Mémoire sur la matière du son

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MÉMOIRE,
SUR LA MATIÈRE DU SON ;

Par Lamarck.

Lu à l’Institut national le 16 brumaire an VIII, et le 26 du même mois.’'


Le choc des corps, opéré à certaine distance de nous, produit sur l’organe de notre ouïe une sensation connue de tout le monde, sous le nom de bruit ou de son[1]. Il n’est pas douteux que cette sensation ne soit le résultat de l’ébranlement ou de la vibration d’une matière fluide, interposée entre le corps choqué et notre organe ; matière que son extrême transparence ne nous permet pas d’apercevoir.

Quelque familière que nous soit cette sensation du son ou du bruit, il me semble que la matière qui la cause en affectant notre organe auditif, ne nous est pas encore bien connue.

Peut-être paroîtra-t-il d’abord assez indifférent à quelques personnes de savoir quelle est réellement cette matière ; car il y a peu d’apparence, diront-elles, que plus de connoissances à cet égard nous soit de grande utilité. Pour moi, je pense, au contraire, qu’il importe beaucoup pour l’avancement de nos connoissances en physique, de déterminer positivement quelle est la matière invisible qui occasionne en nous la sensation du bruit ou du son ; parce que des recherches à cet égard, peuvent nous mettre dans le cas de découvrir quelque fluide particulier, qui quoiqu’échappant à plusieurs de nos sens par sa ténuité et son extrême transparence, peut être néanmoins assez actif et assez puissant, pour influer considérablement sur la plupart des faits physiques que nous observons, et peut-être encore sur des faits relatifs à l’organisation des êtres vivans, qu’il nous est si important de bien connoître.

Le fluide invisible qui est pour nous la matière propre du son et du bruit, se trouvant nécessairement interposé entre les corps choqués et notre organe auditif, doit être un fluide qui nous environne partout, dans lequel par-conséquent nous nous trouvons sans cesse plongés ; en un mot, il doit constituer le milieu invisible dans lequel nous vivons, ou au moins en faire partie.

Quoique l’air commun, que je nomme gaz atmosphérique[2], soit un fluide absolument invisible, ce fluide dans lequel nous sommes continuellement plongés, est sans doute de tout temps parvenu à notre connoissance ; parce que dans ses déplacemens il se rend sensible à nous en affectant l’organe du toucher, en nous poussant même avec force, et ensuite parce qu’étant d’une certaine grossièreté dans ses parties, nous avons la facilité de l’enfermer dans des vaisseaux, de l’y retenir à notre gré, d’en faire l’examen, etc., etc.

Il étoit donc naturel de penser qu’un fluide dans lequel nous sommes sans cesse plongés, qui se trouve par conséquent interposé entre tous les corps et nous, que nous connoissons en quelque sorte de tout temps, qui nous semble d’ailleurs jouir d’un ressort considérable, devoit être la matière même qui nous affecte dans la sensation du son ou du bruit. Il étoit raisonnable de croire que c’étoit ce même fluide qui, dans le choc des corps, recevoit un ébranlement ou des vibrations dans un degré de force proportionné, et propageoit cet ébranlement ou ces vibrations jusqu’à notre ouïe.

C’est en effet ce qu’on a pensé jusqu’à présent, et c’est sans doute ce qu’il faudroit continuer de croire, si l’observation des faits ne nous apprenoit d’une manière convaincante, que le fluide, quel qu’il soit, qui a la faculté de nous transmettre le bruit ou le son, a aussi celle de le transmettre à travers des milieux et des corps que l’air commun ne sauroit traverser.

Nous allons voir que la matière fluide qui forme le bruit ou le son, a la faculté de propager à travers différens milieux, et sur-tout à travers des milieux solides, les ébranlemens ou les vibrations qu’elle peut recevoir du choc des corps, et qu’en conséquence, il est nécessaire que sa ténuité ou son extrême rarité la mette dans le cas de traverser facilement ces différens milieux. Or, on sait que l’air commun ne sauroit traverser une vessie de porc lorsqu’on l’y enferme, et qu’on peut le retenir à son gré dans toutes sortes de vaisseaux ; il n’a donc point les propriétés dont jouit évidemment la matière propre du son.

Lorsqu’arriva l’affreux accident qu’éprouva la poudrerie établie dans la plaine de Grenelle, près Paris (le 14 fructidor an 2)[3], je distinguai très-bien la commotion qui ébranloit tout, et qui causa tant de dommages dans les matières fragiles, du bruit ou craquement remarquable qui lui succéda, et qui parvint à mon oreille à travers l’air commun. Je m’aperçus clairement que le fluide qui causa la commotion que je ressentis dans le lieu où je me trouvois, arrivoit à moi à travers la masse du sol, me pénétroit et occasionnoit en moi une sensation sourde et particulière, très-distincte de celle que le bruit qui se progageoit à travers l’air vint opérer sur mon ouïe. Je suis convaincu que l’air commun étoit incapable de produire de semblables effets ; car quelles que soient les ondulations ou les vibrations qu’on pourroit supposer s’être alors formées dans sa masse, elles ne pourroient s’être propagées à travers le sol à la distance d’environ 5 kilomètres (plus d’une lieue), où je me trouvois, avec la célérité et la force que je remarquai dans cette circonstance. J’eus donc occasion de me convaincre que la commotion[4] que j’éprouvai à cette grande distance étoit due singulièrement à l’agitation violente d’un fluide subtil et élastique qui avoit la faculté de traverser la masse du sol sans résistance, ou plutôt qui s’y trouvant répandu, y propageoit les ébranlemens violens qui venoient de lui être communiqués.

La matière qui occasionna la commotion dont il s’agit, produisit les plus grands effets sur les corps denses, et ne fit point osciller le feuillage des arbres ; ce que j’observai étant à ma fenêtre, et faisant face au lieu où s’opéroit cette terrible détonnation. Une porte de communication de ma chambre à une pièce voisine s’ouvrit, et les plus légers ébranlemens ne se firent point remarquer dans les rideaux. Le piton d’un crochet de fer qui tenoit une autre porte fermée, s’arracha, pendant que dans le même lieu le calme de l’air se faisoit ressentir par le repos des corps légers. J’appris le lendemain que dans une maison fort élevée qu’occupoit alors le citoyen Crapelet, imprimeur (rue des Carmes), la commotion s’étoit si fortement fait ressentir dans le bas, au rez-de-chaussée de cette maison, que les ouvriers y avoient été effrayés de l’ébranlement qu’ils remarquoient dans les meubles de leur atelier ; tandis que le citoyen Crapelet qui se trouvoit alors au 4e étage de la même maison, n’avoit point ressenti de commotion, mais avoit seulement entendu par la fenêtre le bruit que l’explosion avoit occasionné.

Les grandes agitations de l’air par déplacemens, comme les vents tempêteux, peuvent causer le renversement des édifices, le soulèvement des toîts, etc. Celles que l’on croit pouvoir se faire par ondulations circulaires, concentriques et croissantes ou par des espèces de vibrations, devroient ébranler proportionnellement les corps légers, tels que le feuillage des arbres, etc. etc. Mais aucune de ces sortes d’agitations ne doit pouvoir casser des vitres sans forcer les fenêtres, rompre des glaces dans l’intérieur des habitations, comme cela est arrivé à plusieurs de celles qui ferment les armoires des galeries du Museum, fendre des plafonds, et arracher des pitons de fer, dans le moment même l’air très-calme, ne parut pas même faire branler ou voltiger le feuillage des arbres. C’est cependant ce qui est arrivé à la suite de l’explosion de la poudrerie de Grenelle. — Recherch., vol. 2, page 401.

L’observation des faits m’a forcé de reconnoître et d’établir en principe, que le son ou le bruit se propage avec une intensité ou une force qui est en raison directe du choc ou des vibrations des corps, et à-la-fois de la densité des milieux, à travers lesquels la matière qui le forme propage ses ébranlemens.

Le bruit ou le son se propage dans l’air commun d’une manière connue de tout le monde, et avec cette seule variation qu’il s’étend plus au loin, et s’entend plus fortement dans un air dense que dans un air raréfié. Aussi le bruit ou le son s’entend mieux le soir ou la nuit que dans le jour ; dans un bois que dans une plaine nue ; dans l’air qui domine les eaux que dans celui qui couvre des terrains arides. Mais dans tous ces cas, la propagation du bruit ou du son à travers l’air, est toujours plus lente et moins forte qu’à travers les autres milieux plus denses.

Diverses observations attestent que le son ou le bruit se propage sous l’eau, c’est-à-dire, dans la masse de ce liquide, bien plus fortement qu’à travers l’air[5] : on y entend même, quoique plus foiblement, les sons qui y arrivent à travers l’air qui la domine[6].

La nature a donné aux animaux qui vivent dans l’air, un conduit auditif externe, pour augmenter en eux les moyens d’entendre le bruit ou le son qui ne se propage qu’avec une certaine foiblesse, à travers un milieu si mou et qui a si peu de densité ; mais elle a privé de conduit auditif externe presque tous les animaux qui vivent continuellement dans l’eau, parce que se trouvant dans un milieu beaucoup plus favorable à la propagation du bruit ou du son, ils n’en avoient pas besoin.

Ainsi, dans beaucoup d’animaux, tels par exemple que les poissons, le fluide élastique subtil et pénétrant, qui est la cause matérielle du bruit ou du son, est obligé de propager ses ébranlemens au travers de la substance même du crâne, afin d’en imprimer l’effet sur l’expansion pulpeuse de leur nerf auditif ; car, dans ces animaux, tout ce qui appartient à l’organe de l’ouïe est enfermé avec le cerveau dans le crâne même, et n’a aucune communication libre avec les milieux extérieurs. C’est cependant pour les poissons, au travers de l’eau d’abord, et ensuite au travers de leur crâne, que le fluide, qui est la cause du bruit ou du son, doit pénétrer, pour arriver à leur nerf auditif. Assurément l’air ne jouit pas d’une pareille faculté. (Mém. no. 158).

Nollet, en parlant de l’expérience d’un timbre que l’on fait sonner dans le vide, s’exprime de la manière suivante dans ses remarques à cet égard.

« Cette expérience du timbre, ou d’une sonnette, dans le vide, si connue et tant répétée dans les colléges, a fait conclure à bien des gens, que l’air étoit le seul milieu propre à la propagation du son. Qu’il y soit propre, cela n’est point douteux ; qu’il soit le seul, je crois que c’est trop dire. Car, pourquoi cette même expérience ne réussit-elle pas au gré de ceux qui la font, quand ils n’ont pas soin d’isoler le corps sonore, ou d’empêcher qu’il ne touche immédiatement la platine, le récipient ou quelqu’autre corps dur qui communique au dehors ? N’est-ce point parce que le son se transmet par les corps solides qui ont communication d’une part avec le timbre, et de l’autre avec l’air extérieur ? » (Leçons de Phys. vol. 3, pag. 416).

On voit que Nollet qui, se pliant aux préventions existantes, vouloit que l’air fût la matière propagative du son, se trouvoit forcé, par les faits, d’admettre encore une autre matière propagatrice du son. Or, on peut bien assurer maintenant qu’il n’y a qu’une seule matière qui ait cette faculté, soit qu’elle agisse à travers la masse de l’air, soit qu’elle propage ses ébranlemens au travers de l’eau ou au travers des corps solides.

Suivons encore ce physicien célèbre dans ses remarques, au même endroit cité.

« D’ailleurs (continue-t-il), la quatrième expérience ne nous laisse, ce me semble, sur cela aucun doute. Si le son ne pouvoit se transmettre que par l’air, pourquoi l’entendroit-on lorsque le corps sonore, enfermé par le verre et par le plomb, se trouve plongé dans un vase plein d’eau ? N’est-on pas forcé de reconnoître que le son se communique du réveil (ou timbre) à l’air qui l’environne, de l’air au récipient (la cloche de verre), du récipient à l’eau, et de l’eau à l’air extérieur ? » Ibid.

Nollet étoit trop instruit pour ne pas être convaincu que toutes les vibrations possibles de l’air enfermé sous la cloche de verre, comme dans sa quatrième expérience (Leçons de Phys. vol. 3, pag. 414), ne pouvoient pas communiquer leur mouvement à l’air extérieur, puisque le premier se trouvoit séparé de celui-ci, d’abord par le verre du récipient, que l’air qui y étoit enfermé, ne sauroit traverser, et ensuite par l’eau qui entouroit de tous côtés ce récipient, autre milieu qu’il falloit encore traverser pour arriver à l’air extérieur avec ses mouvemens de vibrations.

Si, dans le vide, le son paroît affoibli et presque nul, cela n’arrive pas ainsi, parce que la matière propre du son y manque ou s’y trouve trop raréfiée, ce qu’on a cru jusqu’à présent ; mais c’est que cette matière du son n’y trouve point de milieu propre à aider la propagation de ses ébranlemens, en servant d’appui à ses répercussions multipliées.

L’effet de l’élasticité du fluide subtil qui, par ses ébranlemens, forme le bruit ou le son, va en augmentant à mesure que ce fluide ébranlé traverse des milieux plus denses, parce que ces milieux lui donnent latéralement des points d’appui et de répercussion d’autant plus solides. Or, il est évident que ce même effet doit diminuer proportionnellement lorsque le fluide élastique, qui forme le bruit ou le son, ne traverse que des milieux mous et rares, et qu’il doit presqu’entièrement s’anéantir, lorsque ce même fluide, mû par des chocs ou des vibrations de corps sonores, se trouve isolé ou dans le vide. (Mém. no. 157).

Si le principe que j’ai établi plus haut est fondé, savoir, que le son ou le bruit se propage avec une intensité et une force qui sont en raison directe des chocs ou des vibrations des corps, et à-la-fois de la densité des milieux à travers lesquels la matière qui le forme propage ses ébranlemens, on ne sera plus étonné de remarquer,

1o. Que dans le vide, l’effet des ébranlemens de la matière du bruit ou du son soit presque anéanti ;

2o. Que dans l’air, le même effet soit alors perceptible, mais avec une certaine lenteur et foiblesse ;

3o. Que dans l’eau, le même effet soit beaucoup plus fort et se prolonge ou s’étende plus loin ;

4o. Enfin, qu’à travers la terre même et différens corps solides, le même effet s’étende encore plus loin, et ait plus de force et plus d’intensité.

Ainsi, l’on ne doit plus être surpris, si, en se couchant sur la terre, on peut entendre le canon d’un siége, à la distance d’environ 10 myriamètres (plus de 20 lieues), tandis qu’on cesse aussitôt de l’entendre, si on se lève pour écouter dans l’air. On entendoit à Monaco, en se couchant sur la terre, le canon des vaisseaux de Toulon, tirant, suivant la coutume, à 10 heures, le jour du samedi de Pâques. La distance de Toulon à Monaco est cependant de 12 ou 13 myriamètres au moins (plus de 25 lieues).

C’est la même cause qui fait qu’on entend, à l’extrémité d’une grosse et longue poutre, les coups que l’on frappe avec la tête d’une épingle à l’autre extrémité ; tandis que ce léger bruit ne sauroit être entendu à travers l’air à la distance d’un mètre.

Si l’on passe un bout de corde dans le sommet d’une pincette de cheminée (de celles qui ne sont pas à charnière), et qu’on porte à ses oreilles les bouts de cette corde, en faisant balancer et frapper contre quelque corps solide la pincette ainsi suspendue ; on entend aussitôt un bruit et un bourdonnement considérable, qui cessent dès que l’on éloigne des oreilles les bouts de la corde, et qui recommencent dès qu’on les en rapproche. Les enfans s’en font un jeu qui les amuse, parce qu’ils aiment le bruit. Mais le physicien pour qui aucun fait n’est indifférent, remarque ici que la matière du son mue par le choc et les frémissemens de la pincette, propage avec plus de force ses ébranlemens à travers la corde, dans le sens de sa longueur, qu’à travers l’air commun.

Il paroit que le son ou le bruit éprouve de la difficulté a se transmettre d’un milieu dans un autre, lorsque la différence des densités est considérable, à moins que l’un des deux milieux n’ait peu d’épaisseur. Cela est cause qu’il est aisément réfléchi par les corps durs, lorsque la matière élastique et subtile qui le forme, propage ses ébranlemens à travers un milieu rare et vient à rencontrer ces corps. En effet, quoique cette matière du son soit elle-même très-pénétrante, on sent que l’extrême promptitude, et même que la nature de ses ébranlemens la mettent plutôt dans le cas d’être répercutée ou réfléchie dans cette circonstance, que de se répandre avec la conservation de ses mouvemens d’un milieu rare dans un autre beaucoup plus dense. L’observation des faits me paroit confirmer complètement cette idée.

L’écho n’est pas seulement le résultat d’une réflexion parfaite du son, comme Buffon l’a pensé (vol. 3, p. 342) : mais il est dû à une réunion, dans un point central, de réflexions ou répercussions diverses de la matière ébranlée qui le forme. Aussi l’écho se trouve-t-il en un point qui peut être regardé comme le foyer où se réunissent les réflexions ou les répercussions diverses de la matière du son. En deçà et au-delà de ce point, l’écho n’a plus lieu.

Si vous êtes placé en face d’une muraille en ligne droite, à une distance quelconque, le bruit que vous ferez ne se répétera pas en écho à vos oreilles ; parce que les répercussions de la matière du son, ébranlée par vous, ne se réuniront pas en un foyer. Mais si la muraille étoit disposée en ligne courbe, il se trouveroit un point d’où le bruit formé pourroit se répéter en écho.

On sait qu’au milieu d’une caverne, que sous la voûte d’un bâtiment, qu’entre les rochers d’une montagne, et qu’entre les arbres d’une forêt, le bruit ou le son y forme ordinairement des échos remarquables ; or la disposition de ces corps durs, c’est-à-dire celle des parois de la caverne et de la voûte, celle des rochers et des arbres que je viens de citer, les met dans le cas de réfléchir diversement la matière ébranlée qui produit le son ou le bruit ; et c’est dans les points où un certain nombre de ces réflexions se réunissent et se croisent, que se rencontrent les échos que l’on y observe.

Hors des foyers dont je viens de parler, les lieux où s’opèrent beaucoup de réflexions de la matière du son, ébranlée par le choc ou la vibration de quelques corps, résonnent considérablement, et souvent même d’une manière incommode ; mais il n’y a point d’écho.

La multitude de réflexions que la matière du son, en propageant ses ébranlemens, peut subir et recevoir de la disposition circulaire ou concave des corps durs, augmente proportionnellement la force du son au lieu de l’affoiblir, si cette disposition se trouve répétée et multipliée.

Cette même disposition, ainsi répétée, multiplie en effet, pour la matière du son mise en mouvement, les réflexions et le nombre de leurs foyers ; et elle fait que les canaux coniques, tortueux, ou en volute, qui ne sont autre chose que des séries de cavités confondues, croissantes ou décroissantes, présentent la circonstance la plus favorable à la propagation du son, et même au maintien ou à l’accroissement de son intensité.

De là on peut concevoir pourquoi la nature a donné aux animaux qui vivent dans l’air, un appareil tel à l’organe de leur ouïe ; que la matière du son, avant d’arriver à leur nerf auditif, trouve dans la forme de leur conduit auditif externe, lequel souvent est augmenté d’un pavillon qu’on nomme oreille extérieure, et trouve ensuite dans celle de leur conduit auditif interne, qu’on nomme labyrinthe, l’occasion d’accroître la force de ses ébranlemens par des réflexions ou répercussions nombreuses, qui se multiplient avec le rétrécissement des canaux qui reçoivent cette matière.

Ce que nous venons de remarquer ici en grand, sur le pouvoir des répercussions de la matière du son dans ses ébranlemens, et sur les effets de la multiplication de ces répercussions, nous indique assez maintenant pourquoi la matière du son propage avec plus de facilité ses ébranlemens à travers des milieux denses et même solides, qu’à travers ceux qui sont mous et rares.

La réunion de ces faits et de toutes les observations que je viens de présenter, prouve que l’air commun, qui est un fluide gazeux, grossier, mou, incapable de pénétrer la substance ou les masses d’un grand nombre de corps, ne peut être lui-même la matière qui forme et propage le bruit ou le son.

Cette réunion de faits prouve ensuite, qu’outre l’air commun qui nous environne, il existe dans sa masse et dans celle de tous les corps un autre fluide invisible, singulièrement élastique, très-subtil, d’une rarité extrême ; présent dans toutes les parties de notre globe, et par conséquent dans son atmosphère, jusqu’à une hauteur que je crois limitée. Elle prouve, enfin, que ce fluide subtil qui, sans doute, est la cause de la force du ressort que nous observons dans l’air commun, est susceptible d’être mû par le choc et les vibrations des corps, et qu’il propage ses ébranlemens à travers différens milieux, avec une facilité et une intensité d’autant plus grandes, que ces milieux ont plus de densité.

L’air commun n’est donc à la matière du son, qui propage à travers sa masse les ébranlemens ou les frémissemens qu’elle reçoit du corps sonore vibrant, qu’un milieu qui facilite le maintien des frémissemens de cette matière subtile. Peut-être que l’air lui-même, qui est par-tout pénétré ou rempli du fluide subtil, dont il est question, et qui en reçoit la très-grande partie de son ressort, participe aussi du même frémissement ? Cela est très-possible. Mais le composé gazeux qu’on nomme air commun, est trop grossier, trop mou, et sur-tout trop peu pénétrant, pour propager ses frémissemens à travers des milieux plus denses que lui. C’est je crois ce qu’on ne sauroit contester ; tandis que les faits déjà cités suffisent pour nous convaincre que la matière qui propage le son jouit pleinement de cette faculté.

Ainsi, l’air n’a point par lui-même le ressort dont il paroît jouir ; ce fluide composé, grossier, malgré son extrême transparence, est incapable d’avoir, par sa propre nature, un pareil ressort. Il doit donc celui qu’on lui observe au fluide subtil dont il se trouve pénétré ; fluide qui paroit être aussi la source du ressort de tous les autres fluides élastiques, et qui met l’air lui-même dans le cas d’étendre, avec une vîtesse égale à celle de la propagation du son, les vibrations ou frémissemens qu’il en peut recevoir.

L’air ressemble en cela aux autres matières composées gazeuses, qui ne doivent leur état de gaz et la totalité de leur ressort, qu’à un fluide subtil et éminemment élastique qui les pénètre, c’est-à-dire, qui se trouve répandu dans leur masse sans y être combiné (le calorique).

L’effet du ressort que l’air reçoit du fluide élastique continuellement répandu dans sa masse, a pu être observé, calculé, et très-bien déterminé par les géomètres, et ensuite le résultat du calcul de cet effet a pu s’accorder parfaitement avec la vîtesse bien connue[7] de la propagation du son ; ce dont je ne doute nullement : mais je dis que cette considération n’intéresse aucunement la proposition que j’entreprends d’établir dans ce Mémoire.

En effet, la proposition dont il s’agit, se réduit à avancer que l’air commun n’est point la matière propre du son, mais que c’est uniquement le fluide subtil et essentiellement élastique, répandu dans la masse de ce composé gazeux, qui constitue cette matière ; puisque ce même fluide subtil a la faculté de propager, sans obstacle, à travers des milieux plus denses que lui, les frémissemens que lui causent les vibrations des corps sonores, et de pénétrer, dans cet état d’agitation, jusqu’à l’expansion pulpeuse de notre nerf auditif ; ce qui produit en nous la sensation du son.

L’établissement de cette proposition ne contredit donc aucune vérité mathématique, comme on me l’a objecté lorsque j’ai eu commencé la lecture de mon Mémoire, et ne pouvoit me mériter tout ce que j’ai eu à essuyer dans cette circonstance.

La preuve, enfin, que l’air commun n’est point la matière même du son, c’est que les vibrations que cet air peut recevoir des corps sonores, à la faveur du fluide élastique dont il est toujours pénétré, ne lui donnent point pour cela la faculté de traverser, dans cette circonstance, les milieux qu’il ne pouvoit traverser dans l’état de repos : on ne pourroit assurément supposer qu’il ait alors cette faculté. Or, si une simple membrane l’arrête, à plus forte raison sera-t-il arrêté par l’inertie et l’incompressibilité propre de l’eau, par l’enveloppe osseuse qui constitue le crâne des poissons, par le tissu serré et solide du bois, etc., etc., tandis que la matière subtile et vigoureusement élastique, qui se trouve répandue par-tout, et conséquemment dans le sein de l’air, et qui en constitue presque tout le ressort, ne s’arrête point à ces obstacles ; elle passe outre, sait traverser différens milieux, et arriver jusqu’à l’organe essentiel de notre ouïe, avec l’agitation qu’elle a pu recevoir du choc ou des vibrations des corps.

Cette matière subtile peut seulement, comme je l’ai déjà dit, subir divers degrés d’affoiblissement dans la force de ses mouvemens, soit lorsqu’elle change de milieu dans la transmission de ses frémissemens, soit lorsque de grands déplacemens de l’air, au travers duquel elle se meut, viennent à altérer la force et la direction des mouvemens qu’elle propage.

Maintenant, considérant que le fluide subtil dont je viens de parler, existe indubitablement, puisque tous les faits relatifs à l’acoustique attestent la nécessité de son existence ; considérant ensuite que le feu éthéré, qu’une multitude d’autres faits bien constatés, m’ont fait reconnoître dans la nature (Mém. de Phys. et d’Hist. nat. p. 135, etc.), existe pareillement et de la même manière. Enfin, considérant que ce feu éthéré est, comme la matière même du son, un fluide invisible, subtil, excessivement élastique, d’une rarité extrême, pénétrant facilement les masses de tous les corps, et conséquemment répandu par-tout dans notre globe (Mém. de Phys. etc. p. 136, nos. 146 et 147), je suis forcé de reconnoître que le feu éthéré dont il s’agit, et la matière propre du son et du bruit, sont une seule et même matière.

Ce n’est assurément point par hypothèse ni par aucune supposition vague et gratuite, que j’ai établi l’existence du feu éthéré, et auquel j’ai assigné, d’après l’examen des faits, les qualités essentielles qui lui appartiennent. J’ai acquis et publié à cet égard, des preuves suffisantes pour convaincre ceux qui n’aiment que des connoissances exactes, et j’ose dire que ces preuves sont telles que je n’ai pas à craindre qu’on entreprenne de les contester publiquement.

J’ai été conduit à découvrir l’existence du feu éthéré, en suivant avec soin tous les faits relatifs au feu calorique, et en examinant les suites de son expansion, c’est-à-dire ce qu’il devient lui-même au terme de l’expansion qu’il éprouve (Mém. de Phys. etc. p. 171. et suiv.). Je fus ensuite confirmé dans ma découverte, en observant les faits relatifs à la chaleur communiquée au globe terrestre, par la lumière du soleil, et à celle qui se forme et s’amasse sur un point ou un corps résistant, par les chocs multipliés de la lumière réunie au foyer d’une lentille. J’en fus surtout convaincu, lorsque des expériences qui me sont propres, m’eurent appris que la lumière dont je viens de parler, n’avoit en elle-même aucune chaleur quelconque.

Newton avoit, il y a long-temps, pressenti l’existence d’un fluide semblable, c’est-à-dire, d’un fluide subtil, élastique, et qui pénètre tous les corps ; mais il ne put trouver les moyens d’en établir la démonstration. En effet, démontrer l’existence d’un fluide qu’on ne sauroit faire voir, et qu’on ne peut retenir dans aucun vaisseau, cela n’est pas facile à exécuter.

Cet homme illustre, en fait beaucoup mention dans ses questions qui sont à la suite de son Traité d’Optique. (Voyez les questions 17, 18, 19, 20 et 21.) Il donne à ce fluide le nom de milieu éthéré, et à son égard il s’exprime ainsi à la fin de sa 18e question.

« Ce milieu n’est-il pas excessivement plus rare et plus subtil que l’air, et excessivement plus élastique et plus subtil ? Ne pénètre-t-il pas facilement tous les corps ? Et par sa force élastique ne se répand-il pas dans tous les cieux ? »

Ce dernier membre de la question est complétement hypothétique ; au lieu que ceux qui le précèdent, peuvent recevoir une réponse affirmative, appuyée sur des faits bien constatés.

Si Newton eût bien connu le feu calorique, et s’il eût découvert que ce feu n’avoit qu’accidentellement et non essentiellement, les facultés qu’on lui observe, il n’eût pas manqué de découvrir le feu éthéré, d’en établir la démonstration, et de reconnoître en lui ce même fluide subtil, éminemment élastique, qui pénètre tous les corps, que son génie et son œil observateur lui ont fait pressentir, et auquel il a donné le nom de milieu éthéré.

Newton a sans doute pris l’idée des ondes de vibration qui s’étendent au loin dans la masse d’un fluide, à la suite d’une percussion comprimante ; 1o. dans les ondes concentriques qui naissent à la surface de l’eau par la chûte d’un corps qui trouble le repos de sa masse ; 2o. dans la manière et la célérité avec lesquelles la matière du son propage ses ébranlemens, lorsque le choc d’un corps l’a mise dans ce cas. En effet, voilà jusqu’à présent les deux seuls faits qui sont parvenus à notre connoissance, relativement aux ondes de vibration qui peuvent avoir lieu dans un fluide.

On a ensuite lieu de croire que Newton, qui ne connut pas la matière du feu, n’a réellement pris l’idée de l’existence d’un fluide subtil, qui peut traverser tous les corps, qu’en considérant celui qui constitue la matière du son, puisque ce fluide a effectivement cette faculté.

Mais Newton ayant besoin de former une hypothèse, pour expliquer d’une part plusieurs faits relatifs aux effets de la lumière à la surface des corps ou se transmettant dans leur masse, et de l’autre part pour trouver ou assigner la cause de la gravitation universelle, attribua par une simple supposition, une force élastique à son milieu éthéré, bien plus grande qu’à la matière du son, et une célérité dans les vibrations de ce milieu éthéré, supérieure même à la vitesse de la transmission de la lumière.

Or, comme en bonne physique on doit soigneusement distinguer les connoissances certaines, acquises par l’observation des faits, des simples suppositions que l’on forme pour établir des raisonnemens, je dis qu’on ne seroit pas fondé à m’objecter ici l’emploi qu’a fait Newton de son milieu éthéré, en lui attribuant par une pure supposition, une vîtesse de vibration qui surpasse même la célérité de la transmission de la lumière.

Newton convient lui-même de la supposition qu’il forme, n’ayant aucun fait pour l’appuyer ; car après avoir indiqué la vîtesse des vibrations de la matière de son, et celle de la transmission de la lumière du soleil, il s’exprime ainsi à cet égard dans le cours de sa 21e. question : « Et afin que les vibrations de ce milieu éthéré puissent produire les accès alternatifs de facile transmission et de facile réflexion, elles doivent être plus promptes que la lumière, et par conséquent plus de 700,000 fois plus promptes que le son ».

On sait que Newton voulant expliquer les effets de la lumière à la surface des corps, et sur-tout ceux de la lumière qui tombe sur un corps transparent, et qui varient à raison de l’épaisseur de ce corps, imagina d’attribuer à la lumière dardée par les corps lumineux, des accès alternatifs de facile transmission et de facile réflexion. Or, il eut besoin pour produire ces divers accès alternatifs, de supposer une action des vibrations de son milieu éthéré, sur le mouvement de la lumière ; action qui, toujours par supposition, occasionne des accélérations et des retards dans le mouvement de la lumière, d’où peuvent naître les accès alternatifs de facile transmission et de facile réflexion qu’il lui suppose.

Pour, complèter son hypothèse ; Newton dit en outre que la lumière lancée par les corps lumineux, se rompant ou se réfléchissant dans son milieu éthéré, comme dans bien d’autres, y peut exciter au point d’incidence, des ondes successives de vibrations semblables à celles qu’excite dans l’eau la chûte d’une pierre. Enfin, il pense que les ondes de vibration de ce milieu éthéré, se continuant depuis le point d’incidence jusqu’à des distances considérables, ont à leur tour la faculté d’atteindre les rayons de lumière, et d’exercer sur leur mouvement l’influence que je viens de citer.

D’après ce que je viens d’exposer, on voit que Newton pensoit que la lumière agit sur son milieu éthéré, comme sur les autres corps, qu’elle excite dans sa masse et dans celle des autres corps, des ondes de vibrations qui causent en eux la chaleur ; et qu’en outre il croyoit que les vibrations de son milieu éthéré, ainsi que celles de beaucoup d’autres corps, avoient à leur tour la faculté d’agir sur la lumière, de la lancer, de la réfléchir et de la réfracter, selon leurs différens états et leurs diverses natures.

Mais tout cela n’est qu’une belle hypothèse, digne à la vérité du génie de l’illustre Newton ; hypothèse que ce savant justement célèbre, fut obligé d’imaginer pour remplacer une cause qu’il n’eût pas occasion de connoître : cette cause réside dans l’influence que l’état du feu fixé dans les corps, exerce sur la lumière qui tombe sur eux ; influence que j’ai suffisamment fait connoître dans mes écrits, et à laquelle Newton n’a point pensé. (Voy. mes Mém. de Phys. et d’Hist. Nat. pag. 56, nos. 44 à 52.)

CONCLUSION.

D’après les observations et les faits cités dans ce Mémoire, je me crois très-fondé à conclure ;

1o. Que l’air commun dans lequel nous vivons, n’est point la matière propre du son ; puisque malgré sa parfaite transparence, ce fluide est encore trop grossier pour pénétrer librement les masses des corps qui ont plus de densité que lui ; faculté dont jouit évidemment la matière propre du son.

2o. Qu’il existe un fluide invisible, très-subtil, singulièrement élastique, d’une rarité extrême, pénétrant facilement tous les corps, répandu dans toutes les parties de notre globe, et conséquemment dans son atmosphère ; et que c’est aux facultés de ce fluide, qu’un grand nombre de faits physiques jusqu’ici mal expliqués doivent être attribués.

3o. Que ce même fluide subtil qui est répandu dans toute la masse de l’air atmosphérique, est la cause essentielle du ressort dont cet air paroît jouir par lui-même ; et que c’est aux vibrations communiquées au fluide subtil dont il s’agit ; vibrations qui se transmettent avec célérité à travers différens milieux, même à travers des milieux solides, qu’il faut rapporter la cause immédiate du son et du bruit par rapport à nous ;

4o. Que le fluide subtil qui constitue la matière propagatrice du son, est parfaitement le même que le feu éthéré dont j’ai démontré l’existence dans mes différens écrits ; et qu’on peut aussi le regarder comme le même que le milieu éthéré dont a parlé Newton, si, à toutes les facultés bien reconnues de ce fluide, l’on n’y joint pas la supposition par laquelle Newton attribue à ses vibrations une vîtesse plus grande que celle du mouvement de la lumière[8] ;

5o. Que puisque parmi les matières invisibles, il en existe au moins une que son extrême rarité met dans le cas de traverser facilement les corps mêmes les plus denses, en sorte que nous ne pouvons jamais la retenir ou en isoler des portions dans aucun vaisseau ; il est possible que cette matière, dans certaines circonstances, soit susceptible d’être modifiée et fixée dans les corps, comme un de leurs principes constituants, et que dans d’autres circonstances elle en soit dégagée ; elle peut donc jouer un rôle important dans les combinaisons qui se forment, comme dans celles qui se détruisent. Qui est-ce qui raisonnablement osera nier l’importance de cette considération ?

6o. Enfin que tant qu’on ne sera pas assuré de tenir un compte exact de tout ce qui se passe et de tout ce qui agit dans un phénomène que l’on observe, ou dans un fait que l’on examine, on sera nécessairement exposé à se tromper dans l’explication des causes auxquelles on l’attribuera.

Séparateur

  1. Le son, proprement dit, résulte du choc des corps élastiques : il est dû à une série de vibrations régulières et décroissantes de ces corps ou de leurs parties ; vibrations qui opèrent dans le fluide subtil, qui est la matière propre de ce son, une série de vibrations analogues.
    Le bruit, au contraire, résulte du choc des corps non élastiques : il est le produit d’un ou de plusieurs chocs qui ne se répètent point par vibrations. Ce n’est en quelque sorte qu’un son simple.
  2. J’ai donné à l’air commun, dans lequel nous vivons, le nom de gaz atmosphérique, parce que, comme je le ferai voir ailleurs, c’est un composé gazeux, résultant de la combinaison de l’air élémentaire avec les principes d’une grande partie des vapeurs qui émanent et s’exhalent de toutes parts de la surface du globe, et qui s’élèvent et se répandent dans le sein de l’atmosphère, où elles s’y détruisent. Ces vapeurs, qui ne peuvent ainsi s’élever dans l’atmosphère que jusqu’à une hauteur limitée, y donnent lieu à la formation et à l’entretien continuel d’une combinaison particulière et gazeuse, dans laquelle l’air élémentaire (l’ oxigène des chimistes), paroît entrer au moins pour un quart, et qui constitue ce fluide invisible, connu sous le nom d’air commun. Il remplit seulement la région inférieure de l’atmosphère, que je nomme Région des vapeurs.
  3. Note de WIKISOURCE : Le 31 août 1794.
  4. La commotion que je ressentis à une aussi grande distance du lieu de son origine, n’étoit pas, comme on pourroit le croire, le résultat d’une compression successive des parties du sol comprises entre le lieu où j’étois, et celui où se faisoit l’explosion. Car on sait que l’effet de la compression est non-seulement proportionnel au degré de force avec lequel agit le corps comprimant, mais aussi au degré de compressibilité du corps comprimé ; ensorte qu’une masse sera d’autant plus comprimée par la force comprimante, que ses parties seront moins dures et plus susceptibles de céder à la compression. Ce n’est assurément pas la masse terreuse et pierreuse qui constitue le sol qui a subi la commotion dont il s’agit, et que comparativement au fluide subtil qui la pénètre, on jugera très-susceptible de céder à la compression.

    Tandis qu’un fluide subtil, éminemment élastique par sa nature, répandu dans toutes les parties du globe et dans toutes les masses qui le constituent, recevant tout-à-coup, par l’explosion en question, une compression énorme et subite, a dû communiquer, de proche en proche, à ses parties voisines, la compression qu’il venoit de recevoir, et par suite de son ressort, s’efforcer de se rétablir par-tout dans son premier état ; ce qui a produit la commotion et les accidens observés.

  5. C’est un fait prouvé que les bruits qui se font sous l’eau sont si formidables et si terribles, qu’au rapport de l’abbé Nollet, un plongeur qui étoit descendu au fond de la mer, par le moyen d’une cloche, eut à peine commencé de sonner du cor qu’il pensa s’évanouir. (Problème d’Acoustique, introduct. pag. xxvj. Tentamen de vi soni et musices in corpus humanum, par Roger, médecin de Montpellier. §. 98.)
  6. « J’ai eu la curiosité, dit Nollet (Leçons de Phys., vol. 3, pag. 420), de me plonger exprès, à différentes profondeurs, dans une eau tranquille, et j’y ai entendu très-distinctement toutes sortes de sons, jusqu’aux articulations de la voix humaine. »
  7. On sait, d’une manière certaine, que le bruit ou le son qui se propage à travers l’air commun, parcourt environ 334 mètres (173 toises) par seconde.
  8. La lumière, comme on sait, met environ 7 minutes à parcourir l’espace qui nous sépare du soleil ; elle parcourt donc au moins 760,000 lieues (38,000 myriamètres) par seconde, tandis que les vibrations de la matière du son ne parcourent pas de lieue par seconde.