Monuments funéraires choisis dans les cimetières de Paris/51

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Planche 51


Après que l’assemblée nationale eut décrété, en 1791, que l’église nouvelle de Sainte-Geneviève recevrait dans son sein les restes mortels des grands hommes de la France, et serait ainsi transformée en Panthéon, il ne fut fait aucuns travaux pour recevoir dignement la tombe des personnages qu’elle voulait honorer. Ce n’est que lorsque Napoléon, en 1806, ordonna que tous les grands dignitaires de l’empire seraient transportés après leur mort dans ce temple privilégié, qu’on disposa à cet usage vingt-quatre caveaux semblables à celui dont nous donnons les détails. Ils ont été disposés de manière à pouvoir contenir chacun onze cercueils et deux urnes. Au dessus de la porte de chaque caveau est appliqué sur des tables, et en relief, le chiffre chrétien et symbolique gravé sur la tombe des martyrs enterrés dans les catacombes de Rome. Ces mêmes chiffres devaient être figurés en verre de couleur sur les vitraux qui auraient fermé les soupiraux des différens caveaux ; mais le besoin de laisser circuler l’air dan ces souterrains, a fait abandonner ce projet. La place circonscrite que chaque monument funéraire doit occuper dans les caveaux, limite singulièrement la forme que chacun peut avoir. Aussi ces monumens ont-ils entre eux une ressemblance presque inévitable. Ceux du duc de Montébello, par M. Rondelet fils, et de Soufflot, par M. Baltard, gravés sur cette planche, occupant une place particulière dans l’église souterraine, sortent des données du programme ordinaire. Le premier est en bois peint en marbre, autre exemple de cette ignoble parcimonie que nous avons déjà eu l’occasion de blâmer ; sur l’élévation postérieure on lit ces mauvais vers :

Dans les champs des combats, héros fier et terrible,
Et dans ceux de Cerès, nouveau Cincinnatus,
Au sein de sa famille, époux, père sensible,
A la cour il aime dans son maître un Titus.

Celui de Soufflot est plus décent, il est au moins en pierre : peut-être même, pour un architecte, cette modeste manière convient-elle mieux que le marbre le plus précieux. M. Plantar, dans les ornemens dont il l’a décoré, a donné une nouvelle preuve de son précieux talent.

A la mort de Germain Soufflot, le 29 août 1780, on voulut l’inhumer dans cette église de Sainte-Geneviève, dont la conception et l’exécution devaient l’illustrer à jamais. Mais l’état peu avancé des constructions fit ajourner ce projet qui ne fut réalisé que le 19 février 1829. Jusque-là son cercueil resta déposé dans le caveau sépulcral de l’église des génovefins. La translation du corps de Soufflot au Panthéon se fit avec pompe, au milieu d’une foule d’artistes, de membres de toutes les sociétés savantes d’amis et de parens qui saisirent cette occasion de rendre un nouvel hommage au talent et au caractère honorable de cet architecte distingué.

L’année même de cette translation mourut M. Rondelet, l’ami, le digne élève de Soufflot, celui qui, par une étude particulière de la force respective des matériaux, et une science parfaite de construction, sut consolider, sauver peut-être d’une destruction complète l’œuvre par excellence de son maître. On sait que le Panthéon, bâti sur un terrain mobile, au dessus de carrières déjà exploitées, éprouva un tassement inégal qui donna les inquiétudes les plus graves pour la coupole, et qu’il ne fallut rien moins que le talent de M. Roudelet pour remédier à tems au mal déjà fait, et prévenir celui qui serait certainement arrivé plus tard. Ces titres à la reconnaissance publique auraient pu valoir à feu M. Rondelet l’honneur d’être enterré auprès de Soufflot dans l’église témoin de leur commune gloire ; espérons que cette justice n’aura été que tardive.