Manuel-Roret du relieur - PII-chap4à6
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CHAPITRE IV - Racinage et Marbrure de la Couverture.[modifier]
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Observations préliminaires.[modifier]
- Le maroquin et le mouton maroquiné, le veau de
- couleur et le chagrin sont naturellement laissés avec
- les teintes que le teinturier en peau leur a commu-
- niquées. Au contraire, la basane ordinaire est enjo-
- livée de différentes manières, afin de rompre l’uni-
- formité de sa nuance, qui est rarement agréable. Il
- en est de même du veau non teint.
- Les enjolivements se font après que la peau a été
- appliquée et collée sur les volumes. Ils se compo-
- sent habituellement d’imitations de marbres ou de
- racines d’arbres. Quand on imite des marbres, l’opé-
- ration s’appelle marbrure ; quand on imite des ra-
- cines, elle prend le nom de racinage. On pourrait,
- avec les précautions convenables, marbrer et raciner
228 PRÉPARATION DES PEAUX.
- les papiers tout aussi bien que les peaux, mais il
- est plus simple de se procurer ces derniers par la voie
- du commerce.
- Avant de dire comment on procède dans les cas
- usuels, nous allons indiquer sommairement de quelle
- manière on prépare les peaux à recevoir les enjoli-
- vements, quelles sont les substances dont on a be-
- soin, enfin quels sont les outils ou instruments
- nécessaires pour exécuter ce travail.
§ 1. -- PRÉPARATION DES PEAUX.[modifier]
- Certaines peaux, plus particulièrement les basanes,
- sont plus ou moins rebelles à recevoir le racinage et
- la marbrure. Une longue pratique peut seule per-
- mettre de le reconnaître. Quand le cas se présente,
- on peut remédier à cet inconvénient de la manière
- suivante :
- La veille du jour où vous devez raciner, faites une
- décoction de 30 à 35 grammes de noix de galle pilée,
- dans un litre d’eau tiède et ajoutez-y une pincée de
- sel ammoniac, poussez le lendemain le feu jusqu’à
- ce que ce bain soit au grand bouillon pendant cinq
- ou six heures, puis donnez aux basanes une forte
- couche de cette préparation.
- Du papier qui aurait reçu une ou deux couches
- tièdes de cette liqueur, pourrait être raciné ou mar-
- bré comme le veau.
- En général, avant de raciner ou de marbrer, la
- couverture doit être légèrement encollée avec de la
- colle de farine ou mieux de la colle de parchemin bien
- limpide. On passe la colle également partout avec une
- éponge, et l’on marbre ou racine après dessicca-
- tion.
- PRÉPARATION DES MATIÈRES. 229
§ 2. -- PRÉPARATION DES MATIÈRES.[modifier]
1. Couleur noire.[modifier]
- On peut préparer le noir d’un grand nombre de
- manières. En voici quelques-unes :
- 1° Faire dissoudre à chaud, du sulfate de fer (cou-
- perose verte) dans de l’eau pure. La peau étant tou-
- jours imprégnée de tannin et d’acide gallique dans le
- procédé du tannage, l’oxyde de fer contenu dans le
- sulfate se combine avec le tannin et l’acide gallique
- et donne le noir.
- 2° Faire bouillir dans une marmite de fonte de
- fer, deux litres de vinaigre avec une poignée de vieux
- clous rouillés, ou 31 grammes de sulfate de fer. On
- fait bouillir jusqu’à réduction d’un tiers, et l’on a bien
- soin d’écumer. On conserve ce noir dans le même
- vase bien bouché. Il prend de la qualité en vieiIlis-
- sant. Pour l’entretenir, on verse de nouveau vinai-
- gre, on fait bouillir et l’on écume.
- 3° Faire bouillir ensemble deux litres de bière ; deux
- litres d’eau dans laquelle on a fait bouillir d’avance
- de la mie de pain, pour la rendre sûre ; un kilo-
- gramme de vieux fer, ou de la limaille rouillée, et un
- litre de vinaigre. On écume comme au n° 2, on fait ré-
- duire d’un tiers, et l’on conserve dans un vase bouché.
- Tous ces noirs s’emploient à froid. Pour empêcher
- que l’écume qui se forme en trempant plusieurs fois le
- pinceau dans la liqueur, ne s’attache à celui-ci, on
- prend un peu d’huile qu’on étend sur la main, et l’on
- en frotte l’extrémité des brins du chiendent.
2. Couleur violette.[modifier]
- On prend 250 grammes de bois d’Inde ou de bois
- de Campêche, coupé en éclats ou effilé ; on le fait
230 PRÉPARATION DES MATIÈRES.
- bouillir à grand feu dans quatre litres d’eau, on y
- ajoute 31 grammes de bois de Brésil, aussi bien effilé
- ou en poudre ; on fait réduire à moitié, et l’on tire à
- clair. Après avoir remis ce liquide sur le feu, on y
- ajoute 31 grammes d’alun en poudre ou simplement
- concassé, et 3 grammes de crème de tartre ; et l’on
- fait bouillir assez de temps pour que ces sels soient
- dissous.
- Cette couleur s’emploie à chaud.
3. Bleu chimique.[modifier]
- Le procédé donné par Pœrner est tout à la fois
- le plus simple et le meilleur. Il consiste à verser
- dans un vaisseau de verre 125 grammes d’acide sul-
- furique à 66°, et 31 grammes d’indigo finement pulvé-
- risé ; à délayer peu à peu la poudre dans l’acide, de
- manière à former une espèce de bouillie bien ho-
- mogène ; à chauffer le tout pendant quelques heures,
- soit au bain de sable, soit au bain-marie, à une
- température de 30 à 38 degrés centigrades ; à laisser
- refroidir, et à ajouter alors une partie de bonne po-
- tasse du commerce, sèche et réduite en poudre. On
- agite bien le tout, on laisse reposer vingt-quatre
- heures ; et l’on met gans une bouteille bouchée pour
- s’en servir au besoin.
- La couleur de cette dissolution est d’un bleu si
- foncé, qu’il paraît presque noir ; mais on l’amène à
- telle nuance de bleu que l’on désire, par l’addition
- d’une quantité d’eau plus ou moins grande.
- Quand on veut employer la préparation, on ne
- doit en prendre que la quantité nécessaire pour le
- travail, après l’avoir étendue de la quantité d’eau
- suffisante pour obtenir la nuance voulue. Si après le
- travail, il reste de la couleur, on doit la mettre dans
- PRÉPARATION DES MATIÈRES. 231
- une bouteille à part pour s’en servir une autre fois ;
- mais il faut bien se garder de la verser dans la
- bouteille qui renferme la dissolution première et
- non étendue : cette addition la gâterait entièrement.
4. Couleurs rouges.[modifier]
- On emploie trois sortes de rouges : 1° le rouge com-
- mun ; 2° le rouge fin ; 3° le rouge écarlate.
A. Rouge commun.[modifier]
- Dans un chaudron de cuivre étamé, on fait bouillir
- dans trois litres d’eau 250 grammes de bois de Bré-
- sil, ou bois de Fernambouc, réduit en poudre, et de
- 8 grammes de noix de galle blanche concassée.
- Quand le tout est réduit aux deux tiers, on y jette
- 31 grammes d’alun et 15 grammes de sel ammoniac,
- l’un et l’autre en poudre. Enfin, aussitôt que ces sels
- sont dissous, on retire la décoction du feu et on la
- passe à travers un tamis.
- On emploie cette couleur bouillante ; on la fait par
- conséquent chauffer si elle s’est refroidie.
B. Rouge fin dit écaille.[modifier]
- Dans six litres d’eau, on fait bouillir un demi-
- kilogramme de bois de Brésil ou de Fernambouc avec
- trente grammes de noix de galle blanche concassée.
- On passe au travers du tamis, on remet le clair sur
- le feu et l’on y ajoute 61 grammes d’alun en poudre,
- et 30 grammes de sel ammoniac pareillement en pou-
- dre. On laisse jeter un bouillon, et lorsque les sels
- sont dissous, on y verse plus ou moins de la solution
- d’étain par l’eau régale, connue sous le nom de com-
- position pour l’écarlate, dont nous indiquerons plus
- bas, page 221, le procédé, après avoir parlé des cou-
- leurs. On emploie une plus ou moins grande quantité
- de cette solution selon la nuance qu’on désire.
232 PRÉPARATION DES MATIÈRES.
- Cette couleur s’emploie de la même manière que la
- précédente, c’est-à-dire bouillante.
C. Rouge écarlate dit belle écaille.[modifier]
- Dans deux litres d’eau bouillante, on jette 31 gram-
- mes de noix de galle blanche en poudre, et 31 gram-
- mes de cochenille aussi en poudre, Après quelques
- minutes d’ébullition, on y ajoute 15 grammes de la
- composition pour l’écarlate, dont nous venons
- de parler.
- Cette couleur s’emploie chaude, comme les deux
- autres rouges.
5. Couleur orange.[modifier]
- Dans trois litres d’une dissolution de potasse à
- deux degrés, ou d’une bonne lessive de cendres de
- bois neuf, bien limpide, on fait bouillir 250 grammes
- de bois de fustet ; on laisse réduire le liquide à moi-
- tié, et l’on y ajoute 31 grammes de bon rocou pilé et
- broyé avec la lessive. Après quelques bouillons,
- on ajoute 8 grammes d’alun pulvérisé, et l’on tire à
- clair.
- Cette couleur s’emploie chaude.
6. Jaune, à chaud.[modifier]
- Dans trois litres d’eau, on jette 245 grammes de
- graines de gaude, et on laisse bouillir. Lorsque la
- liqueur est réduite à moitié, on passe au travers du
- tamis, puis on ajoute au clair 61 grammes d’alun en
- poudre. On fait jeter quelques bouillons.
- Cette teinture s’emploie chaude. Elle peut servir
- également pour le papier et la tranche des livres ;
- mais il faut la coller soit avec de l’amidon, soit avec
- de la gomme arabique.
7. Jaune à froid.[modifier]
- On fait macérer du safran du Gatinais dans une
- PRÉPARATlON DES MATIÈRES. 233
- suffisante quantité d’esprit de vin ou de bonne eau-
- de-vie. La couleur est plus ou moins foncée suivant
- la plus ou moins grande quantité de safran qu’on
- emploie.
- Cette liqueur s’emploie à froid ; elle se conserve
- dans des flacons bien bouchés. On peut l’employer
- comme la précédente, pour le papier et pour les tran-
- ches des livres, en la collant de la même manière.
8. La couleur fauve.[modifier]
- On fait bouillir dans deux litres d’eau jusqu’à la
- réduction de moitié, 31 grammes de tan et autant de
- noix de galle noire, l’un et l’autre on poudre. On ob-
- tient ainsi une couleur fauve, qui est bonne pour
- faire un bon racinage, dont le fond doit être fauve,
- mais qui ne donne pas l’avantage de pouvoir conser-
- ver un fond blanc.
9. Couleur brune.[modifier]
- On peut obtenir de trés-beaux bruns avec le brou de
- noix bien préparé. Pour cela, au moment où l’on re-
- cueille les noix, on l’amasse une quantité suffisante
- de leur enveloppe verte ; on pile cette matière dans
- un mortier pour en exprimer le suc ; on l’introduit
- dans un grand vase capable de contenir trois ou
- quatre seaux d’eau ; on verse dessus de l’eau suffi-
- samment salée, jusqu’à ce que le vase soit plein ; on
- remue bien avec un bâton, et on laisse macérer après
- avoir très-exactement bouché. Après un mois de ma-
- cération, on passe au travers d’un tamis, et l’on ex-
- prime bien le jus, même à la presse. Enfin, on met
- en bouteilles, dans lesquelles on ajoute du sel de
- cuisine, et l’on bouche.
- Ce liquide qui loin de corroder les peaux, les adou-
- cit, se conserve d’un an à l’autre, et ne produit de
234 PRÉPARATION DES MATIÈRES.
- bons effets que lorsqu’il commence à prendre la fer-
- mentation putride.
10. Eau-forte ou acide nitrique.[modifier]
- Il ne faut pas employer, pour les racinages et les
- marbrures, cet acide pur ; il ne doit jamais être au
- degré de concentration où on le trouve dans le com-
- merce, parce qu’il corroderait les peaux et les gâte-
- rait absolument. Il est donc indispensable de l’éten-
- dre, c’est-à-dire de l’affaiblir. Pour cela, on y ajoute
- d’abord la moitié de son volume d’eau, sauf à y en
- ajouter plus tard davantage, selon les circonstances
- que nous expliquerons.
11. Dissolution d’étain dans l’eau régale ou composition pour l’écarlate.[modifier]
- L’eau régale, à laquelle on a donné ce nom parce
- qu’elle dissout l’or, qu’on appelait autrefois le roi
- des métaux, se compose d’acide nitrique et d’acide chlorhydrique.
- Les sels qui contiennent de l’acide chlorhydrique,
- dissous dans l’acide nitrique, apportent dans cet
- acide l’acide chlorhydrique nécessaire pour changer
- sa nature et lui donner la propriété de dissoudre
- l’or, etc. ; mais, outre l’acide chlorhydrique que con-
- tiennent ces sels, tels que le sel ammoniac et le sel
- de cuisine, ils contiennent encore des alcalis qui don-
- nent au rouge une teinte vineuse.
- Il est donc plus avantageux d’employer l’acide
- chlorhydrique pur, au lieu de ces sels, et l’on a une
- bien plus belle couleur. Indiquons le procédé à sui-
- vre.
- Lorsqu’on s’est bien assuré de la pureté des deux
- acides chlorhydrique et nitrique, qui doivent servir
- à composer l’eau régale, et qu’on est certain de leur
- PRÉPARATION DES MATIÈRES. 235
- degré de concentration, qui doit être de 33 degrés
- pour l’acide nitrique, et de 20 degrés pour l’acide
- chlorhydrique, on mélange ces deux acides avec les
- précautions suivantes :
- On prend un ballon de verre d’une capacité dou-
- ble de l’acide que l’on veut avoir, en ayant soin de
- le choisir avec le col très-long ; on le place sur un lit
- de sable, l’orifice en haut. On y verse une partie d’a-
- cide nitrique pur et trois d’acide chlorhydrique.
- On laisse dégager les premières vapeurs, qu’il serait
- dangereux de respirer ; après quoi on couvre l’orifice
- avec une petite fiole à médecine renversée, qui ne
- joigne pas assez exactement avec le col du ballon
- pour trop contraindre les vapeurs, qui pourraient
- causer la rupture du vaisseau, mais qui puisse les
- retenir, autant que possible, sans faire courir aucun
- danger. L’eau régale est aussitôt formée.
- On pèse exactement le ballon qui contient l’eau
- régale ; on l’avait déjà pesé vide ; on distrait ce pre-
- mier poids du dernier pour connaître le poids de la
- combinaison des deux acides sur lesquels on doit
- opérer. On projette dans cet acide, et par petites
- parties, le huitième de son poids d’étain.
- Supposons que le ballon à moitié plein contienne
- 4 kilogrammes d’eau régale, on pèse bien exacte-
- ment un demi-kilogramme d’étain fin en rubans ou
- on filets. On divise cet étain en trente-deux parties à
- peu près égales, de 15 grammes chacune ; on pro-
- jette une de ces portions, et l’on couvre l’orifice du
- ballon avec la fiole à médecine renversée. L’acide
- attaque immédiatement l’étain et le dissout. Pendant
- ce temps, il s’élève beaucoup de vapeurs rougeâtres qui
- ne sortent pas du ballon, s’il a le col très-long, et
- qui se trouvent même retenues en grande partie par
236 PRÉPARATION DES MATIÈRES.
- la fiole à médecine, lorsqu’elles arrivent jusque-là,
- ce qui est même rare, si l’on a eu la précaution de
- projeter l’étain par petites quantités. Quand on s’aper-
- çoit que la première portion d’étain est presque en-
- tièrement dissoute, l’on en projette une seconde avec
- les mêmes précautions que pour la première, et l’on
- opère de même jusqu’à ce que les trente-deux por-
- tions aient été employées.
- On remarque que les vapeurs rutilantes ou rou-
- geâtres diminuent au fur et à mesure que l’acide se
- sature d’étain ; qu’il finit par ne plus s’en former,
- et que même, vers la fin de l’opération, les vapeurs
- qui remplissaient le ballon ont disparu, soient qu’elles
- rentrent dans la masse du liquide, soient qu’elles se
- divisent dans l’atmosphère.
- Lorsqu’on emploie l’étain pur, il n’y a point de
- précipité ; mais comme l’étain n’a pas ordinairement
- le degré de pureté convenable, on obtient un préci-
- pité noir et insoluble, plus ou moins abondant,
- selon que l’étain est chargé de plus ou moins de par-
- ties étrangères. L’étain de Malacca est le plus pur ;
- il est avantageux de ne pas en employer d’autre.
- Aussitôt que l’étain est compIétement dissous, et
- que la liqueur est entièrement refroidie, on la verse
- dans des flacons fermés avec des bouchons de cristal
- usés à l’émeri, et on la conserve pour le besoin.
- Au moment de l’employer, on en prend une partie
- qu’on étend du quart de son poids d’eau distillée.
- En agissant ainsi, il ne se forme jamais, an fond
- du vase, le précipité blanc plus ou moins abondant
- que les teinturiers obtiennent presque toujours par
- les procédés qu’ils emploient.
- Ce précipité blanc n’est autre chose que de l’oxyde
- d’étain, qui est perdu pour la teinture, puisqu’on se
- PRÉPARATION DES MATIÈRES. 237
- garde bien de s’en servir. La composition contient
- donc alors moins d’étain en dissolution qu’on
- ne se proposait de lui en faire contenir, et l’on est
- surpris, après cela, de trouver des résultats diffé-
- rents en opérant sur les mêmes substances, quoi-
- qu’on en emploie les mêmes quantités.
12. Autre composition pour l’écarlate.[modifier]
- Pour préparer la composition d’étain, beaucoup
- de petits relieurs emploient le procédé qui suit, bien
- qu’il soit très-inférieur à celui que nous venons de
- donner.
- Dans un pot de grès suffisamment grand, on jette
- 62 grammes de sel ammoniac en poudre, et 182 gram-
- mes d’étain fin de Malacca en rubans ou en filets : on
- y verse ensuite 375 grammes d’eau distillée, et on
- ajoute 500 grammes d’acide nitrique à 33 degrés. On
- laisse opérer la dissolution. On obtient toujours un
- précipité blanc, plus ou moins abondant, qui est de
- l’oxyde d’étain perdu pour l’opération. On laisse re-
- poser, et l’on n’emploie que la partie liquide.
- Cette dissolution ne peut se conserver que deux
- ou trois mois ; la première, au contraire, se conserve
- indéfiniment.
13. Potasse.[modifier]
- On fait dissoudre, dans un litre et demi d’eau,
- 245 grammes de bonne potasse de Dantzick ou d’A-
- mérique ; on tire à clair, et l’on conserve la liqueur
- dans une bouteille bouchée.
14. Eau à raciner.[modifier]
- Dans un vase quelconque on verse un ou deux
- litres d’eau bien limpide, et l’on y ajoute quelques
- gouttes de la dissolution de potasse, dont nous ve-
- nons d’indiquer la préparation.
238 OUTILLAGE.
15. Préparation de la glaire d’œuf[modifier]
- Sur les glaires de douze œufs on met 8 grammes
- d’esprit-de-vin ; on bat bien le tout avec un mous-
- soir à chocolat, qu’on fait rouler vivement entre les
- deux mains jusqu’à ce qu’on ait beaucoup de mousse ;
- on laisse déposer, on enlève la mousse, et c’est le
- liquide clair qu’on passe avec une éponge fine sur
- toute la couverture. Il faut passer bien uniment et ne
- laisser ni globule, ni autre corps étranger.
- Cette liqueur peut se conserver en bouteille pen-
- dant quelque temps.
- Quand on glaire plusieurs fois, il faut bien laisser sé-
- cher la première couche avant de passer à la seconde,
- et ainsi de suite.
§ 3. -- OUTILLAGE.[modifier]
- De la célérité que l’on emploie, en racinant ou en
- marbrant les couvertures des livres, dépend la réus-
- site de cette opération. Il est donc important que
- tout ce dont on peut avoir besoin soit disposé d’a-
- vance et sous la main, afin de pouvoir opérer le plus
- promptement possible.
- Indépendamment des préparations dont nous ve-
- nons d’indiquer la composition, il faut encore avoir
- des pinceaux, des éponges de différents degrés de
- finesse, des tringles en bois et des pattes de lièvre.
- Les pinceaux sont faits avec des racines de riz,
- ou des racines de chiendent. Ils sont gros et ressem-
- blent plutôt à des balais qu’à des pinceaux. Enfin,
- leurs manches sont d’un bois dur, tel que le houx,
- ont 3 centim. de diamètre, et sont formés d’une
- branche de cet arbrisseau. Il faut un pinceau pour
- chaque couleur et pour chaque ingrédient.
- Pour raciner, il faut deux tringles ; de 8 centim. de
- RACINAGE ET MARBRURE. 239
- large, 4 centim. d’épaisseur, et de 2 mètres à 2 mètres
- 30 cent. de long. Elles sont creusées en gouttière pro-
- fonde, dans toute leur longueur. On les fixe l’une à côté
- de l’autre sur deux blocs de bois, qui les retiennent in-
- clinées du même côté, et dont l’un est plus haut que
- l’autre de 8 à 11 centimètres. Ces deux tringles sont
- placées à une distance assez grande pour que toutes
- les feuilles du volume puissent se loger entre elles.
- Les deux cartons de la couverture sont étendus sur
- les tringles.
- Une troisième tringle est nécessaire pour couvrir
- le dos du volume lorsqu’on ne veut pas le raciner
- ou le marbrer. Cette tringle a 6 centimètres de large,
- plus ou moins, selon l’épaisseur du volume ; elle est
- creusée en rond, selon la forme du dos, et sa partie
- supérieure est creusée en gouttière.
- Les pattes de lièvre s’emploient quelquefois en
- guise de pinceaux. On en coupe carrément, avec des
- ciseaux, le bout du poil à l’extrémité.
§ 4. -- RACINAGE.[modifier]
- RACINER, c’est, on l’a vu, imiter avec plus ou moins
- de fidélité, des racines d’arbres, parfois aussi des ar-
- bres entiers, des arbres dépouillés de leurs feuilles.
- On prétend que ce procédé a été inventé en Allemagne,
- qu’il a passé en Angleterre, puis est venu en France.
- Pour le pratiquer, on place les volumes sur les trin-
- gles ci-dessus, la tête en haut, tous les feuillets entre
- les deux tringles, et les deux cartons posés à plat
- sur les mêmes tringles. On en met huit à dix à la
- suite l’un de l’autre, autant que les tringles peuvent
- en contenir. Ainsi que nous venons de le dire,
- quand on ne veut pas raciner le dos, on le garantit
- en le couvrant avec la tringle concave. Nous allons
240 RACINAGE ET MARBRURE.
- expliquer les moyens qu’on peut employer pour ob-
- tenir plusieurs sortes de racinages.
1. Bois de noyer.[modifier]
- Selon la direction que l’on veut donner aux raci-
- nes, on cambre les cartons, soit pour les creuser,
- soit pour les arrondir. Si l’on voulait par exemple,
- que les racines partissent du milieu de la couver-
- ture, on creuserait les cartons ; on les bomberait au
- contraire si l’on voulait que les veines se réunissent
- sur les bords.
- Cela fait, et les livres placés sur les tringles, comme
- nous l’avons dit, avec un des gros pinceaux dont
- nous avons parlé, on jaspe de l’eau bien également,
- et à grosses gouttes sur toute la surface de la cou-
- verture, et aussitôt qu’on voit les gouttes se réunir,
- on jaspe du noir en gouttes très-fines avec le pin-
- ceau du noir, et partout bien également ; on doit
- avoir soin de n’en pas trop jeter.
- Après avoir jaspé en noir, et selon que la racine
- est plus ou moins foncée, on donne une teinte rou-
- geâtre en jaspant plus ou moins avec de l’eau de po-
- tasse.
- On laisse foncer les veines suffisamment, après
- quoi on essuie à l’éponge et on laisse sécher. Ensuite,
- on frotte toute la couverture et le dos, à sec, avec un
- morceau de drap fin, ce que les ouvriers appellent ser-
- ger ou draper. On ne doit jamais se servir de serge
- pour cette opération. Cette étoffe serait trop rude ;
- non seulement elle enlèverait la couleur, elle
- attaquerait même l’épiderme de la peau. Il ne faut em-
- ployer qu’un drap fin ou une flanelle ; ils unissent
- bien la surface et en commencent le polissage.
- Quand le racinage est achevé, on noircit les champs
- RACINAGE ET MARBRURE. 241
- et le dedans du carton avec du noir étendu de deux fois
- son volume d’eau, qu’on passe avec une patte de liè-
- vre. Cette dernière opération se répétant à tous les
- volumes, nous ne la décrirons plus : nous l’indique-
- rons seulement lorsqu’on emploiera une autre cou-
- leur que le noir.
- Observation.
- Nous supposons ici que la peau est de sa couleur
- naturelle, c’est-à-dire fauve ; mais si le volume se
- trouvait déjà couvert avec une peau teinte d’une cou-
- leur quelconque, comme le vert, le bleu clair, etc., il
- faudrait faire l’inverse, c’est-à-dire qu’après avoir
- jeté l’eau, on jasperait la potasse, et ensuite le noir.
- Sans cette précaution, le racinage ne pourrait pas pren-
- dre à cause de l’acide qui entre dans la composition
- de ces couleurs.
- Cette observation étant générale et s’appliquant à
- tous les jaspés, nous ne la répéterons plus.
2. Bois d’acajou.[modifier]
- Ce racinage se fait comme celui du bois de noyer
- (page 240). La seule différence consiste à laisser un
- peu plus foncer le noir et, un peu avant qu’il ne soit
- parfaitement sec, à lui donner, avec la patte de liè-
- vre, deux ou trois couches de rouge bien unies. On
- laisse bien sécher, puis on frotte avec le drap et l’on
- termine par noircir les champs et le dedans des car-
- tons.
- En employant le même procédé, on peut faire des
- racines de toutes couleurs ; il suffit pour cela de don-
- ner une teinte unie. Le bleu s’emploie étendu dans
- la moitié de son volume d’eau, ou moins, suivant la
- nuance qu’on désire.
- Relieur. 14
242 RACINAGE ET MARBRURE.
3. Bois de citronnier.[modifier]
- Lorsque le racinage est fait, comme pour le bois
- de noyer, mais le noir moins foncé, et un peu avant
- qu’il ne soit parfaitement sec, on appuie légèrement
- avec une petite éponge commune et à gros trous,
- trempée dans la couleur orange (n° 5, page 232), et
- l’on imprime sur différentes places de la couverture
- et du dos, de petites taches en forme de nuages très-
- éloignés les uns des autres. Aussitôt après, avec une
- autre éponge semblable, on prend du rouge fin (n° 4,
- page 232), et l’on répète la même opération, et
- presque sur les mêmes places. On laisse sécher, et
- l’on donne ensuite deux ou trois couches de jaune
- (n° 7, page 232). On laisse sécher de nouveau et l’on
- frotte avec le drap. Cette teinte jaune doit être dou-
- née avec la patte de lièvre, et de plus être abon-
- dante elle doit couler sur la couverture, sans cela
- elle ne pénétrerait pas dans le veau, et ne serait pas
- unie.
4. Loupe de buis.[modifier]
- Pour bien imiter les veines contournées de la loupe
- de buis, on cambre les cartons en cinq ou six en-
- droits différents et en divers sens, puis on place
- le volume entre les tringles. Cela fait on jaspe de
- l’eau à petites gouttes, en procédant comme pour le
- bois de noyer (page 240) ; et on laisse sécher.
- On remet le volume entre les tringles, on jaspe de
- l’eau à grosses gouttes, et dès qu’elle coule, on jaspe
- par petites gouttes du bleu étendu dans un volume
- d’eau égal au sien. On fait en sorte de faire tomber
- les gouttes vers le dos, et pour cela on se sert de la
- barbe d’une plume. Ces gouttes se mêlent avec l’eau
- et coulent sur le plat sous forme de veines déliées,
- irrégulières et écartées les unes des autres. On laisse
- RACINAGE ET MARBRURE. 243
- sécher et l’on essuie avec une éponge humide. En-
- suite avec le rouge écarlate (n° 4, page 232), on fait
- sur différents endroits des plats et du dos, comme
- on l’a fait pour le bois de citronnier. On laisse sécher,
- après quoi on donne deux ou trois couches, avec la
- patte de lièvre, de la couleur orange (no 5, page 232) ;
- on laisse sécher et l’on frotte avec le drap.
§ 5. -- MARBRURE.[modifier]
- Appliquée à la couverture des livres, la MARBRURE
- est une simple variété de racinage. Elle donne le
- moyen d’imiter assez bien la plupart des marbres
- proprement dits et des autres matières minérales
- auxquelles on donne vulgairement le même nom.
- Nous allons indiquer quelques-uns des procédés
- qu’on emploie.
1. Marbre imitant la pierre du Levant.[modifier]
- On jaspe à gouttes larges, sur toute la surface de
- la couverture, du noir affaibli par environ neuf fois
- son volume d’eau. Lorsqu’on voit les gouttes se réu-
- nir, on jette sur le dos de la potasse avec les barbes de
- deux plumes réunies, et par intervalles de 3 à 4 cen-
- timètres, et tout près des mors, afin qu’elle coule sur
- les plats et qu’elle se réunisse au noir.
- Pendant que la potasse coule, on jette de la même
- manière, et près de la potasse, de la composition d’é-
- carlate ; elles coulent ensemble en se réunissant sur
- leurs bords, et forment chacune des veines séparées
- qui se fondent entre elles. Cela imite parfaitement
- les veines qu’on aperçoit sur la pierre du Levant. On
- laisse sécher le marbre, on le lave à l’éponge, on
- laisse bien sécher de nouveau, et l’on frotte avec le
- drap.
244 RACINAGE ET MARBRURE.
- Faisons remarquer, en passant, que pour faire
- tous les marbres, on doit jeter le noir le premier ;
- sans cette précaution, il ne prendrait @ pas sur les au-
- tres couleurs.
2. Marbre imitant l'agate verte.[modifier]
- On opère comme pour le n° 1 ; la seule différence
- consiste à remplacer la potasse par le vert, qu’on
- prépare à l’avance en mêlant du bleu avec du jaune
- en plus ou en moins grande quantité, selon qu’on
- veut la nuance plus ou moins foncée.
3. Marbre imitant l'agate bleue.[modifier]
- Le procédé est le même que pour le n° 1 ; on rem-
- place seulement la potasse par du bleu (page 230),
- plus ou moins étendu d’eau, selon la nuance qu’on
- veut avoir.
4. Marbre imitant l'agatine.[modifier]
- On opère encore ici comme pour le n° 1. Seule-
- ment, après avoir jeté la composition d’écarlate
- (page 232) sur toute la couverture, on jaspe du bleu
- étendu dans quatre fois son volume d’eau, à petites
- gouttes écartées l’une de l’autre ; on laisse sécher, on
- lave à l’éponge ; on laisse bien sécher encore, puis
- on frotte avec le drap.
5. Marbre imitant l'agate blonde.[modifier]
- On commence par jasper du noir à petites gouttes
- très-écartées, ensuite on jaspe sur toute la couver-
- ture, à grosses gouttes, de la potasse étendue dans
- deux fois son volume d’eau ; enfin, on opère pour le
- reste comme au n° 1.
- On peut aussi, par un procédé analogue, imiter
- l’écaille, mais cela n’est plus guère usité.
- RACINAGE ET MARBRURE 245
6. Marbre imitant le cailloutage.[modifier]
- On jaspe à grosses gouttes du noir étendu dans
- dix fois son volume d’eau, sur toute la couverture ;
- on laisse sécher à demi, ensuite on jaspe de même
- de la potasse étendue dans deux fois son volume
- d’eau, et on laisse sécher. On reprend le volume,
- et l’on jaspe bien également, et par petites gouttes,
- du rouge écarlate (page 232), et on laisse sécher
- de nouveau. Enfin, on jaspe de même de la compo-
- sition d’écarlate ; on laisse sécher et l’on frotte avec
- le drap.
7. Marbre imitant le porphyre veiné.[modifier]
- On jaspe bien également, et en grosses gouttes, du
- noir étendu dans deux fois son volume d’eau. Après
- avoir laissé sécher à demi, on jaspe de même de la
- potasse étendue dans une fois son volume d’eau, et
- on laisse sécher. On jaspe ensuite du rouge écarlate
- de la même manière, et on laisse encore sécher ; on
- jaspe ensuite du jaune presque bouillant et à grosses
- gouttes. Pendant que ces gouttes cherchent à se réu-
- nir, on jaspe du bleu étendu dans trois fois son vo-
- lume d’eau, et tout de suite on jaspe la composition
- d’écarlate contre le bleu. Ces trois couleurs coulent
- alors ensemble sur les plats de la couverture, et for-
- ment des veines bien distinctes. On Iaisse sécher, et
- l’on frotte avec le drap.
8. Marbre imitant le porphyre œil de perdrix.[modifier]
- On jaspe sur toute la couverture du noir étendu
- dans huit fois son volume d’eau ; les gouttes doivent
- être petites, mais très-rapprochées, sans se confon-
- dre cependant. Dès que le noir commence à couler,
- on jaspe, sur le dos, de la potasse étendue dans deux
- fois son volume d’eau. On la jette près des mors,
246 RACINAGE ET MARBRURE.
- afin qu’en coulant sur les plats elle se mêle avec le
- noir qu’elle entraîne. On laisse sécher, ensuite on
- lave à l’éponge, et avant que le tout ne soit sec, on
- passe deux ou trois couches de rouge fin ; on laisse sé-
- cher et l’on frotte avec le drap. Enfin, on jaspe sur
- toute la surface avec la composition d’écarlate, en
- grosses gouttes également distribuées ; on laisse sé-
- cher et l’on frotte avec le drap.
9. Autre porphyre œil de perdrix ou à petites gouttes.[modifier]
- Avec la patte de lièvre, on passe la couverture en
- entier en rouge, ou en jaune, ou en bleu, ou en vert,
- bien uniformément ; sur l’une de ces couleurs, et
- lorsqu’elle est sèche, on passe de même du noir,
- étendu dans six ou huit fois son volume d’eau, et
- on laisse sécher ; ensuite, avec la composition pour
- l’écarlate, on jaspe par dessus des gouttes plus ou
- moins grosses, selon le goût du relieur. On obtient
- par ce moyen de petites taches plus ou moins gran-
- des, rouges, jaunes, bleues ou vertes, selon qu’on a
- employé d’abord l’une ou l’autre de ces couleurs ; on
- laisse bien sécher et l’on drape, c’est-à-dire qu’on
- frotte avec le drap fin.
- L’œil de perdrix, proprement dit, est formé du bleu
- qu’on jaspe sur du noir étendu d’eau ; et, lorsqu’il est
- sec, on y jaspe de la composition d’écarlate.
10. Marbre imitant le porphyre rouge.[modifier]
- On commence par jasper sur toute la couverture,
- du noir étendu dans huit fois son volume d’eau,
- bien également et à petites gouttes ; on laisse sécher
- et l’on drape. On glaire ensuite (voyez n° 15, p. 238)
- et l’on donne, avec une patte de lièvre, deux couches
- de rouge fin ; puis une de rouge écarlate, et on laisse
- sécher. Enfin, on jaspe, à petites gouttes, et le plus
- RACINAGE ET MARBRURE. 247
- également qu’on le peut, de la composition d’écar-
- late ; on laisse sécher et l’on drape.
11. Marbre imitant le granit.[modifier]
- On jaspe sur la couverture, à points très-fins,
- du noir étendu dans vingt-cinq à cinquante fois
- son volume d’eau selon qu’on veut, une teinte plus
- ou moins foncée. On laisse sécher, et l’on réitère cette
- opération cinq à six fois ; on laisse sécher à demi, et
- l’on jaspe par dessus de la potasse à petits points
- également répandus ; on laisse sécher, on drape, en-
- suite on glaire (n 15 page 238) légèrement. Enfin, on
- jaspe avec la composition d’écarlate, comme on a
- jaspé avec la potasse ; on laisse parfaitement sécher,
- et l’on drape.
12. Autre marbre caillouté imitant le granit.[modifier]
- On doit ce procédé à Courteval. Trempez le pinceau
- à jasper dans le noir ; plongez-le ensuite dans 6 litres
- d’eau environ, selon ce que vous voulez marbrer.
- Secouez le pinceau sur une cheville de fer, jusqu’à
- ce que rien n’en tombe. Jaspez alors le livre. Quand
- il est bien couvert de taches imperceptibles, laissez
- bien sécher, puis jaspez légèrement çà et là avec une
- solution de sel de tartre. Laissez bien sécher de nou-
- veau, sergez, glairez avec légèreté, puis, si vous le
- jugez à propos, jaspez encore avec de l’eau-forte af-
- faiblie qui forme de petites taches blanchâtres. Le
- tout produit un cailloutage charmant.
13. Marbre imitant le porphyre vert.[modifier]
- Sur le volume encollé avec la colle de peau ou
- de la colle de parchemin, on forme un vert avec du
- bleu chimique (n° 3, page 230) et du jaune de graine
- d’Avignon (p. 164), qu’on mélange en plus ou moins
248 RACINAGE ET MARBRURE.
- grande quantité, selon la nuance qu’on veut avoir.
- On jaspe à très-petites gouttes, et on laisse sécher ;
- on recommence à jasper de même jusqu’à trois fois ;
- on laisse bien sécher, et l’on frotte avec le drap.
- Pour avoir un porphyre plus élégant, on jaspe du
- noir, on laisse sécher ; ensuite on jaspe du vert dont
- nous venons de parler, et, après que le tout est
- sec, on jaspe du rouge fin nommé écaille ( n°4,
- page 328) ; mais comme ce rouge ne pourrait pas
- mordre assez si l’on ne prenait que le clair, on y
- mêle un peu de son marc, et l’on y ajoute un peu
- de composition d’écarlate, qui sert de mordant. L’on
- jaspe avec cette liqueur, on laisse sécher et l’on drape.
14. Marbrures arborescentes.[modifier]
- Ce genre de marbrure, fait pour la première fois en
- Allemagne, puis très-usité en Angleterre, est exécuté
- comme il suit. On courbe les plats de la couverture
- en forme de gouttière, puis on applique les couleurs
- liquides sur les bords du côté du dos et du côté de la
- gouttière, de sorte qu’en coulant vers le milieu, où
- elles se réunissent, elles forment des ramifications
- semblables à des branches d’arbres.
- Observation générale.
- Les exemples que nous venons de donner sont plus
- que suffisants pour diriger celui qui se livre à la re-
- liure ; il ne faut que du goût et l’amour de son état.
- A l’aide des couleurs que nous avons décrites, et des
- procédés que nous avons Indiqués, il est facile de
- varier à l’infini les marbres sur les couvertures des
- volumes. En voici un exemple pris au hasard sur le
- marbre imitant la pierre du Levant.
- Il est facile de comprendre qu’avec un peu de goût,
- l’ouvrier peut varier cette sorte de marbre de mille ma
- TEINTES UNIES OU REHAUSSÉES D’OR. 249
- nières différentes, en combinant deux à deux, trois à
- trois, quatre à quatre, cinq il cinq, six à six, les six
- couleurs qu’il a à sa disposition : 1° la couleur de
- racine posée du dos à la gouttière ; 2° la potasse forte
- ou faible ; 3° le vert plus ou moins foncé ; le bleu pur
- ou affaibli ; 4° le rouge plus ou moins intense ; 5° la
- composition écarlate. Il serait superflu d’entrer
- dans de plus grands détails sur cet objet ; passons
- aux teintes unies ou rehaussées d’or.
§ 6. -- TEINTES UNIES OU REHAUSSÉES D’OR.[modifier]
- Nous avons dit que pour les jaspés et pour les mar-
- bres, il faut toujours commencer par encoller les
- couvertures avec de la colle de parchemin bien lim-
- pide ; il en ’est de même pour les teintes unies ; ainsi
- nous ne le répèterons pas à chaque article.
1. Couleur terre d’Égypte.[modifier]
- Avec la patte de lièvre, on passe également de l’eau
- de javelle sur toute la surface du veau encollé, jus-
- qu’aux mors. On passe plus ou moins de fois. selon
- qu’on désire une nuance plus ou moins foncée. Il est
- bon d’observer que les teintes noircissent toujours
- par les opérations subséquentes, telles que l’encol-
- lage, qui est indispensable pour les veaux unis, le
- glairage et la polissure ; par conséquent on doit les
- laisser plus claires qu’on ne veut les avoir.
- Il en ’est de même sur la basane, mais les nuances
- ne sont pas aussi belles.
2. Couleur raisin de Corinthe.[modifier]
- Après l’encollage, on donne, avec la patte de lièvre,
- une couche de noir étendu dans vingt ou vingt-cinq
- parties d’eau, selon la nuance. On fait en sorte que
- cette couche soit bien uniforme et sans nuages ; lors
250 TEINTES UNIES OU REHAUSSÉES D’OR.
- qu’elle est à moitié sèche, on passe de même, et bien
- également, une couche de potasse étendue de partie
- égale d’eau ; on laisse sécher, on frotte avec le drap,
- ensuite on glaire, et l’on donne deux ou trois couches
- de rouge fin (n°4, page 232) ; on laisse bien sécher et
- l’on frotte avec le drap.
3. Couleur verte.[modifier]
- Après avoir glairé légèrement sur l’encollage sec,
- on donne, avec la patte de lièvre, trois ou quatre cou-
- ches de vert qu’on a préparé d’avance comme pour
- le porphyre vert (page 247). On laisse sécher, puis
- on lave avec de l’eau-forte étendue dans trente fois
- son volume d’eau, de manière à présenter au goût
- l’acidité du vinaigre. On peut y suppléer par du bon
- acide pyroligneux étendu dans six fois son volume
- d’eau ; on laisse bien sécher et l’on drape.
4. Couleur bleue.[modifier]
- On glaire légèrement ; ensuite avec la patte de liè-
- vre, on passe quatre ou cinq couches de bleu chimi-
- que (n° 3, page 230), étendu dans une plus ou moins
- grande quantité d’eau selon la nuance qu’on désire.
- Cette couleur tire un peu sur le vert, à cause de la
- couleur jaune du veau, qui lui donne ce reflet ; mais
- on la ravive en lavant la couverture avec de la
- composition d’écarlate étendue dans trois ou quatre
- fois son volume d’eau ; on laisse bien sécher, et l’on
- drape.
5. Couleur brune.[modifier]
- On donne trois ou quatre couches parfaitement
égales de noir étendu dans trois ou quatre parties d’eau, en prenant bien soin que ces couches soient parfaitement unies et sans nuages. Lorsque la couverture est à demi-sèche, on donne une couche
- TEINTES UNIES OU REHAUSSÉES D’OR. 251
- de potasse qui fait prendre au noir une teinte rous-
- sâtre.
- On peut varier cette couleur à l’infini, en étendant
- le noir, ainsi que la potasse, dans une plus ou moins
- grande quantité d’eau.
- On peut encore obtenir des couleurs brunes unies,
- très-belles et agréables, par l’emploi du brou de noix,
- dont on donne deux ou trois couches, toujours avec
- la patte de lièvre. On étend le brou dans une plus ou
- moins grande quantité d’eau, selon la nuance dési-
- rée. Dans ce dernier cas, on laisse bien sécher ; puis
- on drape.
6. Couleur Tête-de-Nègre.[modifier]
- La tête-de-nègre est une couleur noire tirant sur
- le bleu, avec un reflet rougeâtre ; pour l’imiter, on
- donne trois couches de noir étendu dans un volume
- d’eau égal au sien ; on laisse sécher, on glaire, et l’on
- donne deux ou trois couches de rouge commun (lettre
- A, p. 231) ; on laisse sécher et l’on drape.
7. Couleur gris-de-perle.[modifier]
- Cette couleur est la plus difficile à obtenir dans
- tout son éclat, bien unie et sans nuages. Pour y par-
- venir, on mouille d’abord bien également, avec une
- éponge, la peau dans toute son étendue, ensuite on
- donne plusieurs couches d’eau dans laquelle on a
- délayé quelques gouttes de noir, pour former un gris
- très - pâle. Plus ce gris est faible, mieux on réussit ;
- plus on passe de couches, plus on rend le gris foncé.
- Lorsqu’on a atteint la nuance qu’on désire, on passe
- une légère couche de rouge fin, écaille (n° 4, p. 232),
- étendu dans beaucoup d’eau, pour donner un léger
- reflet rougeâtre ; il faut que ce rouge puisse à peine
- être distingué.
- On peut obtenir un gris clair très-agréable, en pas-
252 TEINTES UNIES OU REHAUSSÉES D’OR.
- sant, au lieu de rouge, une couche de potasse éten-
- due dans beaucoup d’eau.
8. Couleur de lapis-lazuli,[modifier]
- Tout le monde sait que le lapis-lazuli est une
- matière minérale bleu clair, veinée d’or. L’imitation
- de ses veines et de tous ses accidents n’est pas aisée, il
- faut connaître un peu l’art de la peinture, et savoir
- assez habilement manier le pinceau, pour bien imiter
- la nature. Aussi ne fait-on cette couleur que sur des
- ouvrages précieux et pour lesquels on est dédom-
- magé des soins qu’on se donne.
- Après l’encollage on place le volume entre les tringles
- à raciner, et, avec une éponge qui présente de grands
- trous, et qu’on a trempée dans du bleu chimique
- étendu dans dix fois son volume d’eau, on fait des
- taches légères sur toute la couverture, à des distan-
- ces irrégulières ; ces taches sont comme de légers
- nuages. On ajoute un quart de partie de bleu de
- Prusse, et après l’avoir bien mêlé, on imprime de
- nouveaux nuages un peu plus foncés. On répète cinq
- ou six fois cette opération, eu ajoutant à chaque fois
- un quart de partie de bleu. Toutes ces couches doivent
- former des nuances qui se dégradent comme dans la
- nature, et il serait bon d’avoir un modèle artistement
- peint, afin d’en approcher le plus possible. On laisse
- bien sécher, ensuite on drape.
- On ne doit poser les veines d’or que lorsque la
- couverture est dorée, les gardes collées, en un mot,
- quand le livre est prêt à être poli.
- L’on veine en or avec de l’or en coquille ; le mor-
- dant dont on se sert pour le faire prendre et tenir
- solidement, se prépare avec une partie de blanc d’œuf
- auquel on ajoute une partie d’esprit-de-vin et deux
- TEINTES UNIES OU REHAUSSÉES D’OR. 253
- parties d’eau bien claire ; on bat le tout ensemble, et
- l’on tire à clair. On humecte une petite quantité de
- poudre d’or avec ce liquide, et on l’applique avec un
- de ces très-petits pinceaux dont se servent les pein-
- tres en miniature. Avec le doigt on masse l’or et on le
- fond en différents endroits pour imiter la nature : on
- ne peut donner aucune règle à cet égard ; le goût
- seul doit diriger l’ouvrier.
- Lorsque celle opération délicate est terminée, on
- laisse bien sécher, et l’on polit avec un fer à polir à
- peine chaud. C’est une des plus belles reliures de
- luxe qu’on puisse exécuter.
9. Marbre en or.[modifier]
- On peut l’exécuter sur toutes sortes de fonds unis.
- On prend un morceau de drap fin, plus grand qu’un
- côté de la couverture, on le plie par la moitié de sa
- longueur ; on pose ce drap ainsi plié, sur un carton,
- et on le déplie, en laissant retomber la moitié sur le
- carton. On étend sur cette moitié du drap, à gauche,
- la moitié d’une feuille d’or battu, en faisant attention
- de ne pas dépasser la grandeur de la couverture,
- après en avoir distrait quelques lignes pour la place
- de la roulette que l’on se propose d’y pousser ; cette
- précaution est nécessaire pour ne pas employer de
- l’or en pure perte.
- Ces préparatifs terminés, on replie le drap sur l’or,
- et on passe la main dessus en appuyant fortement,
- sans laisser glisser le drap. Cette compression divise
- la feuille d’or en une infinité de petits points, qu’on
- écarte même entre eux, avec la pointe d’un couteau,
- dans le cas où ils ne le seraient pas assez.
- L’or étant ainsi préparé, on passe sur un côté du
- volume du blanc d’œuf délayé dans son volume d’eau,
- Relieur. 15
254 TEINTES UNIES OU REHAUSSÉES D’OR.
- et l’on applique ce côté de la couverture sur le drap
- couvert d’or, en appuyant fortement avec la main.
- Alors, en ayant bien soin de ne pas déranger le
- volume de place, et de ne pas le laisser glisser, on
- soulève avec précaution, et tout à la fois le volume,
- le drap et le carton ; on retourne le tout sens dessus
- dessous, on enlève le carton, on le remplace par une
- feuille de papier sur laquelle on passe fortement la
- main afin de bien appliquer l’or sur la couverture.
- Après avoir ôté le papier, on enlève proprement le
- drap, et tout l’or reste fixé sur ce côté de la couver-
- ture, en y plaçant une feuille de papier et frottant
- dessus avec la paume de la main.
- Quelque soin que l’on ait pris pour ne pas laisser
- passer l’or sur l’endroit que l’on a voulu réserver
- pour la roulette, il est rare qu’il ne s’en écarte pas.
- Dans ce cas, on mouille le bout du pouce, on le pose
- sur la seconde phalange de l’index plié à angle droit ;
- cela forme une espèce d’équerre, de manière que le
- pouce déborde de toute la largeur du dessin de la
- roulette qu’on a choisie : on fait glisser l’index plié
- contre le bord du carton, et le pouce, en frottant sur
- le plat de la couverture, enlève avec facilité l’or qui
- est parvenu de ce côté puisque le blanc d’œuf n’est
- pas encore sec. Ce procédé est prompt et peu dispen-
- dieux.
- Observations genérales sur le contenu
- de ce dernier paragraphe.
- Il serait superflu de s’étendre davantage sur les
- moyens de donner aux couvertures toute l’élégance
- dont elles peuvent être susceptibles. Il eût été facile
- de multiplier les procédés en en combinant plusieurs
- ensemble ; mais c’eût été fatiguer le lecteur par des
- MARBRURE SUR TRANCHE. 255
- redites continuelles. Nous avons préféré laisser au
- goût et à la sagacité de l’ouvrier le soin d’en inventer
- de nouveaux.
§ 7. -- OPÉRATIONS COMPLÉMENTAIRES.[modifier]
- Aussitôt que le livre est sec, après qu’il a été ra-
- ciné ou marbré, on le met en presse entre deux ais
- bien propres, et que l’on a soin de placer bien
- juste aux mors. On serre fortement, afin de bien unir
- les plats, et pendant qu’il est ainsi serré, on efface
- sur le dos, à petits coups de marteau, quelques pe-
- tites éminences que l’humidité a occasionnées sur la
- peau pendant le racinage et la marbrure. On doit sur-
- tout frapper en tête et en queue, pour abaisser ces
- deux extrémités, qui ont toujours de la tendance à
- s’élever, ce qui rend le dos creux dans sa longueur,
- tandis qu’au contraire il doit présenter une ligne droite
- bien parallèle à la gouttière @.
- Il suffit de laisser le volume en presse pendant une
- heure. On peut le sortir au bout de ce temps. Néan-
- moins, si la presse est libre, il ne peut que gagner
- à y rester davantage.
CHAPITRE V. Marbrure sur Tranche.[modifier]
Observations préliminaires.[modifier]
- On appelle marbreur, celui qui s’occupe spéciale-
- ment d’imiter, sur la tranche des livres ou sur des
- feuilles de papier isolées, les couleurs et les nuances
256 MARBRURE SUR TRANCHE.
- irrégulières du marbre par des moyens tout à fait
- différents de ceux qu’emploient les fabricants de
- papiers peints. C’est un art particulier qu’une très-
- longue pratique peut seule permettre d’exercer d’une
- manière satisfaisante, qui ne saurait rien produire
- de convenable quand on n’exerce qu’accidentellement,
- de loin en loin, et qui, dans les villes où la reliure a
- lieu sur une très-grande échelle, se trouve monopo-
- lisé entre les mains d’un fort petit nombre d’ouvriers
- d’élite. Nous allons en décrire les procédés géné-
- raux, mais en faisant remarquer qu’ici, comme en
- tant d’autres choses, le tour de main est presque
- tout.
§ 1. -- OUTILLAGE.[modifier]
- Les outils ou instruments dont le marbreur a be-
- soin ne sont pas en grand nombre. Ce sont :
- 1° Un baquet en chêne de 83 centimètres de long
- sur 30 à 55 centimètres de large pour qu’un volume
- in-folio puisse y être à l’aise, et de 5 à 8 centimètres
- de profondeur ; il doit être absolument imperméable
- à l’eau, et muni d’un couvercle à rebords pour que
- la poussière ne puisse y pénétrer quand on ne travaille
- point ;
- 2° Un petit bâton rond, pour remuer les matières ;
- 3° Plusieurs vases de terre, pour renfermer les
- couleurs et les diverses préparations ;
- 4° Un petit fourneau ;
- 5° Un porphyre et sa molette pour broyer les cou-
- leurs ;
- 6° Un seau avec son couvercle, pour préparer l’eau
- gommée que nécessite la marbrure ;
- 7° Un tamis de crin serré, pour passer l’eau gom-
- mée et en séparer les résidus ;
- MARBRURE SUR TRANCHE. 257
- 8° Plusieurs pinceaux à longs poils, pour jeter les
- couleurs, autant que de couleurs différentes, le fiel
- compris. Pour les faire, on prend, d’une part, des brins
- d’osier, de 3 centimètres environ de largeur et 4 mil-
- limètres de diamètre ; d’autre part, une quantité con-
- venable de soies de porc de la plus grande longueur
- possible. On place une centaine de ces soies tout au-
- tour de l’extrémité la plus mince de chaque brin d’o-
- sier, et on les lie fortement avec de la ficelle. Ces
- pinceaux ont plutôt l’air de balais ;
- 9° Un rondin de bois, sur lequel on frappe avec la
- hampe des pinceaux comme pour jasper ;
- 10° Un morceau de bois mince, large de 8 centimè-
- tres et de la longueur de la caisse à marbrer, nommé
- ramasseur de couleurs, afin d’enlever les couleurs
- de dessus l’eau gommée, lorsqu’on veut changer la
- marbrure ;
- 11° Plusieurs peignes, c’est-à-dire des liteaux de
- bois percés de trous à différentes distances, dans les-
- quels on fait entrer à force des petits bâtons ronds,
- des osiers, par exemple, de 17 centimètres ; ils ser-
- vent à@ agiter les couleurs, afin de déterminer des
- parties tantôt angulaires, tantôt onduleuses, tantôt
- tortueuses, serpentantes, rondes ou ovales.
§ 2. -- MATIERES EMPLOYÉES.[modifier]
- Outre les matières colorantes, le marbreur em-
- ploie : la gomme adragante, la cire, le fiel de bœuf,
- l’essence de térébenthine.
§ 3. -- COULEURS EMPLOYÉES.[modifier]
- Les couleurs végétales et les ocres sont les ma-
- tières colorantes qui conviennent le mieux. La plu-
- part des couleurs minérales, autres que les ocres
258 MARBRURE SUR TRANCHE.
- sont trop lourdes et ne pourraient pas être suppor-
- tées à la surface de l’eau gommée.
- Pour le jaune, on prend ou le jaune de Naples, ou
- la laque jaune de gaude, ou le jaune de chrome.
- Le jaune doré se fait avec la terre d’Italie natu-
- relle.
- Pour les bleus de différentes nuances, on emploie
- l'indigo flor, les bleus de Paris et de Berlin,
- l'outremer artificiel.
- Pour le rouge, on se sert ou du carmin, ou de la
- laque carminée en grains.
- Le brun se fait ordinairement avec la terre d’om-
- bre, ou le brun de Cassel.
- Le noir s’obtient avec le noir d’ivoire, ou celui de
- Francfort.
- Le fiel seul produit le blanc.
- Avec la terre d’Italie, lindigo flor et la laque
- carminée, on fait une très-belle tranche qu’on peut
- varier à l’infini.
- Pour imiter exactement certaines sortes de marbres,
- il faut bien étudier les couleurs qui les caractérisent,
- et les formes qu’elles affectent, les veines qu’elles
- dessinent. Alors on cherche par des essais variés,
- faits avec des couleurs, à en produire de semblables,
- et l’on peut y parvenir aisément, en jetant plus ou
- moins certaines couleurs avec le pinceau sur l’eau
- de marbrure, et en les y jetant dans l’ordre le plus
- propre à reproduire l’aspect du marbre que l’on a
- choisi pour modèle.
§ 4. -- PRÉPARATION DE LA GOMME.[modifier]
- On met dans un vase propre un demi-seau d’eau
et l’on y fait dissoudre à froid 93 grammes de gomme adragante, en remuant de temps en temps pendant
MARBRURE SUR TRANCHE. 259
cinq à six jours. Cette dissolution est ce qu’on peut appeler l'assiette, c’est-à-dire la couche sur laquelle se posent les couleurs qui doivent servir à la marbrure, avec laquelle elles ne doivent pas se mêler, comme on le verra par la suite. La quantité ci-dessus est suffisante pour marbrer quatre cents volumes.
- On doit avoir toujours de la gomme préparée plus
forte que celle que nous venons d’indiquer, afin de pouvoir augmenter la force de cette dernière, si cela était nécessaire, lorsqu’on en fera épreuve, comme nous allons l’expliquer.
- On peut remplacer la gomme par une décoction
épaisse de graine de lin, que l’on fait bouillir dans de l’eau de pluie, en agitant fréquemment avec un bâton.
- On peut aussi se servir pour assiette de mousse
- caraghen qu’on fait bouillir dans l’eau et qu’on
- passe au tamis pour en former une gelée pure et
- translucide.
§ 5. -- PRÉPARATION DU FIEL DE BUF.[modifier]
- On verse dans un plat un fiel de bœuf auquel on
- ajoute une quantité d’eau égale à son poids, et l’on
- bat bien ce mélange : après quoi on ajoute encore
- 18 grammes de camphre qu’on fait dissoudre préa-
- lablement dans 25 grammes d’alcool ; on bat bien le
- tout ensemble et l’on filtre au papier joseph. Cette
- préparation doit se faire au plus tôt la veille du jour
- qu’on veut marbrer ; sans cela elle risquerait de se
- gâter.
§ 6. -- PRÉPARATION DE LA CIRE.[modifier]
- Sur un feu doux, et dans un vase vernissé, on fait
260 MARBRURE SUR TRANCHE.
- fondre de la cire vierge (cire jaune). Aussitôt qu’elle
- est fondue on la retire du feu, et l’on y incorpore,
- petit à petit, et en remuant continuellement, une
- quantité suffisante d’essence de térébenthine, pour
- que la cire conserve la consistance du miel. On re-
- connaît qu’elle a une fluidité convenable, lorsqu’en
- en mettant une goutte sur l’ongle et la laissant
- refroidir, elle a la fluidité du miel. On ajoute de l’es-
- sence lorsqu’elle est trop épaisse.
- De même que le fiel de bœuf, la cire ne doit pas
- être préparée trop longtemps à l’avance.
- M. Thon assure avoir remplacé avec succès la cire
- par la préparation suivante :
- Belle gomme laque. . . . . . . . 25 gram.
- Savon de Venise. . . . . . . . . . .8
- qu’on fait fondre Sur un feu doux, en remuant cons-
- tamment, dans 80 ou 100 grammes d’alcool, filtrant la
- liqueur et la conservant dans un flacon. Si, avec le
- temps, ou en refroidissant, la masse devient trop
- ferme, on y ajoute de l’alcool et l’on agite vive-
- ment.
§ 7. -- PRÉPARATION DES COULEURS.[modifier]
- Les couleurs ne sauraient être broyées trop
- fin. On les broie à la consistance de bouillie épaisse
- sur le marbre ou porphyre, avec de la cire préparée et
- de l’eau dans laquelle on a jeté quelques gouttes d’al-
- cool. Lorsqu’elles sont broyées, on en prend un peu
- avec le couteau à broyer, et l’on renverse celui-ci : si
- elles sont au point convenable elles doivent tenir
- dessus.
- Au fur et à mesure qu’on a broyé une couleur,
- on la met dans un pot à part ; elles doivent être
- toutes séparées.
- MARBRURE SUR TRANCHE. 261
§ 8. -- PRÉPARATION DU BAQUET A MARBRER.[modifier]
- On verse dans le vase qui contient la gomme pré-
- parée, 200 grammes d’alun en poudre fine, et l’on
- bat bien pour dissoudre celui-ci. On prend ensuite
- une cuillerée ou deux de la dissolution et on la met
- dans un petit pot conique, afin de faire les épreuves
- nécessaires pour s’assurer si l’eau gommée a trop
- ou trop peu de consistance.
- D’un autre coté, on prend un peu de couleur qu’on
- a délayée, en consistance suffisante, avec du fiel de
- bœuf ; on en jette une goutte sur la gomme dans le pot,
- et l’on agite en tournant avec un petit bâton. Si elle
- s’étend en formant bien la volute, sans se dissoudre
- dans la gomme, celle-ci est assez forte ; si, au con-
- traire, la couleur ne tourne pas, l’eau gommée est
- trop forte, il faut y ajouter de l’eau, et la bien battre
- de nouveau : enfin, si la couleur s’étend trop et se
- dissout dans l’eau gommée, on ajouter@ de l’eau
- gommée forte qu’on a en réserve.
- Toutes les fois qu’on ajoute de l’eau ou de la
- gomme, on doit bien battre l’eau pour que le mé-
- lange soit parfait. A chaque essai que l’on fait, on
- doit mettre l’essai précédent dans un vase à part, et
- reprendre de nouvelle eau gommée. Enfin, quand on
- a amené cette eau au point de consistance voulue,
- on la passe au tamis, et on la verse dans le baquet
- à marbrer jusqu’à ce qu’elle y atteigne une hauteur
- de 3 centimètres.
- Le baquet ainsi préparé, on colle toutes les cou-
- leurs avec le fiel de bœuf préparé, et l’on fait en sorte
- qu’elles ne soient ni trop consistantes ni trop liqui-
- des. Plus on met de fiel, plus elles s’étendent sur
- l’eau gommée. Si elles ne s’étendaient pas comme
- 15.
262 MARBRURE SUR TRANCHE.
- on le désire, on n’aurait, pour obtenir l’effet voulu,
- qu’à ajouter quelques gouttes d’essence à la couleur
- en retard.
- On appelle jeter l’opération d’ajouter les couleurs à
- l’eau gommée. Cette opération se fait avec les pin-
- ceaux dont il a été question plus haut ; elle consiste
- à prendre chaque couleur avec son pinceau cor-
- respondant, et à la faire tomber en pluie çà et là,
- sur la surface de la gomme, en frappant avec le man-
- che du pinceau sur le rondin de bois.
- La couleur rouge, est ordinairement la première
- qu’on jette.
- Les couleurs ne se mêlent pas. Au contraire, toutes
- les fois qu’on en jette une nouvelle, celle-ci pousse
- de tous les côtés la précédente, qui s’étend ainsi de
- plus en plus et occupe une plus grande place.
- Quand toutes les couleurs que l’on veut employer
- sont jetées, le baquet est prêt à servir.
- Supposons qu’on veuille que la marbrure présente
- des volutes. Pour obtenir l’effet voulu, il suffit d’en-
- foncer peu profondément le bâton rond dans le ba-
- quet, et de le faire tourner par ci par là en spirale.
- Supposons encore qu’on veuille former la marbrure
- qu’on désigne sous le nom d'œil de perdrix. On a
- préparé deux sortes de bleu avec l’indigo flor, l’un
- tel que nous l’avons indiqué plus haut, et que nous
- désignerons sous le nom d’indigo n° 1 ; l’autre, qui
- est le même indigo qu’on a mis dans un vase à part,
- et auquel on a ajouté une plus grande quantité de
- fiel préparé, que nous désignerons par le n° 2. On
- jette : 1° la laque carminée ; 2° la terre d’Italie ; 3° l’in-
- digo flor n° 1 ; 4° l’indigo flor n° 2, auxquels on
- ajoute, avant de les jeter, deux gouttes d’essence de
- MARBRURE SUR TRANCHE. 263
- térébenthine qu’on remue bien ; puis on agite en
- volute, lorsque cela est nécessaire.
- Le bleu n° 2 fait étendre toutes les autres couleurs,
- et donne un bleu clair pointillé qui produit un si
- joli effet. C’est à la seule essence de térébenthine
- qu’est due cette propriété. On peut incorporer cette
- essence dans toutes les couleurs qu’on voudra jeter
- les dernières ; elle serait sans effet, si on l’incorporait
- dans les précédentes.
- Si l’on veut faire la marbrure qu’on appelle peigne
- rien n’est plus simple, du moins théoriquement. Au
- lieu de remuer les couleurs avec le bâton rond ; il
- faut se servir des instruments qu’on nomme peignes,
- en les choisissant et les manœuvrant de la manière
- la plus convenable pour produire l’effet voulu.
- On conçoit qu’il est possible de varier les mar-
- brures à l’infini. Cela dépend du goût et de l’habileté
- du marbreur, du nombre et de l’intensité des cou-
- leurs qu’il emploie, et de l’ordre suivant lequel iI les
- dispose.
§ 9. -- MARBRURE DES TRANCHES.[modifier]
- Quant tout est disposé comme il vient d’être dit,
- on passe à la marbrure proprement dite. Commen-
- çons par celle des tranches.
- Le marbreur travaille à la fois un certain nombre
- de volumes, une douzaine par exemple, et il marbre
- d’abord les gouttières.
- Prenant donc chaque volume, il le pose sur une
- table par le dos, laisse tomber les cartons, appuie
- sur les mors pour aplatir la gouttière, puis place le
- volume entre des ais, les cartons en l’air. Il n’a plus
- alors qu’à le saisir avec les deux mains, ou même
- avec une seule, à le bien serrer et à le plonger dans
264 MARBRURE DU PAPIER.
- le baquet à une profondeur telle qu’il ne puisse se
- charger que de la préparation colorante strictement
- nécessaire pour produire l’effet voulu.
- La gouttière marbrée, on la laisse sécher. Quand
- elle est suffisamment sèche, on marbre de la même
- manière, la tête et la queue, successivement. Après
- avoir rabattu les cartons, on les frappe pour les faire
- rentrer jusqu’au niveau de la tranche, puis sans
- mettre le volume entre des ais, on le plonge dans le
- baquet.
§ 10. -- MARBRURE DU PAPIER.[modifier]
- Le papier marbré se fait exactement comme la
- tranche des livres, avec les mêmes matières, les mê-
- mes préparations, le même outillage.
- L’ouvrier prend d’une main entre le pouce et l’in-
- dex, une feuille de papier blanc, par le milieu de l’un
- des petits côtés, et de l’autre main, entre les mêmes
- doigts, le milieu du côté opposé. Cela fait, il la cou-
- che sur le baquet, et la relève sans la faire glisser
- sur la gomme, après quoi il l’étend immédiatement
- sur un châssis, la couleur en dessus, pour qu’elle
- puisse sécher. Quand elle est sèche, on la lisse et la
- plie.
- Toute la difficulté de cette marbrure consiste à sa-
- voir poser la feuille de papier à plat sur l’eau gom-
- mée qui supporte les couleurs, et à la retirer sans
- que la disposition de ces dernières en soit dérangée.
- Aujourd’hui, l’on a rarement recours à ce procédé
- pour se procurer le papier marbré. Celui qu’on em-
- ploie, soit pour les gardes des livres, soit pour les
- demi-reliures est produit par des fabricants spé-
- ciaux, dont l’industrie a été décrite avec détails par
- M. Fichtenberg, dans son Manuel du Fabricant de
- Papiers de fantaisie.
- DORURE ET GAUFRURE. 265.
CHAPITRE VI. Dorure et Gaufrure. [modifier]
Observations préliminaires.[modifier]
- Il en est de la dorure comme de la marbrure, et à
- plus forte raison, une pratique constante donne seule
- le moyen de la faire d’une manière satisfaisante.
- Voilà pourquoi les relieurs peu occupés, surtout ceux
- des petites villes, ne sauraient l’aborder avec succès.
- A peine leur est-il possible de pousser les titres et
- les ornements les plus simples qui enjolivent les
- dos ; encore même parviennent-ils rarement à don-
- ner à leurs ouvrages la netteté et la régularité indis-
- pensables, D’ailleurs, outre l’habileté de main, le
- doreur véritablement digne de ce nom, doit posséder
- deux choses qui ne s’acquièrent pas et sont un don
- de la nature, savoir : un goût irréprochable et un
- sentiment élevé de l’art.
- La dorure pour reliure forme deux branches qui,
- à Paris, Vienne, Londres, Lyon et autres grandes
- villes, sont exercées par des ouvriers spéciaux, ce
- sont :
- La dorure sur tranche,
- Et la dorure sur le dos et la couverture.
- Dans l’une et dans l’autre, on emploie exclusive-
- ment lor au livret, qui est fourni par le batteur
- d’or. Toutefois pour les reliures à bon marché et
- surtout pour les emboîtages, on fait un usage cons-
266 DORURE ET GAUFRURE.
- tant de feuilles de faux or, c’est-à-dire de laiton,
- qui sont fabriquées en vue de cette application par
- les mêmes procédés que celles d’or vrai. Cette dorure
- au cuivre, comme on l’appelle, a tout le brillant de
- l’or, au moment où l’on vient de l’exécuter, mais
- la durée de ce luxe apparent est tout à fait éphé-
- mère.
§.1. -- DORURE SUR TRANCHE.[modifier]
- La dorure sur tranche se fait de plusieurs ma-
- nières :
- Sur tranche blanche,
- Sur tranche marbrée,
- Sur tranche antiquée,
- Sur tranche peinte,
- Sur tranche damassée, etc.
- Avant de dire comment on procède dans chacun de
- ces divers cas, donnons quelques détails sur les ou-
- tils nécessaires au doreur sur tranche.
1. Outillage.[modifier]
- L’outillage du doreur sur tranche comprend les
- objets suivants :
- 1° Une presse à dorer ; elle se compose de deux
- pièces de bois parallèles que l’on éloigne ou rappro-
- che l’une de l’autre, en agissant sur deux grosses
- vis à main. Tout se fait sur cette presse (fig. 67),
- depuis les opérations préparatoires jusqu’au brunis-
- sage, c’est-à-dire depuis le commencement jusqu’à la.
- fin de la dorure. On la place, perpendiculairement
- aux vis, sur une caisse ouverte, afin que les parcelles
- d’or qui se détachent toujours ne puissent pas se
- perdre ;
- 2° Plusieurs grattoirs ; chacun de ces instruments
- consiste en une lame d’acier mince comme un fort
- DORURE ET GAUFRURE. 267.
- ressort de pendule, et qui est arrondie à une extré-
- mité et droite à l’autre. Le côté rond sert pour les
- gouttières et le côté droit pour les deux bouts. On
- l’affûte avec un fusil. Quant à sa largeur, elle est en
- rapport avec celle de la tranche qu’on veut travail-
- ler. Aussi, faut-il en avoir de différentes largeurs.
- 3° Plusieurs brunissoirs d’agate, les uns larges et
- arrondis, les autres minces et pointus, mais tous
- parfaitement polis. Les ouvriers les désignent sous
- le nom de dents de loup, parce que certains d’entre
- eux ont à peu près la forme d’une dent de loup ;
- 4° Un coussinet à placer l’or pour le couper ; il
- est formé d’une planche rectangulaire, d’environ 30
- centimètres sur 20, qui est recouverte d’une peau de
- veau, le côté chair en dehors ; cette peau est bien
- unie, fortement tendue et matelassée avec du crin
- fin ou de la laine ;
- 5° Un couteau à couper lor ; il a la forme d’un
- couteau de table non fermant, avec cette différence
- que le tranchant de la lame doit être sur une seule et
- même ligne droite ; il a le manche court et la lame
- longue de 23 à 24. centimètres ;
- 6° Un compas à coucher l’or ; il diffère du compas,
- ordinaire en ce que ses deux branches sont pliées de
- manière à former du même côté, une espèce d’angle
- très-obtus ;
- 7° Deux boîtes pour contenir, l’une les cahiers d’or,
- l’autre les fragments qu’on n’a pu employer immédia-
- tement et qui doivent servir plus tard. La première
- s’ouvre par dessus et par devant, comme les cartons
- de bureau. La seconde est tapissée intérieurement de
- papier très-satiné, parce que les morceaux d’or ne
- peuvent s’attacher au poli de ce papier.
268 DORURE ET GAUFRURE.
2. Dorure sur tranche blanche.[modifier]
- Le volume étant serré entre deux ais plus épais d’un
- côté que de l’autre, on prépare la tranche pour re-
- cevoir l’or et pour le retenir.
- Pour cela, on l’encolle avec de la colle de pâte fraî-
- che, qu’on laisse sécher, puis on la gratte avec un
- grattoir, et on la brunit en frottant en travers avec la
- dent, jusqu’à complète siccité.
- On passe ensuite sur la tranche une couche de bol
- d’Arménie, préalablement dissous dans de l’eau
- additionnée de blanc d’œuf, puis on la brosse pour
- la faire reluire. C’est alors qu’on applique une cou-
- che légère de blanc d’œuf étendu de dix fois son
- poids d’eau, ce qu’on appelle glairer ; le blanc d’œuf
- joue ici le rôle d’assiette et retient l’or, qu’on a soin
- de poser avant qu’il soit sec.
- On laisse sécher imparfaitement, puis on fixe l’or
- au moyen d’un pinceau lisse qu’on promène sur la
- tranche, sur laquelle on frotte de nouveau avec la
- dent à brunir. On laisse sécher entièrement, puis on
- brunit encore une fois sur l’or même.
- Pour dorer la gouttière, on commence par la ren-
- dre bien plate en appuyant sur les mors des deux
- côtés et en laissant tomber les cartons par derrière,
- puis on met le volume en presse entre deux ais.
- Pour appliquer l’or, on le coupe de la largeur du
- volume à dorer avec un couteau de doreur et on le
- dépose sur le coussinet ; on enlève ensuite l’or avec
- un morceau de papier non lissé, ou avec une carte
- dédoublée. La feuille d’or s’attache au duvet de ce
- papier, ce qui permet de la transporter facilement
- sur la tranche où elle se fixe ; on l’étend en souf-
- flant dessus et on l’assujettit avec de l’ouate.
- DORURE ET GAUFRURE. 269
- On prend aussi quelquefois la feuille d’or avec le
- compas à longues branches coudées, ou bien avec un
- de ces pinceaux plats, qu’on nomme palettes.
- La gouttière dorée, on dore de la même manière
- la tête et la queue, après avoir fait descendre les
- cartons au niveau de la tranche. On incline les volu-
- mes dans la presse, du côté du dos ; on les serre
- chacun entre deux ais qui garantissent les mors.
- On laisse sécher la dorure à la presse (il faut six
- heures environ), après quoi l’on brunit avec une
- agate en travers du volume ; ce brunissage doit être
- fait légèrement et avec précaution pour ne pas en-
- lever l’or, et bien également pour ne pas faire de
- nuances.
- Quand le brunissoir a été promené partout, on
- passe très-légèrement sur la tranche un linge très-fin
- et enduit d’un peu de cire vierge, après quoi on bru-
- nit de nouveau, mais un peu plus fort. On recom-
- mence cette opération plusieurs fois, jusqu’à ce qu’on
- n’aperçoive aucune onde faite par le brunissoir, et
- que la tranche soit bien unie et bien claire.
- Les ébarbures de l’or s’enlèvent avec du coton en
- rame que l’on jette dans la caisse au-dessus de la-
- quelle se font toutes les opérations de la dorure.
- Au lieu de procéder comme ci-dessus, d’autres
- préfèrent opérer de la manière suivante :
- Après avoir serré le volume dans la presse, on le
- glaire légèrement et on laisse sécher. On donne en-
- suite une couche très-mince d’une composition obte-
- nue en broyant à sec un mélange de parties égales
- de bol d’Arménie, de sucre candi et d’une très-petite
- quantité de blanc d’œuf. Quand cette couche est sèche
270 DORURE ET GAUFRURE.
- on gratte et l’on polit, puis, avant d’appliquer l’or,
- on mouille la tranche avec un peu d’eau pure, et l’on
- appuie les feuilles d’or comme il a été dit. Enfin,
- quand celles-ci sont sèches, on polit avec la dent
- de loup.
- Dans le système de Mairet, on procède comme il
- suit :
- « La première opération de la dorure se fait en
- rognant le volume, sur la tranche duquel on passe,
- au pinceau, avant de le sortir de la presse, une
- bonne couche de décoction safranée. Ce liquide, qu’on
- emploie tiède, se prépare en faisant bouillir dans un
- verre d’eau une pincée de safran du Gâtinais ;
- puis en ajoutant à la décoction retirée du feu, gros
- comme une noisette d’alun de roche pulvérisé, et un
- peu moins de crème de tartre. On met cette couleur
- sur chaque côté du livre à mesure qu’on le rogne, et
- avant de desserrer la presse, afin que la couleur ne
- pénètre pas trop profondément, ce qui pourrait
- tacher les marges.
- « Quand la tranche est bien sèche, on la serre
- entre deux ais étroits, dans la presse à endosser, en
- faisant pencher la gouttière un peu du côté de la
- queue, et les bouts du côté du dos. Cette précaution
- est nécessaire pour que la couleur s’écoule de ma-
- nière à ne rien gâter. Alors on gratte la tranche
- pour la dresser et l’unir parfaitement, tout en ayant,
- soin de ne pas la toucher avec les doigts, dans la
- crainte de la graisser et d’empêcher l’or de tenir.
- « On s’occupe ensuite d’une autre opération. On pile
- dans un vase plusieurs oignons blancs, et l’on en
- exprime le jus dans une grosse toile. Alors, sur la
- tranche grattée et brunie à l’agate, on donne succes-
- sivement trois ou quatre couches de jus d’oignon ;
- DORURE ET GAUFRURE. 271
- on frotte aussitôt fortement, et jusqu’à siccité, avec
- une poignée de rognures bien douces, ne cessant que
- lorsque la tranche fait glace partout et présente un
- beau brillant.
- « C’est alors qu’elle est prête à recevoir le blanc
- d’œuf appelé mixtion pour attacher l’or, et obtenu
- en battant un blanc d’œuf dans deux fois son volume
- d’eau à laquelle on a ajouté huit gouttes d’alcool. Ce
- mélange doit être battu avec une fourchette de bois
- jusqu’à consistance d’œufs à la neige, puis reposé et
- passé à travers un linge très-fin. La liqueur qu’il a
- produite peut se garder quelques jours, à condition
- d’être passée à travers un linge chaque fois qu’on
- veut s’en servir.
- « Cette mixtion doit être posée une première fois
- sur la tranche avec un blaireau plat de poils de rat
- ou de cheveux. Cette première couche sèche, on
- frotte légèrement avec des rognures douces, puis on
- souffle afin qu’il ne reste rien de sali. On donne en-
- suite une seconde couche, de manière à ce que la
- mixtion fasse glace partout, puis on pose immédia-
- tement l’or avec la carte. On a dû éviter, en appli-
- quant la mixtion, de passer le blaireau plusieurs
- fois sur la même place, car cela ferait faire des bulles
- et lor ne s’attacherait pas sur ces points.
- « Le brunissage à l’agate a lieu ensuite après
- siccité complète. On connaît que la tranche est
- assez sèche quand lor a pris une teinte uniforme,
- et brille partout également. On y passe alors à nu,
- sur toute la surface, le gras de l’avant-bras pour
- amortir l’or, et faire mieux glisser le brunissoir.
- On passe l’agate, puis on termine comme précédem-
- ment. »
272 DORURE ET GAUFRURE.
3. Dorure sur tranche après la marbrure.[modifier]
- On choisit une marbrure dont le dessin soit peu
- confus et qui ait les couleurs les plus saillantes pos-
- sible.
- Le volume étant dans ces conditions, et bien sec,
- on gratte la tranche et on la brunit ; on y passe en-
- suite du blanc d’œuf délayé dans l’eau, et l’on dore
- comme nous l’avons indiqué, puis l’on brunit en tra-
- vers. Quand le tout est sec, on aperçoit la marbrure
- à travers l’or.
- Cette dorure, fort en vogue autrefois, a été aban-
- donnée depuis ; on y revient de nos jours. La mode
- la fait reprendre de temps en temps.
4. Dorure sur tranches antiquées.[modifier]
- Après que la dorure a été faite comme nous l’avons
- dit dans le premier procédé, et qu’elle est brunie,
- avant de sortir le volume de la presse, on passe
- promptement et avec précaution une couche très-
- légère de blanc d’œuf délayé dans l’eau, en évitant de
- passer deux fois sur la même place pour ne pas déta-
- cher l’or. On laisse sécher, puis on passe un linge fin
- légèrement imbibé d’huile d’olive. On applique des-
- sus une feuille d’or d’une autre couleur que la pre-
- mière, on pousse à chaud des fers qui représentent
- divers sujets, et l’on frotte avec du coton en rame.
- L’or qui n’a pas été touché par le fer chaud ne tient
- pas, il est enlevé et il ne reste que les dessins que les
- fers ont imprimés, ce qui produit un très-joli effet,
- mais dont la mode est passée.
- Les albums photographiques avec tranche bleue,
- verte, etc., décorée d’ornements en or, se font d’une
- autre manière. Cette tranche ayant été préparée comme
- pour la dorure, on la colore en vert avec le vert de
- DORURE ET GAUFRURE. 273
- Schweinfurt, en bleu avec l’outremer ou le bleu de
- Prusse, en rouge avec le carmin. Avant d’être appli-
- quées, ces couleurs sont broyées avec du blanc d’œuf.
- Quand elles sont sèches, on les polit à la dent de
- loup, et comme elles portent avec elles leur assiette,
- on dore alors par place et à chaud avec des fers ap-
- propriés, qu’on fait chauffer et qu’on applique sur
- des feuilles d’or préalablement posées sur la tranche.
5. Dorure sur tranches damassées.[modifier]
- Les procédés sont les mêmes que pour la dorure
- sur tranches unies ; seulement on ne brunit pas, et
- la tranche étant dorée, on la marbre au baquet à
- deux couleurs :
- 1° On jette du bleu beaucoup plus collé au fiel
- que pour les tranches ordinaires ;
- 2° On emploie le même bleu, mais encore plus
- collé, et dans lequel on a mis une goutte d’essence
- de térébenthine. Ces deux couleurs doivent être im-
- perceptibles sur l’or.
- Quand les trois côtés de la tranche sont marbrés,
- on laisse sécher et l’on brunit avec les précautions
- accoutumées.
6. Dorure sur tranches à paysages transparents.[modifier]
- Lorsque la tranche est préparée comme pour la
- marbrure, et qu’elle a été bien grattée et bien polie,
- on y fait peindre à l'aqua-tinta un sujet quelcon-
- que, tel qu’un paysage ; cela fait, on y passe une
- couche de blanc d’œuf délayé dans l’eau, et l’on dore
- immédiatement comme à l’ordinaire. Quand le vo-
- lume est fermé, la dorure couvre le paysage, et on
- ne le voit pas ; mais lorsqu’on courbe les feuilles,
- on l’aperçoit facilement et on ne voit pas la dorure.
- M. Mairet agit différemment. Il omet le safran
274 DORURE ET GAUFRURE.
- qu’ordinairement il préfère, gratte bien la tranche,
- l’enduit plusieurs fois de jus d’oignon, laisse sécher,
- frotte avec des rognures douces, retire le livre de la
- presse et le lie fortement entre deux planchettes de
- même grandeur que le volume, et de telle sorte que
- la tranche soit à découvert du côté de la gouttière.
- En cet état, on y dessine à la mine de plomb un su-
- jet quelconque, puis on le peint avec des couleurs
- liquides, afin qu’il n’y ait pas d’épaisseur. Les encres
- de couleur, excepté la gomme-gutte, conviennent pour
- cet usage.
7. Tranches ciselées.[modifier]
- Les tranches ciselées font aussi partie des tra-
- vaux de l’art du doreur. Par tranche ciselée, on
- entend une tranche qui a été dorée, et par-dessus
- l’or de laquelle on a imprimé ou peint un dessin ou
- un objet analogue à la matière traitée dans l’ou-
- vrage. Parfois aussi ce sont des arabesques qui
- s’harmonisent avec le style de la couverture. Le des-
- sin, le sujet ou les arabesques sont découpés en pa-
- trons dans des papiers épais taillés exactement de la grandeur de la tranche, et : après que cette tranche
- dorée a été polie, on les imprime en couleur. Si le
- dessin est peint ou est une vignette, le relieur confie
- ce travail à un artiste. Toutes ces bizarreries n’ont
- rien de commun avec l’art de la reliure.
8. Tranches caméléon.[modifier]
- On connaît aussi, sous le nom de tranche camé-
- léon ou tranche grecque, un mode d’ornementation
- d’ailleurs peu usité, qui consiste, après que le livre
- a été rogné et couvert, à l’ouvrir, en rabattant le
- dos de manière que toutes les feuilles qui forment la
- tranche se dépassent l’une l’autre, et constituent
- DORURE ET GAUFRURE. 275
- un escalier à degrés très-fins, Alors on met cette
- tranche en couleur, et lorsque celle-ci est sèche, on
- renverse le livre sur le plat opposé et l’on opère de
- même, mais en une autre couleur. Enfin, quand le
- tout est sec, on ferme le livre à l’état ordinaire ; et
- on dore la tranche ou bien on la peint en une troi-
- sième couleur. De cette façon lorsqu’on ouvre le
- livre, la tranche parait tantôt rouge, tantôt bleue ou
- dorée, ou mélangée de ces couleurs.
- On fait aussi de cette manière des tranches où les
- dessins, les paysages, etc., n’apparaissent que lors-
- qu’on ouvre le livre.
Observations.[modifier]
- On dore quelquefois les tranches avec de l’or im-
- pur ou allié, ou bien on les argente. Dans l’un et
- l’autre cas, on procède comme avec l’or pur ; seule-
- ment l’albumine doit être bien plus épaisse, parce que
- cet or et cet argent ne pouvant être battus aussi
- mince que l’or pur, seraient cassants si l’assiette
- n’avait pas plus de force d’adhérence.
§ 2. -- DORURE SUR LE DOS ET LA COUVERTURE.[modifier]
- Quand on veut dorer la couverture d’un livre, on
- fait deux opérations, qui consistent, l’une à cou-
- cher l’or, l’autre à le fixer. La première est l’ou-
- vrage du coucheur d’or, la seconde celui du doreur
- proprement dit. L’un et l’autre commencent par le
- dos, continuent par le dedans des cartons, puis pas-
- sent au bord sur l’épaisseur de ces derniers, et ter-
- minent par les plats.
276 DORURE ET GAUFRURE.
1° Opérations du coucheur d’or.[modifier]
1. Outillage.[modifier]
- L’outillage du coucheur d’or, comprend tous les
- outils et instruments du doreur sur tranche, notam-
- ment les boîtes à renfermer l’or, le coussinet pour
- le poser, le compas, les pinceaux et les tampons de
- coton pour le transporter, le couteau pour le cou-
- per, etc. On y trouve, en outre, les objets suivants :
- 1° Un huilier (fig. 72) ; c’est une petite boîte en
- bois ou en fer-blanc, dont un côté A B est élevé, et
- qui renferme un godet C dans lequel on met de l’huile
- de noix bien limpide. Il est muni d’un couvercle D
- que l’on tient constamment fermé lorsqu’on ne tra-
- vaille pas, afin de garantir l’huile de la poussière ou
- des ordures qui pourraient la salir. Cette boîte est
- étroite et longue, sa largeur intérieure est suffisante
- pour contenir le godet au milieu, et de chaque côté
- un espace vide d’environ trois centimètres. Sa lon-
- gueur est assez grande pour renfermer certains outils ;
- 2° Une éponge ; c’est un morceau d’éponge fine
- fixé au bout d’un manche de bois que l’on fait plus
- large du côté où doit être l’éponge que dans tout Ie
- reste ;
- 3° Un bilboquet G (fig. 76) ; c’est une plaque de bois
- de 1 centimètre et demi de large sur 8 centimètres de
- long, qui est doublée en drap collé par dessus H, et
- qui porte au milieu de sa longueur un manche I ;
- 4° Un couchoir J, en buis ; c’est une planchette
- longue d’environ 16 centimètres sur 2 millimètres
- d’épaisseur, dont la section présente à peu près la
- forme d’un S (fig. 77).
- 5° Une carte ; ce n’est autre chose qu’un morceau
- de papier pâte tel que nous l’avons décrit plus haut ;
- DORURE ET GAUFRURE. 277
- 6° Des pinceaux doux de poils de blaireau ; on en
- a de plusieurs formes, de ronds et de plats qu’on
- nomme palettes (fig. 78) ;
- 7°Deux billots cubiques de même hauteur et de
- même dimension ; on s’en sert pour étendre les deux
- couvertures dessus, en faisant tomber, entre les
- deux, les feuilles du volume. Par ce moyen, on a la
- facilité de coucher l’or sur les plats sans danger d’en-
- lever les parties déjà couchées (fig. 79) ;
- 9° Un petit compas (fig. 81) ;
- Le bilboquet, le couchoir, la carte et le compas se
- renferment dans le tiroir de l’huilier.
- Il faut beaucoup de propreté dans le travail du
- coucheur d’or ; son atelier ne doit avoir aucun cou-
- rant d’air qui s’opposerait aux opérations et ferait
- perdre beaucoup d’or.
2. Travail du coucheur d’or.[modifier]
- Comme son nom l’indique, la @ travail du coucheur
- d’or consiste à découper les feuilles d’or et à les dis-
- poser sur les points qu’elles doivent occuper, et qui
- ont été préalablement apprêtés par le doreur, c’est-
- à-dire encollés et glairés.
- Le coucheur prend un cahier d’or, l’ouvre à l’en-
- droit où se trouve une feuille, passe le couteau par
- dessous celle-ci, la soulève, la porte sur le coussin,
- l’y pose, et l’étend parfaitement en dirigeant un
- léger souffle sur son milieu. Cela fait, après avoir
- pris avec un petit compas, la largeur et la lon-
- gueur des places où il doit coucher l’or, il coupe la
- feuille avec le couteau en tenant celui-ci par le man-
- che, le tranchant sur les points marqués, ap-
- puyant d’un doigt de la main gauche sur la pointe
- Relieur. 16
278 DORURE ET GAUFRURE.
- de la lame, et enfin en agitant légèrement son outil
- comme s’il sciait.
- Notons, en passant, qu’avant de prendre l’or, on
- applique sur chaque endroit apprêté, et bien sec, une
- couche imperceptible d’huile de noix avec l’éponge, ou
- un pinceau à palette large et doux, ou un pinceau or-
- dinaire selon les emplacements où l’on doit le poser.
- Très-souvent, on doit se servir de suif, que l’on étend
- sur un morceau de drap, et qui remplace l’huile avec
- d’autant plus d’avantage, qu’il tache beaucoup
- moins. On passe avec le bout du doigt le drap,
- ainsi apprêté, sur toutes les places où cela est né-
- cessaire. Il est même préférable pour le doreur, de
- prendre des livres ainsi couchés, plutôt que s’ils
- étaient préparés avec l’huile, puisqu’il doit compren-
- dre que le cuir est moins imbibé avec le suif qu’avec
- l’huile.
- Après cette préparation, soit avec la carte dédou-
- blée ou le morceau de papier pâte, soit avec le bilbo-
- quet, on prend l’or et on le transporte immédiate-
- ment, sans hésitation, sans trembler et avec assu-
- rance, sur l’endroit que l’on a préparé. Il faut poser
- l’or juste à la place où il doit rester, car il happe tout
- de suite, et si l’on voulait le tirer pour le pousser
- d’un côté ou de l’autre, on le déchirerait et la dorure
- serait mauvaise.
- Avant de prendre l’or, soit avec la carte, soit avec
- tout autre instrument, on avait soin autrefois de
- passer légèrement la carte ou l’instrument sur le
- front à la naissance des cheveux, afin qu’il s’y char-
- geat d’une humeur onctueuse dont la peau est tou-
- jours un peu humectée dans cette partie, ce qui y fai-
- sait attacher un peu la feuille d’or. Cette pratique
- est inutile. Les ouvriers d’aujourd’hui sont même
- DORURE ET GAUFRURE. 279
- assez adroits pour coucher l’or sur le dos des livres
- avec le couteau seulement. Pour y parvenir, ils
- soulèvent la feuille avec la lame de cet instrument,
- l’enportent avec, la posent sur le dos, puis la fixent
- avec du coton en laine.
- En couchant l’or sur le dos du livre, on le laisse
- un peu plus long qu’il ne faut, en tête et en queue,
- afin de pouvoir l’appliquer parfaitement sur les coif-
- fes.
- L’or se couche sur la bordure intérieure, soit avec
- le couchoir, soit encore mieux avec le bilboquet.
- Chaque fois qu’on a couché de l’or, on frotte l’ins-
- trument dont on s’est servi sur un linge fin et propre,
- qu’on a sur soi ou à côté de soi.
- -----------------------------------------
- On couche l’or pour les filets des plats de la même
- manière, mais il est toujours nécessaire de tirer une
- ligne droite du côté du mors, car si les trois autres
- côtés ne présentent aucune difficulté, parce qu’on se
- trouve fixé par le bord, il n’en est pas de même pour
- celui-ci. On marque un trait avec le tranchant du
- plioir que l’on dirige le long d’une règle. Lorsqu’on
- couche à la main, on tient à pleine main les feuilles
- du volume de la main gauche, les cartons libres ;
- celui sur lequel on veut travailler est appuyé sur le
- pouce de cette main, le dos tourné vers soi. Alors
- on pose l’or sur le côté de tête ou de queue, qui se
- trouve du côté du bras gauche ; on fait ensuite pi-
- rouetter le volume de manière que la gouttière soit
- vers le bras gauche, on couche ce côté ; on fait tour-
- ner encore le volume pour terminer par l’autre petit
- côté.
- On peut aussi coucher l’or pour les filets sur les
280 DORURE ET GAUFRURE.
- plats à la carte ou au bilboquet, sans tenir le livre.
- Pour cela, on prend les deux billots cubiques, et on
- les place sur la table l’un à côté de l’autre, à une
- distance suffisante pour que toutes les feuilles du
- volume puissent se loger entre eux. Enfin on ouvre
- les deux cartons et on les fait reposer à plat sur
- les deux faces des billots. Alors toute la couverture
- est à plat et le volume pend entre les deux billots.
- On a ainsi beaucoup de facilité pour coucher unifor-
- mément et symétriquement les filets et tout ce qui
- doit orner les plats.
- On ne doit pas glairer, sur un volume en veau, les
- places qu’on veut laisser sans brillant.
- La moire et les autres étoffes de soie ne doivent pas
- être glairées, lorsqu’on ne veut pas coucher de l’or
- dessus, parce qu’elles portent avec elles leur brillant
- naturel. En outre, elles se glairent avec du blanc en
- poudre ou mieux, avec de la poudre de Lepage.
- Quand c’est avec du blanc, on haleine dessus pour le
- rendre humide ; ensuite on couche l’or, qui happe
- tout de suite.
2° Opérations du doreur.[modifier]
- Le doreur est l’ouvrier qui, avec des instruments
- de cuivre gravés en relief par un bout et montés
- dans un manche de bois par le bout opposé, fixe l’or
- sur tous les points que touchent les saillies de la
- gravure. Ces instruments s’appellent fers. Leurs
- dimensions sont toujours très restreintes. Néanmoins
- il y en a dont la petitesse est telle qu’on les désigne
- spécialement sous le nom de petits fers.
- C’est le doreur qui applique sur le dos des livres
- DORURE ET GAUFRURE. 281
- les titres et les ornements ; c’est également lui qui
- exécute les enjolivements de tout genre qui enrichis-
- sent les plats, et, ce que beaucoup de personnes igno-
- rent, il obtient toutes ces merveilles en combinant et
- ajustant ensemble un nombre infini de menus élé-
- ments qui, pris isolément, ne représentent à peu près
- rien. C’est de lui qu’on veut parler quand on dit que
- la dorure des livres exige un goût irréprochable et
- un sentiment élevé de l’art.
- Le doreur opère toujours à chaud, c’est-à-dire qu’il
- n’applique ses fers qu’après les avoir fait chauffer.
- Quelquefois, au lieu d’un ornement doré, il veut sim-
- plement produire une gaufrure. Dans ce cas, on ne
- couche point l’or. Souvent on fait valoir la gaufrure
- en y passant quelque encre de couleur. C’est ce genre
- de travail qu’on appelle très-improprement dorure
- à froid et dont le nom véritable est tirage en noir
- ou tirage en couleur, suivant qu’on emploie une
- encre noire ou une encre de couleur.
1. Outillage du doreur.[modifier]
- L’outillage doit être rangé, sous la main de l’ou-
- vrier, sur une table solide et placée de telle sorte
- qu’il reçoive directement sur son ouvrage toute la
- lumière du jour. Outre des collections de modèles et
- ce qui est nécessaire pour écrire, calquer et dessiner,
- il comprend les objets que voici :
- 1° Un fourneau pour chauffer les fers. Il est au-
- devant du doreur, un peu sur la droite,.et se com-
- pose de deux parties : le fourneau proprement dit,
- qui occupe le derrière, et le laboratoire, qui est sur
- le devant (fig. 82, pl. 4).
- Le fourneau proprement dit renferme le corp A,
- la hotte B et la cheminée C. A peu près à la moitié
282 DORURE ET GAUFRURE.
- de sa hauteur intérieure, se trouve une grille en fer
- sur laquelle on place le charbon. Sur le devant sont
- pratiquées deux ouvertures qui peuvent être entière-
- ment ouvertes ou fermées, vers le milieu de leur
- hauteur, par deux portes G et H, qui se meuvent
- sur des charnières verticales, selon que les parties
- que l’on a à faire chauffer sont plus ou moins gran-
- des. Au-dessous et sur le devant, est pratiquée une
- large ouverture E, pour l’introduction de l’air néces-
- saire à la combustion ; cette ouverture peut être fer-
- mée par une porte, qu’on voit à travers les barreaux
- de la partie antérieure, selon qu’on a besoin d’un
- tirage plus ou moins fort. Sur le côté, on voit un
- tiroir D qui sert à recevoir les cendres du charbon,
- pour s’en débarrasser lorsqu’il est plein. Toutes les
- parties de ce fourneau sont construites en tôle.
- La partie antérieure a sa base F en tôle ; tout le
- reste est construit en petites tringles en fer, comme
- l’indique la figure ; ces tringles servent à supporter
- les fers, les palettes et les roulettes dont se sert le
- doreur ; elles reposent, par leur partie métallique,
- sur les dents de la crémaillère que l’on aperçoit près
- du fourneau, et par leur manche, sur les traverses
- que l’on voit en avant.
- Tel est l’ancien fourneau à charbon de bois, qui
- était adopté par tous les relieurs, avant que le gaz
- d’éclairage ait été employé au chauffage. Il sert en-
- core dans les petits pays où le gaz n’existe pas, et il
- rend les mêmes services qu’autrefois ; c’est pourquoi
- nous le mentionnons ici.
- Le nouveau fourneau à gaz (fig. 82 bis) a beau-
- coup d’analogie avec l’ancien fourneau à charbon de
- bois. Il se compose d’un petit rectangle en fonte,
- monté sur quatre pieds également en fonte, et ouvert
- DORURE ET GAUFRURE. 283
- en partie sur sa face antérieure. Cette face est fermée
- aux deux tiers par une plaque en fonte et quelque-
- fois en tôle, pourvue à sa partie la plus élevée d’une
- crémaillère, entre les dents de laquelle l’ouvrier do-
- reur pose ses roulettes, ses palettes ou ses fers à
- dorer, lorsqu’il veut les chauffer. Au centre de l’appa-
- reil et dans sa longueur, existe un tube en fonte
- percé en dessus de trois rangées de petits trous par
- lesquels sort le gaz à brûler. Ce brûleur tient au
- fourneau par ses extrémités au moyen de deux ren-
- flements. L’un de ceux-ci est percé et reçoit un tuyau
- d’un diamètre plus petit que le brûleur ; ce tuyau en
- laiton est muni d’un robinet d’introduction ou d’ar-
- rêt pour le gaz, qui y arrive par un tube en caout-
- chouc, qu’on y adapte ou qu’on en retire à volonté.
- Le renflement dans lequel est soudé le tuyau en
- laiton est percé de trous qui permettent l’introduc-
- tion de l’air nécessaire à la combustion du gaz.
- On approche devant ce fourneau une tôle montée
- sur quatre pieds, un peu plus basse que la crémail-
- lère ; elle est destinée à recevoir les manches des ou-
- tils que l’on y place à chauffer. Cette disposition per-
- met de séparer les deux parties de ce fourneau, ce
- qui le rend moins encombrant que s’il était d’une
- seule pièce.
- 2° Un petit vase en terre vernissée ou en faïence,
- d’une forme oblongue, de 20 à 23 centimètres sur
- 5 centimètres et demi de large environ ; il est plein
- d’eau (fig. 83).
- 3° Deux petits billots en forme de parallélépipède
- rectangle, contre lesquels on appuie le volume pour
- pousser les palettes, les lettres et les fleurons sur le
- dos de ce volume (fig. 84). Deux des faces contiguës
- sont fortement inclinées, afin que, dans le mouvement
284 DORURE ET GAUFRURE.
- circulaire que la main du doreur est obligée de
- décrire pour poser les fers sur le dos du livre, elle
- ne soit pas gênée. Ce plan incliné est sur la droite
- de l’ouvrier, et le volume est appuyé contre le plan
- à gauche, et repose par sa gouttière sur la table.
- Afin d’empêcher les billots de remuer, car ils doivent
- présenter un point inébranlable à l’effort du doreur
- qui appuie le livre contre, on a placé deux chevilles
- en bois à la surface inférieure, lesquelles entrent
- dans deux trous pratiqués dans le dessus de la
- table.
- Les billots devant être moins épais que la lar-
- geur du volume, on en a plusieurs appropriés à cha-
- que format.
- Les chevilles sont placées toutes à la même dis-
- tance, afin de ne pas cribler la table de trous.
- Tous les billots sont mobiles. Pour plus de sûreté,
- on doit en avoir un de 5 à 6 centimètres de hauteur,
- qui, fixé à demeure sur la table, sert à empêcher
- les autres de pencher de côté, dans le cas où les
- chevilles qui les retiennent viendraient à vaciller.
- Il concourt ainsi à maintenir le volume bien verti-
- calement ;
- 4° Une brosse plate, rude, comme une brosse à
- souliers ou à frotter les appartements ; elle est pla-
- cée près du fourneau et sert à passer les fers dessus
- pour en nettoyer la gravure (fig. 85) ;
- 5° Un morceau de veau pour essayer la chaleur
- des fers ; il est disposé à côté du vase long à l’eau ;
- 6° De nombreuses roulettes ; ce sont des disques
- dont la tranche présente différents dessins, et qui
- tournent sur un axe disposé à l’extrémité d’un
- manche ou fût. Suivant le besoin, on les monte isolé-
- ment ou plusieurs ensemble sur le même fût.
- DORURE ET GAUFRURE. 285
- La figure 86 représente une roulette ordinaire dans
- son fût particulier. Ce fût a est en fer, et en forme
- de fourchette à l’une de ses extrémités pour recevoir
- la roulette b, qui y est fixée par une cheville qui la
- traverse ainsi que les branches de la fourchette.
- Cette cheville est à frottement dur dans les deux
- branches de la fourchette, et libre dans le trou de
- la roulette, qui peut tourner facilement sur son axe
- et contre les deux joues de la fourchette. L’autre ex-
- trémité du fût est pointue et s’engage solidement
- dans le manche c qui, pour plus de solidité, est cerclé
- en fer. Les roulettes sont gravées sur leur circonfé-
- rence convexe.
- Comme le doreur emploie beaucoup de roulettes
- différentes, et qu’il était embarrassant de les avoir
- toutes montées séparément chacune sur un fût parti-
- culier, on a imaginé un fût commun qui pût les
- recevoir toutes avec promptitude et facilité ; alors on
- conserve toutes les roulettes en garenne dans une
- boîte, et l’on ne monte sur ce fût que celle dont on a
- besoin sur-le-champ. C’est un instrument de ce genre
- que nous représentent les figures 87, 88.
- La fig. 87 montre une roulette b montée sur le
- fût commun a ; on voit en c une partie du manche.
- -- @ La figure 88 indique les détails de cet instru-
- ment. La partie inférieure a du fût porte la jumelle
- b et une traverse @ c. Ces trois pièces sont invariable-
- ment unies ensemble et ne forment qu’un seul corps.
- La traverse c entre dans une mortaise pratiquée dans
- le bas de la jumelle d, qui, lorsqu’elle est rappro-
- chée au point nécessaire pour laisser à la roulette la
- liberté de rouler, est fixée par la petite vis à oreil-
- les e, qui est taraudée dans l’épaisseur de la ju-
- melle d ;
286 DORURE ET GAUFRURE.
- Dans cette construction, l’axe de la roulette entre à
- frottement dur dans la roulette, qui tourne librement
- dans les trous des deux jumelles b et d. Il est, par
- conséquent, nécessaire d’avoir autant d’axes que de
- roulettes. Cependant il serait facile de n’avoir qu’un
- seul axe commun, en lui donnant deux oreilles
- comme à la petite vis e, le faisant entrer à vis dans
- la jumelle b, faisant tout le reste de la tige cylindri-
- que et uni ; cette partie traverserait librement la rou-
- lette, et son extrémité entrerait juste dans le trou de
- la jumelle d.
- 7° Un billot à dorer les bords (fig. 89) ; il a une
- face fortement inclinée contre laquelle on appuie le
- volume. L’ouvrier présente le volume par les bords,
- tout près de l’angle a, et il appuie la roulette @ contre
- cet angle, qui lui sert de règle pour ne pas s’écarter
- de l’épaisseur du carton ;
- 8° Une collection aussi nombreuse que possible de
- fers à dorer ; on a vu qu’on appelle ainsi des instru-
- ments de cuivre dont l’un des côtés porte des orne-
- ments en relief : le côté opposé est muni d’un manche
- pour qu’on puisse les manier. Il y en a une infinité
- d’espèces, auxquelles on donne des noms différents.
- Ceux de dimensions très-restreintes, constituent,
- on l’a vu, ce qu’on appelle les petits fers. Pour
- reproduire, surtout sur les plats, avec rapidité et
- économie, des dessins très - compliqués ou d’une
- grande étendue, on remplace souvent les fers par des
- plaques de cuivre également gravées en relief ; mais
- ce moyen de décoration facile est plus particulière-
- ment à l’usage de la reliure industrielle.
- 9° Un composteur (fig.90) et sa casse (fig. 91).
- Le composteur sert à faire sur le dos des volumes
- les titres et les tomaisons. Il consiste en deux pla-
- DORURE ET GAUFRURE. 287
- ques de laiton a disposées parallèlement entre elles
- et retenues à une distance convenable pour recevoir
- juste les lettres m dont on compose les mots qu’on
- doit pousser sur les titres. Ces petites plaques a sont
- solidement fixées dans une armature b, portant laté-
- ralement une vis à oreilles d, qui sert à serrer les
- lettres afin qu’elles ne ballottent pas. La queue de
- l’armature est solidement enfoncée dans un manche
- en bois c, cerclé d’une frette ou virole en fer g. Tout
- cet instrument est en laiton, ainsi que les lettres.
- La casse qui accompagne le composteur et qu’on
- voit figure 91, est une boîte à compartiments qui ren-
- ferme dans chacun d’eux : 1° toutes les lettres de
- l’alphabet, et dont chacune est en nombre suffisant
- pour tous les besoins ; 2° pareillement les caractères
- des chiffres arabes pour le titre du tome. Cette boîte
- qui se ferme par un couvercle à coulisse e, est assez
- grande pour contenir aussi deux composteurs,
- parce que souvent on en emploie deux à la fois.
- Le doreur doit être pourvu de six à sept jeux de
- lettres variés selon ses besoins, afin d’avoir de gros
- et de petits caractères, selon que les formats sont
- plus ou moins grands. Il est fort agréable, dans le
- même titre, d’avoir deux sortes de grosseurs de let-
- tres, de manière que les mots indispensables soient
- en gros caractères, et les autres en plus petits.
- Le composteur est assez grand pour recevoir la
- composition de deux ou trois lignes, car on en a
- rarement un plus grand nombre à pousser.
- Le doreur compose la première ligne qu’il place sur
- le composteur à gauche ; puis il met une espace, en-
- suite il compose la seconde ligne qu’il place à la suite ;
- puis une espace, et enfin la troisième ligne qu’il met à
- la suite. Si le composteur n’est pas assez grand pour
288 DORURE ET GAUFRURE.
- y placer le titre en entier, il met le reste sur le se-
- cond composteur ; mais il doit avoir soin de ne pas
- couper une ligne par le milieu en en plaçant une
- partie sur un composteur, et l’autre sur l’autre. Il
- faut qu’une ligne entière soit sur le même compos-
- teur, sans cela il s’exposerait à pousser la ligne d’une
- manière désagréable ou incorrecte ;
- 10° Une cloche à l’or (fig. 92) ; c’est un vase en grès
- fermé, par un couvercle en carton et concave par sa
- partie supérieure, sur laquelle on dépose les petits
- chiffons et le coton en rame dont on se sert pendant
- le travail de la dorure. On y conserve également les
- mêmes chiffons jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment
- chargés d’or ;
- 11° Une palette à pousser les coiffes (fig. 93) ; elle
- est arrondie en forme de segment de cône creux ; de
- plus elle est gravée en portions de rayon, se diri-
- geant vers le sommet du cône dont elle serait sup-
- posée faire partie ;
- 12° Des grattoirs, semblables à ceux que nous
- avons décrits plus haut, et un fusil pour les af-
- fûter ;
- 13° Des brunissoirs d’agate ou dents de loup ;
- 14° Des chiffons de linge fin et propre, et une
- serge en laine pour reprendre tout l’or qui n’est
- pas fixé, et que le linge blanc n’a pas enlevé.
2. Travail du doreur.[modifier]
- Tous les outils dont il vient d’être question sont
- étalés sur la table et par ordre, afin que l’ouvrier ne
- soit pas obligé de chercher continuellement celui dont
- il veut se servir. On n’atteindrait cependant pas ce
- but, si, après avoir fini d’un fer, on le posait au pre-
- mier endroit venu : il faut, au contraire, avoir le plus
- DORURE ET GAUFRURE. 289
- grand soin d’en former des tas différents selon leurs
- usages, afin de les retrouver tout de suite sous la
- main, lorsqu’on en a besoin : tels que les palettes ordi-
- naires, les palettes à queue, les fleurons, les petits fers
- qui servent à en composer de gros, etc.
- Pendant que l’ouvrier disposé sur la table les divers
- outils qui lui sont nécessaires, on allume un feu de
- charbon dans le fourneau, afin qu’il puisse com-
- mencer à travailler aussitôt que les fers sont chauds.
- Le petit billot (figure 84) est placé devant lui.
- Comme la coiffe du volume serait dans le cas de se
- détériorer, si l’on ne commençait pas par elle, l’ou-
- vrier prend le volume de la main gauche, le pose en
- travers, par la queue, sur le billot, la coiffe en de-
- hors, afin qu’elle ne touche à rien, et prenant de la
- main droite la palette de la coiffe, il l’applique dessus
- lorsqu’il s’est assuré qu’elle est au degré de chaleur
- convenable.
- Pour connaître si les fers sont suffisamment
- chauds, il les trempe à plat par le bout, dans le petit
- vase qui contient l’eau (fig. 83) ; au degré du bouil-
- lonnement que fait l’eau, il juge si le fer a le degré de
- chaleur convenable. Quelques ouvriers font cet essai
- en touchant le fer avec le bout du doigt mouillé, ce
- qui est préférable, parce qu’ils ne mettent de l’eau
- que sur le côté du fer, et ne touchent pas à la gravure.
- Par là, ils sont assurés qu’il n’entre pas d’humidité
- dans le dessin, ce qui est d’une grande importance ;
- car si, après avoir trempé le fer dans l’eau, on n’at-
- tendait pas, pour s’en servir, assez de temps pour
- que cette eau soit évaporée, l’or deviendrait gris, il
- perdrait son brillant, l’eau ferait tache, ou bien l’or
- pourrait être enlevé par le fer chaud. On fait la
- même opération sur tous les fers ; on peut aussi les
- Relieur. 17
290 DORURE ET GAUFRURE.
- essayer sur la peau de veau que nous avons dit qu’on
- plaçait sur la table. Un peu d’exercice et d’habitude
- rendent maître dans cette partie. Si le fer était trop
- froid, l’or ne prendrait pas.
- Dès que les coiffes sont dorées, c’est-à-dire que le
- fer a été poussé, et qu’on est alors assuré que l’or est
- bien fixé, on en enlève l’excédant avec un linge pro-
- pre qu’on ne fait servir qu’à cet usage, et qu’on jette
- ensuite, lorsqu’il est suffisamment chargé, dans la
- cloche à l’or, pour en tirer parti comme nous l’indi-
- querons plus tard.
- On place ensuite le volume contre le billot, la gout-
- tière contre la table, comme le montre la figure 84 ;
- on pousse les palettes qui doivent marquer les nerfs,
- en commençant par celle de queue et allant et mon-
- tant vers la tête. Il faut surtout avoir soin de les pIa-
- cer sur les marques que nous avons indiquées, en
- faisant bien attention de les pousser toujours bien
- perpendiculairement au côté du volume.
- Lorsqu’on pousse les fleurons sur les entre-nerfs,
- on doit faire attention de les poser bien au milieu, et
- qu’ils ne penchent d’aucun côté.
- Si le fleuron n’est pas assez grand pour remplir
- l’espace d’une manière bien agréable, on doit choisir
- dans les petits fers des sujets qui puissent, en les
- ajoutant au grand, présenter un ensemble qui plaise.
- On ne peut fixer aucune règle à ce sujet ; nous don-
- nerons ci-après un exemple qui aidera le relieur
- intelligent, et pourra faciliter son travail.
- Lorsque parmi les fers du relieur, il s’en trouvera
- DORURE ET GAUFRURE. 291
- qui soient particuliers à la nature de tel ou tel
- ouvrage, il faut bien se garder de les pousser sur
- des traités auxquels ils ne se rapporteraient en au-
- cune manière. Si, par exemple, il y en avait qui
- représentassent des poissons, ou des insectes, ou des
- fleurs, on aurait soin de ne les pousser que sur des
- ouvrages qui traiteraient de l’histoire naturelle des
- poissons, ou de celle des insectes, ou de celle des
- végétaux ; et on ne les pousserait pas sur des
- livres de littérature, sur des romans, moins encore
- sur des livres d’église, comme nous en avons vu des
- exemples. De pareils défauts dénoteraient le mauvais
- goût ou l’insouciance de l’ouvrier.
- Pour le titre, l’ouvrier le compose dans le compos-
- teur. Ce titre doit être aussi court que possible, mais
- toujours parfaitement clair, et s’il renferme des abré-
- viations, il faut qu’elles soient non-seulement immé-
- diatement intelligibles, mais encore exemptes de tout
- ce qui pourrait donner lieu à des interprétations
- inexactes, à plus forte raison ridicules ou absurdes.
- Si le volume est un ouvrage de science ou de litté-
- rature, la première ligne doit être le nom de l’auteur,
- avec un trait au-dessous ; le titre proprement dit
- vient ensuite.
- Habituellement, la grosseur des lettres est en rap-
- port avec le format du volume. Toutefois cette règle
- ne saurait être absolue. On conçoit, en effet, que si
- un volume in-8° était mince, et qu’on voulût se servir
- des lettres admises pour ce format, on ne pourrait en
- employer que quelques-unes, ce qui exposerait à rac-
- courcir le titre au point de le rendre inintelligible.
- En thèse générale, il faut approprier le caractère non
292 DORURE ET GAUFRURE.
- au format, mais à la longueur indispensable du titre
- pour se faire bien comprendre.
- Quand on a à dorer un ouvrage de beaucoup de
- volumes, parmi lesquels il s’en trouve de différentes
- épaisseurs, quoique, à la batture, on ait fait tout son
- possible pour qu’ils soient égaux ; on prend un vo-
- lume d’une épaisseur moyenne, sur lequel on place
- le nom de l’auteur en caractères aussi gros que peut
- le comporter la largeur du dos, au-dessous, après
- avoir placé un filet droit, on pousse le numéro du
- volume. Dans t’autre pièce, on place le titre du sujet
- avec un plus petit caractère, auquel on ajoute par-
- dessous, en plus petit caractère aussi, le numéro
- d’ordre des volumes de cette division. Ces divers
- caractères, une fois adoptés, ne doivent plus varier
- pour toute la collection.
- Lorsqu’on veut pousser le titre, on prend le vo-
- lume par la tête, à pleine main, de la main gauche,
- le pouce en l’air, contre le second entre-nerf ; ce
- pouce sert à diriger le composteur, qu’on présente
- sur le volume sans l’appuyer. Alors on voit le mot
- on le place au milieu de la distance, et lorsqu’on est
- bien fixé sur la place qu’il doit occuper, on appuie
- suffisamment, et l’on décrit un arc de cercle sur le
- dos, afin que toutes les lettres appuient sur toute sa
- rondeur.
- Lorsque le volume est très-épais, ou qu’il offre
- quelque difficulté, comme, par exemple, d’être rempli
- de cartes, ou de planches, ou de tableaux pliés, on le
- met dans la presse à tranchefiler, ou mieux dans la
- presse à gaufrer le dos. Celle-ci se compose de deux
- vis comme la presse à tranchefiler, avec la seule diffé-
- DORURE ET GAUFRURE. 293
- rence que les jumelles sont épaisses de 11 à 14 centi-
- mètres par le bas, et que la partie supérieure est en
- plan incliné de chaque côté, ne réservant du côté de
- l’intérieur qu’une épaisseur de quelques millimètres.
- Cette disposition permet à l’ouvrier de tourner le
- poignet en arc de cercle, afin de pousser la palette
- depuis un mors jusqu’à l’autre.
- Pour pousser des roulettes ou des filets sur le plat,
- on place le volume entre les deux billots de forme
- cubique, ainsi que nous l’avons indiqué (page 280)
- pour coucher l’or, et l’on pousse ainsi la roulette
- avec facilité, en appuyant le bout du manche sur
- l’épaule, et tenant l’autre bout de ce même manche
- à pleine main.
- Si lon craint de ne pas aller droit, on peut diriger
- la roulette contre une règle que l’on tient fixement sur
- le carton de la main gauche ; on en fait de même pour
- les pousser dans l’intérieur, mais on appuie la cou-
- verture sur un ais qu’on pose sur la table, afin de ne
- pas gâter le dos.
- Il est important de ne pas oublier, avant de se ser-
- vir de la roulette, de s’assurer si elle tourne libre-
- ment dans sa chappe @, et si elle n’y a pas trop de jeu.
- Si elle était trop gênée, on lui donnerait la liberté con-
- venable en graissant le trou avec un peu de suif ; si
- elle avait trop de jeu, on rapprocherait les deux
- branches de la chappe, ou bien on changerait la
- goupille.
- Si l’on voulait pousser une roulette dans un enca-
- drement, l’on pourrait se servir d’un passe-partout,
- c’est-à-dire d’une roulette épaisse, qui porte seule-
- ment un ou deux filets sur chacun de ses côtés, et
294 DORURE ET GAUFRURE.
- dont le milieu est entièrement évidé. Mais le moin-
- dre défaut devient très-sensible, en ce qu’il agit sur
- les deux côtés à la fois : nous préférons faire cette
- opération en deux fois, afin d’être plus sûr du tra-
- vail. Voici comment on procède :
- On compasse et l’on trace le carré de la dimension
- qu’on désire, on le glaire et on couche l’or ; ensuite
- on pousse les filets à la place qu’on a tracée, de sorte
- qu’à chaque angle il se forme un petit carré, dans le
- milieu duquel on pousse un fleuron. Aux quatre
- coins de ce même carré, on pousse un point qui le
- forme en entier. On essuie entièrement l’or de ce
- carré, et on le couvre d’un morceau de papier double
- qu’on tient appliqué par le pouce de la main gauche.
- Alors on peut pousser la roulette gravée à égale dis-
- tance des filets, et elle va s’arrêter vers le pouce qui
- tient le papier, sans faire aucune marque sur la place
- que ce papier occupe. Moyennant cette précaution la
- roulette va d’un carré à l’autre sans l’outrepasser.
- Les ouvriers qui travaillent sans attention et sans
- goût, poussent les filets tout au bord du livre, parce
- que c’est plutôt fait. Il vaut mieux laisser un inter-
- valle entre le bord et le filet, intervalle que l’on rem-
- plit agréablement d’une sorte de petite dentelle dorée.
- Si la roulette gravée représente une arabesque, il
- ne faut la pousser que des deux côtés en montant, et
- en faisant attention que la roulette soit tournée du côté
- convenable pour que les figures ne soient pas ren-
- versées lorsque le volume est debout, la tête en haut.
- On pousse une autre roulette insignifiante dans le
- haut et dans le bas.
- Pour les bords des cartons, on appuie la couver-
- ture sur le plan incliné du billot à dorer les bords,
- @ et, comme on le voit figure 89, l’on pousse la roulette
- DORURE ET GAUFRURE. 295
- contre le bord supérieur du billot, qui la dirige suf-
- fisamment.
- Quelquefois on veut seulement pousser de la
- dorure sur la coiffe et sur les coins. On emploie
- la palette ordinaire pour la coiffe, et on la termine
- par un gros point ou une petite ligne. Pour les coins,
- on prend une palette dans le même genre, mais droite,
- et qui est ordinairement divisée en deux parties éga-
- les par une éminence qui sert de guide, afin de ne pas
- avancer plus d’un côté que de l’autre, et que les huit
- côtés soient égaux. Chaque partie de la palette est
- gravée d’un dessin particulier.
- Après avoir doré, l’ouvrier s’aperçoit facilement
- si son fer a été trop chaud, ou si le volume sur lequel
- il l’a poussé présentait quelque humidité. Dans ces
- deux cas, l’or devient gris.
- Lorsque le doreur a tout terminé, il enlève l’or su-
- perflu en frottant toutes les places avec un linge fin
- et propre, comme nous l’avons dit pour la coiffe, et
- il conserve à part ce linge, qu’on nomme drapeau à
- l’or, jusqu’à ce qu’il soit suffisamment chargé de ce
- métal ; il le jette alors dans la cloche à l’or (fig. 92),
- ou bien dans un grand vase, où il le laisse en dépôt
- jusqu’au moment qu’il aura choisi pour en séparer
- le métal, comme nous l’indiquerons plus bas.
§ 3. -- COMBINAISON DES FERS.[modifier]
- Savoir combiner entre eux les fers employés dans
- la dorure sur cuir est un des points les plus impor-
- tants de l’art du doreur. Il est facile à l’ouvrier intel-
- ligent et que le goût dirige, de produire, avec un
- petit nombre de fers, une série très nombreuse
296 DORURE ET GAUFRURE.
- de fleurons extrêmement agréables et continuelle-
- ment variés. Un exemple que nous allons prendre au
- hasard suffira pour donner l’intelligence de ces pro-
- cédés.
- Le grand fleuron, fig. 101 est formé seulement des
- deux fers fig. 101 x et z. Comme il s’agit non seule-
- ment de faire sur le plat de la couverture un joli
- fleuron dont on a conçu la composition mais encore
- de le placer d’une manière agréable, et de façon qu’il
- ne penche ni d’un côté ni de l’autre, pour cela l’ou-
- vrier trace sur le plat, avec le tranchant d’un plioir,
- deux traits AA, BB, à angles droits, qui partagent
- la hauteur et la largeur du volume en deux parties
- égales, et se croisent dans le milieu du plat.
- Il pose ensuite son fer, fig. 101 z de manière à ce
- qu’il remplisse un des angles droits que les deux li-
- gnes présentent au milieu ; il pousse une fois ce
- fleuron. Il en fait autant pour les trois autres angles
- droits. Cela fait, il a obtenu un grand fleuron dési-
- gné par les lettres a,a,a,a. Il ajoute ensuite sur cha-
- cune des lignes tracées le fleuron 101 x aux places
- marquées b,b,b,b, et il a obtenu le grand fleuron
- qu’il avait déjà conçu dans son imagination.
- Si l’emplacement ne lui avait pas permis de
- placer sur les deux côtés le fleuron fig. 101 z il au-
- rait pu le supprimer, n’y rien mettre, ou bien y
- pousser un gros point, ou bien un fer à étoile, à gré-
- netis à pointes de diamant, etc. ; le fleuron n’en au-
- rait pas été moins agréable. Il aurait pu également
- pousser aux points c,c,c,c,c,c,c,c le même fer : le
- grand fleuron aurait été encore plus orné.
- Il serait superflu de multiplier davantage les
- exemples ; ce que nous venons de dire suffira aux
- lecteurs intelligents pour concevoir toutes les res-
- DORURE ET GAUFRURE. 297
- sources que le goût peut leur donner, afin de former,
- avec un petit nombre de fers bien choisis, une infi-
- nité d’ornements plus agréables les uns que les
- autres.
§ 4. -- CHOIX DES FERS.[modifier]
- En parlant des fers, nous avons dit qu’ils doivent
- être, autant que possible, appropriés à la nature des
- matières traitées dans les ouvrages. Ce n’est pas
- tout : il est encore indispensable qu’ils soient en rap-
- port avec le style de l’époque où le livre a été im-
- primé ou est censé l’avoir été. Rien ne serait plus
- choquant que de voir un roman de nos jours décoré
- avec des fers du quinzième siècle ou l’un des pre-
- miers produits de l’art de Gutenberg avec des fers
- de 1810 ou de 1830. Malheureusement, il n’est pas
- rare de rencontrer des relieurs, même parmi ceux
- qui jouissent d’une grande réputation, manquer en-
- tièrement à ces principes, parce qu’ils ignorent l’his-
- toire de leur art.
- C’est pour les mettre en mesure de ne plus tomber
- dans de semblables erreurs que nous avons jugé à
- propos de joindre à la nouvelle édition de notre ma-
- nuel quelques spécimens de fers, choisis parmi les
- monuments les plus authentiques de la reliure du
- quatorzième siècle à la fin du dix-huitième. Ils ont
- été exécutés par MM. A. Lofficiau et Munzinger,
- 40, rue de Buci, à Paris, qui, véritables artistes, sont
- au premier rang de nos graveurs de fers à dorer. Le
- dessin de ces spécimens a été fait par M. Munzinger ;
- ils ont été reproduits en photogravure par M. Miche-
- let, de manière que les dessins ne subissent aucune
- altération à la gravure.
- Quelques mots maintenant sur nos modèles.
- 17.
298 DORURE ET GAUFRURE.
- Page 299. Fers monastiques. Imitations des orne-
- ments dont les premiers imprimeurs enjolivaient
- leurs livres de piété, ils annoncent la seconde moitié
- du quinzième siècle et le commencement du seizième.
- Leur nom vient de ce qu’ils, sont comme la conti-
- nuation des merveilleuses miniatures dont les moi-
- nes du moyen âge enrichissaient leurs manuscrits.
- On sait que l’imprimerie a été inventée par Gu-
- tenberg à la suite d’essais et de tâtonnements sans
- nombre, dont les premiers eurent lieu à Strasbourg,
- vers 1436, et les derniers à Mayence vers 1450. On
- sait aussi que le premier atelier typographique fut
- établi dans cette dernière ville par l’inventeur lui-
- même, et que, à partir de 1461 ou 1462, l’art nouveau se
- répandit si promptement qu’en une dizaine d’années
- il se trouva établi dans toutes les contrées de l’Europe.
- Les premiers imprimeurs s’appliquèrent à imiter
- les manuscrits, et ces imitations furent quelquefois
- si parfaites que certains d’entre eux purent faire
- passer les ouvrages sortis de leurs presses pour des
- œuvres de calligraphie, et les vendre comme telles.
- Cette supercherie ne cessa réellement que lorsque le
- caractère romain, créé à Rome, en 1466, par Swen-
- heym et Pannartz, eût été généralement adopté.
- C’est à cause de l’usage dont il vient d’être ques-
- tion, que les plus anciens livres imprimés ont leurs
- caractères en gothique, c’est-à-dire semblables à l’é-
- criture du temps, et qu’en outre ils présentent des
- vignettes et des encadrements qui se rapprochent
- plus ou moins des vignettes et des encadrements, des
- manuscrits véritables, et, pour rendre la ressem-
- blance encore plus frappante, on y faisait souvent
- exécuter, après l’impression, des enjolivements à la
- main par les plus habiles calligraphes.
- DORURE ET GAUFRURE. 299
I. — FERS MONASTIQUES (XIVe ET XVe. SIÈCLES).[modifier]
300 DORURE ET GAUFRURE.
- Page 301. Fers italiens. Empruntés, comme les pré-
- cédents, aux monuments de la typographie, plus par-
- ticulièrement à ceux d’origine italienne. On les
- appelle aussi aldins, parce que les éditions des Alde,
- célèbres imprimeurs de Venise, en ont fourni de
- nombreux motifs. Ils caractérisent également la fin
- du quinzième siècle et, en outre, le commencement
- du siècle suivant. Ils furent d’abord pleins ; mais si,
- tirés en noir dans l’intérieur des livres, ils faisaient
- un bel effet, on trouva bientôt qu’ils étaient lourds
- sur la couverture, parce qu’ils donnaient en or des
- masses trop grandes, et l’on chercha à les rendre
- plus légers. Leurs contours furent respectés, mais on
- les allégit en les remplissant de fines hachures.
- Cette innovation produisit les fers azurés, qui abon-
- dent dans les reliures contemporaines de Grolier,
- dont ils sont une des marques distinctives. A la
- même époque, d’autres artistes, ne la trouvant pas
- suffisante, évidèrent complétement les fers, de
- manière à n’en plus laisser que les contours. Ces
- nouveaux fers reçurent le nom de fers à filets, et ils
- partagèrent avec les précédents, la faveur des biblio-
- philes.
- C’est en Italie, à la fin du XVe siècle, c’est-à-dire : dès
- les premiers développements de l’imprimerie, qu’est
- née la reliure moderne. Nos bibliophiles en durent la
- connaissance aux grandes guerres de Charles VIII,
- Louis XII et François 1er. Jean Grollier, de Lyon,
- celui d’entre eux qui contribua le plus à en répandre
- le goût en France, était trésorier des guerres et in-
- tendant de l’armée du Milanais à l’époque de ce der-
- nier prince, et il profita de son séjour à Milan pour
- commencer la formation de sa célèbre bibliothèque.
- DORURE ET GAUFRURE. 301
II - FERS ITALIENS. (XVIe SIÈCLE).[modifier]
302 DORURE ET GAUFRURE.
- Page 303. Fanfares, fers de Legascon. A partir
- du règne de Henri II, en France, la gravure des fers
- ne s’inspire plus de l’imprimerie ; elle demande ses
- motifs aux plus habiles dessinateurs. Alors parais-
- sent les fanfares (moitié supérieure de la planche),
- fers de petites dimensions dont la combinaison for-
- mait des dessins de l’effet le plus heureux, et qui
- doivent leur nom, tout moderne, à un volume de
- Charles Nodier, appelé Fanfare, sur lequel Thouve-
- nin avait reproduit un dessin de ce genre.
- Au commencement du dix-septième siècle, Legas-
- con, en inventant ou plutôt en généralisant l’emploi
- des fers pointillés (moitié inférieure de la planche),
- créa une ornementation d’une élégance infinie malgré
- la prodigieuse abondance des détails. « Bien qu’il se
- soit servi d’un canevas ancien, dit excellemment M.
- Marius, l’aspect de ses reliures est tellement changé,
- si nouveau par l’invention, ou, pour mieux dire, par
- l’application des fers pointillés, que Legascon restera
- pour toujours maître, et un maître qui est à la hau-
- teur de ceux du XVIe siècle. Science solide dans l’en-
- semble, richesse, élégance, abondance, sans lour-
- deur dans les détails, il réunit toutes les qualités du
- décorateur. » Notons, en passant, que c’est Legascon
- qui a fait le premier usage, sur une grande échelle,
- des petits fers.
- DORURE ET GAUFRURE. 303
III. — FERS FANFARE. (XVIIe SIÈCLE).[modifier]
IV. — FERS LEGASCON. (XVIIe SIÈCLE)[modifier]
304 DORURE ET GAUFRURE.
- Page 305. Fers à tortillons. Ils caractérisent le
- dix-septième siècle. C’est également à cette époque
- que l’usage des riches dentelles a commencé à deve-
- nir général.
- « Le plus grand mérite de Legascon est d’avoir su
- garder, au milieu de sa prodigieuse richesse de dé-
- tails, les savantes qualités d’ensemble des maîtres. Au
- dix-septième siècle, on procède d’une autre manière :
- c’est par la répétition des mêmes motifs, dans des
- positions différentes, que l’on arrive à un ensemble.
- Les belles reliures auxquelles Du Seuil a donné son
- nom, ces reliures à filets, soit droits et courbes, avec
- coins et milieux richement ornés, procèdent de cette
- manière. A la même époque, les armoiries jouent
- aussi un grand rôle dans la décoration du livre. On
- les trouve soit seules, soit accompagnées d’une mar-
- que, d’un emblème placé aux angles. Il y eut des
- bibliothèques dont tous les volumes étaient ornés de
- cette seule marque de leur propriétaire (M. Ma-
- rius). »
- Nous venons de nommer Du Seuil. Il s’appelait
- Augustin et était né aux environs de Marseille, vers
- 1673. Après avoir travaillé chez Philippe Padeloup,
- dont il épousa la fille, il devint, quelque temps avant
- 1714, relieur du duc et de la duchesse de Berry.
- DORURE ET GAUFRURE. 305
V. — FERS A TORTILLONS. (XVIIe SIÈCLE).[modifier]
306 DORURE ET GAUFRURE.
- Page 307. Fers de la transition, fers mosaïques.
- Ils marquent la fin du dix-septième siècle et le com-
- mencement du dix-huitième. L’ornementation est un
- peu moins élégante qu’à l’époque précédente. Les
- fleurs, les oiseaux, etc., se montrent au milieu des
- rinceaux les plus délicats.
- Au commencement du dix-huitième siècle, les do-
- reurs procèdent comme ceux du dix-septième ; mais
- les fers ont déjà subi des transformations importan-
- tes par l’introduction, comme il vient d’être dit, de
- fleurs, d’oiseaux, etc., au milieu de leurs rinceaux.
- En outre, à mesure qu’on avance, la décadence s’ac-
- centue de plus en plus.
- Les reliures dites de Padeloup, appartiennent à
- cette époque ; elles doivent leurs « qualités décorati-
- ves plutôt à l’heureux emploi des maroquins de dif-
- férentes couleurs qu’au mérite du dessin ou de
- l’exécution. » On compte treize relieurs portant le
- même nom de Padeloup, et appartenant à la même
- famille. Le plus ancien, Antoine, était établi bien
- avant 1650. Celui dont les œuvres sont devenues cé-
- lèbres, est probablement Antoine-Michel, né en 1685,
- qui fut nommé relieur du roi en 1733, et qui le devint
- peut-être aussi de madame de Pompadour ; il mourut
- en 1758. Jean, un de ses fils, dut continuer les bon-
- nes traditions de son père, car il fut nommé relieur
- du roi de Portugal.
- DORURE ET GAUFRURE. 307
VI. — FERS DE LA TRANSITION. (XVIIe ET XVIIIe SIÈCLE).[modifier]
308 DORURE ET GAUFRURE.
- Page 309. Fers du XVIIIe siècle. La gravure des
- fers est en pleine décadence. Elle emprunte la plupart
- de ses motifs aux imprimeries de bas étage et ne pro-
- duit, sauf de très-rares exceptions, que des ornements
- pâteux et sans caractère. Les reliures de De Rome,
- qui sont les plus sérieuses de l’époque, n’approchent
- pas, sous ce rapport, de celles de la période anté-
- rieure. Nous allons faire ; pour la famille de ces ar-
- tistes, ce que nous avons fait pour celle des Pade-
- loups.
- Il y a eu quatorze De Rome, et non@ Derome,
- comme on écrit souvent ce mot, tous relieurs et de
- la même famille, depuis le milieu du dix-septième
- siècle jusqu’à la fin du dix-huitième. Quel est le célè-
- bre, celui dont on veut parler quand, dans un Cata-
- logue de vente, un livre est signalé comme relié par
- De Rome ? On n’en sait positivement rien ; mais on
- suppose que ce doit être Jacques-Antoine, né vers
- 1696, et mort le 22 novembre 1761 : il est qualifié,
- dans son acte mortuaire, de « maître relieur et do-
- reur de livres, ancien garde de sa communauté. »
- DORURES ET GAUFRURE. 309
VII. — FERS DU XVIIIe SIÈCLE.[modifier]
310 DORURE ET GAUFRURE.
- Page 311. Petits fers. On a vu ailleurs ce qu’on
- entend par là. L’emploi de ces outils minuscules
- parait remonter au seizième siècle, et c’est en les
- répétant des milliers de fois sur le plat des livres
- qu’on exécute ces compositions si gracieuses qui font
- l’admiration des amateurs. D’après Marius Michel,
- le doreur le plus renommé de notre époque, l’usage
- de donner à ce genre le nom de dorure à petits fers,
- a pris naissance du vivant de Legascon.
- Nous arrêterons ici le nombre de nos modèles,
- ceux que nous donnons nous paraissant suffire pour
- guider, dans son choix, un ouvrier intelligent. Plus
- tard, quand nous réimprimerons notre volume, nous
- compléterons ce travail en offrant au lecteur une
- collection de reliures entières, plats et dos. Nous en
- trouverons des originaux, dont elles seront des spéci-
- mens fidèles, dans les collections publiques les plus
- riches et les cabinets particuliers les plus renom-
- més.
- DORURE ET GAUFRURE. 311
VIII. — PETITS FERS.
- DORURE ET GAUFRURE. 313
§ 5. -- OBSERVATIONS DIVERSES[modifier]
1° Dorure de la Soie.[modifier]
- Nous n’avons parlé, à la page 280, de la manière de
- dorer la soie que comme d’un procédé commun à toutes
- les autres substances, parce qu’effectivement nous
- savons, par expérience, que le procédé qu’on suit
- pour appliquer l’or sur les peaux peut être également
- employé avec succès sur la soie. Quelques détails
- sur ce procédé nous paraissent indispensables.
- On fait parfaitement dessécher le blanc d’œuf, afin
- de pouvoir le piler et le réduire en une poussière im-
- palpable qu’on passe au tamis de soie. On met cette
- poudre dans une petite fiole qu’on coiffe d’un par-
- chemin mouillé et bien tendu, comme les bouteilles
- dans lesquelles on renferme de la sandaraque en pou-
- dre pour l’usage des bureaux. On perce avec une
- épingle, quelques trous dans ce parchemin lorsqu’iI
- est sec, et c’est de cette poussière de blanc d’œuf qu’on
- se sert pour l'assiette de l’or. On saupoudre ce
- blanc d’œuf sur toutes les places où l’on veut poser
- l’or ; on peut même se servir de sandaraque, cela
- est plus @ usité, surtout en Angleterre. Ensuite on
- prend une roulette d’un diamètre tel que sa circonfé-
- rence convexe soit d’une étendue plus grande que la
- longueur du filet que l’on veut poser ; c’est avec cette
- roulette que l’on prend la feuille d’or laquelle a été
- coupée d’avance de la largeur convenable.
- Il est facile de concevoir que si la roulette ne pré-
- sentait pas une circonférence assez longue pour con-
- tenir, sans la doubler, une seule épaisseur d’or, le
- premier bout de la bande qu’on aurait pris, et qui
- se serait attaché à la roulette, serait recouvert par la
- Relieur. 18
314 DORURE ET GAUFRURE.
- fin de la bande ; il y aurait à ce point deux épais-
- seurs qu’on ne pourrait pas détacher : il est donc
- important que la roulette soit assez grande pour
- qu’on n’ait qu’une seule épaisseur.
- Tout cela ainsi disposé, et après avoir fait chauffer
- la roulette plus fortement que pour le cuir et le ma-
- roquin, on passe dessus un peu d’huile avec le bout
- du doigt, on enlève avec elle l’or de dessus le coussin,
- et on le pose tout de suite sur la place où l’on a mis
- la poudre. On termine la dorure comme à l’ordinaire.
- Lorsqu’on veut coucher l’or sur la soie après le
- glairage, en suivant le procédé indiqué page 280, on
- doit humecter les places glairées en dirigeant forte-
- ment l’haleine dessus, afin de donner au blanc d’œuf
- une certaine moiteur, et l’on pose l’or aussitôt. On
- pourrait le coucher à l’huile, en usant des précautions
- nécessaires pour ne pas tacher l’étoffe ; mais pour
- le velours, par exemple, rien ne vaut le blanc d’œuf
- en poudre et surtout la poudre de Lepage.
- Quelques relieurs tracent d’abord l’ornementation,
- puis saupoudrent la soie avec de la poudre de Le-
- page et prennent l’or avec l’ornement dont ils se
- servent pour dorer. Le graissage de ce fer doit être
- très léger : une simple passe dans les cheveux suffit.
2° Dorure des milieux sur les plats.[modifier]
- Qu’on veuille pousser, sur le plat des volumes, des
- armoiries, des coins, des fleurons, il faut faire atten-
- tion si tous les ornements doivent conserver ou non
- des portions mates. On glaire avec le blanc d’œuf et
- avec un pinceau, toutes les parties qui ne doivent
- pas être mates ; puis, sans attendre que ce glairage
- soit entièrement sec, car il doit conserver une légère
- humidité, on couche l’or. Pour cela, on ouvre la cou-
- DORURE ET GAUFRURE. 315
- verture du volume, on place le carton sur le biIlot
- qu’on a déjà mis sur la presse, exactement au-des-
- sous de la vis, le restant du volume tombant en de-
- hors. L’or étant couché, on pose par dessus la pla-
- que gravée, chaude au point de pouvoir à peine la
- tenir dans la main, lorsque la couverture est en veau,
- et moins chaude pour le maroquin. Cela fait, on serre
- la presse fortement, comme par un coup de balancier,
- et l’on desserre sur-le-champ.
- L’ouvrier ne saurait porter une trop grande
- attention dans la manière dont il place les plaques
- sur la couverture en les mettant à la presse. Comme
- rien ne serait plus ridicule et plus désagréable à la
- vue qu’une plaque mal disposée, il doit prendre les
- précautions suivantes : Il doit se servir de l’é-
- querre, d’un compas et de la règle, mesurer bien
- les distances, afin que les armoiries ou les fleurons
- soient bien au milieu du plat, que les distances aux
- quatre bords soient bien égales entre elles, si la pla-
- que le permet, ou au moins que les champs du haut
- et du bas soient parfaitement égaux entre eux, ainsi
- que les champs de côté. II faut de plus que le fleu-
- ron, quel qu’il soit, ne penche ni d’un côté ni de l’au-
- tre. Rien ne prouve plus I’ignorance ou la négli-
- gence de l’ouvrier, que l’aspect d’un ornement mal
- disposé sur la couverture d’un livre ; il vaudrait
- beaucoup mieux qu’il n’y en eût pas.
- Le meilleur guide est celui que l’on confectionne
- soi-même en coupant un papier du format du volume.
- On le plie en quatre pour avoir exactement le mi-
- lieu ; les plis prolongent la mesure dans les deux
- sens ; en multipliant ces plis, on obtient des points
- de repère sur toute la surface.
316 DORURE ET GAUFRURE.
- Il faut bien faire attention, quand on applique
- une dorure au balancier, de ne pas frapper avec
- celui-ci des coups trop violents qui ont l’inconvé-
- nient, quand la peau ou le maroquin sont trop épais,
- de donner une dorure baveuse et où la délicatesse
- des lignes est gravement compromise par une pres-
- sion trop forte. Le goût du relieur doit le guider
- ici comme dans toutes les autres parties de son art.
3° Observations Rebec.[modifier]
- Un habile relieur et doreur, M. A. Rebec, a publié
- dans le Technologiste, une notice dans laquelle il a
- décrit sommairement les procédés qu’il a eu l’occa-
- sion de recueillir ou de pratiquer dans l’art de dorer
- les livres, les albums, les portefeuilles, le cuir, la
- toile, le papier, le parchemin, le velours et la soie.
- On nous saura gré de reproduire une partie de sa
- notice.
- « De l’assiette en général @ pour cuir et papier
- Une des manipulations principales de la dorure est
- l’établissement de l’assiette qu’on néglige cependant
- assez souvent. Les éléments de l’assiette sont, 1° la
- dissolution de gélatine, 2° le blanc d’œuf.
- « 1° Dissolution de gélatine. On prend un pot qui
- puisse aller au feu, et on découpe en petits morceaux
- du parchemin fait avec de la peau de cochon (et non
- pas avec de la peau de mouton). On introduit dans
- le pot, on fait bouillir jusqu’à évaporation de la moi-
- tié du liquide, et la dissolution est prête. La propor-
- tion des ingrédients est d’environ une partie en poids
- de parchemin pour trois parties d’eau.
- « 2° Blanc d’œuf. Beaucoup de relieurs étendent
- leur glairage avec de l’eau et du vinaigre, mais je
- préfère beaucoup laisser le blanc d’œuf d’abord en-
- DORURE ET GAUFRURE. 317
- tier et sans le battre, et verser dessus pour chaque
- œuf, trois gouttes d’amoniaque @ puis battre avec
- soin.
- « J’indiquerai à chaque article la manière de se
- servir de ces deux ingrédients.
- « I. Cuir marbré ou à une seule teinte foncée.
- La couverture en cuir ayant été appliquée au volume,
- on la frotte avec de bonne huile de noix, on polit
- au brunissoir, ou dent, on étend un peu de colle de
- farine, on lave le tout avec de l’urine et on laisse
- sécher. Alors on fait chauffer la dissolution de géla-
- tine, on en enduit une fois la couverture ; on laisse
- sécher, et enfin on glaire deux fois le tour au blanc
- d’œuf.
- « Lorsque cette assiette est sèche au point de pou-
- voir passer impunément la main dessus, on la polit
- au brunissoir, comme à l’ordinaire, mais non pas
- aussi chaud, et l’on dore à l’huile de noix.
- « La chaleur pour la dorure de l’écusson et des fi-
- lets doit être modérée.
- « II. Cuir apprêté anglais et allemand. Quand
- on veut dorer ces sortes de cuir avec beaucoup de
- propreté, il faut procéder avec un soin extrême.
- parce que autrement ils perdent toute leur beauté et
- leur mérite. Le volume ayant été couvert, on y im-
- prime aisément le dessin à une chaleur modérée, on
- frotte à l’huile de noix, on étend un peu de colle de
- farine très-fluide, et on lave largement à l’eau seconde
- étendue. Enfin le dessin imprimé est glairé à deux
- reprises différentes avec un pinceau doux, et on dore
- à l’huile de noix. La chaleur pour la dorure est mo-
- dérée pour le noir, le vert, le violet et le rouge, et un
- peu plus élevée, pour le brun.
318 DORURE ET GAUFRURE.
- « III. Chagrin gros grain et Chagrin. Ces deux
- sortes de cuirs exigent une attention et une propreté
- toutes particulières, attendu qu’elles acquièrent faci-
- lement des taches luisantes et graisseuses qu’il est
- difficile et même impossible d’enlever.
- « Ces cuirs sont particulièrement propres aux im-
- pressions en noir et en or, et peuvent fournir de
- fort beaux produits. Le dessin doit être préalable-
- ment imprimé. On le décore en or ou en noir.
- « Pour imprimer en or, on donne une seule couche
- au blanc d’œuf pur ou deux couches en coupant le
- blanc d’œuf ; il ne faut jamais en donner trois, ces
- couches superposées formant trop d’épaisseur, ce qui
- donne au cuir une teinte grise et sale.
- « On doit huiler avec grand soin, autrement le
- cuir prend des taches qui ne disparaissent plus, et
- la dorure s’altère quand on veut les faire disparaître
- par le lavage. Lorsque le dessin est doré, on procède
- à l’impression en noir qui s’exécute à la cire blan-
- che. La cire est étendue sur un petit morceau de
- peau sur lequel on applique le fer qu’on imprime
- aussitôt, puis on pinceaute avec le vernis des
- relieurs pour qu’elle prenne un beau noir et de
- l’éclat.
- « La chaleur à la dorure et à l’impression en noir
- doit toujours être modérée.
- « IV. Gros grain ou marocain. Les apprêts an-
- glais ne sont pas bons ; il faut employer ceux des
- allemands.
- « V. Encollage du veau. Quand le volume est re-
- couvert de la peau, on mouille celle-ci avec de l’eau
- au moyen d’une éponge propre, pour n’avoir pas de
- taches. Quand elle est sèche, on l’enduit à deux cou-
- ches avec de la gélatine claire ou de la colle d’amidon @
- DORURE ET GAUFRURE 319
- ou encore de trois couches avec du blanc d’œuf pur.
- La chaleur doit être assez forte.
- « Le veau ou la basane ne peuvent supporter
- l’huile avant l’encollage. On doit éviter d’employer
- les acides qui détruisent la peau, le vinaigre excepté.
- « VI. Dorer mat le veau à la main. La peau sur
- le volume étant lavée et bien séchée, on y trace le
- dessin, on encolle une fois avec de l’eau de colle de
- pâte, une fois avec du lait, une fois avec la dissolu-
- tion de gélatine, et deux ou trois fois avec le blanc
- d’œuf. Pour huiler avant de dorer, il faut procéder
- avec beaucoup de précaution pour ne pas faire des
- taches, qui ne disparaîtraient plus. L’assiette, lors de
- l’impression, doit être encore un peu humide, Dans
- cette opération, les fers doivent être très-chauds.
- « VII. Imprimer le veau à la presse. Tout étant
- disposé, on imprime à la presse son fer à froid ; on
- enduit une fois avec du lait, puis deux à trois fois
- avec le blanc d’ œuf. Dans cette dorure on laisse bien
- sécher l’assiette, afin que les dégradations ou nuan-
- ces du fer se détachent et soient bien pures. L’or s’ap-
- plique sans huile, et on le fixe en le pressant avec
- force avec du coton fin.
- « VIII. Dorer le veau en couleur à la presse. Le
- travail étant imprimé, il faut découper des papiers
- un peu plus grands que le champ du fer ou de la pla-
- que, les coller sur les bords en trois ou quatre dou-
- bles et imprimer simultanément ceux-ci. Alors on
- prend un couteau pointu et l’on pratique des décou-
- pures en parties distinctes, suivant le goût ou le be-
- soin. Ce découpage terminé, on en colle les diverses
- parties à la colle de pâte, on laisse bien sécher le
- papier, on l’imprime une seconde fois, puis on enlève
320 DORURE ET GAUFRURE.
- celui qui est encore sur le dessin, On enduit une fois
- avec du lait, deux fois avec le blanc d’œuf ; on laisse
- bien sécher, et enfin on imprime à une chaleur
- tiède, mais vivement.
- « On dore comme précédemment. Bien entendu que
- le papier fin satiné est ce qu’il y a de meilleur pour
- cet objet.
- « IX. Dorure sur cuir de Russie. On imprime le
- cuir lorsqu’il est sec ; on y passe un pinceau chargé
- de dissolution de gélatine, et on glaire deux fois. On
- applique l’or à l’huile avec précaution. La chaleur
- pour la dorure, doit être modérée.
- « X. Velours. Quand on veut dorer sur velours,
- il faut doubler cette étoffe avec du papier : @ autrement
- l’or se détacherait promptement. Pour doubler, on
- se sert indistinctement de colle de gélatine ou de
- pâte, ou de gomme arabique dissoute dans de l’eau.
- Cette dernière est ce qu’il y a de mieux. Lorsqu’on a
- préparé son volume ou tout autre objet, on imprime
- assez chaud le dessin avec le fer, afin de rabattre le
- poil du velours, puis on saupoudre, sur une assez
- forte épaisseur, le dessin avec de la gomme-gutte @
- réduite en poudre très-fine ; on prend l’or avec le fer
- et l’on applique une chaleur modérée et telle que la @
- main puisse aisément la supporter, mais d’une ma-
- nière vive et en passant partout également, seul
- moyen de relever le fer parfaitement net.
- « La gomme-gutte pulvérisée finement est intro-
- duite dans un cylindre de carton fermé d’un bout et
- sur l’autre extrémité duquel on colle un morceau d’é-
- toffe de soie ou de gaze, et qu’on frappe avec le plioir.
- Toute la portion fine se tamise ainsi, et lon broie de
- nouveau le reste.
- DORURE ET GAUFRURE. 321
- « Le velours doit être constamment net et propre, @
- attendu que la moindre malpropreté enlève l’or de
- dessus le velours.
- « Quand l’or s’attache au fer, on frotte celui-ci
- avec un peu d’huile de noix qu’on verse sur un peu
- de coton.
- « XI. Dorure sur soie. Il faut infiniment d’atten-
- tion pour dorer sur étoffes de soie, à cause de leur
- faible épaisseur. Du reste, on procède absolument
- comme pour le velours, sinon que la pression n’a pas
- besoin d’être aussi considérable.
- « XII. Dorure sur paper blanc et sur papier
- marbré. On procède sur papier comme au n° VI.
- « XIlI. Dorure et argenture des cartes de visite.
- D’abord on fait une petite matrice en carton, puis on
- y pratique un léger rebord de la même substance, de
- manière à maintenir fermement les cartes pendant
- limpression. Quand tout a été imprimé ainsi, on en-
- duit le fer à deux reprises différentes avec du blanc
- d’œuf épais, et l’on sèche jusqu’à ce qu’il n’y ait
- presque plus d’humidité. On pose alors sur ce fer
- l’or ou l’argent ; on l’y prese puis on donne au tout
- un coup de presse seulement. Le fer ne doit pas être
- trop chaud, mais imprimé presque à froid. Cela fait,
- on enlève l’excédent d’or avec du coton.
- « XIV. Papier maroquiné. — Le papier maroquiné
- doit être glairé à deux reprises ; cette opération se
- fait à une chaleur modérée.
- « XV. Titres sur papier. On procède comme pour
- le papier maroquiné.
- « XVI. Dorure sur toiles anglaises. Ces toiles
- sont enduites de colle-forte, bien séchées, puis char-
322 DORURE ET GAUFRURE.
- gées, en une seule fois, d’une forte dissolution de
- gélatine et parfaitement séchées. De cette manière on
- parvient très-bien à les dorer. Cependant on peut, si
- on le veut, les glairer une fois. On peut aussi em-
- ployer très-bien pour cet objet la pommade à dorer,
- mais alors il ne faut pas de blanc d’œuf.
- « XVII. Dorure sur parchemin blanc. Le par-
- chemin ayant été lavé à l’urine, le dorer à la graisse
- de porc et imprimer tiède et presque froid.
- « XVIII. Autre manière. On prend du parchemin
- lavé comme ci-dessus, on le découpe en morceaux,
- on le fait bouillir pour en faire une colle et l’on en-
- duit s’on parchemin en une seule fois, puis on glaire
- deux fois avec du blanc d’œuf frais et bien pur. Alors
- on dore à la graisse de porc et à une chaleur très-
- basse.
- « Le parchemin coloré et mat peut être imprimé à
- la gomme-gutte et à une chaleur très-modérée.
- XIX. Pommade à dorer. Il vient d’être question
- de la pommade dite à dorer. Pour faire cette com-
- position, on prend :
- Axonge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 gram.
- Graisse de cerf. . . . . . . . . . . . . . . . . 30
- Le blanc d’un œuf.
- Sucs d’oignons de seille. . . . . . . . . . 3 gouttes.
- Huile de noix. . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 gram.
- « On fait fondre l’axonge et la graisse de cerf dans
- un pot, on bat les trois autres ingrédients ensemble
- et avec soin, puis on les verse dans les matières gras-
- ses, lorsque celles-ci sont légèrement figées. Alors on
- bat vigoureusement ce mélange jusqu’à ce qu’il n’ad-
- hère plus aux parois du pot. »
- On prépare la pommade à dorer de bien d’autres
- DORURE ET GAUFRURE. 323
- manières qu’on a tenues secrètes, mais on en fait
- actuellement moins d’usage. Voici toutefois une for-
- mule plus simple et qui réussit très-bien :
- Axonge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 gram.
- Suc de scille maritime. . . . . . . . . . . . . 30
- Pommade à la rose. . . . . . . . . . . . . . . 30
- Le blanc de 3 œufs
- « On bat ensemble les blancs d’œufs et le suc de
- scille jusqu’à les convertir en mousse, puis sur un
- plat on manipule cette mousse avec la matière grasse
- jusqu’à ce que le tout soit parfaitement incorporé. »
§ 6. -- DU MOYEN DE SÉPARER L’OR DES CHIFFONS QUI ONT SERVI A LA DORURE.[modifier]
- Nous avons dit (page 266) que le doreur opère tou-
- jours sur une caisse, afin d’y recueillir toutes les
- parcelles d’or qui se détachent pendant son travail ;
- et qu’il jette dans cette caisse tous les chiffons et le
- coton en rame dont il se sert pour enlever l’or super-
- flu, lorsque ces chiffons en sont suffisamment char-
- gés, jusqu’à ce qu’il en ait une assez grande quantité
- pour en extraire le métal précieux. Nous avons
- ajouté qu’il jette et qu’il conserve dans la cloche à l’or
- (fig. 92) les chiffons et le coton pendant le travail et
- jusqu’à ce qu’ils soient assez chargés d’or ; il les
- jette alors dans la caisse. Voici comment on s’y
- prend pour en séparer l’or et le recueillir en entier.
- On met les chiffons dans une terrine de grès ; on
- introduit le tout dans un poêle, ou bien on place
- cette terrine sur un feu doux pour bien dessécher les
- chiffons ; on y met ensuite le feu et on laisse brûler,
- en ajoutant de nouveaux chiffons au fur et à mesure
- qu’ils se brûlent. Lorsque le tout est bien réduit en
- cendre, ou y mêle une quantité suffisante de borax
324 DORURE ET GAUFRURE.
- en poudre, selon la quantité de cendres qu’on a et l’on
- plie le tout dans une feuille de papier qu’on lie avec
- une ficelle. Pendant ce temps, on prépare un bon
- creuset qu’on met dans un fourneau au milieu des
- charbons ardents ; on fait rougir le creuset ; ensuite
- on y jette le paquet de cendre tel qu’il est arrangé, on
- couvre le creuset, et on pousse le feu jusqu’à rougir
- le creuset à blanc. Le métal se fond et se rassemble
- en culot au fond du creuset. Lorsque le tout est froid
- on retire le métal.
- Les laveurs de cendres agissent autrement. Dans
- un petit moulin en pierre dure, de la forme de ceux
- dans lesquels on broie l’indigo, on met les cendres
- avec du mercure coulant et pur, on tourne la meule
- supérieure, et l’on broie fortement. Le mercure s’em-
- pare de tout l’or, et laisse les cendres à nu. Alors on
- lave bien les cendres, l’amalgame de mercure et d’or
- se précipite, et lorsque les cendres ont entièrement
- disparu, le laveur met l’amalgame dans une cornue
- dont le bec recourbé plonge dans un vase plein
- d’eau. Après avoir ainsi préparé la cornue, et qu’elle
- a été posée sur un fourneau, au bain de sable, on
- allume le feu, qui n’a pas besoin d’ètre bien actif.
- Aux premiers degrés de chaleur le mercure se vola-
- tilise, et se dirigeant par le bec de la cornue dans
- l’eau, il s’y condense et reparaît sous la forme et le
- brillant métalliques, d’où on le retire pour servir
- dans une autre opération. On trouve l’or en poudre
- dans le fond de la cornue.
- Si l’on a employé du mercure pur, comme nous l’a-
- vons prescrit, l’or se trouve aussi dans la cornue à
- l’état de pureté. On le fond dans un creuset avec du
- borax, comme dans le premier procédé ; mais l’on n’a
- pas besoin d’un creuset aussi grand et par consé-
- DORURE ET GAUFRURE. 325
- quent d’une aussi grande quantité proportionnelle de
- charbon. Si l’or est allié, il faut en faire le départ.
- Cette opération n’est pas dans les attributions du
- relieur, ni dans celles du doreur.
§ 7. -- GAUFRURE.[modifier]
- La GAUFRURE est une sorte d’ornement qu’on em-
- ploie beaucoup aujourd’hui sur les plats et sur le dos
- des volumes. On suppose qu’elle a été inventée par
- Courteval, au siècle dernier. Dans tous les cas, elle
- se fait avec des fers et des plaques comme la dorure,
- mais sans y appliquer de l’or. On peut aussi gaufrer
- avec des roulettes représentant divers dessins en
- damier ou en mosaïque, mais cela ne se pratique
- guère à raison de la lenteur et des difficultés. Entre-
- mêlée assez avec de l’or, elle produit de forts jolis
- effets. Enfin, elle fait partie de la dorure, et entre
- dans les attributions du doreur sur cuir. C’est elle
- qu’on désigne, comme nous l’avons déjà dit, sous le
- nom tout-à-fait impropre de dorure à froid.
- Gaufrer, c’est graver profondément en relief des
- dessins plus ou moins compliqués. Lorsque ces der-
- niers sont petits, ils sont poussés à la main avec des
- fers et des roulettes semblables à ceux du doreur.
- Quand ils sont grands, ils sont gravés sur des pla-
- ques de cuivre doublées de plusieurs cartons lami-
- nés, durs, collés ensemble, et ne formant qu’une
- égale épaisseur, comme pour la dorure, et alors ils
- se poussent à la presse.
- Une presse, dans le genre de celles que représen-
- tent les figures 25 et 30, est très-bonne pour cela.
- Nous décrirons plus loin quelques-uns des appareils
- puissants, balanciers et autres, au moyen desquels
- on pousse les gaufrures dans les grands ateliers.
- Relieur. 19
326 DORURE ET GAUFRURE.
- En faisant son travail, le gaufreur doit prendre
- certaines précautions que nous allons énumérer.
- 1° Si la gaufrure doit rester mate, et que le glai-
- rage se soit extravasé sur des places qui ne doivent
- pas avoir d’or, et qui ne doivent pas rester brillan-
- tes, il faut les laver proprement avec le bout du doigt
- enveloppé d’un linge fin et mouillé, afin d’enlever le
- blanc d’œuf.
- 2° Les fers à gaufrer doivent être seulement tièdes,
- surtout pour le maroquin. Sans cela, le trop de cha-
- leur ferait brunir et même noircir la peau dans les
- endroits de la pression.
- 3° Les coins, les milieux des plats, et surtout les
- plaques doivent être poussés à la presse, comme
- pour la dorure ; mais les petits fers se poussent à la
- main.
- Lorsqu’on veut, sur les plats, pousser des raies
- noires, droites, plus ou moins larges, ce qui fait très-
- bien, on se sert de plumes en fer, ou mieux de gros-
- ses plumes de cigne @ dont le bec est de la largeur
- nécessaire ; on les trace à l’aide d’une règle et en
- employant une de ces encres spéciales qu’on trouve,
- dans le commerce, toutes prêtes à être employées.
- S’il était impossible de se procurer un de ces liqui-
- des, on pourrait y suppléer en préparant une de ces
- compositions pour la teinture en noir dont le nom-
- bre est si grand, et, par exemple, celle dont voici la
- recette :
- On met à @ tremper dans l’acide pyroligneux trés-fort,
- et pendant un temps suffisant, une certaine quantité
- de clous neufs, jusqu’à ce que le liquide soit chargé
- d’une bonne quantité de rouille (oxyde de fer) et que
- l’acide soit d’un jaune foncé. On y mêle une quantité
- de gomme arabique en poudre pour neutraliser une
- DORURE ET GAUFRURE. 327
- partie de l’action da l’acide et former une bouillie
- claire. Alors on passe cette bouillie sur la peau avec
- la plume, et en séchant, le trait noircit et acquiert
- une certaine épaisseur. On peut se servir avec avan-
- tage d’un tire-ligne qui donne la facilité de faire le
- trait de la grosseur qu’on désire.
- Pour faire ces filets noirs sur le dos du maroquin,
- on se sert des palettes à filets en fer (on ne doit em-
- ployer ni le cuivre, ni le laiton). On encre ces palet-
- tes ou bien, suivant l’usage ancien, on les charge à
- la chandelle de noir de fumée qui se dépose ensuite
- sur le cuir et s’y fixe.
- On peut aussi pousser sur le dos un fleuron ou des
- palettes gaufrées ; mais il faut, avant de rien com-
- mencer pour la gaufrure, que le dos soit humide
- également ; ensuite on a un morceau de drap imbibé
- de suif, on fait chauffer le filet, on le pose sur le drap
- suiffé, et puis sur le dos du volume, à la place que
- l’on a compassée ou tracée ; on recommence plu-
- sieurs fois jusqu’à ce que ce filet soit bien noir et
- bien marqué. Le fleuron se fait de même, et c’est tou- @
- jours un malheur lorsqu’on est obligé d’y revenir à
- plusieurs fois, car on court le risque de doubler le
- dessin.
- Il faut une grande habitude pour apprécier la cha-
- leur que doivent avoir les fers, et beaucoup d’exer-
- cice dans l’exécution. Si la peau est d’une couleur
- claire, et qu’on veuille que le dessin paraisse noir,
- c’est à la flamme d’une chandelle que l’on noircit
- très-également un fer bien évidé et d’un dessin assez
- délicat. Une fois ceci terminé, on prépare, avec des
- petits pinceaux à plume, les places où il doit y avoir
- de l’or. On peut aussi se servir de l’encre dont nous
- avons parlé à la page précédente.
328 DORURE ET GAUFRURE.
- La gaufrure exige donc les mêmes manipulations
- que la dorure à la seule différence près que, pour
- la gaufrure proprement dite, on n’emploie pas
- d’or.
§ 8. -- EMPLOI DANS LA RELIURE DES PERCALINES GRENÉES OU GAUFRÉES.[modifier]
- On fait actuellement beaucoup de reliures et sur-
- tout de cartonnages de livres courants en toiles gau-
- frées à l’avance, que le relieur n’a plus qu’à appliquer
- sur les volumes. Le gaufrage des toiles a même pris
- un développement si étendu qu’il est aujourd’hui
- l’objet d’une industrie particulière dont les produits
- sont infiniment variés et élégants. Les toiles gaufrées
- imitent, en effet ; le chagrin, le galuchat, la peau de
- truie, le maroquin, et peuvent recevoir une infinité
- de dessins et de couleurs qui en rendent l’emploi très-
- étendu et procurent à un prix modéré des reliures
- élégantes et légères.
- L’emploi de la toile percaline a été d’abord indi-
- qué par l’industrie anglaise pour la reliure des
- livres ; aujourd’hui elle est préparée, pour le même
- objet, avec un grand perfectionnement en France.
- Cette toile, après avoir été vernie, peut recevoir la
- dorure sans les préparations qu’exige ordinairement
- la dorure sur cuir. Elle offre donc, au point de vue
- économique, un grand avantage sur la peau, dont le
- prix est toujours plus élevé.
- Nous allons décrire, d’après M. Berthe, les prépa-
- rations qu’on lui fait subir pour la grener et pour la
- rendre propre à être employée dans la reliure et
- dans le cartonnage.
- DORURE ET GAUFRURE. 329
- On commence par préparer une colle composée de
- pieds de mouton, qu’on fait bouillir pendant huit
- heures dans de l’eau de rivière (1 demi-kilogramme
- de pieds pour 4 litres d’eau), et auxquels on ajoute
- peu à peu 9 décagrammes d’alun en poudre, en
- ayant soin de bien remuer le mélange.
- Pour les couleurs tendres ou faciles à se détériorer,
- on remplace les pieds de mouton par de la colle de
- peau et de la gomme arabique.
- Ces préparations sont passées au tamis fin et
- tenues constamment à un degré de chaleur conve-
- nable ; on les applique sur les étoffes avec une
- éponge, une brosse ou un pinceau. Lorsque l’apprêt
- est sec, on le lisse par les mêmes procédés que ceux
- qu’on emploie pour lisser le papier, ce qui lui donne
- le lustre nécessaire. Au moment de grener ou gau-
- frer les toiles, on les humecte au moyen d’une dis-
- solution de gomme.
- Le gaufrage s’opère, soit à l’aide d’une plaque de
- cuivre grenée ou gravée, qu’on applique sur le tissu
- et qu’on soumet ensuite à une forte pression, soit
- avec un rouleau ciselé, guilloché ou grené, selon le
- genre de dessin qu’on veut produire.
- Les étoffes ainsi préparées se collent avec de la
- colle de Flandre, de la gomme ou de l’empois fort
- sur carton, bois, etc., pour recouvrir tous objets de
- reliure, de cartonnage et autres, en remplacement
- du papier et de la peau.
- Nous terminons par ce chapitre les principales
- opérations de la reliure qui sont exécutées à la
- main ; nous allons nous occuper maintenant du tra-
- vail fait au moyen des machines.