Notes (Pensée des jardins)/Sur de véritables Gobelins

La bibliothèque libre.

Société du Mercure de France (p. 109-110).

SUR DE VERITABLES GOBELINS

L’entrecroisement des astres, les courbes qu’ils décrivent les uns dans les orbes des autres, les lignes qu’ils tirent, le retour périodique de telle planète jaune, ou bleue, ou indigo, ou violette, ou orangée, ou verte, ou rouge — selon sa composition chimique — tout cela participe d’un métier aux soies complexes dont se tisse le monde visible. Donc : la Terre.

Nous sommes tissés et les choses sont tissées. Nous faisons partie des tapisseries de cet Infini qui est le palais de Dieu.

Cette chasse au lièvre, dans cette plaine, ces piqueurs essoufflés, cette fontaine qui mire des fougères, cette rose dans cette haie, cette femme qui ouvre la claie d’un champ, qu’est-ce autre chose qu’une savante broderie et qu’une subtile peinture tissées des balanciers de la gravitation, des rayons du spectre et des écheveaux des comètes ?

Humble héliotrope ! dont la face s’oppose au soleil et suit les mouvements de son rouet innombrable, tu es aussi bien le frère du flocon de neige que de la cellule cérébrale qui m’aide à t’expliquer en cet instant.