Mes mémoires en dix minutes/Introduction
Le général comte Rostopchine avait écrit, dans notre langue : « Toute tête française n’est qu’un moulin à vent, un hôpital, une maison de fous », et encore : « La langue française est la peste morale du genre humain et, comme exprès, on cherche à l’introduire partout. »
C’est pourquoi sans doute, en 1816, cet homme paradoxal, lorsqu’il sentit que l’immense service rendu à son pays par l’incendie volontaire de Moscou allait lui valoir une ingratitude dangereuse, alla se réfugier en France.
Il y fut la coqueluche des salons, il y maria sa fille au comte de Ségur, puis au bout de sept ans rentra « finir ses jours où il les avait commencés ».
Là, à Moscou, un soir, la princesse Bobrinska s’étonna et regretta qu’il n’eût pas écrit ses mémoires. Le général déclara ne pouvoir résister à cette invite, qu’il se mettrait sans plus tarder à cette besogne, qu’au surplus c’était l’affaire d’une journée.
On se récria.
Mais le lendemain, le comte Rostopchine, fidèle à sa parole, lut à la société ses « mémoires en dix minutes ». Ce dernier écrit, en français bien entendu, d’un homme qui n’était pas inconnu des milieux littéraires, obtint un vif succès. Mais il a été trop rarement publié pour n’être pas injustement oublié aujourd’hui.