Nouveaux Voyages en zigzag/Voyage à Gênes/26

La bibliothèque libre.



VINGT-SIXIÈME JOURNÉE.


Nous laissons ici un billet de remercîments pour M. Champoléon ; puis, partis au petit jour, nous croisons à deux lieues de là le 15e de ligne, qui se rend en garnison à Embrun. De toutes parts accourent des vendeurs de raisin, et, comme si nous étions du 15e de ligne, nous nous pourvoyons aux prix courants.

Bientôt la Mûre est devant nous, tout prés, à deux pas ; aussi nous nous moquons fort d’un naturel qui prétend que nous n’y arriverons pas avant une heure et demie de marche… Ce naturel avait raison. Voici tout à l’heure une fissure profonde, des zigzags de roule interminables, et la Mûre tout là-haut qui nous attend sans faire un pas pour venir à notre rencontre. On y arrive enfin, mais le 15e de ligue n’y a rien laissé, et nous y déjeunons de miettes.

Au delà de la Mûre s’ouvre un long ruban. Le pays est d’ailleurs assez joli, et nous suivons la rive de deux petits lacs qui, au sortir des Arabies d’où nous sortons, nous paraissent charmants. La nuit et la pluie nous atteignent en même temps, une heure avant Vizille, où nous allons descendre à la poste. À peine sommes-nous installés et en train de nous mettre à table, qu’une escouade de gendarmes commandée par un brigadier ivre investit la maison et pénètre dans la chambre à manger : « Que personne ne sorte ! Vous n’êtes pas tous là ! Du papier, de l’encre ! On va dresser le procès-verbal… » Au bout de demi-heure, en effet, le procès-verbal se trouve dressé, le souper tout froid, le sommeil le plus fort. Nous allons dormir.