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Marmion/Defauconpret, 1830/Chant 5

La bibliothèque libre.
Traduction par Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret.
Œuvres de Walter Scott, tome 1Furne, Libraire-éditeurTome I. — Ballades, etc (p. 264-290).


CHANT CINQUIÈME.

INTRODUCTION.

A GEORGES ELLIS ESQ.
Edimbourg.


Le sombre décembre abrège le jour et nous ravit les derniers plaisirs de l’automne ; à peine si le soleil daigne laisser tomber sur les neiges un regard indifférent et froid, comme celui qu’accorde un riche protecteur au poète indigent ; les travaux champêtres sont terminés, le fusil repose au-dessus de la cheminée ; suspendus à la muraille, l’épieu, la ligne et la gibecière forment un trophée inutile. Le basset au poil rude et hérissé, le lévrier agile et le chien d’arrêt sont étendus nonchalamment sur le parquet du salon. L’impatient coursier est condamné à rester attaché tout le jour à l’écurie. La neige forme un rempart autour de la maison ; il ne nous reste plus d’autre sentier que celui qui est indispensable pour aller puiser l’eau à la fontaine. Les journaux lus et relus cessent de nous distraire ; le politique chagrin se courrouce contre le retard du courrier, et la ménagère économe se plaint que la neige empêche l’arrivée des chariots. Lorsque la campagne ne m’offre plus que ce triste aspect, je lui dis adieu volontiers ; il est doux de changer l’abri désert des forêts pour les livres et les conversations de la ville ; j’y retrouve avec un plaisir nouveau les occupations du jour et les soirées au coin du feu.

Ici je n’ai pas lieu de déplorer dans mes vers les ravages du temps, comme je le faisais jadis sur les tours en ruines de Newark, et à Ettrick dépouillé de ses ombrages[1].

Il est vrai que la reine de la Calédonie a aussi essuyé des changemens : jadis fortifiée sur ces sombres collines, bornée et défendue par un rempart, avec des bastions, des tours, un lac et une garnison, elle ne permettait l’entrée de son enceinte que par ses portes bien gardées ; au-dessus des arceaux était suspendue une herse armée de fourches de fer : ce temps n’est plus, mais il n’y a que quelques années qu’une porte massive était encore fermée de bonne heure et se laissait suppléer pendant la nuit par un guichet grossier. O toi qui fus comme bardée de fer, Edimbourg ! tu es aujourd’hui paisiblement assise sur tes collines, comme une reine dans un asile champêtre ; libre et ne connaissant plus de limites, tu étends tes bras jusqu’à la nier, et au lieu du nuage obscur qui planait sans cesse sur tes rochers, tes tours et ton lac, tu réfléchis la brillante lumière du soleil couchant.

Telle cette amazone célébrée par Spencer dans son poëme de la reine des Fées[2], Britomarte, dont la lance magique faisait mordre la poussière à tous les paladins, changea soudain de forme lorsque recevant l’hospitalité dans le château de Malbèque, elle laissa flotter sa robe virginale. Débarrassé des entraves de la cuirasse, son sein battit en liberté ; on put contempler son modeste sourire, ses yeux bleus cachés jusque-là par sa visière, et les boucles d’or de sa chevelure tombèrent sur les contours gracieux de ses épaules. Tous ceux qui dans le combat de la nuit avaient admiré sa valeur sans égale, ne furent pas moins surpris de ses appas ; en la voyant on la trouva belle, et en la trouvant belle on l’aima[3]. Sa présence calma tous les transports jaloux et charma quelque temps les soucis de Malbèque ; ce chevalier errant, protecteur des dames, oublia les droits de sa Colombelle, et une passion naguère inconnue conquit le cœur du brusque sir Satyrane. Le volage Paridel, tout hardi qu’il était, n’osa pas la contempler sans respect. Tu charmais et tu domptais à la fois tous les cœurs, incomparable Britomarte !

C’est ainsi, belle cité, que, dépouillée de tes remparts, tu nous parais aussi imposante et plus aimable que dans ton appareil de guerre. Ne crois pas que ton trône, devenu d’un abord facile, ait perdu sa force et sa sécurité ! Aujourd’hui comme toujours, reine du nord, tu peux envoyer tes enfans aux combats. Jamais tes citoyens n’auraient montré plus de zèle si l’airain sonnait l’heure du danger ; tu les verrais accourir pleins de bravoure, et t’entourer du rempart de leur corps. Tous tes enfans élevés pour les combats teindraient de leur sang le sol qui les vit naître, plutôt que de laisser enlever le moindre créneau de ta couronne murale. S’il venait, comme il peut venir, ô Édimbourg ! ce jour d’alarmes, l’hospitalité qui te fut toujours chère fléchirait le ciel en ta faveur ; car les anges eux-mêmes daignaient aux premiers âges du monde encourager les patriarches à cette douce vertu. Les bénédictions du dieu des opprimés accompagneraient tes défenseurs ! cité bienfaisante, refuge des rois malheureux, tu reçus Henry fuyant York son vainqueur (1), et dernièrement tu as vu avec douleur et respect les débris de la noble race des Bourbons.

Mais trève à ces pensées… elles me forcent de détourner les yeux et de fuir ces pressentimens trompeurs, ou trop réels, pour les rêveries romantiques des poètes et la clarté douteuse de la tradition qui flotte sans cesse entre le jour et la nuit. J’aime mieux me laisser guider par la lueur incertaine et changeante de son flambeau, et m’entourer de paladins, d’écuyers et de jeunes beautés., que de contempler avec terreur une plaine sanglante, et de voir une armée d’ennemis dans chaque nuage. Qui ne préfère les nuits de juin aux jours de décembre ? le clair de lune aux humides brouillards ? Et pourrions-nous dire où il y a le plus d’illusions ?

Mais qui pourra m’apprendre à tirer de ma harpe ces accords romantiques qui charmaient jadis le roi Henry, surnommé Beauclerc, parce qu’il aimait les ménestrels, et daignait leur sourire ? Qui préservera du naufrage de l’oubli ces antiques inspirations de la Muse, ces vers que Marie emprunta aux Bretons, et que Blondel chantait ? Ellis ! c’est toi qui es né pour réparer les ravages des siècles et prodiguer des soins généreux aux Muses mourantes ; tu as su arrêter le bras du Temps et lui arracher sa faux au moment où il allait frapper le dernier coup ; tu as osé porter les ciseaux sur ses ailes et briser son sablier ; nos anciens bardes te doivent une nouvelle vie. O toi, qui donnes au poème le plus frivole une morale gaie et sans pédanterie ; toi qui embellis le sujet le plus triste par une saillie inattendue, auteur aimable et bon citoyen, également chéri et honoré, accorde au poète une leçon de cet art magique qui séduit à la fois le cœur et l’esprit, qui charme le sage et plaide la cause de la vertu ; sois toujours mon ami, mon guide et mon modèle.

Puisses-tu long-temps trouver le même plaisir à initier les ménestrels dans les secrets de leur art… Mais cesse de nous montrer par ton exemple ce qu’il est plue facile, de prêcher que de pratiquer. Qui pourra jamais imiter ta patience dans une longue maladie et dans une guérison cruelle ? qui pourra dompter comme toi la douleur avec un froid et mâle courage ? C’est assez de nous avoir donné une fois cette leçon ; que le ciel te préserve de la répéter.

Ellis, viens m’écouter encore ; car tu as toujours aimé les tons variés d’un ménestrel qui, comme ses ancêtres les bardes des frontières, a fait retentir les échos de ses chants sans art jusqu’à ce que les chênes de Windsor et la plaine d’Ascot aient entendu avec surprise les sons de la harpe du nord. Viens m’écouter : fier de ton suffrage, je mépriserai la critique de nos pédans, et imitant l’art antique de retracer sur les vitraux des aventures irrégulières dont néanmoins l’effet est si pittoresque, j’emploierai des couleurs variées pour peindre les combats, les fêtes, les belles, les paladins, les troubadours, et toute la pompe de la chevalerie (2).



La Cour.


i.

Marmion et sa suite laissent derrière eux les collines de Braid ; Lindesay ordonne aux gardes d’ouvrir les barrières du camp ; les soldats écossais accourent ; ils admirent d’un œil curieux ces étrangers venus d’Albion, et ne peuvent voir sans envie des ennemis aussi bien équipés ; la vaste circonférence de leurs arcs, la longueur de leurs flèches, les étonnent ; et plusieurs d’entre eux s’imaginent, dans leur simplicité, que ce ne sont que des armes de parade. Hélas ! ils se doutaient peu que ces mêmes traits longs d’une verge (3) traverseraient bientôt l’acier de leurs cottes de mailles, et couvriraient comme une grêle d’orage la plaine de Flodden.

ii.

De son côté, Marmion ne néglige pas d’observer les différens corps de l’armée ennemie, Il s’étonne qu’un royaume aussi peu considérable que celui d’Ecosse ait pu réunir tant de guerriers sous ses drapeaux. Ici sont des hommes d’armes revêtus d’une pesante cuirasse, semblables à des tours d’airain, montés sur des chevaux flamands, et armés de la hache et de la lance. Là des chevaliers et leurs écuyers forment un escadron plus agile, et exercent leurs coursiers dans la plaine. Ils leur apprennent à faire la passe et le saut, la demi-volte et les courbettes, pour mieux frapper du tranchant de l’épée le casque d’un ennemi. Marmion remarque le corps des bourgeois, qui ne portaient ni visière, ni panache ; mais leurs corselets étaient polis et brillans ; leurs hauberts et leur hausse-cols étincelaient comme l’argent. Les uns avaient de longues piques et des épées à double garde, les autres maniaient avec adresse une lourde massue, et se mettaient à couvert sous un large bouclier.

iii.

Les habitans de la campagne forment aussi un corps de fantassins vêtus d’une jaquette garnie d’acier ; chacun d’eux porte sur ses épaules des provisions pour quarante, jours, selon les statuts féodaux. Leurs armes sont la hallebarde, la hache ou l’épieu ; quelques-uns ont une arbalète, d’autres une dague et une épée. La plupart paraissent sérieux et même tristes, regrettant sans doute de quitter leurs chaumières chéries pour marcher vers une contrée étrangère, ou rêvant à leur charrue et à leurs sillons. Mais leurs yeux n’expriment toutefois aucune lâche terreur ; leur colère est plus à redouter que celle de ces guerriers qui, méprisant les périls, sont accourus avec empressement au champ de bataille, et dont la valeur ressemble à la flamme de la paille légère qui éblouit au loin, mais qui s’éteint aussitôt.

iv.

Tels ne sont pas les Écossais des frontières ; nourris dans les périls, ils ont tressailli de joie en entendant résonner le signal des batailles, avec lequel ils sont familiarisés dès le berceau. La paix fut toujours pour eux un repos odieux. Ni la harpe, ni la cornemuse, ne flattent leurs oreilles comme le cri de slogan[4]. Guidant un coursier rapide, armés de la lance et de l’épée, ils laissent aux chevaliers suivis de leurs vassaux la prétention de combattre pour la gloire, et aux citoyens celle de mourir pour conserver leurs privilèges ; pour eux les combats sont un jeu. C’est leur bonheur et leur gloire de consacrer les jours au sommeil et les nuits au pillage, ravageant sans cesse les montagnes, les forêts et les plaines. Charmés de la guerre, ils sont accourus sous les drapeaux du roi, se souciant peu de la victoire, parce qu’ils sont toujours sûrs du butin. Lorsque les hommes de la suite de Marmion traversèrent leurs rangs, ils les regardèrent d’abord d’un œil indifférent et sans surprise, connaissant bien la forme et la portée des arcs des Anglais ; mais lorsqu’ils virent le chevalier lui-même, paré d’armes splendides et de riches broderies, chacun de ces pillards dit tout bas à son compagnon : — Vois-tu quelle opulence ? Ne pourrons-nous pas savoir de quel côté ces Anglais passeront pour retourner chez eux ! Ah ! si nous pouvions rencontrer une si belle proie dans le vallon d’Eusedale ou sur les rives du Liddell ! Ce lion sans griffes qui leur sert de guide pourrait bien aussi se voir dépouillé de sa brillante parure, et la brune Madeleine ferait un tablier superbe de ce pourpoint tacheté.

v.

Marmion remarqua ensuite les descendans des Celtes ; race distincte au milieu de l’Ecosse par le langage et les formes du corps. C’était justement alors que les Chefs rassemblaient leurs tribus ; leurs vêtemens de laine, leurs manteaux bariolés, et qu’une ceinture assujettissait à leur taille, établissaient une bizarre uniformité parmi ces sauvages soldats. Chaque clan se range en bataille au son de ses cornemuses. Les uns ont la chevelure rousse, les autres l’ont d’un brun foncé. Ils regardent Marmion avec l’étonnement des sauvages ; leurs jambes sont nues jusqu’aux genoux ; leurs membres trapus, robustes et accoutumés aux intempéries de l’air. Leurs Chefs, d’une taille plus élevée, se distinguent par la plume d’aigle qui décore leur toque élégante. La peau non préparée du chamois leur sert de brodequins, Le plaid pend sur leurs épaules ; une large épée d’une longueur extraordinaire, une dague d’un acier éprouvé, un bouclier garni de clous, un carquois, un arc et des flèches, telles sont leurs armes ; mais ces flèches sont encore courtes, et cet arc bien faible, comparés à l’arc et aux flèches des Anglais.

Les habitans des îles portaient encore l’ancienne massue danoise ; ils poussèrent un cri effrayant lorsque Marmion et son guide passèrent auprès d’eux ; leurs clameurs ressemblaient à celles des oiseaux de mer qui s’envolent d’un marais ; à leurs voix discordantes ils mêlèrent la musique bizarre de leurs instrumens guerriers.

vi.

C’est ainsi que Marmion et Lindesay traversèrent le camp du roi d’Ecosse, et arrivèrent enfin à la porte de la ville, que gardait une milice composée de citoyens vigilans, à qui le voisinage des montagnards et des maraudeurs de la frontière inspirait une juste méfiance. L’appareil de la guerre animait tous les quartiers de la cité. A chaque pas on entendait le marteau de l’armurier résonner avec bruit sur l’enclume ; le noir forgeron était occupé à revêtir le pied du coursier d’un fer utile. Plus loin on passait le tranchant de la hache ou de l’épée sur la meule tournante. Des pages et des écuyers parcouraient les rues et les places en portant des lances ou des casques, pendant que les bourgeois, à l’air grave et important, s’entretenaient de chaque seigneur nouvellement venu, discutaient sa généalogie, parlaient de sa gloire et du nombre de ses vassaux.

Le roi d’armes conduisit Marmion dans un hôtel richement meublé, qui dominait toute la ville. C’était là que le chevalier devait se reposer jusqu’à l’entrée de la nuit, heure que le roi avait fixée pour le recevoir dans le palais d’Holyrood.

Cependant Lindesay fit servir à son hôte et à sa suite un splendide repas avec des vins rares et exquis (4). Quand le soir fut venu, Marmion se para de ses habits de cour et suivit sir David, qui l’introduisit chez le monarque.

vii.

L’antique palais d’Holyrood retentissait des accens de la joie et du plaisir. Le roi Jacques donnait une fête aux seigneurs écossais qu’il avait réunis pour le moment du départ ; car ils avaient ordre de se mettre en marche au lever de l’aurore. Le prince aimait la magnificence, les festins, et les chants des ménestrels. Pendant le jour il assistait aux tournois, et la nuit c’était son plaisir d’abréger les heures par la danse, les mascarades et la pompe des banquets. Mais cette fête surpassait toutes celles qu’il avait données jusque-là ; c’était la plus brillante et la dernière ! Les lampes suspendues aux lambris du palais répandaient une vive lumière sur le cercle des courtisans. Ici des ménestrels chantaient en s’accompagnant de la harpe ; là les dames faisaient entendre de plus mélodieux accords. Le fou du roi, coiffé d’un bonnet à grandes oreilles, et revêtu d’un habit de toutes couleurs, débitait ses intarissables bons mots. Le jongleur étonnait les curieux par son adresse magique ; quelques-uns tentaient la fortune des dés ou se combattaient au jeu royal des échecs ; et d’autres, dans une salle à l’écart, courtisaient les dames de leurs pensées, qui n’étaient pas cruelles ; car le plus souvent l’amour profite de l’heure d’un départ pour triompher de la froideur et de l’indifférence : il faudrait avoir un cœur de pierre pour voir son amant marcher au combat, pour entendre peut-être son dernier adieu, et ne pas avouer qu’on est attendrie.

viii.

Le roi traverse cette foule, joyeuse pour venir au-devant de lord Marmion ; chacun s’écarte avec respect ; il était facile de reconnaître Jacques à sa noble taille, quoique par courtoisie il tint à la main sa toque brodée et surmontée d’un panache ; il fit un profond salut au baron anglais. Tout son aspect s’accordait avec son costume pour annoncer un monarque. Son manteau de velours cramoisi était orné d’une fourrure de martre ; les riches nuances du satin de son pourpoint éblouissaient tous les yeux ; sur son collier était gravé l’antique chardon de la couronne d’Ecosse ; sa fidèle épée de Tolède pendait à un brillant baudrier ; ses brodequins étaient blancs, et des éperons d’acier et d’or y étaient attachés ; un rubis rare formait le nœud de sa toque de velours. Marmion ne se rappelait pas avoir jamais vu un prince dont le maintien fût aussi noble.

ix.

Jacques était d’une taille moyenne, mais bien proportionnée ; ses yeux noirs avaient le regard de l’aigle, ses cheveux et sa barbe, de la couleur de l’ébène, étaient bouclés avec grace. Danseur aimable, il savait se montrer ferme sur ses étriers dans la lice d’un tournois ; mais Jacques avait surtout ce regard séduisant auquel résiste si rarement le cœur d’une belle ; il aimait à voltiger de beauté en beauté, à supplier, à soupirer et à se plaindre ; mais toutes ces peines d’amour ne duraient guère : un monarque ne soupire pas long-temps. J’ai dit que le prince aimait les fêtes et les festins ; mais au milieu de sa gaieté, on s’étonnait souvent de voir son front se couvrir tout à coup d’un nuage de tristesse, s’il venait à sentir l’impression du ceinturon de fer (5) dont il se ceignait les reins en souvenir du meurtre de son père. — Il n’était pas moins étrange, aussitôt que cet accès passager n’était plus, de le voir plus, joyeux que jamais se mêler de nouveau à tous les divertissemens. Tel, quand un objet de terreur frappe sa vue dans le lointain, le coursier tressaille et bondit sur lui-même sans oser avancer, mais des qu’il sent la pointe aiguë de l’éperon et le mors qui presse sa bouche, il part, et franchit avec une double vitesse les plaines et les collines.

x.

Les courtisans prétendaient que la dame de sir Hugh Heron (6) avait tout pouvoir sur le cœur de Jacques ; elle était venue à la cour, servir d’otage à son mari, lorsque celui-ci fut accusé du meurtre du brave Cessford. Sir Hugh avait envoyé son épouse pour obtenir son pardon du roi.

Mais ce n’était pas à cette dame seule que ce prince galant rendait hommage. La reine de France lui avait fait remettre son gant et un anneau de turquoise, pour le prier de rompre une lance en qualité de son amant et de son chevalier, de s’avancer l’espace de trois milles vers le sud, et de déployer ses enseignes sur les terres des Anglais. Jacques n’avait pas hésité à se revêtir de la cotte de mailles pour l’amour de la reine de France : c’est ainsi qu’en admettant dans ses intimes conseils une belle Anglaise, et en se sacrifiant au caprice d’une princesse étrangère, il préparait lui-même sa ruine et celle de son royaume ; cependant ni la belle Anglaise, ni la reine de France ne valaient une seule des larmes que versaient les beaux yeux de Marguerite. Solitaire dans le palais de Lithgew, Marguerite passait ses jours à pleurer.

xi.

Pendant que la reine d’Ecosse gémit de la guerre que le prince devait porter dans sa patrie, et des dangers que son époux allait courir, lady Heron se prépare en souriant à charmer la cour par les sons de l’harmonie ; son bras élégant s’arrondit autour digne harpe, ses doigts en parcourent les cordes, son sein se soulève et s’abaisse sous la gaze légère qui en voile les contours ; elle essaie sa voix avant de chanter, adresse au roi un regard tendre et se détourne aussitôt ; elle sourit en rougissant, et répète qu’elle ne peut, qu’elle n’ose se faire entendre ; enfin elle prélude avec une simplicité étudiée, et chante cette ballade sur un mode doux et léger :

xii.
LOCHINVAR.
CHANT DE LADY HERON.

Beau Lochinvar, fleur de chevalerie,
Qui ne rendit hommage à ta valeur ?
Qui n’envia le sort de ton amie ?
Qui n’eût voulu te devoir le bonheur ?

Il a volé sur son coursier rapide,
Des ennemis il a percé les rangs,
Gravi les monts et franchi les torrens ;
Honneur, amour, à l’amant intrépide !

De Netherby le gothique manoir
Frappe sa vue au retour de l’aurore ;
Son cœur bondit ! C’est son Eléonore
Que le guerrier aujourd’hui vient revoir.

Soumise, hélas ! aux volontés d’un père,
Eléonore a formé d’autres nœuds,
Et c’est ce soir qu’un hymen odieux
Doit affliger un amant si sincère.

Mais Lochinvar s’avance avec fierté ;
Lâche rival, l’époux de l’infidèle,
Baissant les yeux, à son père irrité
Laisse le soin de venger sa querelle.

— Dans ce château venez-vous en ami,
Dit le vieillard, ou nous porter la guerre ?
Le preux répond : — Votre fille a trahi
Tous les sermens qu’elle me fit naguère.

Mais en Ecosse il est mainte beauté
Qui pour époux m’accepterait encore ;
Je ne viens point troubler votre gaîté ;
Je viens danser avec Eléonore.

Lui dire adieu voilà tout mon désir ;
Regrette-t-on une amante légère ? —

Elle rougit, elle pousse un soupir ;
Larme d’amour vint mouiller sa paupière.

Sans hésiter Lochinvar prend sa main,
Et puis gaîment il se mêle à la danse.
Chacun tout bas dit : — Gloire au paladin
Qui réunit la grace et la vaillance !

Mais Lochinvar n’a dit qu’un mot tout bas
En regardant la jeune fiancée ;
Éléonore a compris sa pensée :
Il sort, bientôt elle a suivi ses pas.

Ils sont déjà sur le coursier rapide.
Courez, volez, hôtes de ce château :
Ils ont déjà dépassé le coteau !
On ne vit plus cet amant intrépide.

Qui ne rendit hommage à ta valeur,
Beau Lochinvar, fleur de chevalerie ?
Qui n’envia le sort de ton amie ?
Qui n’eût voulu le devoir le bonheur ?

xiii.

Le monarque, penché sur la sirène, marquait la mesure de son chant, et s’approchant de plus en plus, il lui adressa tout bas un compliment flatteur. Les courtisans renchérissaient les uns sur les autres dans leurs éloges : les dames se regardaient à la dérobée ou se parlaient en détournant la tête. L’enchanteresse adressa à Marmion un regard dans lequel se peignait cet orgueil qui commande les hommages, et en même temps l’expression réelle ou feinte du mépris que lui inspirait sa royale conquête. Ce regard avait quelque chose de familier ; il témoignait que Marmion et elle se connaissaient depuis long-temps. Le roi le remarqua ; il en fut surpris et jaloux. Les princes ne peuvent souffrir de rivaux, même pour un mot, un sourire ou un coup d’œil. Il prit avec un air d’autorité le large parchemin qui contenait les titres et la commission du chevalier anglais.

— Le ravage de nos frontières…, dit-il, le pillage dont nos paisibles vassaux ont été les victimes ; nos officiers égorgés pendant la paix, la mort du brave Barton… voilà des outrages qui crient vengeance, et nous serions indigne de régner s’ils demeuraient impunis. Nos hérauts ont porté à Henry notre déclaration de guerre et lui ont dit jusqu’où vont pour lui notre mépris et notre haine.

xiv.

Il s’arrêta à ces mots, et s’approcha de Douglas, qui contemplait cette fête d’un œil sévère. C’était ce Douglas, sixième comte d’Angus, qui osa, dans sa jeunesse, défier en champ clos le roi Jacques III, et faire mettre à mort tous ses favoris sur le pont terrible de Lauder. Les princes et leurs ministres ont long-temps tremblé au nom d’Archibald Bell-The-Cat[5]. C’était ce même Douglas qui avait abandonné la plaine obscure de l’Ermitage, dans le Liddesdale, pour fixer sa résidence sur les rochers où s’élèvent les tours de Bothwell et où commence à couler la rivière de ce nom. Avancé en âge, il avait déposé l’armure du guerrier pour les attributs paisibles du citoyen. Cependant il n’avait pas encore perdu toute cette audace qui lui avait fait jadis braver la colère d’un roi et châtier l’orgueil de ses favoris. Ce jour-là même, dans le conseil, Douglas, peu habile dans l’art de flatter son souverain, avait, contre son avis, désapprouvé la guerre.

xv.

Quoique les saillies de ses muscles fussent affaissées, son corps amaigri, mais robuste encore, et d’une stature de géant, semblait une tour en ruine et près de tomber au milieu de cette fête. Ses cheveux et sa barbe blanche contrastaient avec ses sourcils, qui avaient conservé leur couleur noire. Quand le monarque fut auprès de Douglas, il ajouta ces paroles amères :

— Lord Marmion, puisque d’après ces lettres de Henry, vous devez rester en Ecosse tant qu’il y aura encore la moindre espérance d’un traité, il serait peu courtois de vous dire, Retournez à Lindisfarn : attendez donc que mon héraut soit de retour. Demeurez à Tantallon, ce sera le grand Douglas qui sera votre hôte ; c’est un seigneur qui ressemble peu à ses ancêtres ; il porte leur devise sur la lame de son épée, et leurs bannières sur ses tours ; mais il aime mieux contredire son souverain que de combattre les ennemis de son pays. — Et maintenant que je m’en souviens, par saint Etienne ! on m’a envoyé ce matin une prise qu’a faite une galère de Dunbar ; c’est une compagnie de religieuses, véritables prémices de la guerre. Je veux que ces saintes filles, chevalier, retournent dans leur cloître sous vos auspices ; et pendant qu’elles demeureront au château de Douglas, elles pourront y prier pour l’ame de Cochrane[6]. En prononçant le nom de ce favori immolé jadis à la vengeance du comte Angus, le monarque sentit le trait aigu du remords, et son front se couvrit d’un nuage de dépit et de honte.

xvi.

Douglas ne put rien répondre ; son cœur battait avec tant de violence qu’il était sur le point de se briser. Il détourna la tête, et une larme brûlante descendit sur ses joues (7). Le roi, attendri de sa douleur, lui prit la main : — Par l’ame de Bruce, dit-il, pardonne-moi, Angus, ces propos irréfléchis, car je puis dire de toi ce qu’il disait jadis des anciens Douglas : Jamais roi n’eut des sujets plus francs, plus courageux, plus tendres et plus fidèles[7]. Pardonne-moi, Angus, je te le demande encore.

Pendant que Jacques pressait sa main, les larmes du vieillard coulèrent par torrens. Marmion voulut profiter de ce moment, et dit tout bas au monarque : — Sire, que ces larmes servent à vous détourner d’une guerre douteuse. Un enfant pleure de la piqûre d’une ronce, une jeune fille parce que son serin prend la fuite, et un jeune amant quand une femme le trahit ; mais de grands malheurs menacent un royaume où les vieux guerriers versent des larmes. Quel présage peut être plus sinistre que d’en voir répandre aux nobles yeux d’un Douglas ?

xvii.

Piqué qu’un étranger fût témoin de l’inconstance de con caractère et voulût s’en prévaloir, Jacques répondit fièrement : — Pleurera et rira qui voudra ! Je pars demain matin pour le sud ; et si l’envoyé de Henry demeure long-temps dans le château de Tantallon, notre première entrevue pourrait bien être dans son domaine de Tamworth. Le fier Marmion sentit toute la forfanterie de cette réponse ; et reprit avec sang-froid : — Mon humble château serait trop honoré de recevoir le roi Jacques ; mais on trouve à Nottingham de bons archers ; les habitans du comté d’York ne sont pas d’un caractère très-pacifique ; les piquiers du Northumberland ont l’humeur un peu sauvage et rude ; les chemins des collines de Derby sont hérissés de rochers ; les gués de l’Ouse et de la Tyne sont profonds. Plus d’une bannière sera déchirée ; plus d’un chevalier mordra la poussière, plus d’un carquois sera vidé avant que le roi d’Ecosse traverse le Trent… Arrêtez-vous donc, sire, quand il en est temps encore.

Le monarque détourna la tête d’un air indifférent ; et, s’adressant à ces officiers, leur cria : — Chevaliers, à la danse ! à la danse ! — Jacques lui-même, déposant son manteau et son épée, donna la main à lady Heron ; et les ménestrels répétèrent par son ordre le chant guerrier : — Toques-Bleues, marchons aux frontières[8] !

xviii.

Eloignons-nous de cette fête pour savoir ce qui arrivait aux nonnes de Sainte-Hilda, dont la galère avait été prise par un navire écossais.

Bientôt le roi leur fit dire de se préparer à retourner en Angleterre sous l’escorte honorable du lord Marmion. L’abbesse répéta pieusement son rosaire, et ne sut à quel saint s’adresser ; car, en pensant à Constance, elle craignait la colère du chevalier qui devait leur servir de guide. Qu’on juge de ce qui se passa dans le cœur de Clara ! c’était l’épée de ce terrible ennemi qui avait versé le sang de Wilton. Sans le savoir, le roi Jacques donnait pour protecteur à ces vierges timides l’homme du monde qu’elles devaient le plus redouter ; mais quelles réclamations pouvaient-elles faire parvenir jusqu’au trône ? Comment des nonnes prisonnières pouvaient-elles faire écouter leur histoire au commencement d’une campagne ? Elles désespéraient donc d’éviter l’escorte dangereuse qui devait les accompagner à Withby.

xix.

Le logement qui leur fut destiné par le roi communiquait à celui de Marmion ; c’est ce qui fit que le pèlerin fut remarqué par l’abbesse : elle l’avertit par une lettre qu’elle avait à lui révéler un secret qui intéressait l’Eglise et le salut d’une ame pécheresse. Elle lui recommandait le plus grand mystère, et lui indiquait un balcon ouvert sur la rue, commun aux deux maisons. Ce balcon pouvait facilement être pendant la nuit un lieu de rendez-vous.

xx.

La sainte dame et le pèlerin s’y rencontrèrent secrètement aussitôt que la nuit fut venue. La lune se cachait par intervalles derrière les nuages, et le plus grand silence régnait dans la ville.

Dans ces mêmes rues qui naguère retentissaient du bruit des armes et de la voix des guerriers, on aurait pu entendre une pierre tomber, une abeille bourdonner, et un hibou battre de l’aile sur la flèche élevée du clocher de Saint-Gilles. De ces antiques édifices dont les fronteaux gothiques allaient chercher les astres des cieux, les uns étaient enveloppés des ombres, et les autres réfléchissaient les rayons argentés de la lune, qui se jouaient sur leurs vitraux. C’était la seule lumière qu’on voyait, excepté celle de quelques torches que des seigneurs de la cour faisaient porter devant eux en se retirant dans leurs hôtels. Pour révéler son secret au pèlerin, l’abbesse semblait avoir choisi à dessein l’heure la plus solennelle.

xxi.

— Saint pèlerin, dit-elle en commençant, (car il doit être un saint celui dont les pieds ont foulé la terre où se trouve le tombeau du Rédempteur) au nom de l’Eglise, épouse chérie du Christ, daignez prêter une oreille attentive à mes paroles, et ne vous effrayez pas si je suis forcée de vous entretenir d’un amour mondain : l’amour n’est que vanité pour ceux qui ne vivent que de l’espérance du ciel…

Wilton et lord Marmion recherchaient l’alliance de Clara., de la noble famille de Gloster. (Il serait peu digne de la prieure de Withby d’ajouter que je suis de cette même famille.) Lord Marmion, dans un accès de jalousie, dénonça Wilton comme un traître, l’accusant d’avoir eu des intelligences avec Martin Swart[9] lorsque ce général vint soutenir le parti de Simnel. La seule lâcheté, soutenait-il, avait empêché Wilton de se déclarer à la bataille de Stokefield ; et il jeta son gant pour le délier. L’affaire fut portée, selon l’usage, au tribunal du roi. Wilton avoua franchement qu’il avait connu Swart dans le comté de Gueldres, et qu’il avait existé entre eux une correspondance de pure courtoisie ; il offrit même de l’envoyer chercher à son château. Mais, lorsque son messager revint avec ses lettres, quelle fut la fureur de Wilton en y trouvant mêlés des papiers qui appelaient les étrangers en Angleterre et prouvaient qu’il avait trahi la cause de Henry ! il voulut racheter son honneur le fer à la main dans un champ clos… mais qui oserait juger les voies secrètes de la Providence ? Peut-être Wilton oublia-t-il quelque formalité de rigueur ; peut-être ne fut-il pas assez ardent dans sa foi et dans ses prières… car comment expliquer la défaite de l’innocence et le triomphe du coupable dans la sainte ordalie ?

xxii.

Vainement l’écuyer de Wilton, que son maître regardait comme un traître digne du dernier supplice, avoua-t-il dans son repentir, que, pendant qu’il portait cette fatale correspondance, une jeune fille étrangère l’avait enivré : on n’ajouta aucune croyance à ces aveux, qui ne persuadèrent que Clara. Plutôt que de devenir l’épouse de Marmion, elle préféra se cloîtrer dans le couvent de Sainte-Hilda, faire don à notre congrégation de tous ses biens, et y consacrer sa virginité au Seigneur. C’est un motif terrestre qui l’a guidée ; mais elle a été heureuse de suivre, du moins, le sentier du ciel. Jamais cœur plus pur ne dit adieu au monde ; jamais vierge plus belle ne vint dans notre saint asile depuis la princesse saxonne Edelfled. Nous devons excuser un tendre regret que lui cause encore parfois la perte de son amant ; elle aime à nourrir sa douleur et murmure au pied de la croix… Son héritage est situé sur les rives de la Tame ; de riches moissons en couvrent les sillons, la génisse y bondit dans de gras pâturages, et ses forêts sont peuplées de gibier. Quel affront pour sainte Hilda ! et de quel péché mortel, moi, son humble prieure, je me rendrais coupable si je laissais dépouiller son temple, et si je consentais que le perfide Marmion s’emparât sous mes yeux d’un semblable trésor ! Cependant notre monarque a juré que Clara serait arrachée du cloître ; et peut-être déjà Marmion est porteur de l’ordre de Sa Majesté.

xxiii.

Vous voyez devant vous une fille du Seigneur, prisonnière sans défense, et abandonnée au génie du mal. Je réclame votre assistance au nom de tous vos pas dans les saints lieux que vous avez parcourus, au nom des martyrs, des serviteurs de Dieu, au nom de tous les anges et de l’Eglise du Christ ! Sachez donc que lorsque Wilton fut trahi, celle qui avait falsifié les lettres, d’accord avec son écuyer, oui, sachez que cette femme criminelle… je ne puis le dire sans horreur et sans honte… c’était une religieuse déjà coupable du parjure… séduite par Marmion : peut-être vous étonnerez-vous que l’amante de ce chevalier fût complice d’un crime qui devait faire passer l’homme qu’elle aimait dans les bras d’une autre ; mais elle espérait par-là obtenir un ascendant illimité sur celui qui verrait son honneur entre ses mains : voilà pourquoi elle avait gardé secrètement les preuves du complot et des instructions écrites et signées de la main de Marmion. C’est ainsi que sainte Hilda a daigné se servir de la trahison d’une pécheresse pour conserver la gloire de sa maison et assurer le bonheur immortel de Clara.

xxiv.

Il serait trop long et inutile de vous dire comment ces papiers sont tombés entre mes mains ; ils ne peuvent y rester. Que sainte Hilda daigne veiller sur sa prieure fidèle ! qui sait tous les outrages auxquels nous sommes exposées avec un guide tel que Marmion ! O vierge bienheureuse, si jamais je quitte ta paisible retraite pour voyager par terre ou par mer, puissé-je être condamnée à une cruelle pénitence !… Écoutez ma prière, saint pèlerin, je confie ces papiers à vos soins, parce qu’on n’osera pas vous arrêter ; vous les remettrez avec prudence au cardinal Wolsey, afin qu’il les montre au roi ; et, pour prix de ce service, nous ferons dire pour vous une messe dans la chapelle de Withby, les prêtres y chanteront de saints cantiques à votre intention. Mais qu’avez-vous ? parlez.

En recevant le dépôt des nains de l’abbesse, le pèlerin frémit et parut vivement ému ; il allait répondre quand on entendit un son aigre comme les accens lointains d’un clairon qui expirent avec la brise qui les apporte. — Que saint Withold nous protège, s’écria l’abbesse effrayée ! que vois-je autour de la croix de la cité ? que veulent dire ces fantômes qui apparaissent sur la tour ? ils semblent agiter des écussons et faire flotter des bannières ! —

xxv.

La croix d’Edimbourg était une colonne de marbre qui s’élevait sur une tour octogone. (Il est rasé aujourd’hui ce monument du haut duquel on proclamait les édits du monarque et les lois d’Ecosse au son glorieux des clairons : que la tombe accable comme un plomb pesant la tête de celui qui l’a détruit ! je prononce contre lui la malédiction des ménestrels.) Ce fut sur cette tour antique que l’on vit une apparition surnaturelle. Des spectres, qu’on ne distinguait qu’obscurément, semblaient se montrer et s’évanouir aussitôt, se parler, s’appeler du geste, avancer et fuir. On croyait deviner que c’étaient des hérauts et des poursuivans d’armes qui se préparaient à faire une proclamation à son de trompe et dans tout l’appareil usité. Mais toutes ces figures se dessinaient vaguement dans les ténèbres, semblables aux fantômes que l’imagination croit voir dans les nuages colorés, par la lune, d’une flamme passagère. Enfin, du milieu de cotte troupe fantastique il s’élève une voix qui fait entendre cet appel terrible :

xxvi.

— Princes, prélats, monarques et chevaliers dont je vais prononcer les noms, prêtez l’oreille : Sujets de celui qui m’envoie, je vous somme de comparaître tous devant son tribunal, je vous cite au nom des crimes dont vos cœurs se sont souillés ; je vous cite au nom de la volupté, de la colère, de l’orgueil, de la crainte, et de toutes les passions qui vous ont dominés ; je vous cite par le silence de la tombe et les derniers soupirs du moribond ? vous êtes sommés de comparaître dans quarante jours devant le trône de votre maître.

On entendit alors proclamer une longue suite de noms le premier, ce fut le tien, malheureux Jacques ! et puis ceux de tous tes chevaliers : Crawford, Glencairn, Montrose, Argyle, Ross, Bothwell, Forbes, Lennox, Lyle… Mais pourquoi nommerais-je tous les nobles guerriers des îles des Highlands et de la basse Ecosse qui périrent plus tard à la bataille de Flodden ? Cette voix solennelle cita aussi Marmion, seigneur de Fontenay et de Lutterwald ; et enfin le dernier de tous Wilton, jadis seigneur d’Aberley. Ce fut alors qu’une autre voix répondit : — Je proteste contre cette sommation fatale et défie le maître des enfers ; j’en appelle au Dieu du ciel qui brise les chaînes du pécheur ! — A ces mots la vision s’évanouit comme un songe. Après avoir poussé un cri effrayant, l’abbesse tomba la face contre terre, et se mit à répéter tout bas son chapelet ; ses nonnes accoururent et la trouvèrent seule sur le balcon : dans son trouble elle n’avais, pas vu disparaître le pèlerin.

xxvii.

Changeons de théâtre.

L’armée se met en marche, les rues d’Edimbourg sont désertes, on n’y voit plus que l’enfant vacillant encore, la beauté inquiète, le vieillard à cheveux blancs, et les mères tremblantes qui vont implorer le ciel dans des chapelles et faire des vœux pour les objets de leurs affections. Qu’est devenu le pèlerin ? où sont l’abbesse, Marmion et Clara ? Confiés à la garde du noble Douglas, ils sont conduits par lui au château de Tantallon : lord Marmion marchait à sa droite, et le pèlerin faisait toujours partie de sa suite, car le comte Angus exigeait, comme Lindesay, qu’aucun des gens du baron anglais ne s’écartât sur la route. Mais on remarquait un grand changement dans ce pèlerin mystérieux : il parlait librement de la guerre et des exploits qu’un seul chevalier pouvait faire lorsqu’il combattait pour sa terre natale ; puis il levait souvent la tête comme s’il méditait une action extraordinaire. Il soignait lui-même son cheval, le lançait soudain dans les sentiers, et, rejetant en arrière son noir capuchon, il semblait l’exciter à franchir une barrière et l’arrêtait aussitôt. Le vieil Hubert disait que jamais cavalier, excepté Marmion, n’avait été aussi ferme sur sa selle.

xxviii.

A une demi-heure de marche venaient l’abbesse de Sainte-Hilda et toutes ses nonnes, sous une escorte commandée par Fitz-Eustace. Marmion n’avait point demandé à entretenir Clara, de peur d’augmenter ses soupçons et sa haine ; il croyait d’ailleurs plus prudent d’attendre qu’elle fût séparée des autres religieuses ; il espérait qu’alors l’ascendant de sa famille et les ordres de Henry surmonteraient ses refus. Marmion ne brûlait point de cette flamme qui ne vit que de soupirs et de tendres regards ; il aimait plus que Clara elle-même les vastes domaines qui formaient sa dot ; et d’ailleurs depuis que, pour écarter Wilton et venger son orgueil humilié, plutôt que dans l’accès d’une aveugle jalousie, il s’était souillé par une trahison, l’objet qui lui avait fait violer les lois de l’honneur lui était parfois presque odieux ; s’il avait jamais aimé, c’était celle qui était descendue vivante dans les sombres caveaux de Saint-Cuthbert.

xxix.

Lorsque Eustace aperçut la ville de Berwick et le law[10] pyramidal qui la commande, il fit faire halte à sa troupe devant une antique abbaye dont les tours dominaient le rocher de Bass, l’île de Lambic et la plaine des flots. Au son d’une cloche on vit sortir la prieure respectable du couvent (8), qui pria l’abbesse de Sainte-Hilda de demeurer avec elle jusqu’à ce que Douglas eût préparé un navire pour la transporter au cloître de Withby. L’abbesse de Sainte-Hilda remercia la nonne écossaise de cette offre obligeante, et j’épargnerai au lecteur les discours pieux et courtois de ces deux filles du Seigneur ; toutes nos voyageuses descendirent avec joie de leurs coursiers. Mais lorsque Clara voulut faire comme les autres, Fitz-Eustace lui dit : — Je suis désespéré, belle Clara, de vous séparer de vos saintes compagnes ; mais je dois obéir aux ordres que j’ai reçus. Marmion et Douglas m’ont chargé de vous emmener avec moi ; lord Marmion a montré au comte une lettre de son souverain qui l’autorise à vous conduire sans retard auprès de votre cousin le lord Fitz-Clare.

xxx.

L’abbesse surprise se récria hautement ; l’infortunée Clara pâlit, et son sang se glaça comme si elle avait entendu lire son arrêt de mort. — Rassurez-vous, ma fille, dit l’abbesse, ils n’oseront pas vous arracher de mes bras et vous forcer à suivre une troupe armée.

— Sainte prieure, reprit Fitz-Eustace, la belle Clara sera confiée à lady Angus pendant notre séjour en Ecosse ; et, quand nous partirons pour l’Angleterre, il nous sera facile de nous procurer des femmes pour servir selon son rang l’héritière de Gloster. Mon noble seigneur rejetterait bien loin la pensée d’offenser l’aimable Clara par la moindre parole ou le moindre regard ; il sera pour elle un fidèle guide, et ne lui demandera même pas la plus légère des faveurs qu’on accorde à un étranger, jusqu’à ce qu’il l’ait remise à son cousin.

Eustace rougit avec grave en prononçant ces paroles ; sa bonne foi était peinte sur son visage et rassura un peu Clara ; mais l’abbesse fit entendre tout haut ses plaintes contre Henry et Douglas, et leur prodigua les reproches et les menaces : elle s’adressait à tous les martyrs et à tous les prophètes, et elle invitait la prieure écossaise à s’unir à elle pour maudire lord Marmion. Mais la grave prieure de l’ordre de Cîteaux lui répondit : — Nous devons obéir au roi et au comte Douglas ; cessez de vous désoler ; il ne peut y avoir de danger pour Clara dans le château de Tantallon,

xxxi.

L’abbesse, voyant qu’elle ne gagnait rien par ses invectives, reprit sa dignité habituelle, car elle en avait beaucoup ; elle ajusta son voile, et levant la tête elle dit à Eustace d’un ton solennel : — Va dire à ton maître injuste et déloyal qu’il lise les annales de sa maison ; il y verra comment un de ses ancêtres expulsa les moines de Coventry, et quelle fut sa punition… son cheval s’abattit sous lui et trahit son orgueil, un bras plébéien lui ôta la vie à la vue de ses propres vassaux (9). Que Dieu soit juge entre Marmion et moi : ton maître est un grand seigneur, et, je ne suis qu’une pauvre recluse ; mais souvent nous voyons dans l’Ecriture comment un aussi faible ennemi que moi écrase un oppresseur. Le dieu qui inspira Judith, Jaël et Déborah… Ici l’impatient Blount interrompit l’abbesse : — Fitz-Eustace, dit-il, que le feu saint Antoine t’arde ! resteras-tu tout le jour la toque à la main pour entendre prêcher cette sainte vestale ? prenons garde qu’un plus long retard ne nous attire un autre sermon du lord Marmion. Allons, camarade, mets le pied à l’étrier, et que madame prenne patience.

xxxii.

— Hé bien ! dit Clara, soumettons-nous à la force, mais que ce chevalier barbare n’espère pas venir à bout de ses desseins ; il peut me ravir mes biens et ma vie, mais je serais criminelle si je consentais à être l’épouse de Marmion. Si c’est la volonté du roi que je ne puisse trouver aucun asile sans y être poursuivie par un homicide que les anges de l’enfer n’épouvanteraient pas, il me restera encore un dernier refuge où les rois ont peu de pouvoir… une victime m’y a déjà précédée. — Ma sainte mère en Jésus-Christ, donnez-moi votre bénédiction et souvenez-vous de votre pauvre Clara !

L’abbesse ne put retenir ses larmes et ses sanglots en lui donnant mille bénédictions ; toutes les nonnes pleurèrent comme elle. Le sensible Eustace fut obligé de s’essuyer les yeux ; et Blount, moins compatissant, fut presque attendri. L’écuyer prit la bride du palefroi de Clara, et essaya vainement de la distraire par ses soins empressés.

xxxiii.

Mais ils avaient à peine parcouru un espace de trois milles, que le vaste château de Tantallon s’offrit à leurs yeux sur la hauteur. C’était un vaste édifice qu’on regardait comme un fort imprenable ; de trois côtés les flots de l’Océan entouraient la montagne, et le quatrième était défendu par des remparts solides et par un double fossé : il fallait passer sur un pont étroit avant de parvenir aux portes de fer de la cour principale ; c’était un espace carré dans lequel des corps de logis élégans et vastes, et des tourelles de toutes les dimensions, projetaient les formes irrégulières de leurs ombres ; ici était le donjon ; là une tour dont les créneaux se perdaient dans les nuages, et d’où la sentinelle pouvait souvent voir la tempête se former au loin sur les flots.

xxxiv.

C’est là que Marmion séjourna quelque temps avec sa suite, recevant un aimable accueil du comte Douglas. Chaque jour de nouveaux courriers ou les signaux de la flamme leur apprenaient les divers succès de la guerre. Ils surent d’abord que Jacques s’était emparé de Wark, d’Etall, de Ford, et plus tard du château de Norham. Marmion en ressentit une peine visible, et Douglas espérait que son prince ferait la conquête de tout le Northumberland ; mais on ajoutait tout bas au récit de ces premiers avantages, que, laissant fondre son armée, le roi passait les jours dans les fêtes avec l’artificieuse épouse de Hugh Heron. Je laisse aux chroniques toutes ces anecdotes ; je ne veux célébrer que la bataille de Flodden, et non faire une histoire.

On apprit enfin à Tantallon que l’armée d’Ecosse avait assis son camp sur cette haute colline qui domine fièrement la plaine de Millfied ; et que le brave Surrey, ayant rassemblé de nombreuses troupes dans les provinces anglaises, marchait contre les ennemis, et campait à Wooler.

Semblable à un coursier qui entend de loin le son guerrier de la trompette, lord Marmion commença à perdre patience. — Il ne me convient guère, disait-il, de me cacher dans un château comme une vierge timide, lorsqu’il se prépare une bataille : il faut que j’y assiste ; ce serait une honte si elle se donnait sans Marmion. Il me semble, d’ailleurs, sans savoir pourquoi, que le Douglas me traite avec moins de courtoisie. C’en est fait, je vais lui dire adieu.

Marmion ordonna à ses gens de se tenir prêts à partir au lever de l’aurore.


Notes


CHANT V.

Note 1. — Introduction, page 266, ligne 30. — Henry fuyant, etc.

Henry VI, après la désastreuse bataille de Towton, se sauva en Ecosse avec la reine, son fils et les princes de sa famille. Dans les notes des éditions précédentes, j’avais mis en doute si Henry VI vint à Edimbourg, quoique la reine y fût venue certainement : M. Pinkerton penchait à croire qu’il était resté à Kirkendbright ; mais mon noble ami lord Napier m’a montré une concession d’une rente de cinquante marcs d’argent, faite par Henry à l’un de ses ancêtres, John Napier, signée par le roi lui-même à Edimbourg le 28 août, dans la trente-neuvième année de son règne, qui correspond à l’an de grace 1461. Douglas, avec sa négligence ordinaire, date cette concession de 1368 ; mais cette erreur ayant été corrigée dans la copie sur les manuscrits de Macfarlane, pag. 119 et 120, il ne peut plus rester de doute à ce sujet. John Napier était fils et héritier d’Alexandre Napier, et prévôt d’Edimbourg ; l’accueil hospitalier que trouva l’infortuné monarque valut à l’Écosse les éloges de Molinet, poète contemporain ; il dit en parlant des Anglais :

Ung nouveau roy creerent
Par despiteux vouloir :
Le vieil en debouterent
Et son legitime hoir :
Qui faytif alla prendre
D’Escosse le garand
De tout le mendre
Et le plus tollerant.

Collection des Aventures.
Note 2. — Introduction, page 268, ligne 3. — M. Ellis.

M. Ellis, dans l’introduction qui précède son ouvrage intitulé Specimens of romance, a prouvé par les témoignages réunis de La Ravaillère, de Tressan, et principalement de l’abbé de La Rue, que c’est à la cour de nos rois anglo-normands, et non à celle des rois de France, qu’est née la littérature romane. Marie pilla les originaux armoriques, et traduisit en français-normand nu langue romane les douze curieuses ballades dont M. Ellis nous a donné un précis dans l’appendix qui suit son introduction.

Note 3. — Paragraphe i.

Ce n’est point une exagération poétique ; il y a encore en Angleterre quelques comtés renommés par leurs archers, où l’on se sert de flèches de la longueur d’une verge.

Il existe en Écosse, au rapport d’Asham, un proverbe qui dit que chaque archer anglais porte dans son carquois vingt-quatre Ecossais, par allusion à ses flèches, qui sont inévitables.

Note 4. — Paragraphe vi.

Dans toutes les négociations un présent de vins était un préliminaire indispensable. Sir John Falstaf n’était pas le seul qui eût besoin d’une telle introduction.

Note 5. — Paragraphe ix.

Peu de lecteurs ont besoin que je leur rappelle le ceinturon ou baudrier auquel Jacques ajoutait régulièrement le poids de quelques onces tous les ans. Piscottie fonde l’opinion qu’il a que le roi Jacques ne périt pas à la bataille de Flodden, sur ce que les Anglais n’ont jamais pu montrer ce baudrier de fer à aucun Ecossais. La personne et le caractère du roi Jacques sont ici tracés d’après tous meilleurs historiens. Ses dispositions romanesques, qui lui faisaient pousser le goût du plaisir jusqu’à la licence, étaient mêlées d’une teinte d’enthousiasme religieux. Ces inclinations formaient quelquefois d’assez singuliers contrastes. Il avait coutume pendant ses accès de dévotion, de prendre l’habit des franciscains, et de suivre les règles de l’ordre lorsqu’il avait ainsi fait pénitence pendant quelque temps dans le couvent de Stirling, il allait se replonger dans les plaisirs. Probablement aussi que, par l’effet d’une inconséquence qui n’est pas sans exemple, il riait dans un temps des pratiques superstitieuses auxquelles il s’assujettissait dans un autre.

Note 6. — Paragraphe x.

La connaissance du roi Jacques avec lady Heron de Ford ne commença qu’à l’époque où il marcha sur l’Angleterre. Nos historiens imputent à l’aveugle passion du roi les délais qui amenèrent la perte de la bataille de Flodden. L’auteur de la généalogie de ta famille de Heron s’efforce, et son zèle est louable, de justifier Ford de ce scandale ; cependant il est certain qu’elle interposa sa médiation entre Jacques et Surrey. (Voyez L’Histoire de Pinkerton, et les autorités qu’il rapporte, vol. 2, p. 99.)

Note 7. — Paragraphe xvi.

Angus était déjà vieux lorsque la guerre contre l’Angleterre fut décidée : il ne cessa de la désapprouver ; et le matin de la bataille de Flodden, il remontra avec tant de liberté combien il était impolitique de livrer bataille, que le roi lui dit avec un ton de mépris et d’indignation, que s’il avait peur il était libre de s’en retourner. Cet affront insupportable arracha des larmes à ce vieux guerrier ; il se retira, laissant son fils George d’Anges et sir William de Glenbervie pour commander ses troupes. Ils furent tous deux tués dans la bataille, ainsi que deux cents gentilshommes du nom de Douglas. Le comte, désespéré des malheurs de sa maison et de son pays, se retira dans une maison de religieux, où il mourut environ un an après la bataille de Flodden.

Note 8. — Paragraphe xxix.

Le couvent dont on veuf ici parler est une fondation de L’ordre de Citeaux ; au nord de Berwick on en voit encore quelques vestiges. Il fut fondé par Duncan, comte de Fife, en 1216.

Note 9. — Paragraphe xxxi.

Ceci se rapporte à une catastrophe qui arriva réellement à un Robert de Marmion sous le règne du roi Étienne. Guillaume de Newbury, qui en parle, lui donne quelques traits du caractère de mon héros : — Homo bellicosus, ferocia et astutia fero nullo sue tempore impar. Ce baron ayant chassé les moines de l’église de Coventry, ne tarda pas, selon eux, à éprouver les effets de la vengeance divine. Ayant entrepris une guerre contre le comte de Chester, Marmion chargeait à la tête de ses troupes un corps de l’armée du comte ; son cheval s’abattit, le cavalier se cassa la jambe en tombant, et il eut la tête coupée par un soldat avant qu’on put le secourir. Toute cette histoire est rapportée par Guillaume de Newbury.

  1. Voyez l’Introduction au chant II.
  2. Livre III, chap. ix.
  3. Vers imité de Spencer :
    For every one her liked, and every one her loved.
    Fairy Queen, I. iii, ch. 9.
  4. Cri de guerre des clans écossais.
  5. Attache-le-grelot-au-chat. Voyez la note.
  6. Voyez la note explicative.
  7. O Dowglas ! Dowglas !
    Tendir and trew.
    The Houlate

    O Douglas ! Douglas !
    Bon et fidèle
    La chouette

  8. Blue bonnets over the border.
  9. Général allemand qui commandait les auxiliaires envoyés par la duchesse de Bourgogne pour soutenir Lambert Simmel. Il fut défait et tué à Stokefield.
  10. Law : nom qu’on donne en Ecosse aux monts isolés et de forme conique. — Ed.