Nouvelles de nulle part/Chapitre 24

La bibliothèque libre.
Traduction par Pierre Georget La Chesnais.
G. Bellais (p. 259-272).


CHAPITRE XXIV

EN REMONTANT LA TAMISE. DEUXIÈME JOURNÉE


Ils ne furent pas longs à profiter de mon avis ; et en effet, même à ne consulter que l’heure, le mieux était de nous en aller, car il était sept heures passées, et la journée s’annonçait très chaude. Nous nous levâmes, et descendîmes vers le bateau, — Ellen pensive et absorbée, le vieillard, très aimable et poli, comme pour compenser l’âpreté avec laquelle il défendait son opinion. Clara était gaie et naturelle, mais un peu abattue, me sembla-t-il ; du moins elle n’était pas fâchée de partir, et elle regardait souvent, à la dérobée, timidement, Ellen et son étrange beauté sauvage. Puis, nous montâmes en bateau ; Dick en prenant place, dit :

— Voilà une belle journée !

Et le vieillard répondit une fois de plus :

— Eh bien, cela vous plaît, n’est-ce pas ?

Et aussitôt Dick poussa vivement l’avant dans le courant ralenti par les herbes. Je me retournai lorsque nous fûmes au milieu du fleuve, et en saluant nos hôtes de la main, je vis Ellen appuyée sur l’épaule du vieillard, qui caressait sa joue rouge-pomme, pleine de santé, et une vive angoisse m’étreignit à la pensée que je ne reverrais jamais la superbe fille. Bientôt j’insistai pour prendre les avirons, et je ramai pas mal ce jour-là ; ce qui évidemment explique que nous arrivâmes très tard à l’endroit que Dick s’était proposé d’atteindre. Clara fut particulièrement affectueuse envers Dick, comme je le remarquai de mon banc de rameur ; quant à lui il fut simplement aimable et gai comme toujours ; et j’étais heureux de le voir, car un homme de son caractère n’aurait pu accepter ses caresses joyeusement et sans embarras, s’il avait été le moindrement entortillé par la fée de notre logis de la nuit.

J’ai peu de choses à dire des délicieux détours du fleuve à cet endroit. Je constatai l’absence de villas bourgeoises, dont le vieillard s’était lamenté ; et je vis avec plaisir que mes vieux ennemis les ponts « gothiques » en fonte avaient été remplacés par de beaux ponts de chêne ou de pierre. De même les abords de la forêt que nous traversâmes avaient perdu leur apprêt de chasse de cour gardée, et ils étaient sauvages et magnifiques, quoique les arbres fussent évidemment bien soignés. Je pensai que le mieux était, pour avoir les renseignements les plus complets, de faire l’innocent au sujet d’Eton et de Windsor ; mais Dick me fit part de son savoir à peu près de lui-même, lorsque nous arrivâmes au barrage de Datchet. Il dit :

— Là-bas, il y a de beaux bâtiments anciens qui ont été construits pour servir de collège ou établissement d’instruction par un des rois du moyen-âge, Édouard VI, je crois. (Je souris en moi-même de cette erreur assez naturelle.) Il voulait que l’on y enseignât aux enfants des pauvres gens la science de son temps ; mais il va de soi qu’à l’époque que vous paraissez si bien connaître, ils gâchèrent tout ce qu’il y avait de bien dans les intentions du fondateur. Mon vieux parent raconte qu’ils en usèrent avec elles de façon très simple, et qu’au lieu d’enseigner des fils de pauvres gens pour leur apprendre quelque chose, ils enseignèrent des fils d’hommes riches pour ne leur apprendre rien. Il semble, d’après ce qu’il raconte, que c’était un endroit où l’aristocratie (si vous savez ce que signifie ce mot ; on m’en a dit le sens) se débarrassait de la société de ses enfants mâles pendant une grande partie de l’année. Certainement le vieil Hammond vous donnerait là-dessus toutes sortes de renseignements.

— À quoi cela sert-il aujourd’hui ? demandai-je.

— Les bâtiments ont été pas mal abîmés par les dernières générations d’aristocrates, qui semblent avoir eu en grande haine les beaux vieux bâtiments, et tous les souvenirs du passé ; mais c’est encore un endroit délicieux. Naturellement, nous ne pouvons pas nous en servir tout à fait comme l’a voulu le fondateur, puisque nos idées sur l’instruction des enfants ont tellement changé depuis son époque ; on s’en sert maintenant comme habitation pour des gens qui s’occupent d’apprendre ; on vient là de tous les environs et on s’instruit de ce qu’on veut apprendre, et il y a là une grande bibliothèque des meilleurs livres. En sorte que je pense que le vieux roi mort ne serait pas trop choqué, s’il devait revenir à la vie et voir ce que nous y faisons.

— Je pense, dit Clara en riant, qu’il regretterait l’absence des enfants.

— Pas toujours, ma chère, car il y a souvent beaucoup d’enfants qui viennent s’y instruire ; et aussi, ajouta-t-il en souriant, apprendre à ramer et à nager. Je voudrais nous y arrêter : mais peut-être il vaudra mieux le faire en descendant le fleuve.

Les portes de l’écluse s’ouvraient à ce moment et nous repartîmes. Quand à Windsor, il n’en dit rien, et, dans le bras de Clewer, je laissai reposer les avirons (car je ramais à ce moment), je regardai et demandai :

— Qu’est-ce que c’est que ce bâtiment ?

— J’ai voulu attendre que vous le demandiez vous-même. C’est le château de Windsor ; celui-là aussi, je pensais vous le réserver pour le retour. Il est bien, d’ici, n’est-ce pas ? Mais une grande partie a été construite ou abîmée à l’époque de la Décadence, et nous n’avons pas voulu abattre les bâtiments, puisqu’ils étaient là ; de même que pour le Marché au fumier. Vous savez certainement que c’était le palais de nos anciens rois du moyen-âge, et il a servi plus tard à nos simili-rois commerciaux de l’époque parlementaire, comme les appelle mon vieux parent.

— Oui, dis-je, je sais tout cela. À quoi sert-il maintenant ?

— Un grand nombre de gens y vivent, car, malgré tous ses défauts, c’est un lieu agréable ; il y a aussi une collection bien installée d’antiquités de toutes sortes, qui ont paru valoir la peine qu’on les conservât au musée, comme on aurait dit à l’époque que vous connaissez si bien.

J’enfonçai mes avirons à ces derniers mots, et je tirai comme si je voulais fuir cette époque que je comprenais si bien ; et bientôt nous remontions les bras du fleuve vers Maidenhead, autrefois péniblement embourgeoisés, aujourd’hui aussi agréables et riants que ceux du haut fleuve.

La matinée s’avançait, la matinée d’un bijou de jour d’été, un de ces jours qui, s’ils étaient plus fréquents, feraient de notre climat le meilleur de tous les climats, sans contredit. Un vent léger soufflait de l’ouest ; les petits nuages qui s’étaient élevés vers le moment de notre déjeuner avaient paru monter de plus en plus haut dans le ciel ; et malgré le soleil brûlant, nous ne désirions pas la pluie, pas plus que nous ne la craignions. Si brûlant que fût le soleil, l’air donnait une sensation de fraîcheur qui nous faisait presque aspirer au chaud après-midi et à l’étendue découverte des blés mûrissants, aperçus à travers l’ombre des feuillages. Personne, à moins d’être chargé d’inquiétudes très lourdes, ne pouvait faire autrement que de se sentir heureux ce matin-là : et il faut dire, quelques inquiétudes que puisse recouvrir la surface des choses, qu’aucune ne parut se trouver sur notre chemin.

Nous traversâmes plusieurs champs où l’on finissait les foins, mais Dick et surtout Clara étaient si jaloux de leur fête sur le haut fleuve, qu’ils ne me laissèrent guère leur en parler. Je pus observer seulement que les gens, dans les champs, semblaient vigoureux et beaux, tant les hommes que les femmes, et que loin de présenter aucune apparence sordide, ils paraissaient porter des costumes spécialement appropriés — légers, bien entendu, mais gais, et très ornés.

Ce jour-là, de même que la veille, nous avions, comme vous pensez bien, croisé, dépassé, et laissé passer beaucoup de bateaux d’une espèce ou d’une autre. La plupart étaient à rames, comme le nôtre, ou à voiles, à la manière dont les voiliers sont conduits dans le haut fleuve ; mais à chaque instant nous rencontrions des chalands chargés de foins ou d’autres produits du pays, ou transportant des briques, de la chaux, du bois de charpente, etc., et ils allaient sans aucun moyen de propulsion visible — rien qu’un homme au gouvernail, souvent avec un ami ou deux qui riaient et causaient avec lui. Dick, ce jour là, s’aperçut à un moment que je regardais avec attention un de ces chalands, et dit :

— C’est un de nos chalands mécaniques, il est aussi facile de manœuvrer des transports mécaniques sur eau que sur terre.

Je compris fort bien que ces « transports mécaniques » avaient remplacé notre ancienne force de la vapeur ; mais j’eus grand soin de ne poser aucune question à leur sujet, sachant bien que je ne serais jamais capable de comprendre leur fonctionnement, et qu’en m’y efforçant je me trahirais, ou j’amènerais quelque complication impossible à expliquer. Je me contentai donc de dire :

— Oui, naturellement, je comprends.

Nous abordâmes à Bisham, où les restes de la vieille abbaye et de la maison du temps d’Elisabeth qu’on y avait ajoutée subsistaient encore, et ne s’en portaient pas plus mal pour avoir été habités de nombreuses années avec soin et goût. Les gens de l’endroit étaient ce jour là presque tous dans les champs, hommes et femmes ; nous ne vîmes donc que deux vieillards, et un homme plus jeune, qui était resté à la maison pour travailler à quelque œuvre littéraire, que notre venue, je me figure, interrompit grandement. Je crois cependant aussi que le grand travailleur qui nous reçut ne fut pas fâché de l’interruption. Il ne cessa d’insister pour nous faire rester toujours plus longtemps, si bien qu’enfin nous ne partîmes qu’à la fraîcheur du soir.

Mais peu nous importait ; les nuits étaient claires, la lune brillant à son troisième quartier ; et c’était tout un pour Dick, de ramer ou de rester assis dans la barque : nous fîmes donc un grand chemin. Le soleil du soir brillait éclatant sur les restes des vieux bâtiments à Medmenham ; tout près s’élevait une vaste construction irrégulière, que Dick nous dit être une jolie maison ; et on pouvait voir beaucoup de maisons dans les larges prairies de l’autre côté, au pied de la colline ; il semble que la beauté de Hurley avait contraint les gens à y construire et y vivre assez nombreux. Le soleil très bas nous montrait Henley peu changé comme aspect général de ce que je me rappelais. La lumière du jour nous abandonna au passage dans les bras charmants de Wargrave et de Shiplake ; mais la lune se leva bientôt derrière nous. J’aurais aimé voir de mes yeux dans quelle mesure le nouvel ordre de choses avait pu se débarrasser du gâchis dont le commercialisme avait souillé les rives du large fleuve du côté de Reading et de Caversham : certes une odeur trop délicieuse était répandue en ce commencement de nuit, pour qu’il y eût trace de l’ancienne insoucieuse saleté des manufactures ; et lorsque je lui demandai quelle sorte d’endroit était Reading, Dick répondit :

— Oh ! une assez jolie ville dans son genre, presque toute reconstruite dans les cent dernières années ; et il y a beaucoup de maisons, comme vous pouvez le voir par les lumières au bas des collines, là-bas. De fait, c’est un des endroits les plus peuplés sur cette partie de la Tamise. Courage, Hôte ! nous sommes tout près de la fin de notre voyage pour ce soir. Je vous prie de m’excuser de ne pas arrêter ici ou plus loin, à une de ces maisons ; mais un ami, qui vit dans une très jolie maison, dans les prairies de Maple-Durham désirait tout spécialement que nous allions le voir, Clara et moi, en montant la Tamise, et j’ai pensé que vous ne regarderiez pas à ce petit bout de voyage de nuit.

Il n’avait pas besoin de soutenir mon courage, qui ne faiblissait aucunement ; l’étrangeté et l’excitation de la vie heureuse et tranquille que je voyais partout autour de moi, se dissipaient un peu, il est vrai ; mais une profonde satisfaction, aussi différente que possible d’un contentement paresseux, en prenait la place, et j’étais, pour ainsi dire, vraiment né à nouveau.

Nous abordâmes bientôt précisément à l’endroit où je me souvenais que la rivière fait un coude au nord vers l’ancienne maison des Blunts, avec les larges prairies s’étendant à droite, et, sur la gauche, la longue rangée de magnifiques vieux arbres surplombant la rivière.

En sortant de la barque, je demandai à Dick :

— Est-ce à la vieille maison que nous allons ?

— Non, dit-il, mais elle est toujours en bon état, et bien habitée. Je vois que vous connaissez bien votre Tamise. Mon ami Walter Allen, qui m’a demandé de m’arrêter ici, vit dans une maison, pas très grande, que l’on a construite récemment, parce qu’on aime tellement ces prairies, surtout en été, que l’on commençait à établir trop de tentes en plein champ ; aussi les communes de par ici, auxquelles cela ne convenait pas beaucoup, ont construit trois maisons entre celle-ci et Caversham, et une tout à fait grande à Basildon, un peu plus haut. Regardez ! voilà les lumières de la maison de Walter Allen !

Nous allâmes, piétinant l’herbe des prairies sous un flot de lumière lunaire, et bientôt nous arrivâmes à la maison, qui était basse et construite autour d’un carré assez grand pour recevoir beaucoup de soleil. Walter Allen, l’ami de Dick, était appuyé contre le montant de la porte en nous attendant, et nous introduisit dans la salle sans plus de paroles. Il n’y avait pas beaucoup de monde, plusieurs des habitants étant allés aux foins dans le voisinage, et plusieurs, à ce que nous dit Walter, flânant dans la prairie pour jouir de la belle nuit de lune. L’ami de Dick paraissait être un homme de quarante ans ; grand, aux cheveux noirs, l’air bon et pensif ; mais, à mon étonnement, il y avait une ombre de mélancolie sur sa figure, et il semblait un peu absorbé, et inattentif à notre babil, malgré de visibles efforts pour écouter.

Dick le regardait de temps en temps, et paraissait mal à l’aise ; il dit enfin :

— Dites donc, mon vieux, s’il y a quelque chose dont nous n’avons pas eu connaissance lorsque vous m’avez écrit, ne croyez-vous pas qu’il vaudrait mieux nous le raconter tout de suite ? Autrement nous croirons que nous sommes venus ici à un mauvais moment, où l’on ne nous désirait guère.

Walter rougit, et sembla ne retenir ses larmes qu’avec peine, mais dit enfin :

— Tout le monde ici est, bien entendu, enchanté de vous voir, Dick, vous et vos amis ; mais il est vrai que tout ne va pas bien, malgré le beau temps et la magnifique fenaison. Nous avons eu une mort ici.

— Eh bien, il faut vous faire une raison, voisin ; c’est chose inévitable.

— Oui, dit Walter, mais celle-ci fut une mort par violence, et il est probable qu’elle en amènera au moins une autre : et cela nous donne une sorte de sentiment de gêne entre nous ; et, à vrai dire, c’est un peu pourquoi si peu d’entre nous sont là ce soir.

— Racontez nous l’histoire, Walter ; peut-être cela vous aidera à secouer votre tristesse.

Walter dit :

— Oui, je vais le faire, et je le ferai en peu de mots, bien que, certes, on pourrait la délayer en une longue histoire, comme on faisait lorsqu’on traitait de semblables sujets, dans les anciens romans. Il y a ici une très charmante fille, que nous aimons tous, et que plusieurs font plus qu’aimer ; et, tout naturellement, elle aimait l’un de nous mieux que tous les autres. Et un autre d’entre nous (je ne le nommerai pas) devint bel et bien fou d’amour, et commença à se rendre aussi désagréable que possible — sans le faire exprès, bien entendu ; en sorte que la fille, qui l’aimait assez au commencement, se mit bel et bien à le détester. Naturellement, ceux qui le connaissaient le mieux, — moi entre autres — lui conseillèrent de s’en aller, car ses affaires empiraient de jour en jour.

Il ne voulut pas tenir compte de notre avis (ce qui, je pense, allait de soi), en sorte que nous dûmes lui dire qu’il fallait qu’il s’en allât, ou que l’inévitable envoi à Coventry[1] s’ensuivrait ; car son tourment personnel le dominait tellement que nous sentions que nous devrions partir, s’il ne le faisait pas.

Il accepta la chose mieux que nous ne l’espérions, lorsque je ne sais quoi, — une rencontre avec la jeune fille, je suppose, et quelques paroles vives avec l’amant heureux, survenu aussitôt après, — il perdit tout à fait son équilibre ; il saisit une hache et tomba sur son rival, alors que personne n’était là ; dans la lutte qui suivit, l’homme attaqué lui asséna un coup malheureux et le tua. Et maintenant le meurtrier à son tour est tellement bouleversé qu’il est capable de se tuer ; et, s’il le fait, la jeune fille en fera autant, j’en ai peur. Et à tout cela nous ne pouvons rien, pas plus qu’au tremblement de terre d’il y a deux ans.

— C’est très malheureux, dit Dick ; mais puisque l’homme est mort et ne peut être ramené à la vie, et que le meurtrier n’a pas agi par méchanceté, je ne peux pas comprendre pourquoi il ne s’en consolerait pas avant peu. D’ailleurs, la mort a bien choisi. Pourquoi un homme se laisserait-il obséder par un pur accident ? Et la jeune fille ?

— Toute cette histoire, dit Walter, semble l’avoir remplie d’effroi plus que de douleur. Ce que vous dites pour l’homme est juste ou devrait l’être ; mais, voyez-vous, l’excitation et la jalousie qui préludèrent à cette tragédie avaient créé autour de lui une atmosphère mauvaise et fiévreuse à laquelle il ne semble pas capable d’échapper. Cependant, nous lui avons conseillé de s’en aller, de traverser la mer ; mais son état est tel que je crois qu’il ne peut pas s’en aller, à moins que quelqu’un l’emmène, et je crois que ce sera moi qui le ferai, ce qui n’est pas précisément une gaie perspective.

— Oh ! vous y trouverez un certain genre d’intérêt. Et, naturellement, il faut qu’il considère l’histoire d’un point de vue raisonnable, tôt ou tard.

— En tout cas, dit Walter, maintenant que j’ai soulagé mon esprit en vous attristant, finissons-en avec ce sujet pour le moment. Mènerez-vous votre hôte à Oxford ?

— Oh ! naturellement, nous devons y passer, dit Dick en souriant, puisque nous allons dans le haut fleuve ; mais je ne comptais pas nous y arrêter, sans quoi nous serions en retard pour la fenaison là-bas. En sorte qu’Oxford et ma savante conférence à son propos, que je ferais d’après mon vieux parent, devront attendre que nous redescendions le fleuve, dans une quinzaine.

Je fus très étonné en entendant cette histoire et ne pus m’empêcher d’être surpris, d’abord, que le meurtrier n’eût pas été mis en prison jusqu’à ce qu’il fût prouvé qu’il n’avait tué son rival qu’en se défendant lui-même. Pourtant, plus j’y pensai, plus il me devint évident qu’aucune interrogation de témoins, lesquels avaient constaté uniquement l’animosité entre les deux rivaux, n’aurait rien fait pour éclaircir l’affaire. Je ne pus m’empêcher de penser également que le remords de ce meurtrier confirmait ce que m’avait dit le vieil Hammond sur la manière dont ces gens étranges en usaient avec ce que j’avais été habitué à entendre appeler des crimes. Réellement, ce remords était exagéré ; mais il était évident que le meurtrier assumait toutes les conséquences de l’acte, et n’attendait pas que la société le blanchît en le punissant. Je n’avais plus aucune crainte que « le caractère sacré de la vie humaine » pût avoir à souffrir parmi mes amis de l’absence des travaux forcés et de la prison.



  1. Envoyer à Coventry, expression qui rappelle un épisode de la guerre des Parlementaires contre Charles I, équivaut à peu près à « mettre en quarantaine ».