Par la harpe et par le cor de guerre/Marguerite de Keronar
IV
MARGUERITE DE KERONARD
Une chanson vient d’être écrite — En dialecte léonard, — Une chanson sur Marguerite — De Keronard.
C’était la plus riche héritière — Qu’on connût chez nos paysans. — On l’a menée au cimetière — À vingt-deux ans.
— Margot, Margot, que je te gronde ! — Où sont passés ta lèvre en fleurs, — Tes fins cheveux, ta gorge ronde — Et tes couleurs ?
— C’est votre faute à vous ma mère. — On vous l’a dit et répété : — Rien n’est, hélas ! plus éphémère — Que la beauté.
À quoi me sert d’être jolie — Comme un fruit mûr en sa saison, — Si par vos ordres l’on m’oublie — À la maison ?
Le plus beau tissu devient loque. — C’est le destin de nos appas. — Mariez-nous quand c’est l’époque ; — N’attendez pas !…
Je veux qu’on m’enterre un dimanche. — Creusez ma tombe et semez-y — De l’aubépin, de la pervenche — Et du souci.
Pour vous dont les cœurs infidèles — Ont fui tout à coup de mon toit, — Comme on voit fuir les hirondelles, — Au premier froid,
Puisque aujourd’hui dans nos campagnes, — Fermier, gentilhomme ou valet, — Vous avez trouvé les compagnes — Qu’il vous fallait,
Ô jeunes gens de ma paroisse, — Je prierai Jésus, mon Seigneur, — Qu’il favorise et qu’il accroisse — Votre bonheur !
Et maintenant sonnez l’antienne. — Oignez mon corps d’ambre et de nard. — Je n’ai plus rien qui me retienne — À Keronard…
Elle mourut sur ces paroles, — Un soir que les vents attiédis — Jouaient dans les branches des saules… — De profundis !