Monge (Arago)/09

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Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences2 (p. 511-513).
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MISSIONS DE MONGE EN ITALIE.


Jusqu’ici, Monge n’avait pas dépassé la frontière du royaume. En 1796, le Directoire l’envoya en Italie avec Berthollet et divers artistes, afin de recevoir les tableaux, les statues, que plusieurs villes devaient céder à la France pour se libérer de contributions de guerre.

Lorsque la commission fut présentée au commandant en chef de l’armée, Monge apprit avec joie qu’il était connu personnellement de l’illustre général. « Permettez, dit celui-ci à notre confrère, que je vous remercie de l’accueil bienveillant qu’un officier d’artillerie jeune, inconnu et quelque peu en défaveur, reçut du ministre de la marine en 1792 ; il en a conservé précieusement le souvenir. Vous voyez cet officier dans le général actuel de l’armée d’Italie, il est heureux de vous présenter une main reconnaissante et amie. »

Tel fut le début d’une amitié qui a occupé une place immense dans la vie de Monge.

Après avoir terminé sa mission à Rome avec une habileté tout à fait remarquable, Monge alla rejoindre le général Bonaparte au château de Passeriano, près d’Udine, où il se lia d’amitié avec le général Desaix. Les allées séculaires de cette magnifique habitation étaient journellement témoins des entretiens savants qui achevèrent de cimenter l’union du grand géomètre et du héros de l’Italie. Celui-ci saisissait toutes les occasions de donner des témoignages de sa déférence à son nouvel ami. C’est ainsi qu’ayant remarqué l’enthousiasme du membre de l’Institut pour l’hymne, gage presque assuré de la victoire, que nos soldats entonnaient en abordant l’ennemi, il manquait rarement, dans les banquets diplomatiques, même en présence des négociateurs autrichiens, d’ordonner à haute voix à la musique « de jouer la Marseillaise pour Monge ! »

Lorsque le traité de paix de Campo-Formio fut signé, le général Bonaparte donna à notre confrère la preuve la plus éclatante de son attachement ; il le chargea, conjointement avec le général Berthier, de porter le traité à Paris. Dans sa lettre au Directoire, le vainqueur de Rivoli parlait de Monge comme de l’homme qui, par son savoir et par son caractère, avait le plus honoré le nom français en Italie.