Nouvelles chroniques francomtoises/La pauvre Claire
La pauvre Claire.

Où va-t-elle, la pauvre Claire, aux champs, à la fontaine ? En quelque lieu que ce soit, elle porte dans ses bras cet enfant qu’à la ressemblance de leurs traits, surtout à la manière dont elle le regarde, on croit être le sien : c’est celui de son frère chéri, de Gervais, et jamais elle ne s’en sépare. Le jour, la nuit, l’enfant est avec elle ; son berceau touche au lit de Claire, qui, au moindre cri, à la moindre plainte qu’il fait entendre, se lève attentive, empressée ! Elle l’aime comme une mère ; mais en l’écoutant répéter qu’elle n’aura jamais d’autre fils, son frère sourit tristement, et sa femme lui jette un regard d’intelligence et de pitié, parce qu’elle ne parle ainsi, la pauvre Claire, que depuis le jour où le fils du riche Philibert épousa cette étrangère aussi riche que lui. Auparavant elle se plaisait à jaser en riant, comme font les jeunes filles, de son mariage et du bonheur qu’elle en attendait ; mais depuis que le fils de Philibert a épousé la riche étrangère, Claire ne parle plus de son mariage, et elle répète, au contraire, que les enfans de son frère seront les siens, qu’elle n’en aura pas d’autres ; et lorsqu’elle est forcée de passer devant la maison de Philibert, elle redouble ses caresses à son petit neveu, sans détourner un seul instant de lui ses yeux pleins de larmes… Elle n’est pas heureuse, la pauvre Claire ! mais Dieu lui a donné, en retour de la félicité qui lui est refusée, de bons parens qui la chérissent, et un cœur tendre qui se console, en aimant encore, même de l’ingratitude de ce qu’elle a aimé.
