Neuf Upanishads, la théosophie des Védas/Ishopanishad

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Traduction par G. R. S. Mead et Jagadisha Chandra Chattopadhyaya en anglais ; traduction française de Jean-Émile Marcault Élément soumis aux droits d’auteur..
(p. 1-8).


Ishopanishad.

Résumé analytique. — L’Ishopanishad tire son nom du premier mot du texte. Elle forme le dernier chapitre de la dernière collection du Yajurveda, appelée Shukla ou blanche.

Le chant de Paix déclare l’identité du Soi[1] universel et du moi individuel. Bien que toutes les âmes individuelles procèdent de la Sur-Âme, elle, cependant, demeure indiminuée. Harih est le nom du Suprême sous son aspect de « destructeur » des péchés. Om. a sa complète explication dans la Mândûkyopanishad.

1-2. L’Upanishad commence par l’exposé de la doctrine de l’action dénuée d’attachement au résultat. Vairâgya.

3. « Ceux qui tuent le moi » est une expression poétique désignant ceux qui sont morts au Soi, car le Soi est immortel et ne saurait être tué.

4-5. Description de la nature du moi ; elle échappe aux sens comme la vie au scalpel du biologiste.

6-7. État de celui qui connaît cette vérité.

8. Suite de la description du moi.

9-14. Les sentiers de non-sagesse et de sagesse mènent respectivement au ciel de récompense, dans notre sphère de renaissance, et à la jouissance d’un état d’existence au delà de cette sphère. On les appelle, le premier « noires ténèbres », le second « ténèbres plus noires encore, pour ainsi dire », comparés au véritable état du moi ; car, dans le premier cas, l’homme est encore sous l’influence du désir ; dans l’autre, bien qu’il puisse jouir comme dieu d’une période béatifique indéfiniment prolongée, cependant il a moins de chances de connaître la réalité qui n’est accessible que par l’état humain d’existence. Le passage au delà de la mort signifie le passage sans encombre par-dessus le dangereux état intermédiaire entre la vie terrestre et le monde céleste.

15-16. Vient ensuite l’invocation au moi, adressée au soleil comme au plus glorieux symbole de ce Soi dans l’univers sensible. La tradition rapporte que, lorsqu’il prononçait la phrase : « Celui qui est là, cet Être-là, Il est moi-même », l’adorateur montrait d’abord l’orbe du soleil levant, puis le ciel au zénith, signifiant ainsi que la lumière du soleil et celle de son âme n’étaient que des aspects de la suprême Lumière de toutes les Lumières, Paramâtman.

17-18. Les mantras qui terminent sont pour être récités à l’heure de la mort. Les dernières pensées d’un homme ont une grande force directrice dans son voyage après la mort (V. Prashnop., III, 10). De plus, c’est le mental qui conserve le souvenir des existences passées. En fixant le mental sur ce fait au moment de la mort, s’augmente la possibilité du souvenir à la naissance suivante.

Om. ! À Brahman qui est, Salut !

CHANT DE PAIX

Om, ! Entier est Cela ; entier est ceci ; du tout procède le tout ; du tout ôtez le tout, le tout demeure.

Om. ! Paix, Paix, Paix ! Harih, Om. !

Ici commence l’Upanishad.

1. Revêtu de Dieu, Om. ! tout ceci doit-il être, qui change dans (ce monde) changeant ; renonces-y donc[2], qu’Il soit ta joie : et ne convoite (rien, car) à qui est la richesse ?

2. Ici (sur terre), agissant de la sorte, un homme devrait vouloir dépasser cent ans ; ainsi donc, pour toi, et il n’est pas d’autre voie, l’action ne souille pas l’homme.

3. Sans soleil, ils appellent ces mondes, enveloppés de noires ténèbres ; c’est à eux que se rendent à leur mort ceux qui tuent le Soi[3].

4. Celui qui ne se meut point (quoique), plus rapide que la pensée, précédant toujours ; Cela[4], jamais les sens ne l’ont atteint ; Cela, sans bouger, dépasse les autres qui courent ; en Cela, dans l’(espace) mère, le souffle envoie les courants (de vie).

5. Cela ne se meut (et pourtant), Cela ne se meut point ; Cela est lointain, proche aussi est Cela ; Cela est de tout ceci l’intérieur ; de ce tout, Cela est aussi l’extérieur.

6. En vérité, celui qui voit toutes choses dans ce Soi, et le Soi en toutes choses ; de Cela ne sera plus séparé jamais.

7. Pour celui qui sait que toutes choses sont le Soi, pour lui, quel chagrin existe, quelle tromperie, lorsqu’il a une fois contemplé l’unité ?

8. Il a pénétré tout, rayonnant et simple[5] sans tache, pur, non incarné[6], non entaché de péché. (Lui), le voyant, le seigneur du mental, embrassant tout, existant en soi ; c’est très justement qu’il a disposé pour des siècles sans nombre la destination (de toutes choses).

9. Dans de noires ténèbres plongent ceux qui se prosternent devant la non-sagesse ; vers des ténèbres plus noires (encore), pour ainsi dire (vont), ceux qui trouvent leur joie dans la sagesse.

10. Par sagesse, ils entendent une chose ; par non-sagesse une autre ; ainsi nous ont enseigné les sages qui nous ont instruits là-dessus.

11. Celui qui connaît à la fois la Sagesse et la non-sagesse, avec la non-sagesse, il passe au delà de la mort, et par la sagesse, il atteint à l’immortalité.

12. Dans de noires ténèbres plongent ceux qui se prosternent devant le non-être ; vers des ténèbres plus noires (encore), pour ainsi dire, vont ceux qui trouvent leur joie dans l’être.

13. Par être, ils entendent une chose ; ils en entendent une autre par non-être ; ainsi nous ont enseigné les sages qui nous ont instruits là-dessus.

14. Celui qui connaît à la fois l’être et le non-être, avec le non-être, il passe au delà de la mort, et par l’être il atteint à l’immortalité.

15. La face de la Vérité est voilée par un disque d’or. Ôte le voile, ô toi qui nourris (le monde), afin que moi, qui garde la loi de vérité, je puisse voir (sa face)[7].

16. Soleil partout présent, unique voyant et ordonnateur, fils du seigneur de la création[8], commande à ses rayons, retire sa lumière ! Ta forme, la plus belle de toutes, je la contemple ! Celui qui est là, cet être-là. Il est moi-même.

17. À la cendre, que ce corps s’en aille, comme un souffle au souffle immortel ! Om. !

Mental ! (de tes) actions souviens-toi ; souviens-toi, ô mental ; souviens-toi de tes actions, souviens-toi.

18. Ô feu (divin), mène-nous par un beau sentier à notre récompense[9]. Ô dieu qui connais toutes nos actions, arrache de nous le mal tortueux ! À toi, maintes et maintes fois, nous crions salut !

Ainsi finit l’Upanishad.

  1. Atman.
  2. Litt. : avec renonciation.
  3. Atman.
  4. Dans presque toutes les Upanishads, « Cela » désigne Brahman, et « ceci » l’univers, l’ensemble des créatures séparées en qui Brahman réside. (N. D. T.)
  5. Litt. : « sans Kaya », c’est-à-dire sans corps subtil, mais on peut prendre ce mot plus généralement, dans le sens de asanghâta, c’est-à-dire « dénué de toute composition », d’où simple.
  6. Litt. : « sans tendons », c’est-à-dire sans corps grossier.
  7. Litt. : « pour moi, pour ma vue ».
  8. Prajâpati, nom collectif synthétisant les 10 Prajâpatis qui correspondent aux 10 Séphiroth juives et à la Décade mystique de Pythagore. Elles sont les forces actives auxquelles est due la création de l’univers matériel. (N. D. T.)
  9. Litt. : richesse, c’est-à-dire Karma-phala, le résultat de nos actions pendant cette vie.