Notes historiques sur la vie de P. E. de Radisson/Expédition de 1684

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Expédition de 1684.



Le voyage, que Radisson et des Groseilliers venaient de terminer, avait rapporté de gros profits à la France. Le ministre de la marine, ordonna de préparer deux autres navires pour leur permettre de partir pour la Baie, le printemps suivant. En reconnaissance de leurs services, il leur fit remise des droits de douane, qui s’élevaient à un quart des peaux de castor.

Pendant ce temps là, Radisson cherchait à retourner à ses anciens maîtres. Il s’en ouvrit à un ami et à quelques uns des membres de la famille de Lord Preston. Il leur fit comprendre bien clairement, qu’il ne dépendait que de lui, de livrer aux Anglais, le poste que commandait son neveu, et qu’il était prêt à le faire, si la Cie., voulait lui rendre justice.

Bien plus, il avoue qu’il fit des démarches, pour faire connaître au gouvernement Anglais, les dispositions dans lesquelles il se trouvait.

« Je n’éprouvai, dit-il, aucune répugnance à faire les premiers pas, auprès de Lord Preston et à avoir une entrevue avec lui à ce sujet. »

Bien entendu, l’Ambassadeur l’accueillit les bras ouverts et lui fit mille promesses engageantes. Il se mit à négocier les termes de son retour, avec la Cie. de la Baie d’Hudson.

D’un autre côté, il continua en apparence, à se préparer à un second voyage, pour le compte de la France

Il prit grand soin, de cacher à la cour de France, ses relations avec l’Ambassadeur.

Le département de la marine, avait fixé le jour de son départ, au 24 Avril 1684.

Il le fit retarder, sous le fallacieux prétexte, qu’il avait à régler quelques affaires de famille.

Son but était de s’assurer des bonnes dispositions de la Cie., à son égard, avant de rompre avec sa mère patrie.

Il poussa la fourberie, jusqu’à se rendre au département de la marine et discuter les détails les plus importants de son futur voyage, le jour même de son départ définitif pour Londres.

Le 10 mai 1684, il arrivait à Londres, et le même soir, il concluait les arrangements avec Sir Young et Hayes, délégués de la Cie. La Cie., s’engagea à indemniser généreusement Radisson, des Groseilliers et tous les Français en hivernement dans la Baie et à les employer comme ses officiers.

Radisson fut ensuite présenté au Roi, par l’entremise du Prince Rupert, et lui jura allégeance, fidélité et dévoûment. La Cie., le reçut comme un enfant prodigue et se hâta de mettre trois navires à sa disposition.

Les choses ne languirent pas, car dès le 17 mai, il partait à bord du « Happy Return, » en route pour la Baie.

Des Groseilliers fatigué de ses longs et pénibles voyages, demeura en Angleterre.

Les trois navires, rencontrèrent à l’entrée de la Rivière Nelson, une frégate ayant à bord le gouverneur de la Cie. Ce dernier, après le départ de des Groseilliers et de Radisson, avait quitté la Baie James, pour venir hiverner sur la rivière Nelson. Lorsque Radisson arriva, il venait d’abandonner son poste, par crainte des Français et des sauvages.

Radisson prit le parti de se rendre en chaloupe sur la rivière Hayes, avec le Capt. Gazer, afin de préparer son neveu, à bien acceuillir les Anglais.

Il fut surpris, de constater que son ancien poste avait été abandonné.

Ayant rencontré plusieurs canots sauvages, il se fit reconnaître et leur annonça que Français et Anglais ne formaient plus qu’un, désormais. Il les présenta au Capt. Gazer, comme l’un de ses amis.

Il apprit d’eux, que son neveu s’était retiré dans une île située, au-dessus des rapides, de la rivière Hayes. Il leur fit quelques présents et leur demanda d’aller avertir son neveu, qu’il était arrivé et qu’il l’attendait à l’ancien poste.

Le lendemain, J. Bte. des Groseilliers arriva en effet, tout étonné de voir son oncle en telle compagnie.

Radisson lui expliqua tout ce qui s’était passé, depuis son départ. Le discours qu’il lui tint et qu’il rapporte tout au long, n’est qu’un réquisitoire contre l’ingratitude de la France à leur égard et un pompeux étalage des récompenses qui les attendaient de la part des Anglais.

Le jeune des Groseilliers, était un homme d’honneur, auquel il répugnait de passer ainsi à l’ennemi. Il se montra indigné et refusa de trahir ainsi sa patrie.

Pour le convaincre, Radisson fut obligé de lui rappeler, qu’il n’était pas en état de lui résister. L’argument du plus fort, étant toujours le meilleur, des Groseilliers céda.

Il remit le commandement à son oncle. Il ne demanda rien pour lui-même, mais insista pour que la Cie. lui donna suffisamment, pour prendre soin de sa mère. Les sept autres Français suivirent l’exemple de leur chef. Radisson eut toutes les difficultés possibles pour réconcilier les sauvages avec les Anglais. Pour y parvenir, il leur dit que les Français étaient de pauvres marins, qu’ils n’avaient pas assez de navires, pour venir souvent traiter avec eux, qu’en un mot, leur intérêt était de faire comme lui et de s’attacher à la Cie.

Des Groseilliers remit 20,000 peaux de castor à Radisson. Ce fut un profit net pour la Cie.

Voici maintenant ce qui s’était passé, dans la Baie, depuis le départ de Radisson, tel que rapporté par le jeune des Groseilliers. Quelques jours après le départ des deux bateaux, les Français entendirent des coups de canon, du côté de la rivière Nelson.

Ils ne tardèrent pas à découvrir l’arrivée de navires Anglais. Ils résolurent de ne pas les inquiéter.

Sur ces entrefaites, un parti de quatorze sauvages, arriva au fort des Groseilliers. Ils dirent aux Français qu’ils venaient de la rivière Severn, pour traiter avec eux. Ils se préparaient à entrer dans le fort, lorsque le chef se précipitant sur des Groseilliers, le frappa d’un coup de poignard.

Des Groseilliers pût heureusement, parer le coup et se mettre en défense. Les autres effrayés et voyant les Français accourir au secours de leur commandant, déposèrent leurs armes.

Ils déclarèrent que les Anglais de la Baie James, avaient promis à leur chef, un baril de poudre et d’autres présents, s’il assassinait tous les Français. Les autres sauvages furent bientôt informés de cet attentat.

L’un d’eux, sans en rien dire à des Groseilliers, se mit à la poursuite du chef, le provoqua à se battre et le terrassa d’un coup de hache.

De là, il se rendit, avec une bande armée, sur la rivière Nelson, attaqua les Anglais et en tua plusieurs. Des Groseilliers, lorsqu’il fut informé de cette malheureuse affaire, chercha à pacifier les sauvages.

Redoutant des représailles de la part des Anglais, il se retira dans une île, d’un accès difficile et garda avec lui, un groupe de sauvages amis, pour se défendre, en cas d’attaque. Les craintes de des Groseilliers étaient bien fondées, car les Anglais s’imaginant injustement qu’il avait été l’instigateur de ce mouvement, donnèrent des présents à quelques sauvages pour le tuer.

Ils n’osèrent pas cependant attaquer les Français ouvertement.

Un jour, l’un de ces sauvages, ayant rencontré un Français à la chasse, tira sur lui et se sauva. La balle alla se loger dans son épaule.

Les diverses nations sauvages, irritées de tant de perfidie de la part des Anglais, se liguèrent partout contre eux, pour les chasser du pays. Elles envoyèrent de toutes les parties de l’intérieur, des délégués offrant leurs services et se déclarant prêtes à courir sur les Anglais partout où ils les trouveraient jusqu’à ce que le dernier fut mort ou parti.

Des Groseilliers, leur conseilla d’attendre le retour de son père et de son oncle, avant de ne rien entreprendre.

Malgré tout ce qui venait d’avoir lieu, il se rendit au fort Anglais, pour rétablir si possible, la bonne entente. Cette démarche n’obtint aucun bon résultat.

Le gouverneur se disposait même à le faire prisonnier, au cas où il serait retourné le visiter une seconde fois. Au printemps 1684, des Groseilliers vit arriver à son poste, 400 Asénipoëtes (Assiniboines.) Le chef de cette nation, était déjà descendu à Québec avec Radisson et exhibait avec orgueil, une médaille que le gouverneur de la Nouvelle-France, lui avait donnée.

Ces sauvages attendirent longtemps, le retour de Radisson, pour aller avec lui, brûler l’établissement Anglais.

Ils s’impatientèrent à la fin, du retard de Radisson et n’écoutant que leur haine contre les Anglais, ils s’étaient déjà mis en marche, pour aller sur la rivière Nelson, exécuter leur dessein, lorsque le gouverneur, informé du danger qui le menaçait, crut prudent de s’éloigner. Radisson était arrivé à ce moment-là, pour rétablir la concorde.

Après que tous les esprits furent pacifiés et que Radisson eut disposé les sauvages à voir les Anglais d’un meilleur œil, il fit mettre les fourrures à bord du navire et se disposa à retourner en Angleterre, rendre compte de ce qu’il avait fait.

Il avait été convenu avant son départ, qu’il laisserait dans la Baie son neveu et quelques uns des Français, pour continuer à faire la traite. Radisson décida donc que son neveu et un autre Français qui servait d’interprète continuerait à y faire le commerce.

Le gouverneur ne voulut point consentir à cela. Il avait déterminé de ne pas y laisser un seul Français.

Il traita Radisson comme un simple valet. Il poussa l’impudence jusqu’à ordonner à ses officiers de mettre tous les Français à bord, de force ou de gré.

Radisson dût se soumettre.

Ils s’embarquèrent tous, avec le gouverneur le 4 Septembre 1684 et arrivèrent en Angleterre le 23 octobre.

Dès son arrivée à Londres, Radisson eut l’honneur d’avoir une audience privée avec le Roi, qui lui témoigna en termes flatteurs, sa haute appréciation des services qu’il venait de rendre à la Couronne. Quelques jours après, le comité de la Cie., se réunissait pour entendre son rapport. Il s’attendait naturellement à un chaleureux accueil et surtout à une généreuse récompense. Grande fut sa surprise. On le bouda, au sujet des attentions que le Souverain paraissait lui porter. Un bon nombre le jalousaient et voulaient qu’il se contente de l’honneur d’avoir tiré les marrons du feu, pour eux.

Radisson se retira encore une fois, désenchanté.

Les mémoires préparés par Radisson, s’arrêtent ici.