est en accord avec la date donnée pour sa naissance. Cependant les commentaires du Tch’oen ts’ieou placés sous les noms de Kong-yang et de Kou-leang assignent tous deux la naissance de Confucius à la 21e année du duc Siang (552) et au jour keng-tse que Kong-yang place dans le 11e mois, et Kou-leang dans le 10e mois. En ce qui concerne cette dernière divergence, on peut trancher la question en faveur de Kou-leang, car les indications chronologiques du Tch’oen ts’ieou nous permettent d’établir que, la 21e année du duc Siang, le joui keng-tse fut le 21e du 10e mois.

Qui maintenant a raison, de Se-ma Ts’ien ou de Kou-leang ? Les éditeurs du Tch’oen ts’ieou à l’époque de K’ang-hi opinent pour Se-ma Ts’ien (cf. Legge, C. C., vol. V, p. 492) ; Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 6 r° et v°) au contraire se prononce en faveur de Kou-leang et tout son Tableau chronologique (H. T. K. K., chap. CCLXI, p. 2 r°) est fondé sur la date de 552 comme étant l’année de la naissance de Confucius. En réalité, les deux témoignages sont parfaitement conciliables : dans le Tch’oen tsieou, l’année commence avec le premier mois du printemps ; mais, à l’époque de Se-ma Ts’ien, jusqu’à la réforme introduite par le calendrier t’ai-tch’ou en 104 av. J.-C„ le début de l’année est le dixième mois. Si on admet que Se-ma Ts’ien applique ici le calendrier qui avait cours de son temps, le mois qui, dans le Tch’oen ts’ieou, est le 10e de la 21e année du duc Siang, commencera pour lui la 22e année ; ainsi s’explique qu’il reporte à la 22e année un événement que Kou-leang place dans la 21e ; le désaccord n’est qu’apparent, et, en fait, les deux auteurs ont bien en vue la même date.

(110. ) Le mot k’ieou signifie tertre ou colline. Le crâne de Confucius avait vaguement l’aspect d’une colline aux bords escarpés, et c’est pourquoi son nom personnel fut K’ieou. Quant à l’appellation Tchong-ni qui signifie « Ni le puîné », elle paraît dériver aussi de la même particularité (ce qui est normal puisque, dans l’antiquité, il y avait en général une correspondance entre le nom personnel et l’appellation (H. T. K. K., chap. CXCV, p. 31 v°) ; en effet, Ni doit être ici l’équivalent phonétique du mot ni, au sujet duquel le Chouo wen (radical 293) dit :

« C’est une colline au sommet renversé qui reçoit de l’eau.

Confucius était donc appelé Ni le puîné parce que son crâne avait la forme d’une colline dont le sommet évasé retenait l’eau tombée du ciel. C’est bien ce que dit le commentateur Se-ma Tcheng qui compare le crâne de Confucius à un toit de maison renversé, parce qu’il était concave au sommet et qu’il se relevait sur les bords. Il est à remarquer que cette explication est encore satisfaisante parce qu’elle établit, comme le veut le Kia yu (cf. n. 107) une relation entre le nom et l’appellation de Confucius d’une part et le nom de la colline Ni-k’ieou d’autre part. En effet, le Eul ya dit, pour expliquer le mot k’ieou :

« Là où un amas d’eau s’arrête, c’est ce qu’on appelle ni-k’ieou »

Ainsi, Confucius étant né à la suite des prières que fit sa mère sur le mont Ni k’ieou, et son crâne ayant présenté une forme particulière qui le faisait ressembler précisément à une colline sur le sommet évasé de laquelle les eaux s’accumulent, son nom personnel de K’ieou et son appellation Tchong-ni font allusion simultanément à l’aspect de sa tête et à celui de la montagne Ni-k’ieou. La seule objection qu’on puisse faire à cette théorie est la suivante : d’après le Kia yu (cf. n. 107), le frère aîné de Confucius avait l’appellation de Po-ni, c.-à-d. Ni l’aîné, tandis que Confucius lui-même reçut l’appellation de Tchong-ni, c.-à-d. Ni le cadet ; par conséquent, le nom de Ni avait été choisi par le père de Confucius avant la naissance de celui-ci et on ne peut plus rattacher cette dénomination ni à la montagne Ni-k’ieou, ni à la forme du crâne de Confucius. On répondra à cela que le texte du Kia yu n’est pas une autorité suffisante pour prouver que le frère aîné de Confucius eut, dès sa première enfance, l’appellation de Po-ni, et il est fort possible que quelque érudit trop ingénieux ait imaginé après coup cette appellation par analogie avec l’appellation de Confucius, ou encore que, lorsque Confucius fut devenu célèbre, on ait pris l’habitude de désigner son frère acné par une appellation qui était semblable à celle de Confucius lui-même.

(111. ) D’après le Kia yu, Chou-leang Ho mourut quand Confucius était âgé de trois ans.

(112. ) La montagne Fang est à 30 li à l’E. de la s.-p. de K’iu-feou (Ta Ts’ing i t’ong tche, CXXIX, p. 2 v°).

(113. ) Pour quelle raison la mère de Confucius lui aurait-elle intentionnellement caché l’emplacement de la tombe de son père ? A vrai dire, on n’en voit aucune ; aussi Se-ma Tcheng donne-t-il ici la glose suivante : Cela veut dire que, Confucius devenu orphelin très jeune, ne sut pas exactement où était placée la tombe de son père, mais cela ne veut pas dire qu’il ne connut pas l’emplacement des sépultures (parmi lesquelles se trouvait celle de son père). Tcheng-tsai s’était mariée avec Chou-leang Ho à l’âge où les filles commencent à porter l’épingle de tête (15 ans) ; peu après, son mari mourut de vieillesse ; Tcheng-tsai se trouva veuve toute jeune et eut de la répugnance à suivre le convoi funèbre ; c’est pourquoi elle ne sut pas l’endroit où était la tombe ; elle ne put donc pas en informer (Confucius), mais ce n’est pas à dire qu’elle lui tut intentionnellement la chose. — On prendra cette explication pour ce qu’elle vaut.

(114. ) Le Kouo ti tche place la route des Cinq pères à 2 li au S.-O. de la s.-p. de K’iu-feou qui était la capitale de l’État de Lou ; d’après le Ta Ts’ing i t’ong tche (CXXX, p. 4 v°), il faudrait dire S.-E. et non S.-O. La route des Cinq pères est mentionnée dans le Tso tchoan à la date de la 11e année du duc Siang.

(115. ) Il eut la prudence de ne faire qu’un enterrement provisoire, en sorte qu’il lui fut facile plus tard de réunir le corps de sa mère à celui de son père. Dans le chap. T’an kong du Li Ki (trad. Couvreur, t. I, p. 117), la même anecdote est racontée, mais avec quelques détails en plus :

« K’ong-tse, qui était fort jeune quand son père était mort, ne savait pas où était sa tombe. (Quand sa mère mourut), il fit un enterrement provisoire près de la route des Cinq pères ; ceux qui virent (la cérémonie) crurent que c’était un enterrement définitif, tant avait été grand le soin (qu’y avait apporté Confucius). Après s’être informé auprès de la mère de Wan-fou, (de la ville) de Tseou, il put réunir la sépulture (de sa mère à celle de son père) à Iang. A côté de cette interprétation traditionnelle de,ce texte du Li Ki, on a proposé une autre explication plus subtile que Kiang Yong approuve (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 7 v°), mais qui est en complet désaccord avec le témoignage de Se-ma Ts’ien ; si l’on adopte cette nouvelle manière de voir, il faut traduire :

« K’ong-tse, qui était fort jeune quand son père était mort, ne savait pas que la sépulture qu’on lui avait faite près de la route des Cinq pères n’était qu’un enterrement provisoire ».

En d’autres termes, le cercueil du père de Confucius n’avait pas été enfoui profondément comme lorsqu’il s’agit d’un enterrement définitif ; il n’avait été recouvert que d’une légère couche de terre ; c’était donc un enterrement provisoire et on pouvait sans inconvénients déplacer le corps. Mais Confucius ne savait pas si l’enterrement avait été fait d’une manière provisoire ou définitive ;

« ceux qui avaient vu la cérémonie pensaient d’ailleurs tous qu’il s’agissait d’un enterrement définitif.

Dans l’incertitude où se trouvait Confucius, il n’osait pas prendre parti, « tant était grande sa circonspection »

Enfin la mère de Wan-fou lui ayant révélé que l’enterrement de son père avait été fait d’une manière provisoire, il put déplacer cette sépulture et enterrer ensemble son père et sa mère sur la colline Fang.

— Sur la coutume d’enterrer les femmes à côté de leurs maris morts avant elle, cf. De Groot, The religious system of China, Book I, p. 800 et suiv.

(116. ) La famille Ki était une des trois grandes familles de Lou issues du duc Hoan ; cf. tome IV, n. 33.185.

(117. ) Yang Hou chercha à supplanter les trois familles issues du duc Hoan, et, en 501, fut obligé de quitter le pays de Lou (cf. t. IV, p. 126 ; mais au moment où Confucius était jeune, il se trouvait à l’apogée de sa puissance.

(118. ) Comme le fait remarquer Se-ma Tcheng, cette anecdote paraît contenir un blâme à l’adresse de Confucius, qui n’aurait pas dû se mêler à une réjouissance alors qu’il portait encore la ceinture de deuil.

(119. ) Cette indication nous ramènerait à l’année 535 av. J.-C. En réalité cependant, Mong Hi-tse ne mourut qu’en 518, comme nous l’apprend le Tchoen ts-ieou (24e année du duc Tchao) ; Confucius était alors âgé de trente-quatre ans ; on comprend donc qu’il ait pu être désigné par Mong Hi-tse comme le maître et le conseiller de son fils. L’erreur de Se-ma Tsien s’explique par le fait que le Tso tchoan, anticipant sur les événements, rapporte sous l’année 535 (7e du duc Tchao) les paroles que tint Mong Hi-tse, à son lit de mort, dix-sept ans plus tard ; par inadvertance, Se-ma Tsien a cri que ces paroles avaient été effectivement prononcées en 535.

(120. ) Mong Hi-tse était le chef d’une des trois grandes familles issues du duc Houan ; cf. tome IV, n. 33.185.

(121. ) Mong Hi-tse s’appelait Ho-ki de son nom personnel. I est son nom posthume. Ce personnage est mentionné dans le Luen yu (II, 5), comme un disciple de Confucius.

(122. ) Tso tchoan, 7e du duc Tchao.

(123. ) Cet homme saint est T’ang, fondateur de la dynastie Yn ; on sait que, par l’intermédiaire des princes de Song, Confucius se rattachait aux empereurs de la dynastie Yn (Cf. note 104.)

(124. ) Cf. p. 285, lignes 25-30 de la note.

(125. ) Arrière-petit-fils de Fou-fou Ho. Cf. p. 286 lignes 7-10 de la note

(126. ) Ce trépied se trouvait dans le temple funéraire de Tcheng K’ao fou. Certains ouvrages archéologiques de peu de valeur (ainsi le [] publié en 1843 par Ts’ien Koen-sieou) donnent une image de ce trépied qu’ils représentent avec quatre pieds ; ils reproduisent en outre, un prétendu fac-similé de l’inscription qui était gravée sur le fond du vase. Mais c’est là pure fantaisie et en réalité le texte du Tso tchoan répété par Se-ma Ts’ien est seul à nous avoir conservé 1e souvenir de ce monument. — D’autre part, cependant le célèbre épigraphiste Yuen Yuen, dans son [], publié en 1804, déclare authentique et reproduit (chap. IV, p. 19) une autre inscription d’un trépied de Tcheng K’ao-fou ; cette inscription est ainsi conçue :

« Le quatrième mois, au premier jour faste, Tcheng K’ao-fou a fait ce trépied précieux de l’espèce tsuen dédié au roi Wen, afin que, pendant dix mille années sans limites, ses descendants s’en servent et en jouissent éternellement comme d’un objet précieux.

D’après Yuen Yuen, le roi Wen dont il est ici question serait l’empereur de la dynastie Yn que le Tchou chou ki nien appelle Wen-ting, tandis que Se-ma Ts’ien (t. I, p. 198) l’appelle T’ai-ting ; Wen-ting serait appelé ici le roi Wen, de même que, dans le Che king (3e ode sacrificatoire de Chang, str. 3), T’ang le vainqueur ou T’ang le guerrier est appelé le roi Ou ; il est à remarquer d’ailleurs que Lieou Tche-ki, dans l’ouvrage de critique historique qu’il publia en 710 sous le titre de Che t’ong, cite le Tchou chou ki nien en donnant à Wen-ting le nom de Wen-wang, comme dans notre inscription ; les éditions modernes du Che t’ong (voyez Che t’ong t’ong che, réimpression de 1885, chap. XIII, p. 6 r°) ont corrigé cette leçon qu’elles considèrent comme fautive ; mais il est fort possible que le Tchou chou ki nien que connaissait Lieou Tche-ki donnât effectivement la leçon Wen-wang. — Tcheng K’ao-fou, rattachant sa généalogie à la dynastie Yn, il est naturel qu’il ait consacré à un empereur de cette dynastie, c’est-à-dire à un de ses ancêtres, un vase destiné aux sacrifices.

47.(127. ) En d’autres termes, plus Tcheng K’ao-fou s’élevait en dignité, plus il affectait d’humilité dans son maintien. — D’après les Rites de Tai l’aîné (chap. XII ; § 28, p. 1 v°), chez les marquis et les comtes, les hauts dignitaires avaient trois nominations, les grands officiers avaient deux nominations ; les patriciens avaient une nomination. Cette règle devait s’appliquer au pays de Lou dont les seigneurs avaient proprement le titre de marquis ; Tcheng K’ao-fou, étant au service des princes de Lou, devint donc successivement patricien, grand officier et enfin haut dignitaire.

(128. ) Tcheng K’ao-fou aurait dû occuper le trône de Song ; cf. p. 295, lignes 1-3.

(129. ) Cf. n. 119.

(130. ) Le nom personnel de Nan-kong King-chou était Yue, ainsi que nous l’apprend le Tso tchoan. Se-ma Tcheng dit que Nan-kong King-chou était, aussi bien que Mong I-tse, fils de Mong Hi-tse ; ce serait donc par inadvertance, que Se-ma Ts’ien l’appellerait ici « un homme de Lou », comme s’il s’agissait d’un inconnu.

(131. ) Cf. t. IV, p. 120 et Legge. C. C., vol. V, p. 619. Ki Ou-tse était le chef de la famille Ki, une des trois familles issues du duc Hoan.

(132. ) Confucius a dit lui-même (Luen yu, IX, 6) :

« Lorsque j’étais jeune, j’étais de condition humble ; c’est pourquoi j’ai acquis plusieurs talents divers, mais c’était dans des matières de peu d’importance.

(133. ) Se-ma Tcheng indique qu’un texte donne la leçon [], et cette variante paraît en effet préférable puisqu’elle se retrouve dans Mencius (V, b, 5) ; si nous l’adoptons, il faudra en conclure que Confucius ne fut pas au service de la famille Ki ; la charge de ki che, c’est-à-dire de gardien des greniers publics, devait être une fonction publique dans la principauté de Lou.

(134. ) Le mot [] est ici l’équivalent du mot [] qui désigne un pieu auquel on attachait le bétail.

(135. ) Se-ma Ts’ien résume ici en quelques mots les principaux événements de la vie de Confucius et anticipe sur la suite du récit. Nous retrouverons donc racontés plus loin en détail les divers faits qui ne sont ici mentionnés que par une brève allusion.

(136. ) On a vu précédemment (note 107) que, d’après le Kia yu, Chou-leang Ho, père de Confucius, avait dix pieds de haut ; il n’y a donc rien de surprenant à ce que son fils ait eu lui-même une taille peu commune. — Le Kin che souo reproduit un pied en cuivre de l’année 81 ap. J.-C. et dit que cet étalon a la même dimension que celui qui avait cours à l’époque des Tcheou ; or ce pied mesure 23 cm. dans mon exemplaire du Kin che souo ; si on admet cette valeur du pied, on trouvera que Confucius avait 2 mètres 20 de haut, ce qui est probablement un peu exagéré. Il est évident en effet que ce calcul peut être vicié par trop de causes d’erreur pour être considéré comme ayant une valeur absolue.

(137. ) Cette phrase paraît être destinée à expliquer la proposition qui termine le paragraphe précédent : « puis il revint dans (le pays de) Lou ». Toute cette première partie de la biographie de Confucius est fort mal rédigée.

(138. ) Ce serviteur devait jouer le rôle de cocher, comme l’indique le Kia yu (section Koan Tcheou).  47.(139. ) Le point doit être placé avant le mot []. La leçon du Kia yu enlève d’ailleurs toute incertitude :

« (Le duc Lou) donna à Confucius, un char, deux chevaux et un domestique pour servir de cocher. King-chou avec lui (c.-à-d. avec Confucius) alla dans (le pays des) Tcheou. Dans le tome II, n. 06.313, la note relative à ce texte est fautive, comme je l’ai fait remarquer t. III, p. 705.

(140. ) C’est-à-dire à Lo-yang (Ho-nan fou).

(141. ) La formule […] implique l’idée qu’il s’agit, non d’un fait certain, mais d’une opinion de l’auteur (tome IV, n. 32.104). En d’autres termes, Se-ma Ts’ien, se trouvant en présence de deux traditions, l’une relative au voyage que Confucius aurait fait à la capitale des Tcheou, l’autre relative à l’entrevue que Confucius aurait eue avec Lao-tse, établit de son autorité propre un rapport entre les deux récits, et il dit : C’est sans doute à l’occasion de son voyage à la capitale des Tcheou que Confucius vit Lao-tse. — Les principaux textes relatifs aux prétendues conversations de Confucius avec Lao-tse sont les suivants :

en premier lieu, Se-ma Ts’ien lui-même, dans sa biographie de Lao-tse (Mém. hist., chap. LXIII), rapporte une critique assez vive que Lao-tse aurait adressée à Confucius et le jugement que Confucius aurait à son tour prononcé sur Lao-tse.

Dans le paragraphe Koan Tcheou du Kia yu, on lit que Confucius fit part à Nan-kong King-chou de son désir de se rendre dans le pays des Tcheou pour y interroger Lao Tan sur les rites et sur la musique. Avec l’autorisation du prince de Lou, Nan-kong King-chou et Confucius allèrent ensemble à la capitale de Tcheou. Confucius s’enquit des rites auprès de Lao Tan et de la musique auprès de Tch’ang-Hong. Les paroles que Lao-tse aurait adressées à Confucius au moment de son départ sont, à quelques variantes près, identiques dans le Kia yu et dans le chapitre XLVII des Mémoires historiques.

Dans le chapitre Tseng tse wen du Li ki (trad. Couvreur, t. I, p. 431-435, 457-459, 460-461, 463), Confucius rappelle ce qu’il a entendu dire à Lao Tan en quatre occasions différentes. Dans l’un de ces cas, dit-il, une éclipse de soleil vint à se produire. Or le Tch’oen ts’ieou mentionne une éclipse de soleil dans le cinquième mois de la vingt-quatrième année du duc Tchao (518). L’érudit Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 12 r° et v°) en conclut que c’est en cette année-là que Confucius, alors âgé de 34 ans, dut rendre visite à Lao-tse.

Le chapitre Yo ki du Li ki confirme d’autre part que K’ong-tse fut en relation avec Tch’ang Hong, comme le dit le Kia yu (cf. Se-ma Ts’ien, trad. fr., t. III, p. 279, et aussi p. 402 et 428 ; un commentaire à un passage de Hoai nan tse, chap. XIII, p. 17 v°, explique dans quelles circonstance Tch’ang Hong fut mis à mort en 492 av. J.-C.). L’ouvrage intitulé Kong ts’ong (dans le Han Wei ts’ong chou) s’ouvre par le jugement que Tch’ang Hong porta sur Confucius à la suite de son entrevue avec lui dans la capitale des Tcheou.

Dans le livre de Tchoang-tse, Confucius est représenté à plusieurs reprises en conversation avec des docteurs taoïstes qui remportent facilement l’avantage sur lui ; Lao-tse lui-même est souvent son interlocuteur ; d’après un de ces textes (trad. Legge, SBE, vol. XXXIX, p. 354), Confucius était âgé de cinquante et un ans lorsqu’il vit pour la première fois Lao Tan à P’ei (auj. s.-p. de P’ei, préf. de Siu-tcheou, prov. de Kiang-sou).

Enfin les bas-relief du IIe siècle de notre ère, dans le Chan-tong, figurent la visite de Confucius à Lao-tse, ce qui prouve que cette scène était familière au public de cette époque (cf. La sculpture sur pierre en Chine, p. 69-71).

De l’examen de ces divers témoignages il résulte que la réalité historique des entrevues de Confucius et de Lao-tse n’est point établie ; cette tradition nous apparaît bien plutôt comme une invention des taoïstes qui avaient imaginé de mettre leur patron le plus vénéré en présence du chef de l’école rivale afin de pouvoir accabler ce dernier de leurs sarcasmes. L’origine manifestement taoïste de ces récits suffit à en rendre suspecte l’authenticité, car les écrivains taoïstes donnent volontiers libre cours à leur fantaisie et n’ont aucune prétention à l’exactitude qui est la première vertu de l’historien.

(142. ) Formule de modestie.

(143. ) Au lieu de [], le Kia yu donne la leçon qui paraît préférable  : « grandement pénétrant ».

(144. ) En d’autres termes : Une grande intelligence et une profonde instruction sont choses pernicieuses pour qui les possède ; celui qui s’acquitte des devoirs de la piété filiale et celui qui agit en sujet loyal ne se possèdent plus eux-mêmes, car ils sont à la merci, l’un de ses parents, l’autre de son prince. C’est la condamnation de l’intelligence, de la piété filiale et du loyalisme qui sont les principes essentiels de la doctrine de Confucius.

(145. ) La section Koan Tcheou du Kia yu donne, sur le séjour de Confucius dans la capitale des Tcheou, quelques autres indications qui ont été résumées par Legge (C. C., vol. I, prolégomènes, p. 66 [css : rechercher : ‘while at lo’]).

(146. ) Le Kia yu, dont le témoignage est ici fort suspect, dit que le nombre de ses disciples s’éleva alors à trois mille. Cf. Legge, C. C., vol. I, Prolégomènes, p. 67. [css : édition/rechercher : ‘three thousand’]

(147. ) Le duc P’ing étant mort en 532, il semble que, pour Se-ma 1’s’iciz, le voyage de Confucius à la capitale des Tcheou dut être antérieur à cette date.

(148. ) Cf. t. IV, p. 331-332.

(149. ) Sur l’expression, cf., tome II, n. 10.164.

(150. ) On sait que le royaume à demi barbare de Tch’ou n’était pas considéré comme faisant partie de la confédération des Royaumes du Milieu ; cf. tome IV, n. 41.162.

(151. ) Ici encore (Cf. n. 141) le mot indique qu’il s’agit, non d’un fait attesté directement par un témoignage digne de foi, mais d’une conclusion à laquelle l’historien aboutit par le raisonnement.

(152. ) Cf. t. IV, p. 75.

(153. ) Le Kia yu (section 73, hien kiun) et le Chouo yuan (section tsuen hien) donnent la leçon « son gouvernement était bon ». Avec cette variante la phrase est mieux rythmée.

(154. ) Po-li Hi. Cf. t. II, p. 27.

(155. ) Ce membre de phrase est supprimé dans le Kia yu (section hien kiun) mais est conservé dans le Chouo yuan (section tsuen hien)..L’expression se retrouve dans le Luen yu (V, 1).

(156. ) Il s’agit ici de la royauté du Fils du Ciel ou royauté universelle qui est supérieure à l’hégémonie prise par un seigneur.

(157. ) Le duc King fut satisfait parce qu’il pensa que Confucius l’approuvait implicitement d’avoir pris un sage tel que Yen Yng pour conseiller. Dans le Luen yu (V, 16), Confucius a parlé avec éloge de Yen Yng.

(158. ) Cf. t. IV, p. 121-122.

(159. ) Cf. tome IV, n. 33.185. , et n. 33.221. .

(160. ) Ici encore on peut signaler une négligence de Se-ma Ts’ien. Le duc Tchao commença en effet par se réfugier dans le pays de Ts’i ; mais, en 514, il quitta ce royaume pour aller dans celui de Tsin et c’est alors qu’il fut installé à Kan-heou, qui était une localité de Tsin (et non de Ts’i, comme le dit ici Se-ma Ts’ien). Cf. tome IV, n. 33.215, et p. 124.

(161. ) Sur Kao Tchao-tse ou Kao Tchang, voyez t. IV, p. 78-80.

(162. ) Comme le remarque Se-ma Tcheng, il semble que Se-ma Ts’ien réunisse ici à tort deux témoignages distincts du Luen yu  :

— d’une part, en effet, le Luen yu (III, 23) nous apprend que

« Confucius parla sur la musique au grand maître de la musique du pays de Lou (et non de Ts’i, comme le dit Se-ma Ts’ien).

— D’autre part, ce même ouvrage (VII, 13), rapporte que

« quand le maître était dans le pays de Ts’i, il entendit (la musique chao), et pendant trois mois ne connut pas le goût de la viande ».

— La musique chao était attribuée à l’empereur mythique Choen (cf. t. III, n. 24.195. ).

— Dans le Chouo yuan (section sieou wen) de Lieou Hiang (80-9 av. J.-C.), on lit :

« Quand K’ong-tse se rendit dans (le pays de) Ts’i, en dehors de la porte du faubourg il rencontra un jeune garçon qui portait un pot et marcha en sa compagnie ; le regard (de cet enfant) était clair ; son cœur était droit ; sa démarche était assurée. K’ong-tse dit à son cocher :

— Pressez les chevaux ! Pressez les chevaux ! La musique chao se manifeste déjà.

(En d’autres termes, Confucius a hâte d’arriver dans le pays de Ts’i où la musique chao a des effets si. merveilleux que les enfants eux-mêmes subissent son heureuse influence). Quand K’ong-tse fut arrivé (dans le pays de Ts’i), il entendit la musique chao, et, pendant trois mois il ne connut pas le goût de la viande... »

— La phrase « il ne connut pas le goût de la viande » signifie que Confucius ne se nourrit que d’aliments maigres. D’après certains commentateurs du Luen yu, il faudrait comprendre les mots [] comme signifiant que Confucius étudia la musique chao pendant trois mois.

(163. ) Luen yu, XII, 11.

(164. ) Certains commentateurs du Luen yu ont voulu voir dans la réponse de Confucius une intention satirique ; la famille Tch’en (ou Tien ; cf. n. 46.114. ) était devenue, disent-ils, trop puissante dans le pays de Ts’i ; ainsi le prince n’avait plus toute l’autorité qui doit appartenir à un prince, et les sujets n’avaient pas la docilité que doivent témoigner des sujets. D’autre part, le duc King, épris d’une de ses concubines, désirait avoir pour successeur le jeune fils de cette favorite et se refusait à désigner comme héritier présomptif un de ses fils adultes ; il ne se conduisait donc pas lui-même comme un père doit se conduire.

— Cette glose trop ingénieuse doit être rejetée ;

en premier lieu, le duc King approuve sans restriction la réponse de Confucius, ce qu’il n’eût pas fait s’il y eût senti un blâme à son adresse ;

en second lieu, Confucius, d’après Se-ma Ts’ien, se trouva dans le pays de Ts’i entre l’âge de 35 ans et celui de 42 ans, soit entre 517 et 510 av. J.-C. ; or les troubles suscités par T’ien K’i sont de l’année 493, et le refus du duc King de nommer un héritier présomptif est de l’année 490 (cf. t. IV, p. 78). Confucius ne pouvait donc faire allusion à des événements qui n’étaient point encore arrivés.

— La réponse que fit Confucius au duc King a été souvent citée comme l’exposé de la théorie des dénominations exactes  : il est essentiel de rendre les dénominations exactes, c’est-à-dire d’agir de telle manière que les relations diverses qui existent entre les hommes soient adéquates aux idées parfaites que nous nous en faisons et que nous exprimons par les mots du langage. Mais nous verrons plus loin que l’expression [dénomination exacte] avait à l’origine un sens entièrement différent et visait en réalité la correction des caractères de l’écriture.

(165. ) Littéralement : « Même si j’avais le grain, comment pourrais-je le manger ? » L’expression « le grain » désigne les redevances qui étaient payées au prince. — Le mot [], qui figure dans Se-ma Ts’ien, est absent dans le texte actuel du Luen yu, mais il devait s’y trouver à l’origine, car il apparaît dans les deux textes du Luen yu appelés le texte de Hoang et le texte de Corée (cf. la note additionnelle à la fin de ce chapitre) ; ce mot est aussi présent dans la citation que le Ts’ien Han chou (chap. LXIII, p. 2 r°) fait de ce passage (cf. S. H. T. K. K., chap. 1065, p. 12 r°).

(166. ) Dans le Luen yu (I, 5) on trouve l’expression [] employée dans le même sens.

(167. ) Yen tse, § 8, wai pien. Mo-tse, § 39, fei jou.

(168. ) A partir d’ici, toute la fin de ce paragraphe se retrouve, avec des variantes importantes, d’une part dans le livre de Yeng Yng ou Yen tse intitulé Yen-tse tch’oen- ts’ieou (wai Tien, § 8), d’autre part dans le livre de Mo-tse (§ 39, fei jou). De ces trois rédactions, celle de Yen-tse est la plus ancienne et la plus fidèle ; celle de Mo-tse offre déjà des modifications assez graves ; celle de Se-ma Ts’ien est la plus altérée et serait parfois inintelligible si on ne la comparaît pas aux deux autres.

(169. ) Je traduis par « les lettrés », quoique cette traduction soit ici un anachronisme puisque les lettrés sont définis comme étant ceux qui reconnaissent Confucius pour leur maître. On peut douter qu’à l’époque de Confucius le mot [] désignât une classe de penseurs formant une école distincte ; dans le seul texte du Luen yu (VI, 11) où ce mot apparaisse, il n’a point cette valeur. Dans Yen-tse qui nous donne la forme la plus ancienne du texte que nous étudions en ce moment, le mot [] ne figure pas ; il ne fait son apparition que dans la rédaction de Mo-tse qui est d’une époque postérieure.

(170. ) Le terme [ab] n’est pas commenté ici ; mais il se retrouve dans les chap. LXXI, p. 1 r° et CCXXVI, p. 1 r° de Se-ma Ts’ien où il est suivi de gloses assez longues (cf. aussi Tse tche t’ong kien, chap. CCXLIX p.8 r°) ; deux explications principales sont en présence :

— d’après Tseou Tan (fin du Ve siècle de notre ère), le mot [a] signifie troubler), et le mot [b] signifie « identique » ; l’expression formée de ces deux mots désigne d’habiles discoureurs qui font passer le faux pour le vrai et le vrai pour le faux, qui troublent l’esprit des auditeurs en rendant identiques les contraires.

— D’après Ts’oei Hao († 450 p. C.), le terme [ab] désigne une sorte de vase à vin qui peut déverser du vin sans interruption, et, par métaphore, on l’applique à des bouffons qui font sortir incessamment des bons mots de leur bouche. Le premier sens est celui de « sophiste » : le second sens est celui de « bavard incoercible ».

Enfin, d’après Yao Tch’a (533-606), cette expression aurait le sens de plaisanteries trompeuses et de stratagèmes sortant avec promptitude.

(171. ) Cette première phrase ne se trouve pas dans les textes de Yen-tse et de Mo-tse.

(172. ) Au lieu de [], Yen-tse et Mo-tse écrivent : « on ne peut se servir d’eux pour enseigner le peuple ». Avec la leçon de Se-ma Ts’ien, je traduis le mot comme signifiant « être à la tête de, diriger » ; de même, plus bas, on a les phrases : « on ne saurait leur faire diriger les mœurs », « on ne saurait leur faire diriger l’Etat. »

(173. ) On sait que Mo-tse défendit la thèse de la simplicité dans les funérailles et combattit sur ce point la doctrine des lettrés (cf. De Groot, Religious system of China, vol. II, liv. 1, p. 664-685). Il est intéressant de constater que le débat paraît s’être élevé dès l’époque même de Confucius.

(174. ) D’après le T’ang yun (cité dans le dict. de K’ang-hi), le mot [] est au jou cheng quand il signifie « emprunter », comme dans l’expression que nous avons ici ; il est au k’iu cheng quand il signifie « prêter ».

(175. ) Quand les grands sages apparurent, les rites et la musique furent parfaits ; mais plus tard, quand les Tcheou tombèrent en décadence, les rites et la musique s’altérèrent.

(176. ) Mo-tse : « multiplie les formes extérieures et met en honneur les belles apparences afin de fasciner les gens ».

(177. ) Au lieu de [],Yen-tse et go-tse donnent tous deux la leçon qui est seule intelligible. On trouvera en effet dans le Li ki de nombreuses prescriptions sur la marche rapide et sur la marche en étendant les bras comme les ailes d’un oiseau ; voyez notamment le chap. k’iu li (trad. Couvreur, t. I, p. 21). — Se-ma Ts’ien ne parle ici que des rites. Dans les textes de Yen-tse et de Mo-tse, Confucius est aussi accusé d’avoir modifié la musique d’une manière fâcheuse.

(178. ) « durant des années ».

(179. ) On remarquera ce réquisitoire véhément où apparaissent déjà les principaux griefs que les ennemis des lettrés n’ont pas cessé d’invoquer contre eux.

(180. ) Yen-tse et Mo-tse : « il ne l’interrogea plus sur sa doctrine »

(181. ). Le Luen yu (XVIII, 3) rapporte ce texte comme s’il s’agissait d’un propos que le duc King aurait tenu en s’adressant à ses grands officiers. — Le chef de la famille Ki étant le plus puissant dignitaire du pays de Lou, et le chef de la famille Mong venant en dignité aussitôt après lui, le duc King faisait encore un insigne honneur à Confucius en lui accordant un traitement intermédiaire entre ceux que le prince de Lou donnait à ces deux hauts personnages. Il ne faut donc point voir là une des raisons pour lesquelles Confucius aurait quitté le pays de Ts’i.

(182. ) Cf. Luen yu (XVIII, 3). Le duc King s’excuse de ne pas prendre Confucius pour conseiller en disant qu’il se sent trop vieux pour changer sa méthode de gouvernement

(183. ) Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 15 v°) cherche à établir que Confucius ne serait guère resté qu’un an dans le pays de Ts’i, de 517 à 516. Mais le raisonnement sur lequel il se fonde pour obtenir cette conclusion est bien subtil. Tout ce qu’on peut dire, si l’on s’en rapporte au témoignage de Se-ma Ts’ien, c’est que le séjour de Confucius dans le pays de Ts’i est postérieur à l’année 517 et antérieur à l’année 510.

(184. ) Cf. t. IV, p. 125 et n. 33.215. .

(185. ) Ce paragraphe est tiré du Kouo yu, section Lou yu, 2de partie. Il est reproduit dans le Chouo yuan (section 10, pien ou) et dans le Kia yu (section 16, pien ou). — Le k’oei, dit le dictionnaire Chouo wen, ressemble au dragon, mais n’a qu’une patte. D’après d’autres traditions recueillies par Tchang Cheou-tsie et Se-ma Tcheng, le k’oei serait un animal fantastique à un pied qui habite les montagnes et qui ressemble à un homme ; c’est l’être que les gens du pays de Yue appellent le sao des montagnes.

— Le wang leang, dont le nom est écrit dans le Kouo yu, se plaît à imiter la voix humaine et à induire les hommes en erreur.

— Le wang-siang dévore les hommes ; on l’appelle aussi mou-tchong. — Le fen yang ou mouton fen est produit spontanément par la terre et n’est pas issu de l’accouplement d’un mâle et d’une femelle.

L’encyclopédie T’ai p’ing yu lan, dans le chap. 902, cite un passage du Han che wai tchoan (ce passage ne se retrouve pas dans le texte de ce livre tel qu’il figure dans le Han wei ts’ong chou), où l’anecdote que nous étudions est présentée d’une manière un peu différente :

« Le duc Ngai, de Lou, avait chargé des hommes de creuser un puits : au bout de trois mois (de travail), ils ne trouvèrent pas de source, mais ils trouvèrent un mouton de jade. Le duc pensa que c’était un heureux présage ; il chargea ses invocateurs de faire à cette occasion de la musique et des danses et il se proposait d’offrir au ciel (cette victime) ; mais le mouton ne put pas être offert. K’ong-tse vit le duc et lui dit :

— L’essence de l’eau est le jade ; l’essence de la terre est le mouton. Je désire que vous ne voyiez point là un prodige — le foie de ce mouton est en terre.

Le duc fit tuer (le mouton) et, quand on examina son foie, on constata qu’il était en terre.

Dans Hoai nan tse (chap. XIII, p. 27 v°, section se luen hiun), on lit :

« Les montagnes produisent le hiao yang ; l’eau donne naissance au wang-siang ; le bois donne naissance au pi-fang ; les puits donnent naissance au mouton fen. — Le k’oei, le wang-siang et le pi-fang sont mentionnés, en compagnie d’autres êtres fantastiques, dans le Tong king fou ou Éloge de la capitale orientale, de Tchang Heng (78-139 ap. J.-C, ; voy. le Wen siuan, chap. III).

(186. ) Ce paragraphe est tiré du Kouo yu, section Lou yu, 2de partie ; il est reproduit dans le Chouo yuan (section 10, pien ou) et dans le Kia yu (section 16, pien ou).

(187. ) Le prince de Yue avait été cerné par les troupes de Ou sur le mont Koei-ki (au sud de Chao-hing fou, prov. de Tche-kiang ; cf. t. IV, p. 421, ligne 7). C’est en faisant des terrassements et des tranchées militaires sur cette hauteur que le roi de Ou exhuma un ossement gigantesque.

— Si l’anecdote qui va être rapportée a un fondement historique, elle prouve que, en Chine aussi bien qu’en Europe, on admettait volontiers que les hommes d’autrefois avaient eu une taille extraordinairement élevée ; on était donc porté à considérer comme des débris de ces races antiques des ossements qui, selon toute vraisemblance, devaient appartenir à des animaux de la faune paléontologique. C’est ainsi que, en France, des ossements trouvés en 1613 dans les environs de Romans (Dauphiné), furent attribués au géant Teutobochus, roi des Teutons, qui avait été vaincu en 102 av. J.-C. par Marius ; ce ne fut qu’en 1835 que Blainville prouva que ces ossements avaient appartenu à un mastodonte (cf. Dastre, « La stature de l’homme aux diverses époques », Revue des Deux-Mondes, 1 sept. 1904, p. 205).

(188. ) Dans d’autres textes (Tso tchoan, 7e année du duc Ngai ; Se-ma Ts’ien, t. I, p. 171, lignes 8-9), il est dit que Yu réunit les seigneurs dans une localité située au sud du Yang-tse ; l’expression, « la foule des divins » est donc ici équivalente à « les seigneurs ». En effet, comme Confucius va le rappeler lui-même, les seigneurs sont ceux qui président aux sacrifices qu’on fait aux dieux des montagnes et des cours d’eau ; à ce titre, ils peuvent être appelés eux-mêmes « les dieux » ou  les divins ».

(189. ) Le Tchou chou ki nien (cf. Legge, C. C., t. III, Prolégomènes, p. 118) rapporte aussi que Fang-fong fut mis à mort par Yu.

— Le Chou i ki, qui passe pour avoir été écrit par un certain Jen Fang au VIe siècle de notre ère, mais qui a été perdu puis reconstitué à une époque bien postérieure (cf. Wylie, Notes on Chap. Lit., p. 15), raconte (chap. I, p. 1 v°) que, dans les régions de Ou et de Yue, il y a des temples de Fang-fong où ce personnage est représenté avec une tête de dragon, des oreilles de bœuf et des sourcils se réunissant sur un oeil unique ; quand on lui sacrifie, on pousse des mugissements en soufflant dans des tubes de bambou longs de trois pieds, tandis que trois hommes dansent les cheveux épars. — Le culte de Fang-fong paraît être un ancien culte local du pays de Yue dont la légende a été incorporée dans l’histoire chinoise.

(190. ) Se-ma Ts’ien emploie le mot [a] qui est amphibologique puisqu’il désigne ici les divinités mêmes des montagnes et des cours d’eau, tandis que, dans la phrase suivante, le même mot désigne « les divins », c’est-à-dire les seigneurs qui président aux sacrifices rendus à ces divinités. Le Kouo yu et le Chouo yuan ne sont pas aussi obscurs, car ils écrivent [b] dans le premier cas, et [a] dans le second.

(191. ) L’influence attribuée aux dieux des montagnes et des cours d’eau vient de ce qu’ils sont capables de produire les nuages et d’amener la pluie. En effet les nuages s’assemblent sur les montagnes et les vapeurs se forment au-dessus des cours d’eau.

(192. ). Le Kouo yu est ici plus explicite : Au-dessous des seigneurs féodaux qui président aux sacrifices adressés aux montagnes et aux cours d’eau de leur territoire, sont les simples ducs et marquis qui n’ont à sacrifier qu’à leurs dieux du sol et des moissons.

(193. ) Les seigneurs féodaux, aussi bien que les ducs et marquis, dépendaient du roi suprême c’est-à-dire du Fils du Ciel.

(194. ) Au lieu de Wang-wang, il faut lire Wang-mang, comme dans le Kouo yu et le Chouo yuan.

(195. ) Le Ou hing ki de Chan K’ien-tche (cité dans le commentaire du Kouo yu par Wang Yuen-suen) dit que la montagne Fong était à 18 li à l’est de la s.-p. de Ou-k’ang (dépendant de la préf. de Hou-tcheou, prov. de Tche-kiang) ; la montagne Yu était à 30 li plus au sud.

(196. ) Cf. t. IV, n. 33.199. , p. 116 et p. 241, ligne 11.

(197. ) La leçon du Kouo yu est plus claire : « quels sont les extrêmes (en grandeur et en petitesse) de la taille humaine ? »

(198. ) Dans le Kouo yu (avant-dernier texte de la 4e partie de la section Tsin yu), les Tsiao-yao sont mentionnés, non comme un peuple, mais comme formant une des huit catégories de gens infirmes. Dans le Tchou chou ki nien, au contraire, les Tsiao-yao apparaissent comme une peuplade :

« La 29e année (de l’empereur Yao), le chef des Tsiao-yao vint rendre hommage à la cour, et apporta en tribut des plumes qui s’enfonçaient dans l’eau.

(Legge, C. C., vol. III, prol., p. 114). 

Le Heou Han chou (chap. II, p. 8 v°), à la date de 74 p. C., cite les Tsiao-Tao dans une énumération des peuples barbares du Sud-Ouest qui vinrent faire leur soumission à la Chine. Le Chan hai king (section Hai wai nan king) mentionne le royaume de Tcheou jao qu’on appelle aussi Tsiao-yao ; le commentateur Ho I-hing (vers 1800 ; Giles, B. D., n° 636), émet l’opinion que le terme tchou-jou, qui signifie « un nain », n’est qu’une autre prononciation de ce même mot Tcheou-jao ou Tsiao-yao, quoique le texte du Kouo-yu auquel nous avons fait allusion plus haut dans la présente note distingue les Tsiao-yao des tchou-jou pour en faire deux catégories différentes d’infirmes, nous serions cependant disposés à croire que l’explication de Ho I-hing est valable et que les termes tsiao-yao et tchou-jou ont la même origine.

— La géographie Kouo ti tche, publiée en l’an 642, rapproche du nom des Tsiao-yao la légende des Pygmées et des grues :

« Le royaume des petits hommes est au sud de Ta Ts’in ; ces gens n’ont que trois pieds de haut ; à l’époque des labours et des semailles ils craignent d’être mangés par les grues ; aussi Ta Ts’in vient-il à leur secours. C’est le royaume des Tsiao yao ; ces gens vivent dans des cavernes.

Ce texte est fort important, puisqu’on y trouve pour la première fois en Chine la fable des combats entre les Pygmées et les grues ; il nous a été conservé dans le commentaire de Tchang Cheou-tsie au chap. CXXIII, p. 3 r° de Se-ma Ts’ien.

(199. ) La stature des hommes les plus grands, tels que Fang-fong, serait donc de 30 pieds.

(200. ) Les événements auxquels il est fait ici allusion sont racontés dans le Tso tchoan (5e année du duc Ting). Ils suivirent immédiatement la mort de Ki P’ing-tse (505 av. J.-C). que Se-ma Ts’ien a rappelée plus haut (p. 310) ; c’est par un défaut de composition que l’historien a interrompu son récit pour intercaler deux paragraphes du Kouo yu dont l’un au moins rapporte un incident de l’année 494 (cf. p. 312), c. à. d. postérieur de onze ans aux faits qui vont être maintenant exposés : On saisit ici sur le vif le procédé de rédaction de Se-ma T’sien qui cherche à loger tant bien que mal entre les textes historiques proprement dits les textes de provenances fort diverses où Confucius est mentionné.

— Le personnage appelé Kong-chan Pou-nieou par le Tso tchoan et par Se-ma T’sien est celui qui apparaît dans le Luen yu (XVII, 5) sous le nom de Kong- chan Fou-jao.

(201. ) Cf. tome III, n. 15.110.

(202. ) Vers la fin de ce chapitre Se-ma Ts’ien parlera plus en détail de cette importante question.

(203. ) Song Siang-fong, dans ses études sur le sens du Luen yu publiées en 1840 (S. H. T. K. K., chap. CCCLXXXIX, p. 1 r°) rapproche de la phrase de Se-ma Ts’ien le texte du Luen yu (I, 1, § 2) où Confucius dit :

— N’est-il pas agréable d’avoir des amis qui viennent des contrées éloignées ?

(204. ) Cf. t. IV, p. 126, et Tso tchoan, 8e année du duc Ting.

(205. ) Il y a ici une erreur, car Confucius, né en 551, devait avoir cinquante et un ans en 501, suivant la manière de compter chinoise.

(206. ) Cf. t. IV, n. 33.148. , et n. 40.357. .

(207. ) Sur ce sens du mot [], cf. Luen yu, II, 11.

(208. ) Dans le Luen yu, IX, 6, la phrase à signifie : « comme je n’avais pas de fonctions publiques ».

(209. ) Cf. t. I, n. 40.357. Le sens est celui-ci : Les rois Wen et Ou qui furent les glorieux fondateurs de la dynastie Tcheou, régnaient à l’origine dans des localités fort peu importantes. Ma sagesse ne pourrait-elle pas faire que la petite ville de Pi devienne de même le berceau d’une illustre dynastie ?

(210. ) C’est-à-dire : rois suprêmes, Fils du Ciel.

(211. ) Luen yu, XVII, 5.

(212. ) C’est-à-dire : Ne ferai-je pas de lui le fondateur d’une dynastie qui égalera celle des Tcheou, et qui, ayant son siège dans l’est de l’empire, pourrait être appelée un Tcheou oriental ?

(213. ) Se-ma Ts’ien expose ici, avec quelques détails complémentaires, un fait qui est rapporté dans le Luen yu, XVII, 5. Cet incident de la vie de Confucius a donné lieu à de nombreuses discussions de la part des lettrés chinois qui ont voulu excuser leur grand sage d’avoir pensé à se mettre au service d’un rebelle.

(214. ) La ville de Tchong-tou était à l’ouest de la sous-préfecture actuelle de Wen-chang (préf. de Yen-tcheou, prov. de Chan-tong). A l’époque tch’oen-ts’ieou, elle appartenait à l’État de Lou mais elle tomba ensuite au pouvoir de Ts’i et prit le nom de P’ing-lou, ou, pour parler plus exactement, elle disparut et une nouvelle ville appelée P’ing-lou fut élevée par Ts’i au nord de la sous-préfecture actuelle de Wen-chang (Ta Ts’ing i Long tche, chap. CXXX, p. 2 v° ; Cf. Se-ma Ts’ien, t. III, n. 28. 203. et t. V, n. 46.188. ).

— Le Li ki (chap. T’an kong, III, 4) rappelle que

« lorsque le Maître gouvernait Tchong-tou, il ordonna que les cercueils intérieurs eussent quatre pouces d’épaisseur et que les cercueils extérieurs en eussent cinq.

— Le Kia yu (au début) nous a décrit l’âge d’or qui régnait à Tchong-tou sous l’administration de Confucius (cf. Legge, C. C., vol. I, Prolégomènes, p. 73 [css : édition/rechercher ‘as magistrate’]).

(215. ) Le Kia yu écrit  : « les seigneurs d’Occident le prenaient pour modèle ». Le pays de Lou étant le plus oriental des Royaumes du Milieu, tous les autres pouvaient être désignés par rapport à lui sous le nom de « les seigneurs d’Occident ».

(216. ) Cf. Kia yu (au début). — Kiang Tong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 17 r°) fait observer que c’était le chef de la famille Mong-suen qui exerçait les fonctions de ministre des travaux publics dans le pays de Lou ; Confucius ne pouvait donc être que son assesseur.

(217. ) Le Tso tchoan (1e année du duc Ting) rappelle que, lorsque Confucius fut devenu ministre de la justice, il réunit par un fossé la tombe du duc Tchao avec celles des autres membres de la famille ducale. Il détruisit ainsi l’œuvre mauvaise du chef de la famille Ki qui avait voulu poursuivre de sa haine le duc Tchao même après sa mort en isolant sa tombe, et, d’après le Kia yu (chap. I, p. 1 v°). il adressa à ce puissant seigneur de hardies remontrances. — D’après le Li ki (chap. T’an kong, I, 3), Confucius aurait exercé la charge de ministre de la justice jusqu’au moment où il dut quitter le pays de Lou.

(218. ) Cf. tome IV, n. 32.236. Nous avons ici un récit détaillé de la fameuse entrevue à laquelle Se-ma Ts’ien a déjà fait allusion dans d’autres chapitres (t. IV, p. 77 et p. 127). On peut comparer avec ce passage les textes suivants : Tso tchoan (10e année du duc Ting) ; commentaires de Kong-yang et de Kou-leang (à la même date) ; le Kia yu (chap. I, p. 1 v°-2 r°) ; le Sin yu (section pien houo) de Lou Kia (fin du IIe sièrle av. J.-C.).

(219. ) Le mot [a] signifie ici « amitié, entrevue amicale ». [ab] a donc le sens de « aller comme à une entrevue amicale ». Cf. Tso tchoan (10e année du duc Ting) : « vous, ces deux princes, vous vous réunissez pour une entrevue amicale ».

(220. ) en se servant des chars qu’on monte habituellement, par opposition aux chars de guerre. Dans les planches annexées à l’édition impériale (de K’ang-hi) du Li ki (cf. LXXX, p. 34 v°), on trouvera l’indication des différences qui existaient entre le char de guerre et le char ordinaire.

(221. ) Il y a ici une difficulté chronologique, car Se-ma Ts’ien dira plus loin que ce fut seulement en 496 que Confucius quitta sa charge de ministre de la justice pour exercer les fonctions de conseiller. Il semble donc qu’en l’an 500 Confucius dût être encore ministre de la justice. En plusieurs autres endroits cependant, Se-ma Ts’ien confirme ce qu’il dit ici et rappelle que c’est en l’an 500 que Confucius devint conseiller de Lou (cf. t. IV, p. 24, 77, 333, 378 ; t. V, p. 137). Il faut d’ailleurs toujours entendre que Confucius exerça provisoirement les fonctions de conseiller d’État, mais sans avoir réellement ce titre.

(222. ) L’expression [ab] désigne les entrevues de princes ; le mot [a] signifie proprement les entrevues concertées à date fixe, et le mot [b] les entrevues accidentelles. Cf. Li ki, chap. K’iu li, II, 2, § 12.

(223. ) Le P’ei wen yun fou ne donne pas d’autre exemple de cette expression que le texte même que nous avons ici. Il me semble qu’on peut identifier cette musique avec celle des barbares des quatre points cardinaux qui est mentionnée dans le Tcheou li (trad. Biot., t. II, p.67). On verra plus loin, en effet, que Confucius condamne cette musique comme étant celle des barbares I et Ti.

(224. ) On attendrait plutôt : « plumes et flûtes », chaque danseur tenant d’une main une plume emmanchée et de l’autre une flûte.

(225. ) On projetait, à la faveur du tumulte causé par cette danse guerrière, de tuer ou de prendre le duc de Lou. Confucius sentit le danger et le prévint par sa décision.

47.(226. ) Dans le chap. Yo ki du Li ki (tr. Couvreur, t. II, p. 87), on se plaint que la musique moderne soit déshonorée par des histrions et des nains qui ressemblent à des singes.

— Sur l’origine probable de l’expression tchou-jou, cf. n. 198.

47.(227. ) Cette leçon est aussi celle de Kong-yang. Le Kia yu écrit « traitent sans respect » ; Kou-leang donne la leçon « se moquent de ».

(228. ) Je rétablis cette phrase d’après les textes de Kong-yang et du Kia yu.

(229. ) « Leurs têtes et leurs pieds », disent Kong-yang, Kou-leang et le Sin yu de Lou kia. Le Kia yu, comme Se-ma Ts’ien, écrit « leurs mains et leurs pieds ».

(230. ) Cet incident n’est pas rapporté dans le Tso tchoan (10e année du duc Ting), et Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 18 r°) en conteste l’authenticité. car il le juge indigne du caractère de Confucius. On remarqàera cependant que tous les autres textes le relatent.

(231. ) Le duc King, de Ts’i, est ici désigné sous le nom de marquis de Ts’i, ce titre étant celui qui lui est constamment attribué dans le Tch’oen-ts’ieou.

(232. ) Au lieu de « Yun, Wen-yang et Koei-yn », le Tso tchoan et Kou-leang écrivent : « Yun, Hoan et Koei-yn », et Kiang long (H. T. K. K., chap. CCLIV, p. 32 r°) explique que ces trois dernières localités appartenaient toutes au territoire appelé « les champs de Wen-yang », ce qui ne paraît pas exact, étant donnés leurs emplacements respectifs.

Les champs de Wen-yang étaient les terres situées au nord de la rivière Wen, laquelle sort de la sous-préfecture de Lai-ou (préf. de T’ai-ngan, prov. de Chan-tong) et coule vers le sud-ouest pour se jeter près de Tsi-ning tcheou dans la rivière Tsi qui fait aujourd’hui partie du grand canal.

La ville de Yun dont il est ici question est le Yun occidental qui est aujourd’hui la s.-p. de Yun-tch’eng (préf. de Ts’ao-tcheou, prov. de Chan-tong). Il ne faut pas la confondre avec le Yun oriental qui appartenait à la famille Ki-suen, du pays de Lou, et qui était à quelque distance de la principauté de Kiu (auj. préf. sec. de Kiu, dans la préf. de I-tcheou, prov. de Chan-tong). La ville de Hoan était au sud-ouest de la s.-p. actuelle de Fei-tch’eng (préf. de Tsi-nan, prov. de Chan-tong). La localité de Koei-yn, en vertu de son nom même, devait être au nord de la montagne Koei ; or cette montagne se trouvait au S.-O. de la s.-p. de Sin-t’ai, et au N.-E. de la s.-p. de Se-choei.

En résumé, on voit que, des trois localités de Yun, Hoan et Koei-yn, celle de Hoan seule était au nord de la rivière Wen et appartenait aux champs de Wen-yang ; Se-ma Ts’ien est donc dans son droit, en remplaçant le nom de Hoan par celui de Wen-yang, et la leçon : « Yun, Wen-yang et Koei-yn » est parfaitement légitime.

— Sur les identifications géographiques proposées dans cette note, voyez Kiang Yong, dans H. T. K. K., chap. CCLII, p. 11 v° ; chap. CCLIII. p. 1 r°, p. 23 r°, p. 24 v°, p. 26 r° et v° ; chap. CCLIV, p. 4 r° et v° et p. 32 r° et v°.

(233. ) Cette date est inexacte ; il faut lire :  « la douzième année (498) ». Cf. t. IV, p. 127, et Tso tchoan, 12e année du duc Ting.

(234. ) Le tche est une mesure qui s’applique aux murailles et qui équivaut à 30 pieds de long ; un mur de cent tche est donc un mur de 3.000 pieds de circuit.

Dans le Tso tchoan, 1e année du duc Yu, on lit :

« Quand le mur d’une ville dépasse cent tche de long, c’est un mal pour l’État.

Cet aphorisme concorde avec celui qui est exprimé par Confucius.

Comme on va le voir, Confucius se proposait de rétablir l’autorité ducale en faisant démanteler les trois places fortes qui appartenaient aux trois familles Mong, Chou-suen et Ki, issues du duc Hoan ; il attire donc l’attention du duc sur le fait que les murailles de ces villes dépassent la mesure prescrite. Legge (C. C., vol. V, p. 781, a) a bien montré quelles étaient les circonstances favorables qui permettaient à Confucius de tenter cette entreprise.

(235. ) Tso tchoan, 12e année du duc Ting.

Tchong-yeou : Tse-lou, un des plus célèbres disciples de Confucius.

(236. ) Heou, place forte de la famille Chou-suen ; Pi, de la famille Ki ; Tch’eng, de la famille Mong. Cf. tome IV, n. 33.237.

(237. ) Cf. n. 200, à la fin.

(238. ) Le Kia yu (§ 1, Siang Lou) écrit : « arrivèrent auprès du belvédère ». Cette leçon s’accorde mieux avec le contexte, puisque nous voyons que Confucius chargea deux officiers de descendre du belvédère pour repousser les assaillants.

(239. ) Deux grands officiers du pays de Lou.

(240. ) A 45 li à l’est de la s.-p. de Se-choei, dit. le Kouo ti tche. La s.-p. de Se-choei dépend de la préfecture de Yen-tcheou.

(241. ) Le Tso tchoan dit : « Si vous feignez de l’ignorer, moi du moins je ne démantèlerai pas (cette ville) ».

(242. ) Cf. p. 326, n. 4 [renvoi fautif].

(243. ) Ce paragraphe se retrouve dans le Kia yu, § 2, che tchou. — Le sens des mots « s’humilier devant les autres hommes » est confirmé par un texte du Luen yu, XII, 20.

(244. ) Après sept jours de gouvernement, disent Siun tse et le Kia yu.

(245. ) L’exécution du chao-tcheng Mao n’est pas relatée dans le Tso tchoan et il n’y est fait allusion, ni dans le Luen yu, ni dans Mencius. Aussi Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 18 v°) met-il en doute l’authenticité du fait.

D’autre part cependant, de nombreux textes mentionnent cet événement.

Siun tse (IIIe siècle av. J.-C. ; cf. Mém. hist., chap. LXXIV) paraît être l’auteur le plus ancien qui l’ait relaté ; dans la section 28 (yeou tso) de l’ouvrage qui porte son nom, il raconte que Confucius ayant mis à mort le chao-tcheng Mao, un de ses disciples lui en fit des reproches ; il se justifia en montrant que le supplicié réunissait en lui les cinq plus graves défauts et qu’il méritait d’être tué ; il rappela sept occasions dans lesquelles des personnages vertueux de l’antiquité se virent de même obligés de faire subir la peine capitale à des coupables.

Le Kia yu (§ 2) présente ce récit dans des termes presque identiques.

La rédaction est notablement différente dans le Chouo yuan de Lieou Hiang (chap. XV, tche ou). Enfin Hoai-nan tse (chap. XIII, se luen hiun) fait une simple allusion à l’exécution de Mao, en disant : « Quand K’ong-tse eut fait périr le chao-tcheng Mao, les vices du royaume de Lou furent réprimés ».

(246. ) Dans le tch’oen ts’ieou de Lu Pou-wei (section sien che lan, § 5), on lit :

« Quand (Confucius) eut exercé ses fonctions pendant trois ans (sic), les hommes marchaient sur la droite de la route, les femmes marchaient sur la gauche de la route. Quand quelque objet de valeur avait été laissé par mégarde, il n’était personne dans le peuple qui le prît.

(247. ) Ce paragraphe est, dans le Kia yu (§ 1), la fin d’un passage plus développé qui se retrouve dans le sin siu (section tsa che, § 1) de Lieou Hiang. Cf. aussi Siun tse (§ 8, jou hiao), et Lu Pou-wei (voyez la note précédente).

(248. ) Dans l’espérance que ce don gracieux conciliera à Ts’i le bon vouloir de Lou.

(249. ) Ce Li Tch’ou nous est déjà apparu plus haut (p. 319), comme l’instigateur d’un stratagème destiné à briser la puissance du prince de Lou. A vrai dire, il semble que son intervention répétée fasse double emploi.

(250. ) A partir d’ici, le texte est parallèle à celui du Kia yu (§ 19, Tse-lou tch’ou kien). — Le Luen yu (XVIII, 4) dit simplement :

« Les gens de Ts’i envoyèrent en présent des danseuses ; Ki Hoan-tse les reçut ; pendant trois jours il n’y eut pas d’audience à la cour. K’ong-tse partit. 

Han Fei-tse (§ 31, nei tch’ou chouo, b, n° 6), attribue aussi le stratagème à Li Tch’ou qu’il appelle Li Ts’ie ; mais il dit, par erreur, que ces musiciennes furent envoyées au duc Ngai ; or le duc Ngai ne commença à régner qu’en 494.

(251. ) Il n’est question que de six danseuses ou musiciennes dans le texte de Han Fei-tse qui est le plus ancien, puisque Han Fei-tse vivait dans la seconde moitié du IIIe siècle avant notre ère. — Le Kia yu (§ 19) compte quatre-vingts femmes et quarante quadriges.

(252. ) Le yong-ki est aussi défini comme une danse accompagnée de musique.

(253. ) Le Kia yu (§ 19) ajoute ici la phrase : « ce sera la preuve qu’il ne néglige pas encore les règles essentielles ».

(254. ) Luen yu, XVIII, 4.

(255. ) Les Tableaux chronologiques (chap. XIV, p. 65 v°) et le chapitre sur le pays de Lou (t. IV, p. 197) rapportent cet événement à l’année 498. D’après le chapitre sur le pays de Wei (t. IV, p. 205), c’est en 497 que Confucius quitta le pays de Lou. Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 20 v°) croit que son départ doit être en effet fixé au printemps de l’année 497. Cependant, d’après ce qu’a dit plus haut Se-ma Ts’ien (p. 326), ce départ ne pourrait pas être antérieur à l’an 496.

— C’est après que Confucius fut parti du pays de Lou que commence la longue série de ses pérégrinations ; d’après les textes les plus anciens, Confucius en quittant Lou se serait rendu dans le pays de Tch’ou, dit Han Fei-tse (§ 31) « il partit et alla dans le pays de Tch’ou » ; et le Li ki (chap. T’an kong, II, 3, § 4) nous informe que lorsque Confucius eut quitté la place de ministre de la justice dans le pays de Lou, il prit ses mesures pour se rendre à King, c’est-à-dire dans le royaume de Tch’ou (cf. tome I, n. 04.127 et tome IV, n. 32.172). Ce témoignage cependant ne s’accorde pas avec ce qu’on va lire dans Se-ma Ts’ien.

(256. ) D’après P’ei Yn, T’oen était une localité située au sud de le capitale de Lou (cette capitale étant la sous-préfecture actuelle de K’iu-feou). Le Kia yu écrit [], ce qui semble donner à entendre que cette localité formait un faubourg de la capitale.

(257. ) Ces femmes étaient des chanteuses ; c’est pourquoi Confucius incrimine leurs bouches.

(258. ) Ce texte figure dans le Kia yu (§ 19).

Un livre sur la musique intitulé K’in ts’ao, qu’on attribue à Ts’ai Yong (133-192), nous a conservé le texte de deux autres odes chantées qui auraient été composées par Confucius au moment où il venait de quitter le pays de Lou (cf. H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 21 r°) ; elles ont été traduites par Legge, C. C., vol. I, Prolégomènes, p. 76-77 [css : édition/rechercher : ‘On leaving’]

Je ne citerai ici que la. première d’entre elles : après avoir quitté la capitale du pays de Lou, Confucius voulut lui jeter un dernier regard, mais il ne put le faire parce que la montagne Koei (cf. n. 232) s’interposait entre lui et la ville. Il dit alors :

J’ai voulu regarder de loin (la capitale de) Lou, 

— mais la montagne Koei me la cache ;

Dans ma main je n’ai pas de hache ;

Que puis-je contre la montagne Koei ?

D’après les explications que fournit le K’in ts-ao (cité dans le K’ong-tse tsi yen de Suen Sin-yen, chap. XII, à la fin), Confucius veut donner à entendre que Ki Hoan-tse s’est interposé entre lui et le prince, comme la montagne Koei entre lui et la ville ; il regrette de n’avoir pas eu en main assez de puissance pour faire périr Ki Hoan-tse ; il ne peut rien contre lui, non plus que contre la montagne Koei.

(259. ) Je n’ai retrouvé ce paragraphe dans aucun autre texte.

(260. ) La capitale de Wei était alors la ville de Ti-k’ieou, ainsi nommée parce qu’elle passait pour occuper l’emplacement de la ville de l’antique empereur Tchoan-hiu. Le Ta Ts’ing i t’ong-tche la place à 70 li au N.-E. de la s.-p. de Hoa (préf. de Wei-hoei, prov. de Ho-nan) ; elle était donc à l’O. de la préf. sec. de K’ai (préf. de Ta-ming, prov. de Tche-li).

(261. ) Mencius (v, a, 8) dit que, lorsque Confucius était dans le pays de Wei, il demeurait chez Yen Tch’eou-yeou. Il ne dit point que ce personnage fût le frère aîné de la femme de Tse-lou mais comme, aussitôt après l’avoir mentionné, il parle de la femme de Tse-lou, on comprend comment une erreur a pu se glisser dans le texte de Se-ma Ts’ien.

(262. ) On ne sait de quelles mesures il est ici question. Tchang Cheou tsie veut que ces 60,000 mesures de grain aient équivalu à un traitement de 2,000 che à l’époque des Han, mais ce calcul paraît fort arbitraire.

(263. ) La capitale de l’État de Tch’en correspond à la préfecture actuelle de Tch’en-tcheou, dans la province de Ho-nan.

(264. ) Dans le voisinage de la s.-p. de Tch’ang-yuen (préf. de Ta-ming, prov. de Tche-li). K’oang appartenait alors au pays de Song.

(265. ) Yen K’o, dont l’appellation était Tse-kiao, était originaire du pays de Lou ; il était de cinquante ans plus jeune que Confucius, ce qui explique l’imprudence du propos qu’il va tenir. Cf. Kia yu, § 38.

(266. ) Cette parole pouvait faire croire aux gens de K’oang que les voyageurs avaient autrefois pris part à un assaut dirigé contre leurs murs.

(267. ) Luen yu, XI, 22.

(268. ) Ce texte du Luen yu me paraît établir que les disciples de Confucius avaient, comme lui-même, une foi invincible dans sa mission divine. De même que Confucius va se déclarer inviolable puisque le Ciel a fait de lui le dépositaire de la perfection, de même Yen Yuen est persuadé qu’il ne mourra pas tant que son maître sera en vie et aura besoin de lui. — L’interprétation que propose Lieou Pao-nan (S. H. T. K. K., chap. 1064, p. 17 v°) est plus terre à terre : Yen Yuen était arrivé en retard, soit parce qu’il s’était caché, soit parce qu’il avait pris des chemins détournés afin d’échapper au péril ; il explique sa conduite à son maître en lui disant : Je savais bien que vous étiez resté vivant et c’est pourquoi je n’ai pas jugé nécessaire de m’exposer à la mort. Yen Yuen savait en effet que les gens de K’oang ne voulaient pas de mal à Confucius et que la méprise qui leur avait fait confondre Confucius avec Yang Hou ne tarderait pas à se dissiper.

(269. ) Luen yu, IX, 5.

(270. ) C’est-à-dire en lui-même, Confucius.

(271. ) Moi qui suis le successeur du roi Wen, lequel est mort.

(272. ) Ning Ou-tse est mentionné dans le Luen yu (V, 20) ; il était bien un officier du pays de Wei, mais il vivait à la fin du VIIe siècle de notre ère et était mort depuis plus de cent ans lorsque Confucius fut arrêté par les gens de K’oang. Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 21 v°) n’a pas manqué de signaler le grave anachronisme que commet ici Se-ma Ts’ien. D’après une autre tradition qui est rapportée dans le Kia yu (§ 22, k’oen che), dans le Han che wai tchoan (chap. VI, p. 11 v°-12 r°), et dans le Chouo yuan (chap. XVII, tsa yen, p. 10 v°), Confucius, que les gens de K’oang avaient pris pour Yang Hou, était cerné avec ses disciples par une bande d’hommes armés que commandait un certain Kien-tse ; il invita Tse-fou à chanter, tandis que lui-même l’accompagnait de la voix ; au bout du troisième air, le cercle hostile qui les enserrait se dispersa. Tchoang tse (chap. XVII) a embelli cette anecdote dont il a fait un récit de pure fantaisie (cf. Legge, SBE, vol. XXXIV, p. 385-387).

(273. ) D’après le Kouo ti che, l’ancienne ville de P’ou était à 15 li au nord de la s.-p. de K’oang-tch’eng qui n’est autre que la ville même de K’oang où Confucius fut mis en péril ; cf. n. 264 ; Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 21 r°) identifie P’ou avec la s.-p. actuelle de Tch’ang yuen.

(274. ) K’iu Yuen, dont l’appellation est Po-yu, est considéré comme un des disciples de Confucius. Il exerçait des fonctions publiques dans l’État de Wei ; la tradition veut que, dès l’année 544 av. J.-C., il ait conversé avec le fameux Ki-tcha, envoyé du roi de Ou (cf. t. IV, p. 14, ligne 3). Il est mentionné à deux reprises d’une manière fort élogieuse dans le Luen yu (XIV, 26  ; XV, 6).

(275. ) Nan-tse était célèbre pour sa dépravation. En 496, la rumeur populaire l’accusait formellement d’entretenir des rapports incestueux avec son frère Tchao (cf. Tso tchoan, 14e année du duc Ting, texte cité dans notre tome II, n. 06.398). Ce Tchao était d’une beauté remarquable (Luen yu, VI, 14). — D’après Se-ma Ts’ien, Confucius paraît s’être trouvé dans le pays de Wei en 495 (voyez plus loin, n. 286) ; d’après les recherches de Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 23 r°), cette date devrait être l’année 496. Dans l’une et dans l’autre de ces hypothèses, la conduite scandaleuse de Nan-tse était de notoriété publique au moment où Confucius lui rendit visite.

(276. ) [] est le nom par lequel se désigne la femme d’un prince en présence d’un seigneur (Li ki, chap Kiu li, I, 2, § 19).

(277. ) Confucius ne voyait pas la princesse qui était dissimulée derrière un voile, mais, en entendant le son de ses bijoux qui s’entrechoquaient, il comprit qu’elle lui rendait par deux fois son salut. Si l’anecdote paraît peu édifiante aux admirateurs de Confucius, elle ne manque pas du moins d’une certaine grâce.

(278. ) Luen yu, VI, 26.

(279. ) Le mot « flèche » a ici le sens de s’expliquer directement ou franchement, comme une flèche qui va droit au but.

(280. ) J’adopte ici l’explication du commentateur Loan Tchao, cité par Se-ma Tcheng : Confucius reconnaît qu’il a fait une faute, mais elle lui a été imposée par le Ciel ; il n’était pas plus libre d’agir à son gré que le roi Wen lorsqu’il était emprisonné à Yeou-li. Legge, dans sa traduction du Luen yu (VI, 26), a suivi une autre interprétation qui est celle des commentaires officiels du texte classique : la formule est une formule de serment ou d’imprécation (cf. t. IV, p. 86, n. 1) ; d’autre part le mot [] a le sens de « rejeter, abandonner » et (c’est ici que l’explication me paraît arbitraire) le mot [] équivaut à « moi » ; Confucius jure donc avec imprécations qu’il n’a rien fait de mal, et il dit :

— Si j’ai mal fait, que le Ciel me rejette ! que le Ciel me rejette !

(281. ) C’est la présence de l’eunuque dans le même char que le duc qui paraît avoir été le principal motif de scandale. Voyez la lettre de Se-ma Ts’ien à Jen Ngan (t. I, Introduction, p. CCXXVIII, lignes 11-13).

(282. ) Littéralement -. « il chargea Confucius de constituer le second équipage ». D’après le Kia yu (§ 38, Tsi che eul ti tse), c’est Yen K’o (cf. n. 265) qui était en cette occasion le cocher de Confucius.

(283. ) Luen yu, IX, 17.

(284. ) En voyant que, par amour pour Nan-tse, le prince de Wei commet les actes les plus répréhensibles, Confucius regrette que l’amour pour la vertu ne puisse exercer une aussi grande influence sur le cœur des hommes.

(285. ) La capitale de Ts’ao correspond à la s.-p. actuelle de Ting-t’ao (préf. de Ts’ao-tcheou, prov. de Chan-tong). Cette principauté était alors encore indépendante, car ce n’est qu’en 487 qu’elle fut anéantie par le royaume de Song (cf. t. IV, p. 168).

(286. ) Précédemment, Se-ma Ts’ien nous a dit que Confucius exerça les fonctions de conseiller dans le pays de Lou en 496 ; comme il séjourna ensuite une première fois dix mois et une seconde fois un mois dans le pays de Wei, il ne put quitter pour la seconde fois ce pays qu’en 495 au plus tôt. Se-ma Ts’ien est donc bien ici conséquent avec lui-même. Mais d’autres témoignages de lui ne se laissent pas concilier avec ces dates ; c’est ainsi que, dans les Tableaux chronologiques et dans le chapitre sur Tch’en (t. IV, p. 181), l’historien dit que K’ong tse alla dans le pays de Tch’en en 496 ; or il n’alla dans le pays de Tch’en qu’après avoir quitté le pays de Wei et par conséquent il n’était même pas resté jusqu’à la fin de l’année 496 dans ce dernier pays. Il ne paraît guère possible de fixer cette chronologie un peu trop flottante.

(287. ) Aujourd’hui, ville préfectorale de Koei-, prov. de Ho-nan.

(288. ) Luen yu, VII, 22.

(289. ) Ici encore Confucius affirme que la mission divine dont il a été chargé par le Ciel le met à l’abri de tout péril (cf. p. 333).

Dans le chapitre sur Song (t. IV, p. 245), Se-ma Ts’ien dit que Confucius s’en alla sous un déguisement ; en outre, il assigne cet événement à l’année 492, date qui est inconciliable avec celle de 496 qu’il dit être celle de la venue de K’ong-tse dans le pays de Tch’en (t. IV, p. 101). En effet, Confucius ne se rendit dans le pays de Tch’en qu’après avoir passé dans celui de Song. — Sur Hoan T’oei, voyez Tso tchoan, 14e année du duc Ngai.

(290. ) La capitale de Tcheng correspond à la s.-p. actuelle de Sin-tcheng (préf. de K’ai-fong, prov. de Ho-nan).

(291. ) Le paragraphe qu’on va lire se retrouve dans le Kia yu22, k’oen che), dans le Po hou t’ong (chap. III, section cheou ming, de Pan Kou, † 92 ap. J.-C.), dans le Luen heng (chap. III, section hou siang, à la fin) de Wang Tch’ong (27-97 ap. J.-C.), et, sous une forme notablement différente, dans le Han che wai tchoan (chap. IX) de Han Yng (vers 150 av. J.-C. ; cf. Mém. hist, chap. CXXI),

(292. ) Le Kia yu dit : « en dehors de la porte du faubourg oriental ».

(293. ). Le Kia yu ajoute ici :

« il a une stature de neuf pieds six pouces ; il a des yeux comme le fleuve (c’est-à-dire grands et de forme très régulière, dit le commentaire) et un front élevé ».

(294. ) Le Kia yu, le Luen heng et le Po hou t’ong donnent tous trois la leçon « par la tête ».

(295. ) Kao-yao est réputé comme un des plus sages ministres de l’empereur Choen ; cf. t. I, p. 150 et suiv.

(296. ) Tse-tch’an fut conseiller du prince de Tcheng et fut célèbre pour ses vertus. Il mourut en 496 et fut regretté de Confucius qui l’avait connu personnellement dans le pays de Tcheng (cf. t. IV, p. 489-482). Quand Confucius arriva dans le pays de Tcheng, Tse-tch’an venait de mourir, si on accepte la date de 495 comme étant celle de la venue de Confucius dans le pays de Tcheng.

(297. ) Yu le Grand, le fameux empereur dont les travaux sont légendaires.

(298. ) Dans une famille où la mort vient de pénétrer, chacun est dans l’affliction et ne boit ni ne mange ; le chien ne reçoit plus le traitement auquel il est habitué et se trouve tout déconcerté. Confucius, séparé de ses disciples, paraissait embarrassé, et c’est pourquoi on le compare à un chien qui ne sait que devenir dans une famille en deuil où chacun s’occupe du mort. La comparaison plut à Confucius qui errait vainement par le monde à la recherche d’un prince sage et qui se sentait désorienté dans une époque où ne régnait pas la justice. Voyez ci-dessous le texte du Han che wai tchoan.

(299. ) « la dernière chose », donc la moins importante. Le Kia yu, le Po hou t’ong et le Luen heng écrivent « en ce qui concerne la forme extérieure du corps, ce n’est pas encore cela », c’est-à-dire la description est imparfaite.

(300. ) Dans le Han che wai tchoan (chap IX) de Han Yng, cette anecdote est racontée d’une manière bien différente :

« K’ong-tse étant sorti par la porte orientale de la capitale du pays de) Wei, vit Kou-pou Tse-k’ing qui s’avançait à sa rencontre ; il dit (à ses disciples) :

— Vous autres, menez le char de manière à laisser la voie libre ; voici venir un homme qui certainement sera celui qui lira sur ma physionomie, notez bien (ce qu’il dira). 

Kou-pou Tse-K’ing dit de son côté (à ceux qui l’accompagnaient) :

— Vous autres, menez le char de manière à laisser la voie libre ; voici venir un homme saint.

K’ong-tse descendit (de son char) et se mit à marcher ; Kou-pou Tse-K’ing l’observa pendant qu’il venait à sa rencontre pendant cinquante pas et il le considéra pendant qu’il s’éloignait de lui pendant cinquante pas. Il se retourna vers Tse-kong et lui dit :

— Qui est cet homme ?

Tse-kong répondit :

— C’est mon maître, à moi Se ; c’est celui qu’on appelle K’ong K’ieou, de Lou.

Kou-pou Tse-K’ing répliqua :

— Ah ! c’est Kong K’ieou, de Lou ; certes j’ai entendu parler de lui.

Tse-kong demanda :

— Que pensez-vous de mon maître ?

Kou-pou Tse-K’ing dit :

— Il a le front de Yao, les yeux de Choen, le cou de Yu, la bouche de Kao-Sao ; à le regarder par devant, i1 est très majestueux et semble quelqu’un qui doit régner ; à le regarder par derrière, ses épaules sont hautes et son épine dorsale est faible ; en cela seulement il n’est pas l’égal des quatre personnages saints (que je viens de citer).

Tse-kong ayant soupiré, Kou-pou Tse-K’ing lui dit :

— Pourquoi vous affliger ? (ici deux phrases que je ne comprends pas. Quand on le regarde de loin, il est embarrassé comme le chien d’une famille où il y a un mort. Pourquoi vous affliger ?

Tse-kong rapporta ces paroles à K’ong-tse ; K’ong-tse n’eut rien à y reprendre ; il refusa seulement (de s’appliquer la parole relative au) chien d’une famille où il y a un mort, et dit :

— Moi K’ieou, comment oserais-je (m’appliquer cette comparaison ?)

Tse-kong lui dit :

— (Il répète les deux phrases peu claires citées plus haut) ; cela je comprends (pourquoi vous l’acceptez) ; mais je ne sais ce qui vous fait refuser la phrase relative au chien d’une maison où il y a un mort.

Le Maître lui répondit :

— Ne voyez-vous donc pas comment est le chien d’une famille où il y a un mort ? (Les gens de cette famille) sont occupés à habiller le mort dans son cercueil et à le placer dans le second cercueil ; ils disposent les ustensiles pour sacrifier ; (quand le chien) regarde autour de lui, il ne voit personne et il a l’intention de veiller à tout (c’est-à-dire que, en l’absence de toute personne vaquant aux occupations habituelles de la famille, c’est le chien qui sent qu’il doit veiller à tout). (De même, maintenant), en haut il n’y a pas de souverain intelligent ; en bas il n’y a pas d’hommes sages et de chefs locaux ; la conduite des rois s’est pervertie ; le bon gouvernement et l’instruction se sont perdus ; les forts oppriment les faibles ; le grand nombre est cruel envers ceux qui sont isolés ; le peuple se livre à tous ses désirs et il n’y a personne pour lui imposer une règle. C’est pourquoi certes on voudrait que ce soit moi K’ieou qui joue ce rôle (de souverain et de régulateur ; comment oserais-je (l’assumer) ? »

On voit que, dans ce texte, contrairement à ce que dit Se-ma Ts’ien, Confucius refuse de se laisser assimiler au chien d’une maison où il y a un mort, car il comprend cette expression comme signifiant qu’il est appelé à prendra la place d’un véritable souverain.

(301. ) Aujourd’hui, ville préfectorale de Tch’en-tcheou (prov. de Ho-nan).

(302. ) Le même témoignage nous est donné par Mencius (V, a, 8). — Tcheng est le nom posthume d’un officier qui était alors au service du prince de Tch’en, mais qui, par la suite, se rendit dans le pays de Song où il exerça les fonctions de surveillant des remparts ; il n’avait pas encore cette charge quand Confucius logeait chez lui.

(303. ) Cf. t. IV, p. 181, lignes 20-21.

(304. ) D’après Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 22 v°-23 r°), tous ces événements devraient être rapportés à l’année 494. C’est en effet en 494 que Tchao Yang (Tchao Kien-tse) attaqua les chefs des familles Fan et Tchong-hang à Tchao-ko (cf. t. V, p. 38) ; et c’est aussi en 494 que Fou-tch’ai, roi de Ou, cerna Keou-ts’ien, roi de Yue, sur le mont Koei-ki (cf. t. IV, p. 25-26 et p. 420-423). Mais ce n’est qu’en 493, d’après le chapitre sur la principauté de Ts’ai, que le marquis de Ts’ai fut assiégé par le roi de Tch’ou et se transporta sur le territoire de Ou (cf. t. IV, p. 161).

(305. ) Kouo yu ; Lou yu, b, chap. V, p. 6 v°)

(306. ) Le mot est un terme assez vague qui désigne plusieurs sortes de petits oiseaux de proie. — L’anecdote qu’on va lire est tirée du Kouo yu et se retrouve dans le Kia yu, (§ 16, pien ou).

(307. ) L’arbre hou est mentionné dans le tribut de Yu comme se trouvant dans le Hou pe et le Hou-nan actuels.

(308. ) Dans le tribut de Yu le mot apparaît à deux reprises comme désignant des pointes de flèche en pierre ; cf. t. I, p. 123 et 129. — Dans le San kouo tche (section Wei tcho, chap. IV, p. 13 r°), il est dit que, en l’année 262 de notre ère, le gouverneur du Leao-tong informala Cour des Wei que le royaume des Sou-chen avait envoyé en tribut 30 arcs longs de 3 pieds et 5 pontes, 300 flèches en bois hou, longues de 1 pied et 8 pouces et munies d’une pointe en pierre, etc. — On voit par ce texte du San kouo tche, que sept siècles et demi après le séjour de Confucius dans le pays de Tch’en, les Sou-chen occupant la Mandchourie continuaient à se servir des flèches singulières dont Confucius sut reconnaître l’origine quand on lui en présenta un spécimen.

(309. ) Le duc Min, de Tch’en, régna de 501 à 478. C’est par erreur, semble-t-il, que le Kouo yu et le Kia yu font intervenir ici le duc Hoei qui régna de 533 à 506.

(310. ) Il a dû en effet être blessé dans le pays des Sou-chen.

(311. ) Les Sou-chen sont mentionnés dans la Préface du Chou king (Legge, C. C., vol. III, p. 12) comme des barbares de l’Est qui vinrent rendre hommage au roi Tch’eng, de la dynastie Tcheou. Se-ma Ts’ien, citant ce passage de la Préface du Chou king, donne la leçon Si-chen (t.I, p. 249). Dans une fort curieuse pièce officielle de l’année 533 av. J.-C. qui nous a été conservée par le Tso tchoan (9e année du duc Tchan), les Sou-chen figurent dans l’énumération des pays qui sont au nord des possessions de la dynastie Tcheou. Nous avons peut-être dans ce nom des Sou-chen la plus ancienne transcription chinoise du nom du peuple Joui-tchen qui, comme l’on sait, était étroitement apparenté aux Mandchous modernes.

(312. ) Le roi Ou.

(313. ) Le texte paraît être ici tronqué. Il faut le rétablir comme suit, d’après le Kouo yu et le Kia yu :

« L’ancien roi, dans le désir de montrer clairement que sa vertu excellente attirait les éloignés, et afin de faire voir aux hommes futurs un exemple qu’ils pussent éternellement contempler, grava ces mots sur la coche de ces flèches : Flèche apportée en tribut par les Sou-chen. Il les donna en partage à Ta-ki...  »

(314. ) Ta-ki ou Ki l’aînée était la fille aînée du roi Ou.

(315. ) Le premier prince de Tch’en était un descendant de Choen (appelé aussi Yu) ; cf. t. IV, p. 169.

(316. ) Dans le Kouo yu, Confucius termine son discours en disant :

— O prince, si vous chargez un officier de faire des recherches dans les anciens magasins (du palais), vous devrez trouver (ces flèches).

On chargea des gens de faire ces recherches et ils trouvèrent (ces flèches), comme (l’avait dit Confucius), dans le coffre bardé de métal.

Ainsi, en voyant la flèche dont est mort un épervier, Confucius déclare que cet oiseau a dû être blessé dans le pays de Sou-chen et il prouve l’exactitude de son dire en faisant rechercher dans les dépôts officiels du pays de Tch’en les antiques flèches des Sou-chen qui y étaient conservées depuis l’origine de la principauté.

(317. ) Mencius (VII, b, 37)

(318. ) Mencius (VII, b, 37) cite cette même parole de Confucius :

« Wang Tchang demanda :

— Quand K’ong-tse était dans le pays de Tch’en, il dit : « Pourquoi K’ong-tse, se trouvant dans le pays de Tch’en, pensait-il aux étudiants trop ardents du pays de Lou ?  »

Si on examine la suite du récit de Se-ma Ts’ien, on s’aperçoit qu’en réalité Confucius ne manifesta à cette époque aucune velléité de retourner dans le pays de Lou. D’autre part, plus loin, à la date de l’année 492, Se-ma Ts’ien rapporte que Confucius, étant de nouveau dans le pays de Tch’en et songeant réellement à rentrer dans sa patrie, tint le langage suivant […] ; Cette citation est tirée textuellement du Luen yu (V, 21). Comme le fait remarquer Se-ma Tcheng, le texte de Mencius et celui du Luen yu sont en réalité deux leçons d’un seul et même propos de Confucius, et c’est à tort que Se-ma Ts’ien en fait deux paroles distinctes que Confucius aurait prononcées à deux dates différentes. — Si maintenant nous considérons la leçon de Mencius, qui est la première de Se-ma Ts’ien, nous y trouvons le sens suivant : Confucius, ne parvenant point à découvrir dans les divers royaumes étrangers qu’il a parcourus les hommes sages qui mettraient en pratique sa doctrine, songe à retourner dans son pays où du moins ceux qui ont embrassé son parti ont certaines qualités : ils sont ardents, mais négligents ; ils sont tout disposés à aller de l’avant pour saisir la sagesse, mais en même temps ils n’oublient pas leur ancienne nature et retombent dans leurs défauts coutumiers. — Dans le texte du Luen yu, Confucius dit que ses disciples du pays de Lou sont ardents, mais négligents, qu’ils réalisent parfois avec élégance la perfection, mais qu’ils ne savent comment régler leur activité.

(319. ) Cf. n. 273.

(320. ) Le Kia yu (§ 22, k’oen che), qui présente aussi ce récit, dit :

« K’ong-tse se rendit dans le pays de Wei ; le chemin passait par P’ou ; or en ce moment, le chef de la famille Kong-chou s’était révolté dans cette ville contre Wei.

On comprend dès lors pourquoi les gens de P’ou arrêtèrent Confucius.

(321. ) Cf. n. 263.

(322. ) Le Kia yu donne une leçon plus vraisemblable en disant :

« Il tira son épée et réunit une troupe avec laquelle il se proposait de livrer bataille.

(323. ) La porte orientale s’ouvrait sur une route qui ne menait pas à la capitale de Wei, puisque celle-ci était droit au nord de P’ou ; cf. n. 260, n. 273, et n. 320.

(324. ) La ville de P’ou faisant partie de l’État de Wei, et Confucius ayant dû dissimuler la direction qu’il prenait lorsqu’il sortit de cette ville, il est vraisemblable que c’est à cet incident que font allusion Tchoang tse (chap. XX ; Legge, SBE, vol. XL, p. 34) et Lie-tse (chap. VII, p. 10 r°) lorsqu’ils disent que Confucius « cacha la trace de ses pas dans le pays de Wei »

(325. ) Dans le Kia yu, Confucius répond :

— On m’a fait violence pour m’imposer un serment ; ce n’était pas justice.

On peut rapprocher de la réponse que fait ici Confucius le passage suivant du Tso tchoan (9e année du duc Siang, 564 av. J.-C.) où la même théorie est soutenue à propos de la violation d’un serment extorqué par la force :

« Dans un serment imposé par la violence, il n’y a pas de vérité et les dieux n’y sont pas présents. ils ne sont présents que là où il y a sincérité ; la sincérité est le joyau des paroles et le principe de toute excellence ; aussi les dieux sont-ils présents (là où elle se trouve). Les dieux claivoyants n’ont pas rendu pur un serment imposé par la violence ; il est permis de le rompre.

(326. ) Le Kia yu (§ 22, k’oen che) dit :

— Mes grands officiers estiment que P’ou est ce en quoi Wei se confie contre Tsin et Tch’ou. L’attaquer, n’est-ce pas une chose qu’on ne doit pas faire ?

En d’autres termes, P’ou est la ville qui sert à Wei de forteresse avancée et qui le protège contre les attaques de Tsin et de Tch’ou. Ne serait-ce pas folie, de la part de Wei, de se l’aliéner définitivement en l’attaquant ?

(327. ) « mourir de cela ou pour cela » est une expression très elliptique qui signifie qu’on est prêt à sacrifier sa vie pour une cause, ici pour la patrie.

(328. ) Le Kia yu omet la phrase : « Les femmes désirent protéger le Si-ho ».

— Le Hoang-ho passait alors à l’ouest de la ville de P’ou (cf. t. III, p. 526, carte) ; le Si-ho ou Ho occidental (qu’il ne faut pas confondre avec le Si-ho du pays de Tchao ; cf. t. V, n. 43.402. ) était ainsi le territoire sur lequel se trouvait la ville même de P’ou.

— Le sens est celui-ci : Dans la ville de P’ou, les hommes sont prêts à faire le sacrifice de leur vie pour leur prince ou leur patrie ; ils sont donc restés fidèles dans le fond de leur cœur au duc Ling ; quant aux femmes, leur seul désir est que le territoire dans lequel est située la ville de P’ou soit à l’abri des troubles. Si donc le duc Ling attaque la ville de P’ou, il n’aura aucune peine à la soumettre car il n’y trouvera guère que quatre ou cinq hommes qui soient résolus à faite cause commune avec le rebelle Kong-chou.

(329. ) Luen yu, XIII, 10.

(330. ) Cette indication est prématurée, car les trois paragraphes qui vont suivre se rapportent encore au séjour de Confucius dans le pays de Wei.

(331. ) La ville de Tchong-meou était à l’ouest de la s.-p. de T’ang yn (préf. de Tchang-té, prov. de Ho-nan). Cette ville devait appartenir aux familles Fan et Tchong-hang, et non à Tchao Kien-tse comme le dit par erreur le commentaire attribué à K’ong Ngan-kouo (S. H. T. K. K., chap. 628, p. 12 r°).

(332. ) Luen yu, XVII, 7.

(333. ) Tse-lou intervient ici de la même manière que lors de l’invitation adressée par Kong-chan Pou-nieou à Confucius ; cf. p. 318.

(334. ) De même, celui qui est vraiment un sage pourra entrer en con tact avec des hommes pervers sans que son caractère en soit altéré.

(335. ) Je suis ici l’explication qui est généralement acceptée par les commentateurs chinois : une calebasse peut rester toujours pendue au même endroit parce qu’elle ne mange ni ne boit ; Confucius au contraire est un être qui mange et qui par conséquent doit se déplacer. — D’après une autre explication, serait ici l’équivalent de « qu’on ne peut manger ». Aussi Legge (C. C., vol. I, p. 18) propose-t-il la traduction suivante :

— Am I a bitter gourd ! How can I he hung up out of the way of being eaten ?

Le sens est alors que Confucius désire être employé à des fonctions publiques et ne pas être semblable à une courge amère qui reste suspendue à l’endroit où elle a poussé parce qu’elle est immangeable. Cette interprétation ingénieuse n’est pas sans faire quelque violence au texte, car les mots [] signifient « qui ne mange pas », et non « qui n’est pas mangeable » ; elle peut cependant être confirmée par un texte du Kouo yu (section Lou yu, b, p. 2 r°)

« la courge amère n’est pas conformée pour l’homme (c.-à-d., comme l’explique Wei Tchao, qu’on ne peut la manger) ; elle sert donc seulement à passer l’eau (c.-à-d., dit Wei Tchao, que ceux qui veulent traverser une rivière s’attachent de ces courges au corps afin de surnager).

Ce texte peut d’ailleurs fournir une interprétation nouvelle du mot dans le passage du Luen yu cité par Se-ma Ts’ien ; on traduira en effet ce passage ainsi :

— Suis-je une calebasse qu’on peut s’attacher (au corps), mais qu’on ne peut pas manger.

Cette traduction a le mérite de faire disparaître la difficulté qu’il y avait à considérer comme un verbe passif, car ce n’est plus « la calebasse », c’est « on » qui devient le sujet des verbes. D’autre part cependant ce sens me paraît peu satisfaisant, puisqu’il fait évanouir l’idée de « rester suspendu en un même endroit », idée qui est essentielle pour expliquer la parole de Confucius.

— Sur l’emploi que les Chinois font des gourdes pour surnager sur l’eau, voyez dans le Che king les deux premiers vers de l’ode 9 du livre III de la section Kouo fong.

— Comme lors de l’invitation de Kong-chan Pou-nieou (cf. p. 318 ), Confucius, cette fois encore, suivit les sages avis de Tse-lou.

(336. ) Luen yu, XIV, 42.

(337. ) Le texte du Luen yu nous apprend que Confucius se trouvait alors dans le pays de Wei. L’homme qui portait un panier pour les herbes était un sage qui, dégoûté de la vie active, se cachait-dans une humble situation ; en entendant jouer Confucius, il reconnaît aussitôt son grand cœur, mais, un instant après, il discerne dans cette musique l’opiniâtreté de caractère qui faisait que Confucius s’obstinait à tenter d’obtenir un emploi officiel ; il l’en blâme et lui conseille de se résigner puisque personne ne sait reconnaître ses éminentes qualités. Dans le Luen yu, Confucius répond que cette résignation n’est pas chose difficile ; il donne à entendre par là que le sage ne doit pas se satisfaire d’une abdication qui serait trop aisée, mais qu’il doit lutter quelles que soient les résistances qu’il rencontre. Nous voyons ici l’opposition de la morale taoïste à la morale confucéenne.

(338. ) Han che wai tchoan, chap. V. Kia yu, § 35.

(339. ) Tout le paragraphe qui suit se retrouve aussi dans le Kia yu (§ 35) ; mais le Kia yu, sous sa forme actuelle, date du IIIe siècle de notre ère et ne peut donc être considéré comme une des sources directes des Mém. hist. Il n’en est pas de même du Han che wai tchoan que Se-ma Ts’ien a dû connaître puisqu’il en parle dans la biographie de Han Yng (chap. CXXI, p. 3 v°-4 r°).

(340. ) Le Kia yu (§ 35) ajoute ici :

Siang-tse lui dit :

— Quoique ma fonction officielle soit de jouer de la pierre sonore, cependant je m’entends aussi au luth.

Dans le paragraphe du Luen yu (XVIII, 9) où il est parlé des maîtres de musique de Lou qui se dispersèrent à l’étranger, Siang-tse, est en effet qualifié comme un joueur de pierre sonore.

(341. ) Cette parole de Siang-tse est omise dans le Han che wai tchoan qui ajoute par contre ceci :

« Quelque temps après, (Siang-tse) lui dit : 

— Maître, vous pouvez aller plus avant.

(K’ong-tse) répondit :

— Moi K’ieou, j’ai saisi qui était cet homme, mais je n’ai point encore saisi de quelle sorte il était.

Au bout de quelque temps, il dit :

— Dans le recul des âges regardant au loin, (je vois) un homme très majestueux et très ordonné ; c’est certainement lui qui a fait cette musique...

(342. ) Le visage sombre du roi Wen indique la profondeur de ses pensées. C’est sans doute pour la même raison que, dans les représentations qu’on fait de Confucius, on donne parfois à son visage une teinte très foncée (cf. Legge, C. C., vol. I, Prolégomènes, p. 89, lignes 17-19 et n. 3 [css : édition/rechercher : ‘swarthy’]).

(343. ) La métaphore peut paraître au premier abord bizarre. Mais nos littérateurs n’ont-ils pas souvent parlé du regard profond et rêveur des bœufs ?

(344. ) Le Han che wai tchoan dit :

— Silencieux, il est extraordinaire ; de haute taille, il est grand. Il est celui qui règne sur le monde et qui reçoit l’hommage des seigneurs. N’est-il pas le roi Wen ?

(345. ) Il se lève de son siège en signe de respect.

(346. ) Cette phrase montre que, jusqu’ici, Confucius n’avait pas encore quitté le pays de Wei. Cf. n. 330.

(347. ) En réalité, comme on va le voir, Confucius ne put mettre à exécution ce projet et il n’alla jamais dans le pays de Tsin.

(348. ) Le Hoang ho passant alors à l’ouest de la capitale du pays de Wei, il fallait traverser ce fleuve pour aller du pays de Wei dans le pays de Tsin. — Depuis les mots « arrivé au fleuve... » jusqu’aux mots «... afin d’exprimer son affliction à ce sujet », ce texte se retrouve dans le § 22 du Kia yu.

(349. ) Le Kia yu appelle ce personnage Teou Tch’eou Ming-tou. Le Kouo yi, chap. XV, p. 4 r° (section Tsin yu, dernière partie) mentionne en effet Teou Tch’eou, qui était un grand officier de Tsin. Il semble donc bien que, comme l’indique Se-ma Tcheng, Teou soit ici le nom de famille, Tch’eou le nom personnel, et Ming-tou l’appellation. On verra cependant que, dans le texte du Sin siu cité plus loin (p. 353), il est question de Tou Tch’eou et de To-ming comme de deux personnages distincts, tandis que Choen-hoa disparaît entièrement.

(350. ) Le k’i et le lin sont le mâle et la femelle d’un quadrupède fantastique, dont la venue est de bon augure.

(351. ) Le dragon kiao assemble les nuages et fait tomber la pluie en mettant l’harmonie entre les deux principes fondamentaux de la nature.

(352. ) Le fong et le hoang sont, pour les oiseaux, ce que le k’i et le lin sont pour les quadrupèdes.

(353. ) Le commentaire du San kouo tche (section Wei tche, chap. XXI, p. 6 v°) cite un passage du Sin siu de Lieou Hiang qui rapporte la même anecdote. En voici le début :

« Tchao Kien-tse, désirant devenir seul maître de tout l’empire, dit à son conseiller :

— Dans le pays de Tchao il y a Tou Tch’eou ; dans le pays de Tsin il y a To Ming ; dans le pays de Lou il y a K’ong K’ieou ; quand j’aurai tué ces trois hommes, je pourrai régner sur tout l’empire.

Alors il manda Tou Tch’eou et To Ming et les interrogea sur le gouvernement, puis il les fit périr. Il envoya des émissaires inviter K’ong-tse dans le pays de Lou et venir à sa rencontre sur les bords du Ho en lui apportant en présent de la viande d’un bœuf gras. Les émissaires dirent aux bateliers :

— Quand K’ong K’ieou sera monté dans le bateau, au milieu du Fleuve, ne manquez pas de profiter du courant pour le faire périr.

Quand K’ong-tse fut arrivé, les émissaires lui communiquèrent l’ordre qu’ils avaient reçu et lui offrirent la viande du bœuf gras. K’ong-tse leva les yeux au ciel et dit en soupirant :

— Qu’elle est belle cette onde dont l’étendue est immense !...

La suite est fort analogue au texte de Se-ma Ts’ien. Il est à remarquer que ce passage du Sin siu ne se retrouve pas dans le Sin Siu tel qu’il nous est parvenu.

— Voyez encore la même anecdote dans le Chouo yuan (section k’iuan meou), dans le K’in ts’ao qu’on attribue à Ts’ai Yong, et dans le Commentaire du Choei king par Li Tao-yuan (Ho choei, partie 5).

(354. ) Cette localité de Tseou ne doit pas être confondue avec celle qui portait le même nom et qui se trouvait dans le pays de Lou.

(355. ) Ce chant est ici désigné par le nom de la localité où il fut composé. Le Kia yu l’appelle « l’air p’an » à jouer sur la cithare 1.

(356. ) Cf. n. 274.

(357. ) Luen yu, XV, 1.

(358. ) L’étal sert à disposer les viandes et !e vase teou contient les grains destinés aux sacrifices.

(359. ) Le Luen yu ajoute : « Le lendemain même (K’ong-tse) partit. » Le paragraphe qui suit immédiatement celui-ci dans le Luen yu rappelle l’aventure au cours de laquelle Confucius et ses disciples faillirent mourir de faim dans le pays de Tch’en ; aussi certains critiques, et notamment le célèbre Tchou Hi ont-ils pensé que cette aventure doit être placée ici, au moment où Confucius quitta le pays de Wei pour se rendre dans le pays de Tch’en ; mais, comme on le verra plus loin (n. 401), c’est à une date postérieure que Se-ma Ts’ien, avec raison semble-t-il, rapporte cet événement.

(360. ) Depuis les mots « .., s’entretenait avec K’ong-tse » jusqu’aux mots « K’ong-tse aussitôt partit », ce passage se retrouve dans le § 22 du Kia yu.

(361. ) Le Kia yu écrit : « et parut mécontent »

(362. ) Cf. n. 263.

(363. ) Tso tchoan, 2e année du duc Ngai.

(364. ) Cf. tome IV, n. 31.153.

(365. ) Se-ma Ts’ien suit ici fidèlement le récit du Tso tchoan (2e année du duc Ngai), ce qu’il n’avait pas fait dans le chapitre sur le royaume de Wei (cf. tome IV, n. 37.142).

— On sait que K’oai-wai était le fils du duc Ling et que, accusé d’avoir voulu faire périr la trop célèbre Nan-tse, il avait dû s’exiler en 496 ; il avait trouvé refuge dans le pays de Tsin auprès de Tchao Yang ou Tchao Kien-tse ; il s’y rencontra avec un autre exilé politique, Yang Hou, du pays de Lou, qui lui aussi s’était mis sous la protection de Tchao Kien-tse. En 493, lorsque le duc Ling mourut, son trône échut à son petit-fils Tcho, qui était le propre fils de K’oai-wai.

Cependant Tchao Kien-tse entreprit de faire rendre ses états à K’oai-wai ; s’il ne parvint pas à le réintégrer dans la capitale de Wei, il réussit du moins à l’installer dans la ville de Ts’i, à 7 li au N. de la préf. sec. de K’ai (préf. de Ta-ming, prov. de Tche-li). Yang Hou facilita la réussite de l’expédition par quelques mesures habiles ; il engagea K’oai-wai à prendre le bonnet de deuil afin qu’il se présentât, non en conquérant, mais en fils affligé qui vient recueillir la succession qui lui échoit par la mort de son père ; c’est pour la même raison que K’oai-wai fit son entrée dans la ville de Ts’i en pleurant ; d’autre part, pour faire croire que K’oai-wai revenait appelé par le désir de tout son peuple, Yang Hou imagina de faire porter les marques de deuil à une huitaine d’hommes qui passèrent pour être en deuil de leur prince défunt, le duc Ling, et pour venir de la capitale de Wei à la rencontre du prétendant légitime K’oai-wai.

(366. ) Cf. t. IV, n. 35.120. et n. 35.102. .

(367. ) Se-ma Ts’ien commet ici une légère confusion : il est bien exact que, la troisième année (492) du duc Ngai, K’ong-tse était âgé de 60 ans ; mais, d’autre part, tous les événements dont il a été question dans ce paragraphe sont de la deuxième année (493) du duc Ngai.

(368. ) C’est le duc Tch’ou, de Wei, qui attaquait dans la ville de Ts’i son propre père, l’héritier présomptif K’oai-wai ; voyez plus haut, n. 365.

(369. ) Nan-kong King-chou avait reçu les enseignements de Confucius (cf. p. 297). Le Tso tchoan (3e année du duc Ngai) décrit longuement la manière fort habile dont il organisa les secours lors de cet incendie.

(370. ) Se-ma Ts’ien écrit [], leçon obscure, puisque si Confucius avait appris ce qui s’était passé, il n’avait pas grand mérite à dire que les temples funéraires des ducs Hoan et Hi avaient été incendiés.

La leçon du Tso tchoan est préférable : Confucius, se trouvant dans le pays de Tch’en, fort loin par conséquent du pays de Lou, entend dire qu’un incendie a eu lieu dans la capitale de Lou ; la rumeur publique n’indique point encore quels édifices ont été détruits par le feu ; c’est alors que Confucius a le pressentiment que l’incen die a dû atteindre les temples funéraires des ducs Hoan et Hi, ce qui fut reconnu vrai par la suite.

Le Kia yu (§ 16) écrit : « K’ong-tse dit :

— Les édifices qui ont été atteints sont les temples funéraires des ducs Hoan et Hi.

Le marquis de Tch’en lui demanda :

— Comment le savez-vous ? 

K’ong-tse dit :

— D’après les rites, l’aïeul a de la gloire, et l’ancêtre a de la vertu ; c’est pourquoi on ne détruit pas leurs temples funéraires. Maintenant, la parenté (des ducs) Hoan et Hi est épuisée ; d’autre part, leur gloire et leur vertu ne sont pas suffisantes pour justifier le maintien de leurs temples funéraires. Cependant (le prince de) Lou n’a pas détruit (ces temples) ; c’est pourquoi ils ont été atteints par une calamité venue du Ciel.

Trois jours plus tard, un messager vint du pays de Lou, et, en l’interrogeant, on apprit que c’étaient en effet (les temples des ducs) Hoan et Hi (qui avaient été détruits par le feu) ».

— Pour comprendre ce texte, il convient de rappeler quelles étaient les règles rituelles concernant les temples funéraires. D’après le chapitre Tsi fa du Li ki (trad. Couvreur, t. II, p. 262-263), un prince féodal (tel que l’était le prince de Lou) avait droit à cinq temples funéraires. Le premier était consacré au premier ancêtre et ne devait jamais être détruit. Les quatre autres étaient consacrés respectivement au père défunt, au grand-père, au bisaïeul et au trisaïeul du prince régnant. Au bout de ces quatre générations, la parenté était considérée comme épuisée et, par conséquent, à chaque génération nouvelle, on devait détruire le temple du trisaïeul de la génération précédente pour le remplacer par celui du trisaïeul de la génération actuelle. Dans le texte du Kia yu, il est fait allusion à une coutume différente, car ici ce n’est pas seulement un temple, celui du premier ancêtre qui ne doit jamais être détruit ; deux temples jouissent en réalité de ce privilège : celui de l’aïeul et celui de. l’ancêtre : cette distinction entre l’aïeul et l’ancêtre est mentionnée dans un passage du chapitre Tsi fa du Li ki (tr. Couvreur, t. I, p. 258) où il est dit que les Tcheou honoraient Wen wang comme leur aïeul et Ou wang comme leur ancêtre.

— A la suite de ces explications, le texte du Kia yu devient clair : Confucius rappelle que les ducs Hoan et Hi n’ont eu ni la gloire ni la vertu du premier aïeul et du premier ancêtre et que, par conséquent, leurs temples funéraires n’étaient pas indestructibles comme le sont ceux du premier aïeul et du premier ancêtre ; d’autre part les ducs Hoan et Hi étaient les ancêtres, l’un à la huitième, l’autre à la sixième génération, du duc Ngai actuellement régnant dans le pays de Lou ; leur parenté était donc, comme on dit, épuisée (cf. plus haut, ligne 4 de cette note), et les rites exigeaient qu’on détruisit leurs temples funéraires. Les hommes ne s’étant pas acquittés de cette tâche, c’est le Ciel qui l’a accomplie en incendiant les deux édifices. Confucius savait que ces temples étaient voués à la destruction ; aussi devine-t-il aussitôt, quand il entend parler d’un incendie dans le pays de Lou, que ce sont eux qui ont dû être brûlés.

— Dans le Chouo yuan (section k’iuan meou), nous trouvons une version fort différente de cette même anecdote : Confucius étant dans le pays de Ts’i, auprès du duc King, un messager du pays des Tcheou, vient annoncer qu’un incendie a détruit un temple funéraire des Tcheou ; Confucius déclare aussitôt que ce temple doit être celui du roi Hi (681-677), ce qui fut reconnu ensuite exact. Confucius a deviné qu’il s’agissait du temple du roi Hi parce que le Ciel devait punir tôt ou tard ce souverain d’avoir violé les sages ordonnances des rois Wen et Ou et d’avoir vécu dans un luxe exagéré.

(371. ) Allusion à l’incident des musiciennes de Ts’i ; cf. p. 328-329.

(372. ) Jan K’ieou, appellation Tse-yeou, est un disciple de Confucius qui est mentionné à plusieurs reprises dans le Luen yu. Cf. Legge, C. C., t. I, Prolégomènes, p. 116, n° 5[css : édition/rechercher : ‘Zan Ch’iu’].

(373. ) Luen yu, V, 21.

(374. ) En voyant partir pour le pays de Lou son disciple Jan K’ieou, Confucius exprime son désir de retourner lui-même dans sa patrie afin de pouvoir donner une meilleure direction morale aux jeunes hommes de Lou qui sont disposés à pratiquer sa doctrine. Ce n’est que plus tard cependant que Confucius put donner suite à ce projet. — Dans une note précédente (n. 318), nous avons eu l’occasion de discuter le sens de ce propos de Confucius que Se-ma Ts’ien a déjà rapporté par erreur à une autre époque.

(375. ) En 493, le prince de Ts’ai avait transféré sa capitale à Tcheou-lai (appelé depuis lors Hia-is’ai), à 30 li au nord de la préf. sec. de Cheou (préf. de Fong yang, prov. de Ngan-hoei). C’est là que Confucius (si l’on s’en tient au présent texte de Se-ma Tsien) dut aller en 491. — Dans le chapitre sur le royaume de Tch’en (t. IV, p. 161), Se-ma Ts’ien fait venir Confucius à Ts’ai en 493, avant que la capitale eût été transportée à Tcheou-lai ; mais ce témoignage est inconciliable avec la chronologie de la biographie de Confucius.

— Nous résumerons plus loin la discussion fort ingénieuse de Kiang Yong qui conclut que, en 491, Confucius se rendit, non à Tcheou-lai, capitale de la principauté de Ts’ai, mais à Chang-ts’ai, ville qui, après avoir été l’ancienne capitale de la principauté de Ts’ai, était tombée au pouvoir du roi de Tch’ou.

(376. ) Cf. Tso tchoan, 4e année du duc Ngai.

(377. ) Le duc King, de Ts’i, ne mourut qu’en 490.

(378. ) Nous indiquons la date de 489 parce que nous admettons que l’année dont il s’agit est celle qui suivit l’année 490 où mourut le duc King (voyez la note précédente),

(379. ) Aujourd’hui s.-p. de Che (préf. de Nan-yang, prov. de Ho-nan.

Che appartenait alors au royaume de Tch’ou et c’est pourquoi, suivant la coutume de ce royaume, le gouverneur de cette ville portait le titre de k?ung (cf. tome II, n. 08.136 ; t. IV, p. 182, n. 3). Le Tso tchoan (4e année du duc Ngai) nous apprend que, en 491, le gouverneur de Che s’appelait Tchou-leang. C’est sans doute auprès de lui que se rendit Confucius en 490, D’autre part, dans le Tso tchoan, à la date de la 16e année du duc Ngai (479 ; cf. Se-ma Ts’ien, vol. IV, p. 182 et 382), il est longuement question du rôle que joua le gouverneur de Che pour rendre le trône au roi Hoei, de Tch’ou ; dans ce texte, nous voyons que le gouverneur de Che s’appelait Chen Tchou-leang et que son appellation était Tse-kao ; en outre, nous lisons que, au moment où les troubles survinrent, le gouverneur de Che était à Ts’ai ; il faut entendre par là que Chang-ts’ai, l’ancienne capitale du royaume de Ts’ai, était, comme la ville de Che dont elle était assez peu éloignée, une possession du royaume de Tch’ou et qu’elle était sous la juridiction du gouverneur de Che.

(380. ) Luen yu, XIII, 16.

(381. ) Le Luen yu dit : « rendre heureux ceux qui sont proches et attirer à soi ceux qui sont éloignés. »

Mo-tse (postérieur à Confucius et antérieur à Mencius) rapporte la réponse de Confucius d’une manière un peu différente (9 46, keng tchou) :

« Le gouverneur de Che, Tse-kao (cf. n. 379), interrogea Tchong-ni sur le gouvernement en lui demandant :

— Celui qui gouverne bien, comment agit-il ? 

Tchong-ni répondit :

— Celui qui gouverne bien attire près de lui ceux qui sont éloignés et rénove ceux qui sont trop anciens.

(382. ) Luen yu, VII, 18.

(383. ) Tse-lou ne sut comment lui répondre.

(384. ) Nom personnel de Tse-lou.

(385. ) Ces deux phrases sont tirées d’un autre passage du Luen-yu (VII, 2) où elles se présentent avec deux légères variantes.

(386. ) Tant il est préoccupé d’atteindre au but qu’il s’est proposé. — Confucius devait être alors àgé de 63 ans. — Dans Tchoang-tse (chap. Jen kien che ; trad. Legge, SBE, vol. XXXIX, p. 210-214), on trouvera une variation taoïste de pure fantaisie sur le thème d’un entretien de Confucius avec le gouverneur de Che.

(387. ) C’est donc sur le chemin de Che à Ts’ai qu’il faut placer la scène de l’anecdote qui va être racontée. Que Ts’ai soit ici Hia-ts’ai, comme le donne à entendre Se-ma Ts’ien qui en parle comme de la capitale de la principauté de Ts-ai, ou que ce soit Chang-ts’ai, comme le pense Kiang Yong, toujours est-il que Confucius, en quittant Che, dut se diriger vers le sud-est. Peut-être cependant la route, en sortant de Che, obliquait-elle d’abord légèrement vers l’ouest, ce qui permettrait d’admettre le témoignage que voici du Kouo ti tche (chap. VI, p. 5 r° et v°) :

« La montagne Hoang-tch’eng est appelée vulgairement montagne Ts’ai ; elle est à 25 li au sud-ouest de la sous-préfecture de Che (cf. n. 379) qui dépend de l’arrondissement de Hiu. Le mémoire sur les sépultures des sages dit : La montagne Hoang-tch’eng est l’endroit où labouraient Tch’ang-tsiu et Kie-ni ; au pied est un cours d’eau qui coule vers l’Est ; c’est l’endroit où Tse-lou demanda où était le gué.

(388. ) Luen yu, XVIII, 6.

(389. ) On explique ces deux noms comme signifiant « le longuement arrêté » et « le fermement. enfoncé. » Ces sobriquets s’appliquent à deux personnages dont on ne connaît ni le nom de famille ni le nom personnel ; on les désigne d’après l’attitude qu’ils avaient au moment où Confucius les rencontra ; occupés aux travaux des champs, l’un restait immobile à la même place ; l’autre avait les pieds enfoncés dans l’eau ou dans la boue. Peut-être aussi ces noms rappellent-ils que ces deux sages vivaient dans une retraite absolue, comme « enfoncés » dans l’obscurité, et « arrêtés » dans la solitude.

(390. ) Ce membre de phrase ne se trouve pas dans le Luen-yu ; de fait, il est inutile : la question de Confucius était parfaitement simple et ne comportait aucun sous-entendu ; elle ne présupposait point que ceux à qui on l’adressait étaient des sages.

(391. ) Cette demande prouve que la réputation de Confucius était grande.

(392. ) Un homme ordinaire pourrait ne pas connaître le gué ; mais Confucins a parcouiu l’empire dans toutes les directions ; il n’est pas un endroit où il ne soit allé ; il doit donc savoir où est le gué. Cette réponse est une critique de la conduite de Confucius allant de lieu en lieu pour chercher à s’employer.

(393. ) Il semble qu’en prononçant ces mots Kie-ni ait montré du doigt les eaux tumultueuses qui coulaient à peu de distance ; il compare l’empire à leur cours désordonné.

(394. ) C’est-à-dire : plutôt que de faire comme Confucius qui évite certaines personnes sous le prétexte qu’elles ne sont pas vertueuses, ne vaut-il pas mieux se retirer entièrement du monde ?

(395. ) Cette opération est celle qu’on pratique aujourd’hui avec la herse ; elle devait se faire autrefois avec la houe ou tout autre instrument analogue.

(396. ) Dans le Luen yu, Confucius complète sa pensée en disant :

« Si je ne me fais pas le compagnon des hommes tels qu’ils sont, avec qui frayerai-je ? » - Tchoang tse (chap. Chan mou ; Legge, SBE, vol : XL, p. 34 semble s’être souvenu de ce refus de Confucius de s’associer aux quadrupèdes et aux oiseaux, dans le passage où il le représente converti aux idées taoïstes et quittant ses disciples pour aller chez les animaux puis chez les oiseaux.

(397. ) Luen yu, XVIII, 7.

(398. ) Affirmation que les travaux de l’agriculture sont fort supérieurs à la recherche d’une vaine sagesse. Tse-lou ne peine pas dans les champs et ne s’occupe pas des cinq sortes de céréales ; il ne fait que suivre Confucius dans ses incessantes pérégrinations. Quand il demande où est le Maître, le solitaire affecte de ne pas même comprendre qui est ce Maître qui n’est qu’un passant sur la route.

(399. ) Cf. t. IV, n. 36.137. et p. 379. La ville de Tch’eng-fou appartenait au royaume de Tch’ou et défendait sa frontière septentrionale (cf. t. IV, p. 372, lignes 9-11). C’est de là que le roi de Tch’ou comptait partir pour aller au secours de Tch’en qui était plus à l’ouest. Tch’eng-fou était au nord de Che (cf. n. 379), et non éloigné de Chang-ts’ai et de Tch’en ; il est donc tout naturel que lorsque le roi de Tch’ou arriva dans cette ville, on lui ait parlé de Confucius qui se trouvait précisément entre Tch’en et Chang-ls’ai.

(400. ) Il n’est pas tout à fait exact de dire, comme Se-ma Ts’ien le fait ailleurs (tome IV, n. 36.138 et p. 380), que Confucius se trouvait alors à Tch’en, c’est-à-dire dans la capitale même du pays de Tch’en.

(401. ) Telle est la manière dramatique, mais peu vraisemblable, dont Se-ma Ts’ien (d’accord avec le Kia yu, § 20, qui paraît ici le suivre plutôt que lui servir de modèle) introduit le récit fameux concernant la situation presque désespérée où se trouvèrent Confucius et ses disciples dans la région comprise entre Tch’en et Ts’ai. Il est évident cependant, pour qui a étudié comment l’historien procède en composant la biographie de Confucius, que son témoignage peut être discuté. Ici, comme dans la plupart des autres cas, Se-ma Ts’ien était en présence de tout un cycle de traditions ayant trait à des incidents qui se passèrent entre Tch’en et Ts’ai ; mais ces traditions, qui étaient localisées dans l’espace ne l’étaient pas dans le temps ; c’est par une conjecture personnelle que Se-ma Ts’ien les rapporte à l’année 489 et les met en relation avec la venue du roi de Tch’ou à Tch’eng fou ; il est donc nécessaire d’examiner si cette explication est plausible. Le célèbre Tchou Hi (1130-1200) avait déjà fait remarquer à quelles difficultés elle se heurte en ce temps, Tch’en implorait le secours de Tch’ou contre Ou ; il ne devait donc rien faire qui pùt mécontenter le roi de Tch’ou, et quand ce souverain manifestait le désir d’appeler Confucius auprès de lui, ce n’était certes pas aux grands officiers de Tch’en à s’y opposer. Quant aux grands officiers de Ts’ai, ils étaient tout aussi incapables de nuire de propos délibéré à Confucius si le Ts’ai dont il s’agit était la ville de Chang-ts’ai qui était alors une possession du royaume de Tch’ou (cf. n. 379) ; il est vrai que pour Se-ma Ts’ien (cf. n. 387), Ts’ai est ici Hia-ts’ai ; mais cette manière de voir doit être abandonnée, car l’expression « la région comprise entre Tch’en et Ts’ai  » suppose que ces deux localités sont voisines l’une de l’autre ; or tel est le cas pour Tch’en et Chan-ts’ai, tandis qu’une grande distance sépare Tch’en de Hia-ts’ai. — L’intervention malveillante des grands officiers de Tch’en et de Ts’ai étant ainsi rejetée comme invraisemblable, il n’y a plus aucune raison pour rapporter à l’année 489 la mésaventure de Confucius. Tchou Hi propose la date de 492 qu’il justifie en montrant que d’après le Luen yu, XV, 1, Confucius souffrit de la faim dans le pays de Tch’en (et non : entre Tch’en et Ts’ai ; ailleurs cependant, le Luen yu, XI, 2, parle de Tch’en et Ts’ai) aussitôt après avoir quitté le duc Ling, de Wei, qui l’avait interrogé sur une question d’art militaire. Mais la thèse de Tchou Hi a été combattue par Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 25, r° et v° et p. 27 r°) : s il est vrai que, en 493, Confucius soit allé de Wei à Tch’en, ce n’est qu’en 491 qu’il se rendit de Tch’en à Ts’ai (cf. n. 375), et ce n’est donc qu’à cette année 491 qu’on peut assigner l’anecdote de Confucius et de ses disciples mourant de faim, entre Tch’en et Ts’ai. Il est évident d’ailleurs, : 1° que Ts’ai doit être ici Chang-ts’ai, 2° que Confucius et ses disciples ont pu être dans une situation fort périlleuse parce que les vivres vinrent à leur manquer et sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’intervention d’hommes armés qui les auraient cernés.

(402. ) Luen yu, XV, 1.

(403. ) Confucius et ses disciples se trouvèrent privés de vivres « pendant sept jours », dit le Kia yu. La même indication nous est donnée dans les textes de Siun tse, du Han che mai tchoan et du Chouo yuan,

(404. ) La traduction que nous donnons des mots est confirmée par une phrase de Che tse (chap. II, p. 30 v°) qui est ainsi concue : « celui qui observe la sagesse et qui reste ferme dans l’adversité peut mépriser les rois et les ducs (c.-à-d. les puissants de ce monde) ».

(405. ) Il eut honte de s’être laissé aller à l’irritation. Les mots signifient littéralement : « la couleur se produisit (sur son visage) ».

(406. ). Luen yu, XV, 2.

(407. ) Se est le nom personnel de Toan-mou Se, dont l’appellation est Tse-kong.

(408. ) Depuis les mots «... appela Tse-lou » jusqu’à la fin du paragraphe, ce texte se retrouve dans le § 20 du Kia yu.

(409. ) Ces deux vers sont tirés de la dernière ode de la section siao yu du Che king  ; ils sont prononcés par des soldats qui se plaignent d’être envoyés dans des contrées lointaines. Confucius les applique à sa situation présente.

(410. ) Dans le Kia yu (§ 20), Tse-lou fait des reproches directs à Confucius :

— L’homme supérieur, dit-il, n’est jamais en détresse. A mon avis, c’est parce que, ô Maître, vous n’êtes point encore bon que les hommes ne nous croient pas ; à mon avis, c’est parce que, ô Maître, vous n’êtes point encore sage que les hommes ne mettent pas en pratique nos préceptes.

Les mots [] me paraissent signifier « ne pratiquent pas nous, c.-à-d. nos préceptes », de même que les mots [] signifient « ne nous croient pas ». D’après Wang Sou cependant, les mots [] signifieraient « ne nous laissent pas aller » ; la phrase finale aurait alors le sens suivant :

« C’est parce que, ô Maître, vous n’êtes point encore sage que ces hommes ne nous laissent pas aller

et nous réduisent ainsi à l’extrémité. Cette interprétation a le tort de faire apparaître ici les hommes qui, d’après Se-ma Ts’ien et le Kia yu, tenaient étroitement cernés Confucius et ses disciples ; mais l’existence de ces gens malintentionnés est fort hypothétique (cf. n. 401) et le texte doit pouvoir s’expliquer sans leur intervention.

(411. ) Po-i et Chou-ts’i moururent de faim sur la montagne Cheou-yang pour avoir voulu rester loyalement attachés à la dynastie Yn que venait de renverser le roi Ou ; cf. Mém. hist., chap. LXI.

(412. ) Cf. t. I, p. 206. — Dans le Kia yu, ce développement oratoire continue encore pendant plusieurs lignes ; mais la brièveté même de la leçon de Se-ma Ts’ien paraît prouver qu’il nous a conservé un texte plus ancien que l’amplification des rhétoriciens n’avait pas encore altéré.

(413. ) Cf. n. 407.

(414. ) Le Kia yu omet ici ces deux phrases qui sont en effet la répétition fort inutile des lignes qui terminent plus loin la réponse de Yen Hoei.

(415. ) Parce que Yen Hoei aurait les mêmes idées que Confucius sur l’emploi qu’il convient de faire de ces richesses.

A côté de ce récit commun au Kia yu et à Se-ma Ts’ien, il en faut citer un autre qui se retrouve dans Siun tse (§ 29, yeou tso), dans le Han che wai tchoan (chap. VII, p. 3 v°-5 r°) et dans le Chouo yuan (chap. XVII, tsa yen, p. 8 r°-10 v°) ; quoique ces trois textes soient loin d’être identiques, l’argumentation reste la même dans tous les trois et ils ne diffèrent que par les exemples qu’ils invoquent à l’appui de leur dire.

Ils contiennent, en résumé, ceci : au moment où Confucius et ses disciples sont exténués de faim, Tse-lou demande comment son maître peut être réduit à une telle extrémité s’il est vrai que le Ciel doive récompenser par le bonheur celui qui fait le bien et punir par le malheur celui qui fait le mal.

Confucius répond :

En premier lieu, les sages ne réussissent pas toujours dans le monde ; l’histoire a conservé le souvenir d’un grand nombre de personnages qui furent célèbres par leurs vertus et qui eurent des fins tragiques ; la seule chose dont l’homme soit maître, c’est son propre cœur ; le succès ou la ruine dépendent des circonstances ;

en second lieu, de nombreux cas peuvent être invoqués où nous voyons des hommes, après s’être trouvés dans des situations presque désespérées, parvenir ensuite aux plus hautes destinées ; on ne peut donc pas dire que l’adversité soit toujours mauvaise ; elle est souvent une épreuve d’où les caractères sortent plus énergiques ;

enfin, l’époque dans laquelle nous vivons exerce une grande influence sur notre vie ; tel qui, sous un souverain sage, est parvenu au faite des honneurs, aurait subi le dernier supplice s’il avait été à la cour d’un tyran. Le bonheur et le malheur ne sont donc point la mesure de la valeur intrinsèque d’un homme.

Nous ajouterons que, chez certains écrivains, notamment chez les Taoïstes, la mésaventure de Confucius est devenue le thème de récits divers où le Maître et ses disciples ne sont pas toujours présentés sous un jour très favorable ; voyez notamment Tchoang-tse, chap. XX et XXVII (Legge, SBE, vol. XL, p. 32, 37 et 160).

(416. ) Il ne faut pas entendre que Tse-kong se rendit à la capitale du pays de Tch’ou dans le Hou-pei ; il alla auprès du roi Tchao qui était à Tch’eng-fou, dans le Ho-nan (cf. n. 399.).

(417. ) Quoique Se-ma Ts’ien ait omis de le dire, on voit que Confucius, une fois délivré, avait dû se rendre auprès du roi de Tch’ou. Nous lisons en effet plus loin que Confucius partit de Tch’ou pour retourner dans le pays de Wei ; s’il en partit, il avait donc dû d’abord y aller. Mais c’est par erreur que Legge (C. C., vol. I, Prolégomenes, p. 83 [css : édition/rechercher : ‘conducted him’].) en conclut que le roi Tchao, de Tch’ou, conduisit Confucius dans sa capitale qui était la ville de Jo (aujourd’hui, s.-p. de I-tch’eng, dans la préf. de Siang-yang, province de Hou-pei). En réalité, Confucius se borna à aller auprès du roi de Tch’ou qui campait à Tch’eng-fou (au S.-E. de la préf. sec. de Jou, dans la province de Ho-nan), et qui mourut dans cette localité à la fin de l’année 489.

(418. ) Le mot ne désigne pas ici la mesure de longueur appelée li ; il s’applique au groupement social élémentaire qui est composé de 25 familles ; le Tcheou li (chap. XV, article soei jen) dit en effet : « Cinq familles forment un lin ; cinq lin font un li ». « Dans chaque li, dit Se-ma Tcheng, on avait un dieu du sol c’est pourquoi le Li ki (chap. Kiao t’o cheng, trad. Couvreur, t. I, p. 587) dit que « lorsqu’on célébrait le sacrifice du dieu du sol, tout le hameau (li) s’y rendait »

Les familles groupées autour d`un dieu du sol étaient enregistrées, c’est-à-dire qu’elles étaient inscrites sur les registres du cens ; de là l’expression. — Voici d’autres exemples de cet emploi du mot :

Siun tse (chap. III, p. 19 r° ; article 7, Tchong-ni pien) « il lui donna trois cents groupes de familles enregistrées.

Tso tchoan (15e année du duc Ngai) : « il donna à Wei un territoire comprenant cinq cents groupes de familles enregistrées. »

Tso tchoan (25e année du duc Tchao) : « je vous propose de vous donner (un territoire comprenant) mille groupes de familles » (littéralement : mille dieux du sol) ; cf. t. II, p. 75, n. 2, où il y a une inexactitude, car le Tso tchoan, aussi bien que Se-ma Ts’ien, emploie l’expression [] ; ce sont les commentateurs qui l’expliquent comme signifiant 25.000 familles.

(419. ) Tse-si qui avait le titre de ling-yn, c’est-à-dire de conseiller d’État, dans le royaume de Tch’ou, était le frère cadet du roi défunt et l’oncle du roi alors régnant (cf. t. IV, p. 375, lignes 11-12).

(420. ) Toan-mou Se (appellation Tse-kong), Yen Hoei (appellation Tse-yuen), Tchong Yeou (appellation Tse-lou et Tsai Yu (appellation Tse-ngo) sont quatre des plus célèbres disciples de Confucius. Tse-si attire l’attention du roi de Tch’ou sur le danger qu’il y aurait à donner un apanage considérable à un sage qui est entouré d’hommes éminents.

(421. ) Le duc de Tcheou et le duc de Chao se partagèrent la surveillance de l’empire après la mort du roi Ou, fondateur de la dynastie des Tcheou (t. IV, p. 133-131).

(422. ) Cf. tome I, n. 04.145. et n. 04.247.  ; tome IV, n. 33.122.

(423. ) Ainsi, d’une part Confucius empêchera Tch’ou de s’agrandir et l’obligera à rester dans la situation infime où il était au commencement de la dynastie des Tcheou ; d’autre part, il est à craindre que Confucius lui-même ne devienne trop puissant.

(424. ) Cf. t. IV, p. 379-380.

(425. ) Ce Tsie-yu était un sage qui feignait d’être fou, comme le fit autrefois le vicomte de Ki (cf. t. I, p. 206), afin d’éviter les dangers de la vie publique. C’est pourquoi le Tchan kouo ts’e dit (chap. V, p. 3 r° ; 3e partie de la section de Ts’in) : « Le vicomte de Ki et Tsie-yu enduisirent de vernis leur corps et se rendirent affreux ; ils laissèrent épars leurs cheveux et, se firent passer pour fous. »

Tsie-yu est aussi associé au vicomte de Ki dans un passage d’une requête adressée par Tseou Yang au roi Hiao, de Leang, qui régna de 168 à 144 av. J.-C. : « Le vicomte de Ki feignit d’être fou ; Tsie-yu se retira du monde » (Mém. hist., chap.LXXXIII, p. 4 v°). Cette même phrase se trouvait d’ailleurs déjà dans Siun tse (chap. XX, p. 25 r° ; § 32, Yao wen).

Tsie-yu est souvent cité dans l’ancienne littérature chinoise  :

Le Han che wai tchoan (chap. II, p. 11 r°-v°) raconte que le roi de Tch’ou lui offrit cent livres d’or pour qu’il acceptât le poste de gouverneur du territoire au sud du Hoang ho ; Tsie-yu, conseillé par sa femme, repoussa ces propositions. et, changeant de nom, s’en alla sans que jamais personne pût savoir où il s’était retiré.

Dans le poème intitulé Cho kiang de la section des Élégies de Tch’ou appelée « Les neuf pièces », Tsie-yu est mentionné au nombre des sages qui furent méconnus de leur temps.

Enfin dans Tchoang-tse, Tsie-yu apparaît à trois reprises (trad. Legge, S. B. E., vol. XXXIX, p. 170, 221, 260) ; tout particulièrement intéressant est le passage qui se trouve dans le chap. Jen kien che (S. B. E., vol. XXXIX, p. 221), car il raconte sous une autre forme que le Luen yu et Se-ma Ts’ien l’incident de la rencontre de Tsie yu et de Confucius.

Le nom de Tsie-yu a été expliqué de trois manières différentes :

Les uns font de Tsie un nom de famille et de Yu un nom personnel ; en effet, Tsie apparaît comme nom de famille dans le nom du personnage appelé Tsie Yu (cf. p. 259).

D’autres commentateurs suivent l’opinion, assez peu fondée, semble-t-il, de Hoang-fou Mi qui, dans son Kao che tchoan, dit que Tsie-yu est l’appellation d’un homme dont le nom de famille était Lou, et le nom personnel T’ong.

Enfin une troisième explication, que je serais disposé à accepter, considère Tsie-yu comme une simple désignation ; c’est « celui qui se trouvait auprès du char » ; ne sachant point le nom de ce sage mystérieux, la tradition l’appelle en disant que c’était l’homme qui se trouvait près du char de Confucius quand il adressa la parole à ce dernier ; en effet, dans les deux paragraphes du Luen yu qui suivent celui-ci, d’autres solitaires sont introduits qui sont désignés d’une manière analogue (cf. n. 389) ; la seule objection qu’on puisse faire à cette interprétation du nom de Tsie -yu, c’est que, d’après le texte de Tchoang-tse, Confucius était dans sa maison, et non sur son char, quand Tsie-yu lui adressa la parole.

(426. ) C’est Confucius qui est ici symbolisé par le phénix. D’après la fable, le phénix n’apparaît que lorsqu’il y a des princes sages ; dans les époques troublées, il reste caché ; Confucius est un phénix dont la vertu est bien dégénérée puisqu’il ne craint pas de se montrer en un temps où l’empire est mal gouverné.

(427. ) Suivant une autre interprétation, ces paroles ne viseraient pas directement Confucius, et il faudrait comprendre la phrase ainsi : « Le passé, on ne peut le conserver ; l’avenir, comment pourrait-on lui courir après ? » Cette explication se justifie par la leçon de Tchoang-tse (S. B. E., vol. XXXIX, p. 221) : « Le futur, on ne peut l’attendre ; le passé, on ne peut l’aller chercher. »

(428. ) Suivant une autre explication, il faudrait traduire : « Ceux qui prennent part au gouvernement le tiennent en suspicion. » Il y aurait ici une allusion au fait que Tse-si, conseiller de Tch’ou, avait mis en garde le roi de Tch’ou contre Confucius (cf. p. 372).

(429. ) Il faut comprendre que Confucius « descendit de son char », si on admet que le nom de Tsie-yu signifie « celui qui était auprès du char ». Mais si on accepte la version de Tchoang-tse d’après laquelle Tsie-yu s’adresse à Confucius au moment où il passe devant sa maison, il faut dire que Confucius « descendit de la salle » pour aller aborder Tsie-yu.

(430. ) Plus : exactement de Tch’eng-fou. Cf. n. 417.

(431. ) Tseng était à 30 li à l’est de la s.-p. actuelle de I (préf. de Yen-tcheou, prov. de Chan-tong). Cf. Ta Ts’in i t’ong tche, chap. CXXX, p. 2 r°.

(432. ) Toan-mou Se, disciple de Confubius.

(433. ) La rédaction est ici ambiguë ; on ne sait si l’historien veut dire que, grâce à Tse-Kong, Ki K’ang-tse put éviter d’avoir à se rendre en personne auprès du roi Ou, ce qui est la version du Tso tchoan (7e année du duc Ngai), ou s’il faut entendre que l’intervention de Tse-kong permit au prince de Lou de ne pas livrer les cent groupes de victimes qui lui avaient été demandés, ce qui s’accorderait avec ce qu’a dit ailleurs Se-ma Ts’ien (t. IV, p. 28), mais ce qui est en contradiction avec le témoignage du Tso tchoan.

(434. ) Luen yu, XIII, 7.

(435. ) Le duc de Tcheou, ancêtre des ducs de Lou, et le puîné prince de K’ang, chef de la lignée princière de Wei, étaient tous deux fils du roi Wen. Le Tso tchoan (6e année du duc Ting) dit :

« De tous les fils de T’ai-Se (femme du roi Wen), le duc de Tcheou et le puîné prince de K’ang étaient ceux qui étaient dans les termes les plus amicaux.

Cette phrase est mise dans la bouche d’un vieillard qui veut empêcher le duc de Wei d’ouvrir des hostilités contre le duc de Lou et qui lui rappelle que les deux États doivent avoir entre eux des relations fraternelles. Le Ts’ien Han chou (chap. LXXIX, p. 5 r°) nous a conservé une chanson populaire dans laquelle on célébrait la manière dont une province avait été administrée successivement par les deux frères Fong Ye-wang et Fong Li :

« Leur gouvernement a été comme celui de Lou et de Wei et leur action, vertueuse et transformatrice a été égale ; — le duc de Tcheou et le puîné prince de K’ang sont comparables à ces deux hommes supérieurs. »

Si l’on tient compte de ce dernier texte, il semble bien que, dans la phrase qui nous a été conservée par le Luen yu, Confucius a voulu exprimer l’opinion que les États de Lou et de Wei avaient conservé dans leurs gouvernements respectifs l’empreinte des vertus des deux frères qui furent les ancêtres de leurs princes ; peut-être Confucius a-t-il prononcé cette parole pour expliquer pourquoi, obligé de quitter le pays de Lou, c’est dans le pays de Wei qu’il séjournait de préférence.

Quoique cette interprétation du texte nous paraisse la seule admissible, Se-ma Ts’ien nous en suggère une autre par la place même qu’il assigne à ce jugement de Confucius ; il le cite en effet immédiatement avant la critique fort vive que Confucius adresse au prince de Wei ; il ne peut donc pas y avoir vu un éloge du gouvernement de Wei mais bien plutôt il admet que, en représentant comme frères les gouvernements de Lou et de Wei, Confucius aura voulu dire ceci : de même que, dans le pays de Lou, les relations de prince à sujet étaient faussées par la trop grande puissance qu’avaient prise certaines familles, ainsi, dans le pays de Wei, les relations de père à fils étaient bouleversées par le fait que le fils occupait le trône qui aurait dû revenir à son père ; les deux gouvernements se ressemblaient comme deux frères, car ils étaient aussi mauvais l’un que l’autre (cf. la discussion de ce passage par P’an Wei-tch’eng dans S. H. T. K. K., chap. 921, p. 5 r°).

(436. ) Il s’agit de K’oai-wai, qui n’avait pu reprendre à son propre fils le trône de Wei et qui se trouvait toujours dans la ville de Ts’i. Cf. n. 365, et t. IV, p. 205-207.

(437. ) Pour bien comprendre le passage qui va suivre, il importe de déterminer quelques dates. Le duc Ling, de Wei, père de K’oai-wai, et grand-père de Tchao, était né en 540, comme nous l’apprenons par le Tso tchoan (2e année du duc Tchao ; tr. Legge, p. 619, b) ; il mourut en 493, âgé de quarante-sept ans (quarante-huit, à la manière de compter chinoise). Son petit-fils Tcho ne pouvait donc alors être âgé que d’une dizaine d’années, et, lorsqu’on le mit sur le trône au détriment de son père K’oai-wai, il ne fut sans doute que l’instrument d’une faction. D’autre part, les paroles que Confucius prononça pour reprocher à Tcho d’occuper la place qui devait revenir à son père, sont rapportées par Se-ma Ts’ien à l’année 485, puisque, immédiatement après, l’historien dit : « l’année suivante » en parlant d’un événement qui eut lieu en 484. Or, en 485, on voit que Tcho devait être un jeune homme qui sortait de l’adolescence ; il commençait à prendre conscience de ses actes et il était animé de bons sentiments puisqu’il désirait s’attacher Confucius. Celui-ci jugea donc le moment favorable pour exprimer sous une forme voilée sa désapprobation formelle de la conduite que Tcho avait tenue jusque-là à l’égard de son père et pour faire sentir au jeune prince la responsabilité morale qu’il encourait (cf. S. H. T. K. K., chap. 1066, p. 3 v°).

(438. ) Luen yu, XIII, 3.

(439. ) En traduisant les mots [ba] par « rendre les dénominations correctes », je leur donne le sens que leur attribuait certainement Se-ma Ts’ien. En effet, les lignes par lesquelles il introduit ce texte du Luen yu prouvent que, à son avis, Confucius avait l’intention de reprocher au duc de Wei de détenir le trône au détriment de son père ; le fils occupant la situation qui aurait dû revenir à son père, le fils n’agissait pas en fils et le père n’agissait pas en père ; les dénominations n’étaient plus correctes.

Dans le chap. CXXX, p. 8 r°, Se-ma Ts’ien,dit :

Nan tse ayant pris en haine K’oai-wai, le fils et le père échangèrent leurs dénominations,

c’est-à-dire que, à en juger d’après les situations respectives qu’ils occupèrent, c’est le fils qui devint le père et le père qui devint le fils.

Le sens attribué par Se-ma Ts’ien à l’expression peut d’ailleurs se justifier par de nombreux textes. Pour ne citer que les plus notables :

on lit dans le chapitre Tsi-fa du Li ki (trad. Couvreur, t. II, p. 269) « Hoang-ti assigna à chaque chose une dénomination correcte » ; en d’autres termes, il fut le grand nomenclateur.

De même, Lu Pou-wei, dans son tch’oen ts’ieou (chap. XVII, p. 3 r° et v° ; section chen fen lan) expose comment la ruine de l’État peut être produite par l’emploi de dénominations incorrectes ; il suppose qu’un homme appelle bœuf un cheval, et cheval un bœuf, et montre les conséquences désastreuses qui en résulteront ;

« tout cela, dit-il, a été causé parce que d’un bœuf on a fait un cheval, et d’un cheval un bœuf, et que les dénominations n’ont pas été correctes.

Mais si maintenant nous faisons abstraction du cadre dans lequel Se-ma Ts’ien insère ce texte du Luen yu, et si nous nous affranchissons de l’influence que l’opinion du grand historien a exercée sur les commentaires traditionnels du Luen yu, nous constaterons que l’expression [ba] peut être interprétée d’une tout autre manière. L’ancien érudit Tcheng Hiuen (127-200 p. C-) explique en effet ce passage du Luen yu, en disant :

« L’expression signifie « rendre corrects les caractères de l’écriture ». Dans l’antiquité, on appelait [a] ce que nous appelons aujourd’hui [c].

En effet, dans le chapitre p’ing li du I li [css : ?], il est dit  :

« Quand (un message) comptait plus de cent caractères, on l’écrivait sur des fiches ; quand il avait moins de cent caractères, on l’écrivait sur une tablette.

Dans le Tcheou li (trad. Biot, t. II, p. 120), on lit que le wai che « a la charge de faire comprendre les caractères de l’écriture dans les régions des quatre points cardinaux » et encore (ibid., t. II, p. 407) que la

« neuvième année on réunit les aveugles et les scribes, les uns pour vérifier les caractères de l’écriture (les autres) pour déterminer les sons de la prononciation.

Si on prend le mot [a] dans ce sens, il faut donc admettre que, lorsque Confucius disait qu’il importe de rendre corrects les [a], il avait en vue la correction des caractères de l’écriture. C’est bien ainsi que, en fait, ces paroles de Confucius ont souvent été comprises :

— Lorsque, en 425 p. C., l’empereur Che-tsou, de la dynastie Wei, inventa plus de mille caractères nouveaux, il rendit un décret dans lequel, après s’être plaint des inconvénients que présente une écriture non uniformisée, il ajoute :

« La parole de Confucius que, si les caractères de l’écriture ne sont pas corrects, les entreprises ne réussissent pas, c’est à cela (c.-à-d. à ces inconvénients) qu’elle s’applique. (Wei chou, chap. IV, a, p. 1, v°).

— D’autre part, vers 560 p. C., un certain Li Hiuen composa un « Traité sur les caractères » parce qu’il s’affligeait de voir les inexactitudes de l’écriture et

« parce qu’il était sensible à cette parole de Confucius qu’il est essentiel de rendre corrects les caractères de l’écriture. (Pei Ts’i chou, chap. XLIV, p. 2 v°).

— On peut encore rappeler que l’histoire des Soei (Soei chou, chap. XXXII, p. 14 v°) mentionne un traité en un chapitre sur l’écriture sous le titre « Les caractères rendus corrects ».

— Enfin nous constaterons un peu plus loin (p. 384, n. initiale) que Hiu Chen lui-même, l’illustre auteur du Chouo wen, admet dans sa préface que Confucius parle ici des caractères de l’écriture.

Ainsi, malgré l’autorité de Se-ma Ts’ien, il apparaît comme vraisemblable que ce texte du Luen yu ne renferme aucune censure de la conduite du duc de Wei ; il se rapporte simplement à la correction de l’écriture ; si un lecteur européen peut s’étonner que Confucius fasse de la correction de l’écriture le premier principe d’un bon gouveçnement et voie dans les caractères fautifs l’origine des plus graves désordres de l’État, il convient cependant de considérer, d’une part, l’importance officielle que les Chinois ont de tout temps attribué à leur écriture, et, d’autre part, la propension fâcheuse qu’a l’esprit chinois de raisonner par voie de propositions successives qui partent d’un fait particulier pour y rattacher des conceptions de plus en plus vastes et aboutir à la considération de l’empire entier ou de l’univers.

Quoi qu’il en soit, cette discussion, dont les éléments principaux ont été empruntés à l’excellent ouvrage de Lieou Pao-nan (S. H. T. K. K., chap. 1066, p. 2 r° et suiv.), a du moins été utile en ce qu’elle nous permet d’apercevoir les divergences profondes qui existent entre l’interprétation que Se-ma Ts’ien nous donne de certains textes du Luen yu et l’explication qu’on peut proposer de ces mêmes textes quand on les aborde sans idée préconçue.

 47.(440. ) Le mot [] signifie « s’écarter de, être loin de ». L’exemplaire du Luen yu sur lequel travaillait Tcheng Hiuen donnait la leçon qu’on trouve en effet, avec ce même sens, dans plusieurs autres textes. Voyez notamment Li ki, chap. Wen wang che tse (trad. Couvreur, t. I, p. 475)  A combien plus forte raison s’écartera-t-il (de la voie ordinaire)... » — Ici, Tse-lou, tout surpris de la réponse que lui fait Confucius, lui reproche de s’écarter de la question.

(441. ) Après ces mots, le Luen yu ajoute la phrase [……].

— L’expression formée de ces deux mots serait d’après Jou Choen une locution populaire qui avait cours dans le pays de Ts’i et qui voulait dire : « ne pas parler de ce qu’on ne sait pas. » La phrase du Luen yu aurait donc le sens suivant : « L’homme supérieur, qnand il s’agit de ce qu’il ne connaît pas, garde le silence. » Ce serait un reproche que Confucius adresserait à Tse-lou qui avait osé croire qu’il s’écartait de la question.

A dire le vrai cependant, c’est là expliquer obscurum per obscurius ; dans le texte du Ts’ien Han chou notamment, il est fort douteux que les mots aient le sens qu’on leur attribue, et Yen Che-kou en donne une interprétation plus plausible en considérant [] comme le nom personnel de Confucius. D’autre part, dans le texte du Luen yu, pour tout lecteur non prévenu, le mot [] sera une particule, le mot [] aura le sens d’omettre, et la phrase signifiera : « L’homme supérieur, dans les cas où il ne connaît pas, omet. » Mais cette réponse de Confucius à Tse-lou n’a plus aucun sens, puisque Tse-lou n’a rien omis.

Qui ne voit que c’est précisément pour cette raison que Se-ma Ts’ien a supprimé cette phrase qui l’embarrassait ?

— Examinons maintenant si l’énigme ne se laissera pas résoudre dans l’hypothèse que, en parlant de rectifier les [a], Confucius a voulu parler des caractères de l’écriture qui devaient être rendus corrects. Dans le Luen yu (XV, 25), on lit le passage suivant : [……………]

Pour comprendre ce texte, il faut se rappeler que, dans l’antiquité, on distinguait six arts libéraux (cf. Tcheou li, art. pao che ; trad. Biot, t. I, p.297) ; le quatrième de ces arts était l’art de conduire les chars  ; le cinquième avait pour objet les six sortes de caractères écrits. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que l’art de conduire les chars et l’art de l’écriture soient choses associées dans l’esprit chinois ; c’est ainsi qu’on lira dans le Tchong yong (XXVIII, 3)

« les chars ont des essieux de même dimension ; l’écriture a des caractères uniformes.

En second lieu, le mot [] n’a pris que tardivement le sens spécial d « historien » ; à l’origine, il a une acception beaucoup plus vaste et désigne d’une manière générale ceux qui savent écrire, « les scribes ». C’est ainsi que, dans les Règlements élaborés par Siao Ho († 193 av. J.-C.), « ceux qui savaient lire et écrire neuf mille caractères ou davantage pouvaient devenir che (c.-à-d. scribes) » (Ts’ien Han chou, chap. XXX, p. 8 v°).

— En tenant compte de ces observations, nous traduirons le texte précité du Luen yu (XV, 25) de la manière suivante :

« Le Maître dit : J’ai encore vu le temps où les scribes omettaient des caractères et où ceux qui possédaient un cheval le prêtaient à d’autres pour l’atteler. Mais maintenant il n’y a plus rien de tel. 

Cette phrase signifie que, au temps où les hommes étaient vertueux, les scribes omettaient les caractères qu’ils ne savaient pas écrire correctement, et ceux qui étudiaient l’art de conduire un char, quand ils étaient incapables de dresser un cheval, confiaient ce soin à de plus expérimentés qu’eux ; dans sa jeunesse, Confucius a encore vu l’époque où ces deux arts libéraux étaient ainsi pratiqués d’une manière consciencieuse, mais le désordre a tout envahi et maintenant, dit le Maître, il n’y a plus rien de tel.

— Cette interprétation est confirmée par un passage du Ts’ien Han chou (chap. XXX, p. 9 r°) où il est dit :

« D’après les anciens règlements, l’écriture avait des caractères uniformes ; quand on ignorait (un caractère), on l’omettait, puis on s’enquérait auprès des vieillards expérimentés ; mais, quand on arriva aux époques de décadence, le vrai et le faux ne furent plus fixes et les hommes suivirent leurs propres inspirations. C’est pourquoi K’ong-tse a dit : « J’ai encore vu le temps où les scribes omettaient des caractères. Mais actuellement il n’y a plus rien de tel. »

— De même Hiu Chen, l’auteur du Chouo wen, dans sa préface en date de l’an 100 ap. J.-C. écrit ceci :

« K’ong tse a dit : « J’ai encore vu le temps où les scribes omettaient des caractères : mais actuellement il n’y a plus rien de tel. » Par là, il blâme ceux qui, lorsqu’ils ignorent (un caractère), ne s’informent pas auprès d’autres personnes mais suivent leur propre inspiration. »

— Reprenons maintenant la phrase du Luen yu (XIII, 3) qui est le point de départ de cette note ; elle devient parfaitement claire, car elle n’est que l’affirmation de l’idée même que nous venons de trouver exprimée sous une autre forme. Confucius, voulant montrer à Tse-lou combien il est important de rendre corrects les caractères de l’écriture, commence par rappeler le principe que, plutôt que d’écrire des caractères fautifs, il vaut mieux laisser en blanc la place des caractères qu’on ignore ; il dit donc : « L’homme supérieur, dans les cas où il ne connaît pas (un caractère), l’omet, » Il expose ensuite les graves inconvénients qui résultent de l’emploi de caractères incorrects. C’est bien ainsi que l’auteur du dictionnaire étymologique Chouo wen, Hiu Chen, comprenait la parole de Confucius, car il la reprend pour son compte, à la fin de la première partie de sa préface, en disant « quant à ce que j’ignorais, je l’ai omis. »

— En conclusion donc, lorsque Confucius parlait de rectifier les [a], il avait en vue les caractères de l’écriture ; c’est pour avoir méconnu ce sens du mot que Se-ma Ts’ien a été amené à retrancher du texte du Luen yu une phrase qui devient en effet inintelligible si on suppose, comme le fait l’historien, que Confucius parlait de rendre les dénominations correctes.

(442. ) Ce passage est cité dans le Heou Han chou (chap. LXIV, p. 2 r°) sous la forme suivante :

« K’ong-tse a dit :

— Si les supplices et les punitions ne sont pas équitables, le peuple ne sait plus où mettre la main ni le pied.

Le mot tchong est un terme qui signifie : ni trop léger ni trop sévère. »

(443. ) Le Luen yu écrit : « (L’homme supérieur) peut certainement former des paroles avec les dénominations (qu’il applique aux choses ; il peut certainement mettre à exécution ses paroles. »

(444. ) Dans le commentaire de Kou-leang au Tch’oen ts’ieou (16e année du duc Hi), on trouve une phrase analogue :

« L’homme supérieur, quand il s’agit d’apparitions étranges, ne fait rien à la légère. »

(445. ) Jan Yeou n’est autre que Jan K’ieou, dont l’appellation était Tse-yeou. On se rappelle que, en 492, ce disciple de Confucius avait été appelé dans le pays de Lou pour aider Ki K’ang-tse de ses conseils (cf. p. 358). Comme on va le voir plus loin, c’est grâce à lui que Confucius put rentrer dans le pays de Lou en 484. — Les combats que livra Jan K’ieou en 484 pour repousser une armée de Ts’i qui avait envahi le pays de Lou sont racontés dans le Tso tchoan (11e année du duc Ngai).

(446. ) Le Kouo ti tche place la localité de Leang à 53 li à l’ouest de la s.-p. de T’eng, qui dépend aujourd’hui de la préfecture de Yen-tcheou, dans le Chan-tong.

(447. ) Cette phrase et les deux suivantes ne deviennent intelligibles que si on se reporte à un texte du Tchong yong (chap. 29 ; Legge, C. C., t. I, p. 289-291). Ce texte du Tchong yong doit être considéré comme prononcé par Confucius qui trace le portrait du souverain parfait, et qui indique ainsi ce qu’il aurait été lui-même si la destinée l’avait mis à la tête des hommes ; il termine sa description en disant : « Jamais il n’y a eu un homme supérieur qui, étant tel, n’ait pas obtenu une prompte renommée dans l’empire. » Le mot « renommée » est ici [c],qui est expliqué par [ac] dans le commentaire de Kong Yng-ta. Or c’est précisément le mot [a] dont se sert Jan Yeou pour dire à K’ang-tse que, si Confucius exergait une fonction publique, il aurait de la gloire.

(448. ) Le mot signifie « répandre », et par suite « publier, annoncer ». Cf. Chou king, chap. K’ang kao et Lu hing (Legge, C. C., t. III, p. 394 et p. 598). Dans le texte du Tchong yong, nous lisons : « il fait prouver (l’excellence de sa conduite) par le peuple. »

(449. ) La leçon du Tchong yong est la même. Le sage interroge les divinités sur l’excellence de sa conduite afin de faire attester par eux cette excellence.

Quant à l’expression [], elle désigne les forces divines qui agissent les unes sur la terre et les autres dans le ciel.

(450. ) La phrase se retrouve dans le Luen yu (V, 25).

(451. ) Cette conduite vertueuse est la conduite de l’homme supérieur qui fait précisément l’objet de la description du Tchong yong dans le texte auquel nous renvoyons (chap. 29 ; Legge, C. C., t. I, p. 289).

(452. ) Littéralement : « mille dieux du sol ». Au total, vingt cinq mille familles (cf. n. 418).

(453. ) On se rappelle que, lorsque Confucius était auprès du roi de Tch’ou, ce dernier fut détourné par son conseiller Tse-si de donner en apanage à Confucius un territoire considérable (of. p. 372). Ici, Jan Yeou réfute d’avance l’argument qu’on pourrait faire valoir contre le rappel de Confucius et déclare que, quelque important que fût l’apanage qu’on donnerait à Confucius, celui-ci ne s’en servirait jamais pour satisfaire son ambition personnelle.

(454. ) Je prends ici le mot [] avec le sens qu’il a dans le Luen yu (VII, 35) : « La parcimonie mène à l’étroitesse (du caractère) », et dans Mencius (VI, b, 3) : « Combien étroite est l’opinion du vieux Kao au sujet de cette ode. »

Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLXII, p. 29 r°), en citant ce texte de Se-ma Ts’ien, substitue le mot [] au mot [] ; il faut alors traduire : « Si vous désirez le mander auprès de vous, ne vous servez pas des hommes de peu comme intermédiaires (entre vous et lui). » Mais cette correction de texte me paraît absolument arbitraire.

(455. ) Tso tchoan, 11e année du duc Ngai.

(456. ) Wen est le nom posthume du personnage dont le nom personnel est Yu (cf. t. IV, p. 207, ligne 8). Dans le Luen yu (V, 14), Confucius explique pour quelles raisons on lui conféra ce nom posthume de Wen. En 484, il était un haut dignitaire dans le pays de Wei et y détenait toute l’autorité. C’est peu après sa mort que, en 484, K’oai-wai, fils du défunt duc Ling, réussit à reprendre à son propre fils le trône de Wei ; Kong K’oei, fils de K’ong Yu, fut le principal agent de cette restauration (cf. t. IV, p. 207-209).

(457. ) T’ai-chou Tsi, connu aussi sous le nom posthume de Tao-tse, était le fils de T’ai-chou I-tse. Il avait épousé une fille de Kong Yu et c’est parce qu’il avait outragé sa femme en prenant une seconde épouse, que Kong Yu voulait l’attaquer (cf. Tso tchoan, 11e année du duc Ngai).

(458. ) Le Tso tchoan nous a conservé le texte de la réponse de Confucius ; comme lorsqu’il s’adressait au duc Ling, de Wei (cf. p. 354), Confucius, en cette occasion encore, déclara qu’il n’avait étudié que les questions relatives aux rites et qu’il n’avait jamais cherché à s’instruire dans l’art militaire.

(459. ) Confucius peut aller à sa convenance dans tel ou tel royaume, de même que l’oiseau peut choisir l’arbre sur lequel il se pose ; mais un royaume ne peut pas garder Confucius contre son gré, de même que l’arbre ne peut pas retenir l’oiseau.

(460. ) Les exemplaires modernes des Mémoires historiques donnent tous la leçon « chasser, expulser », qui n’est guère admissible. Mais K’ong Yng-ta (574-648), citant ce texte de Se-ma Ts’ien dans son commentaire au tch’oen-ts’ieou (11e année du duc Ngai), donne la leçon « envoyer », que nous pouvons donc adopter.

(461. ) Cette indication nous permet de reporter à l’année 497 l’époque où Confucius avait quitté le pays de Lou (cf. n. 255).

(462. ) Cette sentence ne se trouve pas dans le Luen yu.

(463. ) Luen yu, XII, 21.

(464. ) La phrase se trouve deux fois dans le Luen yu (II, 19 et XII, 21). On l’explique ordinairement comme signifiant : « Promouvoir les bons et dégrader les méchants. » Mais cette interprétation traditionnelle se heurte à deux difficultés : en premier lieu, si les méchants sont dégradés et mis de côté, on ne voit pas quelle chance pourra leur rester de devenir bons ; Confucius dit cependant « alors les méchants deviendront bons ». En second lieu, le mot ne saurait signifier « dégrader » ; …… notre phrase ne peut donc avoir que l’un de ces deux sens :

ou bien « Élever les bons (aux situations supérieures) et placer les méchants (dans les grades inférieurs) »

ou bien « Élever les bons pour les placer au-dessus des méchants » (cf. Lieou Pao-nan, dans S. H. T. K. K., chap. 1052, p. 17 v° et chap. 1065, p. 19 r°). Il est évident que les méchants, n’étant pas absolument écartés et occupant encore des places inférieures, pourront s’amender et que l’humiliation qui leur a été infligée les incitera à se corriger. — Dans ce texte, les mots que nous traduisons par « les bons » et « les méchants », signifient proprement « les droits » et « les courbes. »

(465. ) Luen yu, XII, 18.

(466. ) Nous avons ici une application du principe confucéen que la vertu des gouvernants produit nécessairement celle des gouvernés. Le vol a pour origine la convoitise ; si donc le prince et ses ministres étaient sans convoitise, leurs subordonnés aussi ignoreraient ce sentiment ; ils ne voleraient donc pas, même si on leur offrait une récompense pour le faire.

(467. ) Le mot « Lou » désigne à la fois le duc Ngai et son ministre tout puissant Ki K’ang-tse.

(468. ) Le Che est l’ensemble des poésies ; le Chou est l’ensemble des Documents historiques.

(469. ) Dans l’Introduction à ma traduction de Se-ma Ts’ien (t. I, Introduction, p. CXXXV), j’ai essayé de montrer que la préface du Chou king attribuée à Confucius, ne formait pas à l’origine un tout continu ; elle était morcelée en autant de paragraphes qu’il y avait de chapitres dans le Chou king, et chaque paragraphe devait former l’introduction du chapitre auquel il se rapportait. Se-ma Ts’ien a encore affirmé ailleurs (t. III, p. 2) que la préface du Chou king avait été écrite par Confucius ; il a d’ailleurs fait à ce texte de nombreux emprunts ; cf. t. I, p. 166, 176, 180, 185, 187, 188, 189, 191, 196, 248, 249, etc.

(470. ) C’est-à-dire que Confucius limita le Chou king entre l’époque de Yao et de Choen et celle du duc Mou de Ts’in. — Le témoignage de Se-ma Ts’ien prouve que les textes du Chou hing revisé par Confucius se trouvèrent compris entre deux dates extrêmes, marquées l’une par l’empereur Yao, l’autre par le duc Mou, de Ts’in. Mais il ne nous indique ni la quantité des documents sur lesquels s’exerça la sélection de Confucius, ni le nombre de ceux sur lesquels s’arrêta son choix. Dans le Ts’ien Han chou (chap. XXX, p. 2 v°), Pan Kou est plus explicite sur le second point ; il dit : « Lorsque K’ong-tse fit sa recension, en haut il interrompit (la série des documents) à Yao ; en bas il la termina à Ts’in ; (cela forma) en tout cent chapitres pour lesquels il fit des préfaces où il disait dans quelles intentions on les avait composés cf. t. I, Introduction, n. 180.

(471. ) C’est-à-dire : les sujets dont traitaient les textes relatifs aux rites des trois dynasties Hia, Yn et Tcheou. — Il y a certainement ici quelque interversion dans les phrases de Se-ma Ts’ien. L’historien, en effet, avait commencé par parler des travaux de Confucius sur les rites et il avait dit : « (K’ong-tse) rechercha et suivit à la piste les (textes relatifs aux) rites des trois dynasties. » Puis il s’interrompt brusquement pour indiquer que Confucius a composé la préface du Chou king ; après quoi, il revient à la question des rites. Il est évident qu’il faut placer le paragraphe concernant le Chou king soit avant, soit après celui qui concerne les rites ; il faut donc considérer comme se faisant immédiatement suite l’une à l’autre les deux phrases : « (K’ong-tse) rechercha et suivit à la piste les (textes relatifs aux) rites des trois dynasties. Il groupa et classa les sujets dont ils traitaient. » C’est en effet la lecture qu’adopte l’excellent critique Lieou Pao-nan (H. T. K. K., chap. 1052, p. 23 v°).

(472. ) Luen yu, III, 9.

(473. ) Les princes de K’i étaient considérés romme des descendants de Yu le grand, ancêtre de la dynastie des Hia (cf. t. IV, p. 183, lignes 1-2 et 6-8). De même, les princes de Song étaient les représentants de la dynastie Yn (cf. t. IV, p. 231, lignes 21-23). En vertu de cette origine, les princes de K’i et ceux de Song avaient conservé le privilège d’accomplir certaines cérémonies réservées au Fils du Ciel, comme, par exemple, le sacrifice kiao.

Aussi lit-on ceci dans le chapitre Li yun du Li ki (trad. Couvreur, t. I, p. 508) :

« (Les princes de K’i font le sacrifice kiao à cause de Yu (c’est-à-dire, parce qu’ils ont pour ancêtre Yu, ancêtre de la dynastie des Hia) ; (les princes de) Song font le sacrifice kiao à cause de Sie (c’est-à-dire parce qu’ils ont pour ancêtre Sie, ancêtre de la dynastie des Yn). Ainsi ils ont conservé des coutumes qui appartiennent au Fils du Ciel.

On comprend dès lors quelle est l’idée de Confucius : il connaît et peut décrire les rites des Hia et ceux des Yn ; mais les deux royaumes où ces rites auraient eu quelque chance de se conserver ne les pratiquent plus guère ; on ne peut donc pas vérifier au moyen de pratiques actuelles l’exactitude des traditions écrites relatives aux rites des Hia et des Yn. Ainsi, Confucius ne peut fournir la vérification de ce qu’il dit au sujet de ces rites, et, par conséquent, il reconnaît n’avoir aucune chance de les remettre en vigueur. En effet, dit-il ailleurs (Tchong yong, XXIX, 2) :

« Ce qui est antique quoique excellent, ne peut être vérifié ; n’étant pas vérifié, on n’y ajoute pas foi ; n’y ajoutant pas foi, le peuple ne le met pas en pratique.

La conclusion nécessaire est donc qu’il faut se borner à mettre en pratique les rites de la dynastie des Tcheou, puisque ceux-là seuls sont encore actuellement en vigueur ; c’est en effet ce que dit Confucius dans le texte du Tchong yong (XXVIII, 5) que nous citerons au cours de la note suivante.

(474. ) Ce texte est tiré du Luen yu (III, 9), mais avec une modification importante qui résulte de la suppression de la phrase [] avant la phrase finale. Cette suppression est parfaitement légitime comme nous allons essayer de l’établir. La phrase incriminée signifie :

« C’est parce que les textes écrits et les sages ne suffisent pas.

En d’autres termes, Confucius disait ceci : Les royaumes de K’i et de Song ne peuvent fournir la preuve de l’exactitude de mes dires au sujet des rites des Hia et des Yn ; la raison en est que, dans ces deux royaumes, on ne trouve plus en suffisance les textes décrivant ces rites et les sages pratiquant ces mêmes rites ; si j’avais ces textes et ces hommes, je pourrais fournir la preuve de l’exactitude de mes dires.

En premier lieu on remarquera que la phrase a l’allure d’une glose introduite après coup ; elle est une explication de ce qui précède ; mais, si on l’a supprimé, la suite des idées ne se trouve nullement interrompue, comme nous l’avons montré dans la note précédente.

En second lieu, cette glose est elle-même peu admissible ; en effet, si Confucius n’avait pas à sa disposition de textes écrits concernant les rites des Hia et des Yn, comment aurait-il pu connaître ces rites et en parler ?

En troisième lieu, cette glose inutile et inexacte ne figure pas dans le passage suivant du Tchong yong (XXVIII, 5) qui offre beaucoup de ressemblance avec le texte du Luen yu que nous étudions :

 « Le Maître dit : J’ai discouru sur les rites des Hia, mais K’i n’a pu me fournir une vérification suffisante ; j’ai étudié les rites des Yn, mais Song n’avait plus que l’existence (c.-à-d. que la principauté de Song avait cessé d’observer les institutions qui firent autrefois sa gloire et se bornait à continuer à vivre). J’ai étudié les rites des Tcheou ; ils sont maintenant en vigueur ; je pratiquerai donc (les rites des) Tcheou.

Enfin, dans le chapitre Li yun du Li ki (trad. Couvreur, t. I, p. 502), Confucius dit :

« J’ai voulu voir les usages des Hia et c’est pourquoi je me suis rendu dans (le pays de) K’i ; mais (K’i) ne m’a pas fourni une vérification suffisante ; j’ai (du moins) trouvé le calendrier des Hia. J’ai voulu voir les usages des Yn ; c’est pourquoi je me suis rendu dans (le pays de) Song ; mais (Song) ne m’a pas fourni une vérification suffisante ; j’ai (du moins) trouvé (les écrits sur) la Terre et le Ciel. C’est grâce aux explications concernant (les écrits sur) la Terre et le Ciel, et grâce aux paragraphes successifs du calendrier des Hia que j’ai pu voir (ce qu’étaient les rites des Hia et des Yn). 

Dans ce passage, Confucius établit nettement qu’il a connu les usages des Hia et des Yn d’après des textes écrits, mais qu’il n’a pu les voir pratiqués dans les pays de K’i et de Song ; Legge (SBE, vol, XXVII, p. 368, n. 1) a bien remarqué qu’il y avait là un témoignage en opposition formelle avec la phrase : la contradiction disparaît si, comme le fait avec raison Se-ma Ts’ien, on supprime cette phrase qui n’est qu’une interpolation maladroite.

— Pour en finir avec ce passage du Luen yu, nous rappellerons que Pan Kou (Ts’ien Han chou, chap. XXX, p. 6 v°) le cite d’une manière fort inattendue et fort peu justifiable à propos du Tch’oen ts-ieou ; Confucius aurait prononcé cette parole pour expliquer les raisons qui l’empêchaient d’écrire l’histoire des Hia et des Yn ; trouvant insuffisants les documents concernant les deux dynasties, il se serait rabattu sur le royaume de Lou et, de concert avec Tso K’ieou-ming, aurait étudié les mémoires de ses historiens ; ainsi aurait pris naissance le Tch’oen ts’ieou.

(475. ) Luen yu, II, 23.

(476. ) Si nous nous en tenons au texte de Se-ma Ts’ien, cette phrase se rattache d’une manière parfaitement logique à ce qui précède et à ce qui suit. Après avoir réuni et classé ce qu’on pouvait savoir de son temps sur les rites des trois dynasties Hia, Yn et Tcheou, Confucius commence par rappeler que, en ce qui concerne les rites des Hia et des Yn, les théories qu’il expose ne sauraient être mises en pratique, car ces rites sont tombés en désuétude même dans les principautés de K’i et de Song qui auraient dû les conserver. Confucius ajoute maintenant que le travail qu’il a fait pour montrer les additions et les suppressions que les Hia et les Yn ont introduites dans les rites aura du moins cette utilité que, même cent générations plus tard, on saura à quoi s’en tenir sur les rites de ces deux antiques dynasties.

Passant ensuite à la considération des rites de la dynastie Tcheou, Confucius déclare qu’ils renferment en eux tout ce qu’il y avait de bon dans les rites des Hia et des Yn ; c’est donc les rites des Tcheou qu’il pratiquera.

— Étudions maintenant le texte du Luen yu (II, 23). Le commentaire de Tcheng Hiuen explique ici le mot [] comme ayant le sens de « générations ayant des noms de famille différents » ; il serait donc l’équivalent de notre mot « dynastie. » Si on adopte cette interprétation, la question de Tse-tchang serait celle-ci : « Peut-on, après dix dynasties, savoir (ce qui existait dix dynasties auparavant ? » Il me semble cependant que ce paragraphe reste intelligible, même si on conserve au mot son sens ordinaire de « génération ».

Je proposerai la traduction suivante :

« Tse-tchang ayant demandé si, après dix générations, on pouvait savoir (ce qui existait dix générations auparavant, le Maître dit :

— Les Yn se conformèrent aux Hia et on peut savoir les suppressions et les additions qu’ils firent aux rites ; les Tcheou se conformèrent aux Yn et on peut savoir les suppressions et les additions qu’ils firent aux rites. S’il doit arriver qu’(une dynastie nouvelle) succède à celle des Tcheou, même après cent générations on pourra savoir (ce qu’étaient les rites à l’époque des Tcheou).

Ainsi, à la question de Tse-tchang, Confucius répond par des faits ; il montre qu’on peut connaître les rites des Hia, car on sait les modifications qui y furent apportées par les Yn, et qu’on peut connaître les rites des Yn, car on sait les modifications qui y furent apportées par les Tcheou ; notre connaissance remonte donc bien plus loin que dix générations avant la nôtre ; aussi pouvons-nous dire avec certitude que, si la dynastie des Tcheou vient à être remplacée par une autre, même cent générations plus tard, on saura encore ce qu’étaient les rites des Tcheou. Il est possible d’ailleurs que, comme le donne à entendre Se-ma Ts’ien, Confucius ait prononcé ces paroles à propos de ses travaux sur les rites ; c’est grâce à ces travaux qu’on peut remonter dans le passé jusqu’aux rites des dynasties Hia et Yn ; c’est grâce à eux que les rites des Tcheou resteront connus dans un avenir qui peut s’étendre jusqu’à cent générations.

Dans ce texte du Luen yu, la ponctuation doit être placée avant, et non après le mot [] dans les deux cas où ce mot apparaît ; c’est ce que prouve le passage suivant du Ts’ien Han chou (chap. LX, p. 5 r°) :

« Les Yn se conformèrent aux Hia et mirent en honneur le fond ; les Tcheou se conformèrent aux Yn et mirent en honneur la forme.

(477. ) Les Tcheou, qui sont venus après les Yn et les Tcheou, ont eu l’avantage de pouvoir observer les rites de ces deux dynasties et sont parvenus ainsi à avoir eux-mêmes des institutions plus parfaites.

(478. ) Cf. notes 473 et 476.

(479. ) [] désigne le Chou king dont la partie dite de texte mo derne paraît bien être restée telle à peu près qu’elle sortit des mains de Confucius. Quant au terme [] [css : traduit parles mémoires sur les rites’], il ne saurait s’appliquer ici à l’ouvrage.appelé aujourd’hui Li ki, car le Li ki sous sa forme actuelle n’existait pas encore à l’époque de Se-ma Ts’ien.

(480. ) Luen yu, III, 23.

(481. ) Ce grand maître de la musique est peut-être le personnage appelé Tche qui est mentionné à deux reprises dans le Luen yu (VIII, 15 et XVIII, 9). Suivant une autre théorie cependant, le maître de musique Tche serait bien antérieur à Confucius et aurait vécu à l’époque du roi P’ing (770-720).

(482. ) C’est-à-dire : on peut savoir comment la musique doit être jouée. — Cette phrase est parfaitement intelligible si, comme le fait Se-ma Ts’ien, on réunit les deux textes qui sont isolés l’un de l’autre dans le Luen yu actuel (III, 23 et IX, 14). En effet, dans le second texte, Confucius se félicite d’avoir rendu la musique correcte ; c’est pourquoi il dit, dans le premier texte, que dorénavant on saura comment la musique doit être jouée.

(483. ) Le début de la musique était en effet marqué par un coup frappé sur la cloche qui donnait le diapason et qui permettait ainsi aux autres instruments de trouver l’accord.

(484. ) … on peut aussi conserver au mot [] son sens propre et dire que, une fois que l’accord a été indiqué par le coup de cloche, tous les autres instruments le suivent. Ce dernier sens peut être justifié par un commentaire de Wei Tchao qui dit, à propos d’un texte du Kouo yu : « Quand l’accord a été mis dans la musique par le coup de cloche, les huit sortes d’instruments le suivent.

(485. ) On peut épiloguer longuement sur la valeur de ces trois termes : le sens le plus simple me paraît être que les différents instruments, et peut-être aussi les chanteurs, forment un ensemble harmonieux, où cependant chaque partie ne se confond pas avec les autres, et où il n’y a jusqu’à la fin aucune solution de continuité.

(486. ) Luen yu, IX, 14.

(487. ) Il est question en ce moment de la musique, et non du Che king ; par conséquent, les termes ya et song désignent ici certains airs de musique, et non les parties du Che king appelées le ya et le song. On verra en effet un peu plus loin que Se-ma Ts’ien mentionne le ya et le song comme des airs de musique au même titre que le chao et le ou.

Voici l’un des textes qui prouvent que le ya et le song de la musique ne doivent pas être confondus avec le ya et le song du Che king. Les Rites de Tai l’aîné (chap. XII, section t’eou hou, à la fin) disent :

« Des vingt-six pièces qui composent le ya, il y en a huit qui peuvent être chantées ; ce sont : le lou ming (siao ya, I, 1), le li cheou (titre d’une ode perdue ; cf. tome III, n. 24.276. , et n. 28.180. ), le ts’io tch’ao (fong, Chao nan, 1), le ts’ai fan (fong, Chao nan, 2), le ts’ai pin (fong, Chao nan, 4), le fa t’an (fong, Wei, 6), le po kiu (Siao ya, IV, 2), et le tseou yu (fong, Chao nan, 14). Huit autres pièces ont été perdues et ne peuvent être chantées. Sept pièces (composant) le Chang (section du song) et le Ts’i (section du fong) peuvent être chantées. Trois pièces appartiennent au chant intermédiaire.

Il est évident que le ya dont il est question ici est le ya de la musique, et non le ya du Che king ; en effet, il ne comprend que 26 pièces tandis que le Siao ya et le Ta ya du Che king en comptent en tout 111 ; d’autre part, dans l’énumération qui est faite des huit premières de ces 26 pièces, on en trouve 5 qui appartiennent au fong, et non au ya, du Che king ; enfin sept autres de ces 26 pièces comprenaient des odes qui font partie, les unes d’une section des odes sacrificatoires, ou song, les autres du fong. On voit donc bien que le ya de la musique est différent du ya du Che king.

On trouvera d’autres textes confirmant cette conclusion dans le commentaire de Lieou Pao-nan (S. H. T. K. K., chap. 1060, p. 18 v°).

En somme, dans ce paragraphe, Se-ma Ts’ien ne parle que de la musique. Ce n’est que dans le paragraphe suivant qu’il traitera des travaux de Confucius sur le Che king.

(488. ) On désigne sous le nom de Che l’ensemble des poésies.

(489. ) Sie est l’ancêtre des Yn ; Heou-tsi est l’ancêtre des Tcheou.

(490. ) Le roi Li dut s’enfuir de son royaume en l’an 842 (cf. t. I, p. 274) ; le roi Yeou (781-721) est celui qui fut cause que les Tcheou durent transférer leur capitale à Lo-yang (cf. t. I, p. 285).

(491. ) Ailleurs (t. III, p. 16-17), Se-ma Ts’ien a dit :

« Quand la conduite des Tcheou cessa d’être bonne, les poètes prirent pour thème les nattes sur lesquelles on se couche et (l’ode) koan ts’iu fut composée.

Les nattes sur lesquelles on se couche désignent ici les rapports sexuels ;

Se-ma Ts’ien voyait dans l’ode koan ts-iu une satire contre les débauches du roi Kang ; et, selon lui, ce serait de ces débauches ou de ces désordres qu’il serait parlé dans cette ode ; cette opinion est en effet celle qui prévalait à l’époque des Han.Legge (C. C., vol. IV. p. 5, col. 1) a indiqué quelques-uns des textes où se trouve cette théorie. Wang Tch’ong (27-97 p. C.) la rappelle dans son luen heng (chap. XII, section sie toan), mais c’est pour la réfuter en faisant observer qu’on ne sait rien sur les prétendues débauches du roi K’ang.

En réalité, l’expression est fort obscure ; Se-ma Piao (240-305 p. C.) la comprenait tout autrement que Se-ma Ts’ien, car il disait :

« Les Annales n’étaient pas en bon état ; aussi Tchong-ni (Confucius) les arrangea-t-il ; (l’ode koan ts’iu était en désordre ; aussi le maître de musique Tche la réforma-t-il.

(Tsin chou, chap. LXXXII, p. 3 r°). Ici, comme on le voit, il s’agit du texte ou de la musique de l’ode qui était en désordre et qu’on arrangea.

— Dans le Luen yu (VIII, 15) nous avons la phrase suivante []. Legge et Couvreur acceptent tous deux l’explication regardée comme orthodoxe et qui donne le sens suivant :

« Le Maître dit : Lorsque le maître de musique Tche commença (à exercer sa charge), comme le finale du koan ts’iu était magnifique et comme il remplissait l’oreille !

Le mot [] est alors pris dans le sens de « finale » ou dernier morceau d’une symphonie, Ce sens du mot est en effet bien connu : pour ne citer qu’un exemple, on lit dans le Yo ki (Legge, SBE, vol. XXVIII, p. 117 ; Couvreur, t. II, p. 87) :

« C’est l’instrument pacifique qui marque le commencement de la musique et c’est l’instrument militaire qui en marque la fin.

(cf. tome III, n. 24.240). Mais cette phrase même, avec son opposition entre les mots [] et [], nous suggère une nouvelle interprétation du texte du Luen yu où ces deux mêmes mots apparaissent. On peut en effet proposer la traduction suivante :

« Le Maître dit :

— Le début (de la musique tel que le jouait) le maître de musique Tche, et le finale du koan ts’iu, comme cela était magnifique et comme cela remplissait l’oreille !

(cf. S. H. T. K. K., chap. 916, p. 8 v° et suiv., et chap. 1059, p. v°).

— Pour nous, nous ne saurions prendre parti entre toutes ces explications divergentes qui prouvent que le texte du Luen yu, aussi bien que celui des livres classiques plus anciens tels que le Che king et le Chou king, est souvent susceptible de recevoir plusieurs sens différents.

(492. ) Aujourd’hui encore les quatre sections du Che king commencent respectivement par les odes dont Se-ma Ts’ien indique ici le titre.

(493. ) Le Che king actuel comprend effectivement trois cent cinq pièces, plus les titres de six odes perdues.

(494. ) Le chao est la musique attribuée à Choen ; le ou est la musique du.roi Ou ; le ya et le song sont ici des musiques, et non les parties du Che king appelées ya et song ; cf. n. 487.

(495. ) Je prends ici le mot « discipline » dans le sens de : ensemble de doctrines ou d’enseignements sur un sujet déterminé. Les six disciplines étaient les Poésies, les Documents historiques, les Rites, la Musique, les Annales, le I.

(496. ) Le fameux livre de divination connu sous le nom de I king.

(497. ) On sait que le I king se présente à nous accompagné de dix appendices, appelés les dix ailes. Ces dix appendices se ramènent à sept, les trois premiers comprenant chacun deux ailes.

Les titres de ces dix appendices sont : 1 et 2, le t’oan ; 3 et 4, le siang ; 5 et 6, le hi ts’e ; 7, le wen yen ; 8, le chouo koa ; 9, le sin koa ; 10, le tsa hoa. Comme on le voit, Se-ma Ts’ien énumère ici tous les appendices du I king, sauf le dernier.

Après bien des hésitations, je me suis décidé à abandonner l’opinion traditionnelle d’après laquelle Se-ma Ts’ien attribuerait à Confucius la composition de ces appendices ; dans le texte de l’historien, je ne trouve pas un seul mot qui signifie « écrire » ou « composer » ; les titres des appendices me paraissent dépendre, au même titre que le nom du I king lui-même, du verbe [] ; à mon avis, la phrase ne peut avoir que ce sens : « Confucius se plut au I king et à ses appendices ».

L’objection qui se présente aussitôt est celle-ci : si les appendices du I king sont antérieurs à Confucius, comment se fait-il qu’on y relève plusieurs passages précédés de la formule « Le Maître dit... » qui paraît introduire des jugements de Confucius lui-même ? Nous répondrons que cette objection embarrasse tout autant ceux qui attribuent la paternité des appendices à Confucius, car ce dernier n’aurait pas employé la formule « Le Maître dit... » pour exprimer ses propres opinions (cf. Legge, SBE, vol. XVI, p. 29). D’autre part, nous avons la preuve formelle que certaines parties des appendices sont certainement antérieures à Confucius, car le début du Wen yen (7e appendice) est cité à la date de 564 av. J.-C., c’est-à-dire treize ans avant la naissance de Confucius, par le Tso tchoan qui déclare que ce texte se trouve dans le I des Tcheou.

En conclusion donc, nous croyons que les appendices du I king existaient avant Confucius ; mais ils ont été remaniés à une date postérieure à Confucius et c’est alors qu’un ou plusieurs auteurs anonymes y ont introduit les paragraphes commençant par la formule « Le Maître dit... »

— Si le témoignage de Se-ma Ts’ien nous semble établir que les appendices ne sont pas l’œuvre de Confucius puisque au contraire Confucius se plut à les étudier, il nous reste à montrer pourquoi les critiques chinois donnent à ce témoignage une signification diamétralement opposée en y introduisant implicitement le verbe « écrire » ou « composer » qui ne s’y trouve point (à moins qu’on ne donne ce sens au mot [], ce qui est difficilement admissible).

S’ils le font, c’est parce que, en réalité, ils voient le texte de Se-ma Ts’ien à travers celui de Pan Kou qui dit dans le Ts’ien Han chou (chap. XXX, p. 2 r°) que Fou-hi inventa les huit trigrammes, que Wen wang forma les soixante-quatre hexagrammes, et que

« Confucius fit pour cela (c.-à-d. pour être ajoutés à l’ouvrage ainsi formé) les dix chapitres, à savoir le t’oan, le siang, le hi ts’e, le wen yen, le siu koa, etc.

Ainsi le I king se trouva constitué par la collaboration successive des trois plus grands sages de la Chine, de ceux qui représentent respectivement la haute, la moyenne et la basse antiquité.

Mais il est aisé de voir que c’est pour obtenir cette symétrie des trois sages et des trois antiquités qu’une part a été faite à Confucius dans la composition du I king ; nous avons affaire ici à une systématisation arbitraire qui n’a aucune valeur historique et que Se-ma Ts’ien n’a point connue.

(498. ) Confucius lut le I king un si grand nombre de fois que les lanières de cuir qui rattachaient entre elles les fiches de bois composant le manuscrit furent usées et se rompirent à trois reprises.

(499. ) Luen yu, VII, 16.

(500. ) [substitution de caractère]. Voici un autre exemple montrant la même substitution de caractère : dans le Tso tchoan (1e année du duc Hoan), et dans les Tableaux chronologiques de Se-ma Ts’ien (chap. XIV, p. 22 v°). Il s’agit ici de l’échange que le duc de Tcheng fit avec le duc de Lou pour acquérir la localité de Hiu-t’ien ; en 713 (cf. t. IV, p. 107), le duc de Tcheng avait donné au duc de Lou la localité de Pong, à condition que celui-ci lui donnerait Hiu-tien ; en 711, les conditions de l’échange furent modifiées ; le duc de Tcheng dut ajouter à son apport un anneau de jade ; la phrase des Tableaux chronologiques signifie donc :

« Se servant d’un anneau de jade, il le donna en plus à Lou pour échanger avec lui Hiu-tien.

Comme l’explique un commentaire cité par P’ei Yn (Mém. hist. chap. XXXIII, p. 5 r°) :

« (La localité de) Peng n’étant pas une compensation suffisante pour Hiu-tien, (le duc de) Tcheng y ajouta encore un anneau de jade.

Il faut donc, dans le texte du Tso tchoan, expliquer le mot [] comme ayant la valeur de [], et on traduira :

« Le comte de Tcheng, se servant d’un anneau de jade, le donna en plus pour (obtenir) Hiu-tien.

(501. ) Le texte de Se-ma Ts’ien est simple et clair ; il n’en va pas de même pour le texte correspondant du Luen yu (VII, 16).

Legge et Couvreur acceptent l’interprétation traditionnelle qui revient à ceci :

« Le Maître dit :

— Si quelques années étaient ajoutées à ma vie, j’en donnerais cinquante à l’étude du I et alors je pourrais arriver à ne plus commettre de grandes fautes.

Legge remarque cependant avec raison, dans une note, qu’on ne comprend pas comment Confucius, déjà âgé de soixante-huit ans, pouvait, même à titre de supposition, désirer que cinquante années fussent ajoutées à sa vie. D’ailleurs, en quelque estime qu’on tienne le I king, c’est vraiment aller trop loin que de l’étudier cinquante années durant. Je n’entrerai pas dans l’examen des diverses hypothèses que les exégètes chinois ont proposées pour résoudre la difficulté ; on trouvera l’indication de quelques-unes d’entre elles dans la note de Legge (C. C., vol. I, p. 64) à laquelle je me suis déjà référé. Pour ma part, je crois que les mots ne peuvent résulter que d’une corruption du texte.

— Reste la phrase finale. Legge observe que cette proposition paraît étrange, car Confucius n’a jamais prétendu être un homme parfait ; peut-être faut-il en effet donner à ces mots un sens plus directement en rapport avec le contenu du I king : le I king  est un livre de divination ; il indique à l’avance les cas dans lesquels il faut agir et ceux dans lesquels il faut s’abstenir ; celui qui se conformera à ces indications évitera donc les fautes que commettraient des hommes non prévenus ; c’est ce que Confucius veut donner à entendre quand il dit que, s’il pouvait se livrer à une étude approfondie du I king, il arriverait à ne plus tomber dans de grandes fautes ; c’est encore ce qu’exprime un des appendices du I king  en affirmant que l’homme qui aura attentivement tenu compte des pronostics du I king  aura une bonne fortune constante et réussira dans tous ses actes (Legge, SBE, vol, XVI, p. 351, § 14).

(502. ) Cf. n. 495.

(503. ) Sur la valeur mystique du nombre 72, voyez tome II, n. 6. Le Heou Han chou (chap. III, p. 7 r°) parle des sacrifices qui furent offerts en l’an 86 p. C. à Confucius et à ses 72 disciples.

Cependant Se-ma Ts’ien lui-même, dans le chapitre LXVII de ses Mémoires (p. 1 r°) cite une parole de Confucius qui aurait dit :

— Ceux qui ont reçu mon enseignement et qui l’ont compris entièrement sont au nombre de soixante-dix-sept.

(504. ) D’après Tchang Cheou-tsie, le mot [] se prononce ici tsiu. Je n’ai pas pu identifier avec précision ces trois personnages qui ne sont pas au nombre des 72 disciples.

(505. ) Luen yu, VII, 24.

(506. ) Le mot désigne ici les enseignements qu’on peut tirer des Poésies, des Documents historiques, des Rites et de la Musique.

(507. ) Le mot [] est ici au k’iu cheng.

(508. ) Luen yu, IX, 4.

(509. ) Luen yu, VII, 12.

(510. ) Lorsqu’on jeûne avant d’offrir un sacrifice, il faut concentrer toutes ses pensées sur la cérémonie qu’on va accomplir si on veut pouvoir entrer en communication avec les dieux ; voyez les prescriptions relatives au jeûne dans le chapitre Tsi t’ong (§ 6) du Li ki (trad. Couvreur, t. II, p. 323-325  ; Legge, SBE, vol. XXVIII, p. 239-240). De même, quand on va livrer bataille, on doit prêter une attention soutenue à ce qu’on fait si on veut remporter la victoire. C’est pourquoi on lit dans le chapitre Li k’i (a, § 21) du Li ki (trad. Couvreur, t. I, p. 553 ; Legge, SBE, vol. XXVII, p. 403 ; cf. chap. Kiao t’o cheng, à la fin de la 1e partie ; Couvreur, I, p. 589  ; Legge, SBE, vol. XXVII, 426) :

« Dans la pratique des rites, l’homme supérieur ne manque pas de faire la plus grande attention... Confucius disait : si je livre bataille, je remporte la victoire, si j’offre un sacrifice j’obtiens les faveurs (du Ciel)

Dans ce texte, comme dans celui du Luen yu reproduit par Se-ma Ts’ien, nous voyons que la réussite dans le combat, de même que l’exaucement dans le sacrifice auquel on se prépare par le jeûne, sont obtenus grâce à une attention soutenue.

En cas de maladie, il importe de faire attention au régime qu’on suit et aux aliments dont on se nourrit.

(511. ) Luen yu, IX, 1.

(512. ) — Le mot [] est ici employé dans un sens favorable : ce n’est pas le profit matériel, comme l’entendent les hommes au caractère bas, c’est l’avantage réel qui est identique à la justice. Une action juste peut n’être pas profitable à celui qui l’accomplit ; elle est cependant avantageuse en soi, par cela même qu’elle est juste.

— Le mot [] désigne la destinée bonne ou mauvaise que le Ciel assigne à chaque être. Dans le chap. XLIX des Mém. hist., p. 1 v°, Se-ma Ts’ien dit :

« Si K’ong-tse parlait rarement de la destinée, c’est qu’en effet il est difficile d’en discourir. Si on n’a pas entièrement pénétré les transformations de l’obscur et du clair (c.-à-d. des deux principes qui règlent l’évolution universelle), comment connaîtrait-on la destinée naturelle ?

— Le mot [] désigne la bonté parfaite réalisée dans l’homme.

Pourquoi Confucius parlait-il rarement de l’avantage, de la destinée et de la bonté absolue ? C’est, dit-on, parce qu’il vivait à une époque dégénérée et que les hommes de son temps n’auraient pu comprendre des notions aussi hautes. Mais ce que les critiques chinois ne parviennent guère à expliquer, c’est la contradiction qui existe entre l’affirmation que Confucius ne parlait que rarement de la bonté absolue, et le fait que le Luen yu présente des passages extrêmement nombreux où Confucius traite de cette même bonté absolue.

(513. ) Luen yu, VIII, 8.

(514. ) Le Luen yu, qui met tout ce paragraphe dans la bouche de Confucius, ajoute ici la phrase « Devant celui qui ne cherche pas à parler, je ne m’exprime pas. »

(515. ) Les mots « soulever un coin » forment une expression très concise ; le texte du Luen yu gravé sur pierre à l’époque des T’ang donne la leçon plus complète « quand il avait soulevé un coin pour le montrer » ; mais, comme Se-ma Ts’ien n’a pas connu ces trois mots supplémentaires, peut-être ne sont-ils qu’une glose introduite à une époque postérieure et on a sans doute eu raison de ne pas les admettre dans le texte définitif du Luen yu.

(516. ) Luen yu, X, 1.

(517. ) L’expression [] désigne le berceau familial, l’endroit où ont vécu les ancêtres d’un homme. Quand Confucius se trouvait dans le lieu où avaient demeuré ses pères et ses aînés, il affectait par modestie une attitude respectueuse et, dissimulant sa haute sagesse, il semblait incapable de parler. On peut rapprocher de cette phrase concernant Confucius ce que dit Se-ma Ts’ien du général Li Koang (Mém. hist., chap. CIX, p. 4 v°) :

« J’ai vu le général Li : il semblait pénétré de respect comme s’il eût été un homme de basse condition et sa bouche était incapable de s’exprimer.

(518. ) Quand il était dans le temple ancestral du prince, pour aider aux sacrifices.

(519. ) Luen yu, X, 2.

(520. ) Dans le Luen yu, il est question d’abord des grands officiers inférieurs et ensuite des grands officiers supérieurs.

— Les grands officiers supérieurs étaient théoriquement au nombre de trois dans un pays tel que celui de Lou ; ils avaient les titres de se-t‘ou, se-ma et se-k’ong. Dans le pays de Lou, ces trois charges étaient exercées respectivement par les chefs des trois familles issues du duc Hoan, à savoir les familles Ki, Chou-suen et Mong-suen. En fait, il y avait en outre, dans le pays de Lou, un quatrième grand officier supérieur ; c’était le chef de la famille Chou qui était issue de Chou-hi frère cadet du duc Siuen (608-591) ; à l’époque de Confucius, le représentant de celte famille se nommait Chou Hoan

— Quant aux grands officiers inférieurs, la théorie aurait voulu qu’ils fussent cinq dans le pays de Lou ; mais ils paraissent avoir été plus nombreux. Confucius, lorsqu’il exerçait. des fonctions publiques dans le pays de Lou, était un des grands officiers inférieurs ; les autres grands officiers inférieurs étaient donc ses collègues et ses égaux, ce qui explique l’attitude qu’il prenait en leur parlant.

(521. ) Luen yu, X, 4.

(522. ) On franchissait successivement trois portes pour pénétrer dans le palais des ducs de Lou.

— La plus extérieure était la porte tche  ;

cette porte était flanquée de deux tours ou observatoires appelés koan sur lesquels on pouvait monter, comme le prouve le début du chapitre Li yun du Li ki  ;

ces tours portaient aussi le nom de k’iue parce que, dit-on, c’est entre elles deux que se trouvait l’ouverture (k’iue) par laquelle passait la route ;

un troisième nom de ces deux tours était siang wei ; ce terme désigne proprement les textes écrits des lois et proclamations officielles (cf. Tso tchoan, 3e année du duc Ngai : « il ordonna de mettre à l’abri les textes des ordonnances officielles »), mais il fut appliqué aux tours de la porte parce que c’est contre ces tours qu’on suspendait les planchettes de bois sur lesquelles étaient écrites les ordonnances qu’on voulait rendre publiques ; ces tours servaient ainsi à l’affichage officiel et prirent le nom des documents mêmes qu’on appliquait sur leurs murs.

— Après avoir franchi la porte tche, on devait traverser la porte k’ou.

— Une troisième porte, de dimensions plus petites que les précédentes, ouvrait l’accès des bâtiments réservés aux usages privés du prince ; elle était appelée la porte lou, ou encore la porte ts’in.

Quelle est celle de ces trois portes qui est désignée dans notre texte sous le nom de porte du duc ? les érudits chinois dissertent à perte de vue sur cette question qui ne paraît pas susceptible de recevoir une solution définitive. Même, suivant certains critiques, le mot k?ung devrait être considéré comme une superfétation qu’il faut retrancher du texte du Luen yu, et la porte dont il s’agit serait la porte du temple ancestral ; la raison qu’on en donne est que, dans un passage du I li (section p’ing li ; chap. XXIV, p. 22 v°) qui offre la plus grande analogie avec ce texte du Luen yu, il est bien en effet question de la porte du temple ancestral ; voici ce passage du I li  :

« Tenant en main la tablette, il entre par la porte (du temple) en pliant son corps comme s’il craignait de laisser échapper (cette tablette).

En d’autres termes, il porte cette tablette qui est très légère comme s’il pliait sous le poids d’un objet très lourd qu’il craint de laisser échapper.

(523. ) En marque de respect. L’expression [] signifiera « avoir une attitude respectueuse » et, par suite « être respectueux et attentif ». C’est avec ce sens que cette expression apparaît souvent dans les textes historiques (cf. Mém. hist., chap. CVIII, dernière phrase ; chap. CXXX, p. 11 v° ; Ts’ien Han chou, chap. LXXIX, p. 5 v°).

(524. ) Le Luen yu attribue cette démarche à Confucius dans deux occasions différentes :

— en premier lieu (X, 3) quand il était chargé de recevoir un prince étranger et qu’il venait du milieu de la salle jusqu’aux escaliers pour le saluer au nom de son souverain ;

— en second lieu (X, 4) quand il avait quitté la salle d’audience pour retourner à sa place et qu’il était arrivé au bas des escaliers.

D’après le texte tronqué de Se-ma Ts’ien, on pourrait croire que Confucius avait cette attitude en se rendant à la salle d’audience.

(525. ) Luen yu, X, 3.

(526. ) Se-ma Ts’ien écrit le mot [] que le Luen-yu écrit [b]. L’orthographe [a] est déclarée plus correcte par le Chouo wen. Ce mot désignait les fonctionnaires chargée de « recevoir les hôtes. » — Les commentateurs discutent longuement pour savoir si les hôtes que Confucius était chargé de recevoir étaient des princes ou s’ils étaient des hauts dignitaires ou des grands officiers ; ils arrivent à la conclusion que, en droit strict, le rang que Confucius occupait dans le pays du Lou ne lui permettait de recevoir que des grands officiers, mais que, en fait, sa profonde connaissance des rites put lui faire confier provisoirement la mission spéciale de recevoir des princes ; c’est de la même manière qu’il s’acquitta provisoirement des fonctions de conseiller dans le pays de Lou à l’époque où le véritable conseiller était Ki Hoan-tse (SHT KK, chap. 918, p. 3 r° et v°).

(527. ) Le caractère [] est ici un caractère emprunté qui est l’équivalent du caractère []. Ce dernier mot a le sens de « changer de couleur » ; on l’explique aussi comme signifiant « avoir l’air animé », (S. H. T. K. K., chap. 1061, p. 5 v°).

(528. ) Luen yu, X, 13.

(529. ) Cf. Li ki, chap. Yu tsao (trad. Couvreur, t. I, p. 705) : quand un officier était mandé par le prince, s’il était de service dans le palais il ne prenait pas le temps de mettre ses chaussures ; s’il était hors du palais, il n’attendait pas que sa voiture lût prête. — Mencius (V, b, 7, § 5) : « Confucius, quand il était appelé par un ordre du prince, allait sans attendre que son char fût préf. » - Cf. aussi Mencius (II, b, 2, § 5).

(530. ) Luen yu, X, 8.

(531. ) Luen yu, X, 9.

(532. ) On voit que Se-ma Ts’ien fait se succéder immédiatement les deux phrases et qui offrent en effet un parallélisme rigoureux. La même connexion des deux phrases se retrouve dans Mo tse (chap. Fei jou), dans le Sin siu (chap. Tsie che), dans le Han che wai tchoan (chap. IX, p. 1 r°) et dans le Chouo wen. Étant donné cet accord de ces quatre textes avec celui de Se-ma Ts’ien, il est probable que le texte du Luen yu (X, 8 et 9) a tort d’intercaler 70 mots entre ces deux phrases ; on ne peut guère expliquer cette intercalation que par un désordre qui se serait introduit dans les fiches de bois sur lesquelles était écrit le manuscrit. du Luen yu ; telle est l’opinion exprimée par P’an Wei-tch’eng (S. H. T. K. K., chap. 918, p. 32 r°).

Le Luen yu mentionne encore dans un autre passage (X, 13) l’habitude qu’avait Confucius de se conformer minutieusement aux rites en disposant régulièrement la natte sur laquelle il allait s’asseoir.

(533. ) Luen yu, VII, 9.

(534. ) Luen yu, IX, 9 et X, 16.

(535. ) Luen yu, VII, 21.

(536. ) Le texte du Luen yu gravé sur pierre à l’époque des T’ang donne la leçon []. Confucius en effet se compte au nombre des trois personnes dont il parle.

(537. ) Quand Confucius se trouvait avec deux autres personnes, si toutes deux approuvaient sa conduite, il y persévérait ; si toutes deux la blâmaient, il se corrigeait. En d’autres termes, lorsque sur trois hommes deux sont d’un avis et un seul d’un autre avis, c’est l’opinion des deux premiers qui doit l’emporter ; c’est ce que prescrit le chapitre Hong fan du Chou king lorsqu’il s’agit de divination (cf. tome IV, n. 38.150). Dans le Tso tchoan (31e année du duc Siang), Tse-tch’an, parlant des jugements que les gens du peuple portent sur ses actes politiques, dit : « Ce qu’ils trouvent bien, je le ferai ; ce qu’ils trouvent mal, j’y renoncerai ; ils seront mes maîtres ».

(538. ) Luen yu, VII, 3.

(539. ) Le mot [] a le sens de « se transporter », et, par suite, « aller vers ». L’expression « se porter vers ce qui est juste », se retrouve ailleurs dans le Luen yu (XII, 10).

(540. ) Confucius était tourmenté à la pensée que ses enseignements devaient être défectueux puisqu’ils ne parvenaient pas à détourner les hommes d’une conduite condamnable.

(541. ) Luen yu, VII, 31.

(542. ) Luen yu, VII, 20.

(543. ) Voyez dans le Luen yu (XIV, 6) un cas où Confucius garda le silence lorsqu’on l’interrogeait sur des hommes doués de force et d’habileté.

(544. ) Cf. Luen yu, XI, 11.

(545. ) Luen yu, V, 12.

(546. ) Lieou Pao-nan (S. H. T. K. K., chap. 1056, p. 14 r° et v°) soutient avec beaucoup d’ingéniosité que, par le terme [], il faut entendre ici les travaux de Confucius sur le Che king, le Chou king, les Rites et la Musique ; c’était là la partie de son œuvre qui était la plus intelligible pour ses disciples. Quant au terme « voie céleste » il désigne les présages favorables ou néfastes et la théorie du yin et du yang ; il se rapporterait ici à la recension que Confucius fit du I king ; de même, le terme « la nature », désignerait la nature ou voie humaine et il serait fait allusion ici au Tch’oen ts’ieou. Tse kong déclare donc que les enseignements donnés par Confucius dans le I king, et le Tch’oen-ts’ieou étaient ce qu’il y avait de plus difficile à comprendre dans son œuvre.

— Le Luen yu donne la leçon [], qui a été interprétée à l’époque des Han, notamment dans le Heou Han chou (cf. S. H. T. K. K., chap. 1056, p. 15 v°) comme signifiant « la conformité de la nature humaine avec le ciel » ; mais la leçon de Se-ma Ts’ien prouve que ce sens doit être rejeté et qu’il faut séparer d’un côté « la voie céleste », et de l’autre « la nature humaine », à laquelle Se-ma Ts’ien ajoute « la destinée ».

(547. ) Luen yu, IX, 10.

(548. ) Luen yu, IX, 2.

(549. ) Le mot [], que je traduis par a canton » désigne une petite circonscription administrative comprenant cinq cents familles. On ne sait pas où se trouvait le canton de Ta-hiang.

— Le Luen yu ne parle que d’un homme du canton de Ta-Hiang ; c’est Se-ma Ts’ien qui indique que cette personne était un jeune garçon ; quelques commentateurs identifient ce jeune garçon avec Hiang T’o je dont il est dit, dans le Tchan kouo ts’e (section Ts’in yu) que, à l’âge de sept ans, il fut le maître de Confucius ; il faut entendre par là que ce jeune garçon, ayant fait naïvement la réflexion que Confucius devait être un homme bien admirable puisqu’il était d’une compétence universelle, le sage, par humilité, prit cet éloge pour une critique, et résolut de se spécialiser dans le plus modeste des arts libéraux, l’art de conduire un char ; on peut donc dire que cet enfant fut le maître de Confucius.

(550. ) Luen yu, IX, 6.

(551. ) Ce Lao paraît être celui qui est mentionné par Tchoang-tse sous le nom de [] (Legge, SBE, vol. XL, p. 121, n. 2). D’après le Kia yu (chap. ts’i che eul ti tse), « K’in Lao était un homme du pays de Wei. Son appellation était Tse-k’ai, ou encore Tchang ». Le Kou kin jen piao du Ts’ien Han chou (chap. XX, p. 51 v°) mentionne aussi K’in Lao.

La critique moderne (S. H. T. K. K., chap. 917, p. 6 r°, et chap. 1060, p. 9) a cependant établi que K’in Lao n’a jamais existé et que le personnage, d’ailleurs inconnu, appelé Lao n’a rien de commun avec le personnage appelé K’in Tchang qui apparaît dans Tchoang tse (Legge, SBE, vol. XXXIX, p. 250), dans le Tso tchoan (20e année du duc Tchao ; Legge, C. C., vol. V, p. 682 b) et dans Mencius (VII, b, 37, § 4).

(552. ) Tso tchoan, 14e année du duc Ngai.

(553. ) Ta-ye était le nom d’une plaine marécageuse qu’on appelait aussi Kiu-ye ; elle se trouvait, d’après le Kouo ti tche, à douze li à l’est de la sous-préfecture de Kiu ye (qui dépend aujourd’hui de la préf. de Ts’ao-tcheou, prov. de Chan-tong).

(554. ) D’après le récit qui se trouve dans le K’ong ts’ong (§ 5, ki wen, à la fin), ce lin ne fut pas capturé vivant ; le chasseur ne s’en empara qu’après l’avoir tué, et c’est ce qui explique la parole de Confucius que nous trouverons quelques lignes plus bas (cf. p. 417). Voici le récit du Kong ts’ong :

« Un certain Tch’ou-chang, conducteur de char au service de Chou-suen, étant allé couper du bois dans la campagne, prit un animal (étrange) ; personne ne connaissait (cet animal) : il pensa que c’était un mauvais présage et l’abandonna au carrefour des Cinq pères (cf. n. 114). Jan Yeou (= Jan K’ieou ou Tse-yeou) dit au Maître :

— (Cet animal) a un corps de daim et une protubérance charnue en forme de corne. Comment serait-ce un mauvais présage envoyé par le Ciel ?

Le Maître lui demanda :

— Maintenant où se trouve-t-il ? Je veux aller le voir. 

Il se mit aussitôt en route. Il dit à Kao Tch’ai qui lui servait de cocher :

— D’après ce que m’a dit (Jan) K’ieou, c’est certainement un lin

Quand il fut arrivé et qu’il le vit, il reconnut que c’était effectivement (un lin). Yen Yen (= Tse-yeou) lui demanda :

— Parmi les êtres qui volent le plus honorable est le phénix, et parmi les êtres qui marchent le plus honorable est le lin, car il est difficile de les faire venir. Je me permets de vous demander à qui répond ce (lin) qui apparaît maintenant.

Le Maître lui répondit :

— Quand le Fils du Ciel répand sa vertu bienfaisante et qu’il s’apprête à produire le calme universel, alors le lin, le phénix, la tortue koei et le dragon en sont par avance l’heureux présage. Maintenant l’auguste dynastie Tcheou est près de sa fin et dans le monde il n’y a pas de souverain (digne de ce nom). Pour qui vient donc (ce lin) ? 

Il se mit alors à verser des larmes et dit :

— Je suis parmi les hommes ce que le lin est parmi les animaux. Maintenant, quand le lin apparaît, il est mort ; c’est la preuve que ma carrière est terminée.

Il chanta alors ceci :

« Au temps de T’ang (Yao) et de Yu (Choen), le lin et le phénix venaient se promener.

Maintenant puisque ce n’est pas l’époque qui leur convient, que puis-je demander ?

O lin, ô lin, mon cœur est tourmenté.

(555. ) Le Tso tchoan ajoute ici la phrase : « et le donna au garde des forêts ».

(556. ) C’est-à-dire qu’on prit le corps du lin pour l’apporter au duc de Lou.

(557. ) Luen yu, IX, 8.

(558. ) Le texte du Luen yu (IX, 8) est conçu un peu différemment :

« Le Maître dit :

— L’oiseau fong (le phénix) ne vient pas ; le Ho ne produit pas le Tableau. C’en est fini de moi.

Les combinaisons numériques exprimées par des cercles blancs et des cercles noirs sur le Tableau porté par un cheval sorti du Fleuve et sur l’Écrit porté par une tortue sortie de la rivière Lo ont fait l’objet de spéculations innombrables en Chine ; Legge a résumé la théorie la plus généralement admise dans quelques pages de son introduction à la traduction du I king (SBE, vol. XVI, p. 14-18). — Dans un article intitulé Cupmarks as an archaic form of Inscription (J. R. A. S., July 1903, p. 517-543), J. H. Rivett-Carnac a émis l’hypothèse (déjà acceptée par Terrien de Lacouperie dans Journ. Roy. As. Soc., 1885, p. 436) que les cercles du Tableau et de l’Écrit devaient être en réalité de ces cupules gravées sur le roc qui semblent avoir formé un système de notation rudimentaire aux époques préhistoriques.

On remarquera que le Tableau du Fleuve et l’Écrit du Lo, sont souvent, comme dans le texte de Se-ma Ts’ien, mentionnés en compagnie l’un de l’autre ; tel est le cas dans l’appendice Hi-ts’e du I king (SBE, vol. XVI, p. 374.). Cependant, on trouve aussi, comme dans le texte du Luen yu, le Tableau du Fleuve mentionné isolément ; c’est ainsi que le Chou king (chap. Kou ming ; Legge, C. C., vol. III, p. 554) parle du Tableau du Fleuve comme d’un joyau conservé avec divers objets en pierre de prix, ce qui semble autoriser la supposition que ce Tableau lui-même était gravé sur une plaque de pierre ; le Li ki (chap. Li yun, trad. Couvreur, t. I, p. 536) dit : « Le Fleuve produisit le Tableau (porté par) un cheval ».

Le sens de la parole de Confucius semble être celui-ci : le Ciel ne fait pas apparaître les merveilles qui signalent la venue d’un prince sage ; c’est la preuve que mes enseignements n’ont pas atteint leur but ; c’en est fini de moi, je n’ai plus qu’à me retirer.

(559. ) Luen yu, XI, 8.

(560. ) Yen Yuen ou Yen Hoei était le disciple favori de Confucius.

(561. ) Le sens le plus vraisemblable de cette phrase est celui-ci : Le Ciel avait fait naître Yen. Yuen pour.qu’il fût l’assistant de Confucius ; en le faisant disparaître, il annonce que Confucius va bientôt mourir lui-même et n’a plus besoin désormais de son disciple fidèle. Cette interprétation est confirmée par la place que Se-ma Ts’ien assigne à ce propos de Confucius qu’il intercale entre deux phrases prédisant toutes deux la mort prochaine du Maître.

(562. ) Il s’agit de la chasse à Ta-ye (cf. p. 415) qui eut lieu dans l’ouest du pays de Lou, comme l’indique expressément le texte du Tso tchoan (14e année du duc Ngai).

(563. ) Nous avons déjà trouvé cette phrase dans le texte du K’ong ts’ong ; cf. n. 554. Elle figure aussi dans le récit que fait le commentaire du Tch’oen-ts’ieou attribué à Kong-yang.

(564. ) Luen yu, XIV, 37.

(565. ) Cette parole de Confucius est obscure ; les commentateurs modernes l’expliquent en y voyant une allusion au Tch’oen-ts’ieou. Confucius dirait donc ceci : Personne ne m’a connu, puisque je n’ai point réussi a être investi des fonctions de conseiller d’un prince ; cependant je n’en veux ni au Ciel, ni aux hommes, car en réalité cela me permet d’être le directeur spirituel, non de mon époque seulement, mais de tous les âges à venir ; en effet, dans le Tch’oen-ts’ieou, j’étudie en bas les affaires humaines, je pénètre en haut la conduite des rois et je fais un ouvrage si parfait, que le Ciel seul pourra en apprécier tout le mérite et connaître ce que je vaux.

Quelque artificielle que soit cette glose, on ne voit pas bien quel autre sens on pourrait attribuer aux paroles de Confucius.

(566. ) Luen yu, XVIII, 8.

(567. ) Dans Se-ma Ts’ien, ce texte fait immédiatement suite au précédent et doit être considéré comme la continuation des paroles de Confucius.

(568. ) Sur po I et chou Ts’i, qui se laissèrent mourir de faim plutôt que d’approuver la substitution de la dynastie des Tcheou à celle des Yn, voyez le chap. LXI des  Mémoires historiques.

(569. ) L’opinion la plus communément admise est que Lieou-hia est un nom de lieu, mais on ne sait où se trouvait cette localité.

D’après un autre texte du Luen Yu (XV, 13), Hoei était contemporain de Tsang Wen tchong dont le fils Tsang Siuen chou et le petit-fils Tsang Ou tchong sont mentionnés par le Tso-tchoan, le premier en 591, et le second en 552. On voit par là que Tsang Ou tchong et par suite Hoei de Lieou-hia, devaient vivre à la fin du VIIe siècle avant notre ère.

(570. ) Chao-lien est mentionné dans le Li Ki (chap. Tsa ki, 3e part., § 14 ; trad. Couvreur, t. II, p. 162) en compagnie de Ta-lien ; ils appartenaient, nous dit-on, à une tribu barbare de l’Est de la Chine, et cependant ils surent observer parfaitement les règles du deuil.

(571. ) Le Luen yu ajoute ici la phrase :

« dans leurs paroles ils furent d’accord avec la raison ; dans leurs actes, ils furent d’accord avec l’opinion (que les hommes se font de la sagesse). »

(572. ) Yu-tchong désigne le plus souvent Tchong-yong, frère cadet de T’ai-po de Ou (cf. cependant tome IV, n. 31.109. et n. 39.156. ).

(573. ) On ne sait rien de précis sur ce personnage.

(574. ) Je suis dans ma traduction le commentaire de Pao Hien (1e moitié du 1er siècle p. C.) qui explique le mot [a] comme ayant ici le sens de [b]. La phrase [ac] signifierait donc : ils ne parlèrent plus désormais (des affaires de ce monde). Il faut avouer cependant que le mot [a] a en général une valeur toute contraire et que [ac] devrait signifier : ils donnèrent libre cours il leurs paroles. C’est ce dernier sens qu’adopte Legge (CC, vol. I, p. 201).

(575. ) En d’autres termes, Confucius se laisse guider par la seule justice et sa conduite n’est pas inflexible comme celles des personnes trop systématiques qu’il vient d’énumérer.

(576. ) Cette négation répétée exprime l’idée de Confucius qu’il ne faut pas que la mémoire d’un homme supérieur périsse après sa mort.

(577. ) Luen yu, XV, 19.

(578. ) L’homme supérieur ne recherche pas la réputation de son vivant ; mais il désire avoir accompli une œuvre telle qu’il laisse après sa mort une gloire impérissable.

(579. ) [ab] Cf. t. I, Introduction, n. 175 ; t. III, n. 14.117 ; t. IV, n. 36.120. — Même après que Se-ma Ts’ien eut donné à son ouvrage le titre de [ab], ce terme continua à être employé dans le sens vague qu’il avait autrefois et cela induisit parfois les commentateurs en erreur. C’est ainsi que le chapitre Ou hing tche du Ts’ien Han chou mentionne souvent le Che ki et Yen Che-kou a cru qu’il s’agissait des Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien ; mais un examen plus attentif permet de reconnaître que le Che ki cité à diverses reprises par le Ou hing tche n’est autre que le Kouo yu (cf. Ts’ien Han chou, chap. XXVII, b, 1e partie, notes critiques de l’édition de K’ien-long).

(580. ) Se-ma Ts’ien emploie ici le mot []. Nous avons vu qu’il se sert ailleurs du mot [] qui impliquerait plutôt l’idée d’un simple arrangement chronologique de documents préexistants. Cf. t. III, p. 18, n. 6.

(581. ) Les mots [ab] signifient proprement « printemps et automne » ; ils ont le sens métaphorique de « années » parce que les noms de deux saisons ont été pris pour désigner l’année tout entière avec ses quatre saisons ; c’est de la même manière que les deux mots, qui signifient proprement « Est et Ouest » désignent les « objets » en général, c’est-à-dire tout ce qui se trouve dans les quatre directions de l’espace.

On rencontre fréquemment dans les historiens chinois l’expression [ab] employée pour exprimer en années l’âge d’un homme.

On voit donc comment cette même expression a pu arriver à signifier « Annales », ce qui est la vraie traduction du titre de l’ouvrage attribué à Confucius. Cf. Legge, C. C. vol. V, prolég., p. 7.

(582. ) Quoique la phrase soit obscure, je crois que le sens que je propose rend bien compte de la suite des idées. Se-ma Ts’ien a commencé par dire que le Tch’oen-ts’ieou est une chronique des règnes de douze ducs de Lou ; cependant on y trouve aussi relatés des faits qui se rapportent à la dynastie des Tcheou ou même parfois aux deux dynasties plus anciennes des Hia et des Yn ; si Confucius put ainsi donner à son ouvrage plus d’extension qu’il ne semblait devoir en comporter, c’est parce que la parenté qui unissait la lignée des princes de Lou à celle des rois de la dynastie Tcheou l’y autorisait. Le commentaire que Se-ma Tcheng donne de la phrase […] rend inintelligible le mot [] qui commence la phrase suivante. Legge, qui a tenu compte en quelque mesure de cette glose dans la traduction qu’il a faite de ce passage (Chinese classics, vol. V, prolég., p. 14), aboutit à l’interprétation fort peu satisfaisante que voici : « He kept close in it to (the annale of) Loo, showed hie affection for Chow, and purposely made the three dynasties move before the reader. »

— Une autre explication nous est suggérée par le critique moderne Lieou Pao-nan (S. H. T. K. K., chap. 1070, p. 6 v° et 7 r°). Le sens serait alors que Confucius, en écrivant le Tch’oen-ts’ieou, voulut « s’appuyer sur Lou pour en faire un nouveau Tcheou et y transporter les principes des trois dynasties. » En d’autres.termes, Confucius, qui avait eu autrefois l’idée de se mettre au service du rebelle Kong-chan Pou-nieou pour faire de sa ville la capitale d’un nouveau Tcheou oriental (cf. n. 212), aurait conçu un projet analogue au sujet de la principauté de Lou qu’il espérait pouvoir transformer en un nouveau Tcheou et égaler aux trois premières dynasties, Hia, Yn, Tcheou.

(583. ) Comme on le voit, Se-ma Ts’ien affirme que les termes dont se sert Confucius cachent des intentions profondes et il va donner la preuve de son dire.

(584. ) Cf. tome I, n. 04.477 et 04.478.

(585. ) Cette phrase et les deux suivantes sont un jugement général sur la valeur du Tch’oen-ts’ieou : à n’importe quelle époque, si on étudie de près le style de ce livre, on y trouvera des directions pour le temps où l’on vit ; à n’importe quelle époque, un souverain, s’il est sage, comprendra le sens des réticences ou des expressions du Tchoen-ts’ieou et en fera son profit ; à n’importe quelle époque, si ce sens véritable est présent à l’esprit de tous, les fauteurs de rébellion et de mal seront saisis de crainte.

(586. ) Des deux exemples cités plus haut par Se-ma Ts’ien, l’un concerne un abaissement (le titre de vicomte étant substitué à celui de roi) ; l’autre montre une suppression ou réticence (Confucius passe sous silence le fait que le Fils du Ciel fut sommé de venir à Tsien-t’ou).

(587. ) Mencius (III, b, 9, § 11) dit :

« Quand K’ong-tse eut achevé le Tch’oen-ts’ieou, les sujets rebelles et les malfaiteurs furent saisis de crainte. »

(588. ) Pou Chang, dont l’appellation était Tse-hia, est un disciple de Confucius connu pour sa grande érudition.

D’après Legge (C. C., vol. V, Prolégomènes, p. 14), les mots [] signifieraient « les disciples de Tse-hia » ; je crois qu’ils signifient : « les gens tels que Tse-hia », c’est-à-dire : Tse-hia et les autres personnes érudites comme lui.

Dans une glose de Siu Yen (fin de la dynastie T’ang) au commentaire du Tch’oen ts’ieou attribué à Kong-yang, on relève (12e année du duc Tchao) une citation ainsi conçue de l’ouvrage intitulé Tch’oen ts’ieou chouo :

« K’ong-tse composa le Tchoen-ts-ieou en 18.000 mots ; il l’écrivit en neuf mois. Quand il fut terminé, il le remit aux personnes telles que Yeou (= Yen Yen) et Hia (= Pou Chang) ; Yeou, Hia et les autres ne purent y changer un seul mot.

(589. ) Mencius (III, b, 9, § 8)

(590. ) D’après Lieou Hi (auteur du Che ming ; Cf. Watters, Essays on the Chinese language, p. 35), cette phrase signifierait que : ceux qui rendront justice à Confucius seront les souverains qui suivent les excellents exemples de Yao et de Choen, tandis que ceux qui le condamneront seront ceux qui, étant rois ou ducs, se verront censurés par le Tch’oen-ts’ieou. — Cette explication me paraît moins extraordinaire qu’à Legge (C. C., vol. V, prol., p. 14, n. 3), et, pour ma part, je la trouve plausible.

(591. ) Le che kia de Wei (cf. t. IV, p. 209) semble rapporter la mort de Tse-lou à l’année 481 ; mais la date de 480 est confirmée par le Supplément au Tso tchoan (15e année du duc Ngai).

(592. ) Li ki, chap. T’an kong. [trad. Couvreur, t. I, p. 144 ]

(593. ) Le Kia yu (§ 40) et le Li ki (chap. T’an kong) donnent la leçon « les mains derrière le dos et traînant son bâton » ; cf. Legge C. C., vol. I, Prolégomènes, p. 87, [css : édition/rechercher : ‘dragging’]. et SBE, vol. XXVII ; p. 138. — Je dois dire que l’attitude indiquée par Se-ma Ts’ien me paraît bien plus vraisemblable.

(594. ) Cette phrase est reportée plus loin par le Kia yu (§ 40 et par le Li ki (chap. T’an kong).

(595. ) Confucius compare sa mort prochaine à l’écroulement de la plus importante de toutes les montagnes ou à l’effondrement de la maîtresse poutre sur laquelle repose la charpente entière d’un édifice.

(596. ) Dans le Li ki (chap. T’an kong), cette phrase est placée plus loin et prend la forme suivante :

« Aucun souverain intelligent n’est apparu ;.dans le monde y a-t-il quelqu’un qui ait été capable de me prendre pour maître ?

(597. ) La plate-forme placée devant la salle principale était abritée par un toit que supportaient deux colonnes ; on y accédait par deux escaliers, l’un placé à l’Est, l’autre à l’Ouest. Le maître de la maison se servait de l’escalier oriental ; le visiteur, de l’escalier occidental. Les rites des Hia supposaient que le mort était encore considéré comme le maître de la maison ; au contraire, les rites des Tcheou le traitaient comme un visiteur ; les rites des Yn lui assignaient un rang intermédiaire entre celui de maître de la maison et celui de visiteur.

Sur la coutume de disposer le cercueil dans la maison pendant un temps plus ou moins long, voyez De Groot, Religious system of China, Book I, p. 363 et suiv.

(598. ) On a vu plus haut (note 104) que la généalogie de Confucius se rattachait à la famille princière de Song qui elle-même passait pour descendre de l’antique dynastie Yn.

(599. ) Le jour ki-tch’eou était le onzième du quatrième mois (cf. la dissertation de K’ong Kouang-mou dans S. H. T. K. K., chap. 1415, p. 15 r° et v°). Les indications de Se-ma Ts’ien au sujet de la naissance et de la mort de Confucius concordent parfaitement entre elles, car si Confucius naquit la 22e année (551) du duc Siang et s’il mourut la 16e année (479) du duc Ngai, il est bien exact de dire qu’il mourut à l’âge de 73 ans, suivant la manière chinoise de compter les années.

Il faut considérer comme fautive la note de Se-ma Tcheng qui prétend que si Confucius était né la 22e année du duc Siang, il était âgé de 72 ans (et non de 73) lorsqu’il mourut.

Les auteurs qui, comme Kiang Yong (H. T. K. K., chap. 261) admettent avec Kong-yang et Kouleang que Confucius naquit la 21e année du duc Siang (552), font mourir Confucius à 74 ans ; mais nous avons vu (note 109) que la divergence des opinions sur la date de la naissance de Confucius était purement formelle.

(600. ) Tso tchoan, 16e année du duc Ngai.

(601. ) Cet éloge est reproduit dans le Li ki, chap. T’an kong (1e partie, section 3, article 44 ; trad. Couvreur, t. I, p. 186-187) et dans le Kia yu (§ 40.)

(602. ) Le vieillard dont il est ici question est Confucius.

(603. ) Cette phrase est tirée du Che king (Siao ya, livre IV, ode 9, str. 6) ; mais au lieu de [], le duc Ngai dit [], ce qui est une expression synonyme, puisque le Fils du Ciel seul avait le droit de s’appeler « l’homme unique ». C’est peut-être la réminiscence du texte du Che king qui a amené le duc Ngai à s’arroger ici un titre auquel il ne pouvait prétendre, comme va le faire remarquer Tse-kong quelques lignes plus bas.

(604. ) Tchong-ni ou Confucius.

(605. ) Tse-kong va montrer que les paroles prononcées par le duc Ngai présentent deux fautes graves ; il en conclut que ce prince se conduira mal dans d’autres occasions et que, par conséquent, il ne pourra pas terminer tranquillement ses jours dans le pays de Lou. — En l’année 468, le duc Ngai fut en effet obligé de se réfugier dans le pays de Yue et c’est là qu’il dut mourir si la prédiction de Tse-kong est correcte (cf. Legge, C. C., Vol.. V, p. 861, b) ; cependant Se-ma Ts’ien, dans le che kia de Lou (t. IV, p. 129) donne à entendre que le duc Ngai put encore revenir dans le pays de Lou pour y mourir.

(606. ) Cf. n. 603.

(607. ) La sépulture de Confucius se trouve dans l’endroit qu’on appelle aujourd’hui le Kong lin à 2 li au nord de la sous-préfecture de K’iu-feou (l’ancienne capitale du royaume de Lou) ; un mur d’enceinte de plusieurs li enclôt le terrain au milieu duquel elle est placée ; ce terrain est adossé à la rivière Se et fait face à la rivière Tchou ; la tombe elle-même est haute de 15 pieds ; à une dizaine de pas à l’est, on voit la tombe de Po-yu, fils de Confucius ; à une dizaine de pas au sud, est la tombe de Tse-se (=Yuen Hien, disciple de Confucius). Ces renseignements sont extraits du Ta Ts’ing i tong tche, chap. CXXX, p. 6 r°.

— Le Hoang lan, ouvrage composé, semble-t-il, par Wang Siang à l’époque des Wei (220-264), nous a laissé une description assez détaillée de la sépulture de Confucius, description qui est citée dans les commentaires de Se-ma Ts’ien ; on y relève cette indication que le terrain où se trouvait la sépulture était ombragé par une centaine d’arbres qui étaient tous d’essences différentes ; la tradition voulait que ces arbres eussent été plantés par les disciples de Confucius, chacun d’eux ayant apporté un spécimen des arbres propres à la région d’où il était originaire.

(608. ) Ce témoignage semble prouver que les disciples ne suivirent pas l’avis de Tse-kong tel que le rapporte le Li ki (T’an kong, part. I, section 2, § 21 ; trad. Couvreur, t. I, p. 146) ; d’après le Li ki, en effet, Tse-kong fit observer que Confucius lui-même avait été en deuil de ses disciples Yen Yuen et Tse-lou comme s’ils eussent été ses fils, mais qu’il n’avait pas porté les vêtements de deuil ; Tse-kong proposa donc que les disciples de Confucius fussent en deuil de lui comme s’ils avaient perdu leur père, mais qu’ils ne portassent pas les vêtements de deuil. Ils se seraient donc bornés au deuil de cœur dont parle Se-ma Ts’ien lui-même lorsqu’il dit : « Au bout de trois ans, leur deuil de cœur étant terminé...  ».

(609. ) Quoique n’étant pas très explicite, cette phrase donne à entendre que pendant les trois années de deuil, les disciples restèrent groupés auprès de la tombe de leur maître. C’est d’ailleurs ce que dit expressément le Kia yu (§ 40) : « Les disciples demeurèrent tous auprès de la tombe ».

— Sur la coutume de passer les trois années de deuil, ou même un temps plus long, auprès de la tombe d’un mort, voyez De Groot, The religious system of China, Book I, p. 794 et suiv. — De nos jours encore on peut relever en Chine quelques vestiges de cet ancien usage ; voyez dans la Gazette de Péking, trad. anglaise, 31 mai 1872, l’histoire d’un fils qui séjourne depuis huit ans à côté de la tombe de sa mère.

(610. ) Le Kia yu (§ 40) dit : « Quand le deuil de trois ans fut terminé, les une restèrent, les autres partirent. »

(611. ) Au lieu de « demeura dans une hutte sur le tertre de la tombe », le Kia yu (§ 40) écrit : « demeura dans une hutte auprès de la tombe ». Cette seconde leçon est plus admissible, car les rites interdisaient de monter sur le tumulus.

(612. ) Tse-kong (= Toan-mou Se), après être resté près de la tombe de son maître pendant la période du deuil réglementaire de trois ans, séjourna là pendant encore trois autres années.

— Mencius (III, a, 4, § 16) nous dit :

« Autrefois, après la mort de Confucius, quand les trois années (de deuil) furent passées, ses disciples préparèrent leurs bagages et se disposèrent à retourner chez eux..Quand ils entrèrent pour saluer Tse-kong, ils s’entreregardèrent et se mirent à se lamenter jusqu’à en perdre tous la voix. Puis ils s’en retournèrent chez eux. Tse-kong revint se bâtir une habitation sur l’esplanade (qui était auprès de la tombe) et passa là seul trois années avant de s’en retourner chez lui.

(613. ) Même témoignage à la fin du § 40 du Kia yu.

(614. ) Un k’ing vaut cent meou ou arpents ; c’est une mesure de superficie assez considérable ; elle évalue ici les dimensions de tout le terrain clos par une enceinte au milieu duquel se trouvait la tombe.

(615. ) J’accepte l’ingénieuse correction de texte proposée par Fang Pao qui propose d’intervertir l’ordre des caractères. La salle où demeurèrent autrefois les disciples est sans doute celle dans laquelle ils séjournèrent pendant les trois années du deuil.

(616. ) Ce fait est rapporté dans le Ts’ien Han chou (chap. I, b, p. 8 v°) à la date du onzième mois de la douzième et dernière année du règne de l’empereur Kao, fondateur de la dynastie Han.

Sur le groupe de trois victimes (suovetaurilia) qui comprenait un bœuf, un mouton et un porc, cf. tome IV, n. 31.206.

(617. ) Se-ma Ts’ien dit que c’est une coutume constante sous la dynastie Han que, lorsqu’un nouveau seigneur reçoit en fief le pays de Lou, ou que, lorsqu’un fonctionnaire est envoyé dans ce pays en qualité de haut dignitaire ou de conseiller, ils aillent rendre hommage à la tombe de Confucius avant d’exercer leurs fonctions.

(618. ) D’après le Kia yu (§ 39), Confucius nomma son fils Li « carpe » et lui donna l’appellation de Po-yu « l’aîné Poisson », parce que, au moment de la naissance de cet enfant, le duc Tchao, de Lou, lui avait fait présent d’une carpe. Ce fils de Confucius est mentionné à trois reprises dans le Luen yu (XI, 7 ; XVI, 13 ; XVII, 10). Un de ces trois passages du Luen yu (XI, 7) semble admettre que Po-yu mourut avant le disciple Yen Hoei ; la chose n’est pas impossible, puisque Yen Hoei paraît être mort en 481 (cf. p. 417) ; à cette date Confucius était âgé de 71 ans ( à la chinoise) ; il pouvait donc, s’il s’est marié comme le dit le Kia yu à 19 ans, avoir perdu un fils qui, en 483, c’est-à-dire avant la mort de Yen Hoei, aurait été âgé de 50 ans. D’après une autre interprétation, le texte du Luen yu ne ferait que supposer la mort de Po yu.

Confucius, parlant de son fils qui était encore vivant, indiquerait comment, à supposer qu’il fût mort, lui Confucius aurait agi ; pour justifier cette explication, on fait remarquer que, dans ce texte, Confucius appelle son fils par son nom personnel Li, ce qui eût été interdit par les rites s’il se fût agi d’une personne réellement morte. Mais cette règle rituelle est contestable quand il s’agit d’un père parlant de son fils.

(619. ) Tse-se est souvent cité par Mencius (II, b, 11  ; IV, b, 31  ; V, b, 3 ; V, b, 6 ; V, b, 7  ; VI. b, 6) qui, en quatre occasions différentes affirme qu’il fut à la cour du duc Mou, de Ts’in, et même (VI, b, 6) qu’il y eut la charge de ministre, Mais le duc Mou ne monta sur le trône qu’en l’année 407 et nous avons vu, d’autre part, que Po yu, père de Tse-se, dut mourir en 481 ou 480 ; le témoignage de Se-ma Ts’ien, quand il nous dit que Tse-se mourut à 62 ans nous apparaît donc comme erroné. Certains critiques ont supposé que le texte de Se-ma Ts’ien avait été altéré, et qu’au lieu de 62, il fallait lire 82 ; si Tse-se était né peu avant la mort de son père, soit par exemple en 479, il aurait été âgé, en 407, de 73 ans (à la chinoise) et aurait donc pu être au service du duc Mou.

On peut encore imaginer d’autres combinaisons qui ne sont guère moins arbitraires ; Cf. Legge, C. C., vol. I, Prolégomènes., p. 37 [css : édition/rechercher : ‘Li himself’], notes 5, 6, 7.

D’après un passage du Li ki (chap. T’an kong, 1e partie, section 1, § 4 : trad. Couvreur, t. I, p. 111-112), Tse-se aurait répudié sa femme, suivant en cela l’exemple que lui avait donné Confucius lui-même ; mais la valeur de ce témoignage est contestable. Cf. Legge, S. B. E., vol. XXVII, p. 122, n. 2. — Le Li ki (chap. T’an kong, 2e partie, section 3, § 15) nous apprend aussi que la mère de Tse-se, femme de Po-yu, se remaria après la mort de Po-yu. Cf. Legge, S. B. E., vol. XXVII, p. 194.

(620. ) D’après une note qui se trouve en tête du Tchong yong dans l’édition intitulée Sin ts’eng se chou pou tchou fou k’ao pei tche, on voit à quels événements il est fait ici allusion :lorsque Tse-se était âgé de 16 ans, il se rendit dans le pays de Song ; à la suite d’une discussion trop animée avec le grand officier Yo Cho, celui-ci le fit arrêter ; Tse-se ne fut délivré que par l’intervention du prince de Song en personne.

(621. ) Les critiques chinois s’accordent à reconnaître que ce témoignage est exact et que le Tchong yong est bien l’œuvre de Tse-se.

(622. ) Au lieu de Tse-king, le Ts’ien Han chou (chap. LXXXI, p. 7 v°) écrit Tse-tchen.

(623. ) Le Ts’ien Han chou (chap. LXXXI, p. 7 v°) appelle ce personnage Choen. C’est sous ce dernier nom qu’il figure dans les paragraphes 14-16 du Kong ts’ong tse ; une note de cet ouvrage (§ 14, au début) nous apprend que son nom personnel était Ou et que son appellation était Tse-choen. Il fut conseiller du roi Ngan-hi (276-243), de Wei, vers la fin du règne de ce prince.

(624. ) Kong Fou apparaît sous ce nom dans le chap. LXXXI, p. 7 v°, du Ts’ien Han chou ; mais, dans le chap. LXXXVIII, p. 1 v°, du même ouvrage, il est nommé K’ong Kia. On lui attribue la paternité du K’ong ts’ong tse ; il est fort douteux cependant que le livre que nous possédons aujourd’hui sous ce titre (incorporé dans le Han Wei ts’ong chou) soit bien celui qu’il avait écrit. Le Kong ts’ong tse (§ 17) lui-même nous donne d’assez longs détails sur K’ong Fou qu’il désigne souvent par son appellation Tse-yu ; il nous raconte notamment dans quelles circonstances il se rattacha au parti de Tch’en Che.

— Le Song che (chap. CCII, p. 11 r°) attribue à K’ong Fou la composition du Siao eul ya (sur cet ouvrage, voyez Watters, Essays on the Chinese language, p. 28). Mais le Siao eul ya est mentionné dans les chapitres sur l’histoire littéraire, dans le Ts’ien Han chou, le Soei chou et les deux T’ang chou, sans que le nom de Kong Fou soit indiqué ; il semble que, à l’époque des cinq.petites dynasties (907-960), le Siao eul ya qui avait été jusqu’alors un. ouvrage anonyme, ait été introduit dans le Kong ts’ong tse qui fut alors reconstitué de toutes pièces avec des débris antiques recueillis de tous côtés ; c’est du Kong ts’ong tse que les lettrés de l’époque des Song tirèrent de nouveau le Siao eul ya pour en faire un ouvrage à part, et, comme le Kong ts’ong tse passait pour avoir été composé par Kong Fou, Kong Fou fut dès ce moment regardé comme ayant écrit le Siao eul ya (cf. S. H. T. K. K., chap. CCCCX, p. 2 v° et suiv.).

(625. ) Sur Tch’en Che, voyez le chap. XLVIII des Mém. hist.

(626. ) Le Ts’ien Han chou écrit (chap. LXXXVIII, p. 1 v° : « en définitive, il (K’ong Kia) mourut en même temps que lui (Tch’en Che). » — Tch’en Che périt dans le mois de janvier de l’année 208 av. J.-C.

(627. ) D’après une tradition qui est rapportée dans la préface au Kong ts’ong tse (édition du Han Wei ts’ong chou), lors de la proscription des livres par Ts’in Che hoang ti, Tse-siang aurait aidé son frère aîné Kong Fou à cacher un certain nombre de livres prohibés dans une muraille.

(628. ) Le Ts’ien Han chou (chap LXXXVI, p. 7 v°) écrit : « précepteur (du roi) de Tch’ang cha. » Cette seconde leçon est plus correcte, car, à l’époque de l’empereur Hiao-hoei, le territoire de Tch’ang-cha formait, non une commanderie dirigée par un gouverneur, mais un royaume à la tête duquel était un descendant de Ou Joei (cf. t. III, p. 105).

(629. ) On retrouve chez ce personnage la haute stature qui a déjà été signalée lorsqu’il a été question de Confucius lui-même et de son père (cf. n. 136).

(630. ) Le Ts’ien Han chou (chap. LXXXI, p. 7 v°) dit : « Siang engendra Tchong ; Tchong engendra Ou et Ngan-kouo ; Ou engendra Yen-nien. » Mais, comme le fait remarquer le commentateur Song K’i (998-1061), deux éditions du Ts’ien Han chou présentent la variante suivante : « Siang engendra Tchong-ou et Ngan-kouo ; Tchong-ou engendra Yen-nien. » Il me paraît difficile de déterminer laquelle de ces trois généalogies (à savoir celle de Se-ma Ts’ien, celle du Ts’ien Han chou et celle de la variante de ce dernier ouvrage) est exacte.

(631. ) Le Ts’ien Han chou (chap. LXXXI, p. 7 v°) expose quels furent les descendants de K’ong Yen-nien : il engendra Pa dont l’appellation fut Ts’e-jou ; Pa engendra Koang dont l’appellation fut Tse-hia. Ce K’ong Koang, qui vécut de 65 av. J.-C. à 5 ap. J-C., est l’objet d’une monographie dans le Ts’ien Han chou (chap. LXXXI, p. 7 v°-11 r°).

(632. ) Le Lin-hoai était une commanderie dans le nord-est de la province actuelle de Ngan-hoei ; cf. t. II, p. 537. Dans le chap. CXXI, p. 3 r°, Se-ma Ts’ien dit encore une fois que K’ong Ngan-kouo fut gouverneur de Lin-hoai.

(633. ) Le Ts’ien Han chou (chap. LXXXVIII, p. 7 r°) nous apprend que K’ong Ngan-kouo fut impliqué dans l’affaire des sortilèges qui éclata en 91 av. J-C. C’est donc sans doute alors que K’ong Ngan-kouo fut mis à mort. Puisque Se-ma Ts’ien parle de la mort de K’ong Ngan-kouo survenue en 91, et que, d’autre part, il désigne ici par le terme de « l’empereur actuel » l’empereur Ou qui mourut le 15 avril 87, nous voyons qu’il dut rédiger cette partie de son grand ouvrage historique dans les trois années comprises entre ces deux dates. — Sur K’ong Ngan-kouo, voyez tome I, Introduction, p. ?CXVI-CXVIII, p.?CXXV, n. 2, p. ?CXXIX. Nous aurons à parler plus longuement de ce personnage dans nos notes au chap. CXXI des Mémoires historiques.

(634. ) Ces deux vers sont tirés du Che king (Siao ya, livre VII, ode 4, str. 5). Ils sont cités ici avec le sens qui leur est attribué dans le chap. Piao ki du Li ki (trad. Couvreur, t. II, p. 489, et trad. Legge, S. B. E., vol. XXVIII, p. 335) où ils sont expliqués comme indiquant l’effort constant que fait le sage pour aller toujours droit en avant sur le chemin de la vertu.

(635. ) C’est-à-dire que Confucius, quoique déçu dans ses espérances de faire triompher sa doctrine, persista cependant jusqu’à la fin de sa vie à tendre vers l’idéal qu’il savait être irréalisable. — Je modifie ici l’interprétation de ce passage que j’ai donnée dans l’Introduction du tome I, p. L.

(636. ) On a vu plus haut (p. 429) que les vêtements et le char de Confucius étaient conservés dans le temple funéraire qui lui avait été consacré.

(637. ) Quoi qu’étant un simple particulier.

(638. ) K’ong Ngan-kouo, qui était le contemporain de Se-ma Ts’ien, était le descendant de Confucius à la onzième génération.