Mémoires posthumes de Braz Cubas/Chapitre 062

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Traduction par Adrien Delpech.
Garnier Frères (p. 229).
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LXII

L’oreiller


J’allai retrouver Virgilia. Je ne tardai pas à oublier Quincas Borba. Virgilia était le traversin de mon esprit : un traversin doux, tiède, profond, aromatique, couvert d’une taie de fine toile de Bruxelles. Je m’y reposais habituellement de toutes les sensations tristes ou douloureuses. Et à bien penser, c’était l’unique raison d’être de Virgilia ; l’unique. En cinq minutes, j’avais complètement oublié Quincas Borba, en cinq minutes de mutuelle contemplation, les mains dans les mains. Cinq minutes et un baiser emportèrent Quincas Borba, scrofule de la vie, loque du passé. Que m’importait son existence ? Il pouvait à volonté attrister les regards des passants, puisque j’avais deux palmes d’un divin traversin, pour y fermer les yeux et y dormir.