Notes (Pensée des jardins)/Sur Edgar Poe

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Société du Mercure de France (p. 77-78).

SUR EDGAR POE

C’est dans un vert cottage fermé, aux abords d’une très grande ville, qu’il faut situer l’âme d’Edgard Poë. On entend au loin les sirènes des vaisseaux sur le fleuve. Devant le cottage l’herbe de la petite pelouse a poussé en liberté. Mais comme, à l’époque où cette pelouse était un parterre soigné on y avait planté des anémones mauves, ces anémones ont repoussé. Et, parce que le foin cache leurs tiges, les fleurs semblent avoir été disposées là par des enfants. Voici la pompe dont l’eau, aux soirs d’été, servait au rafraîchissement des bouteilles. Voici l’écriteau « À louer » que le vent a détaché et jeté dans la haie où sont des vieilles chaussures. La sonnette est démantibulée. C’est le second magistrat qui l’a faussée, le jour que la vieille dame avait été étranglée par la fille de l’agent d’assurances.

Poë est une journée d’Avril, une prairie couverte de ces anémones et de jacinthes. Son poison est tout printanier. Là, tout possède une virginité singulière. Même la fleur n’y est jamais fécondée.