Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/105

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comme l’esprit est à l’égard de la chair ; l’esprit est prompt et la chair est infirme ; et les esprits agissent

Quantum non noxia corpora tardant.

31 II y a donc un rapport tout pareil entre une telle ou telle action de Dieu, et une telle ou telle passion ou réception de la nature, qui n’en est perfectionnée dans le cours ordinaire des choses qu’à mesure de sa réceptivité, comme on l’appelle. Et lorsqu’on dit que la créature dépend de Dieu en tant qu’elle est, et en tant qu’elle agit, et même que la conservation est une création continuelle, c’est que Dieu donne toujours à la créature, et produit continuellement ce qu’il y a en elle de positif, de bon et de parfait, tout don parfait venant du père des lumières ; au lieu que les imperfections et les défauts des opérations viennent de la limitation originale que la créature n’a pu manquer de recevoir avec le premier commencement de son être, par les raisons idéales qui la bornent. Car Dieu ne pouvait pas lui donner tout, sans en faire un Dieu ; il fallait donc qu’il y eût des diffèrents degrés dans la perfection des choses, et qu’il y eût aussi des limitations de toute sorte.

32 Cette considération servira aussi pour satisfaire à quelques philosophes modernes, qui vont jusqu’à dire que Dieu est le seul acteur. Il est vrai que Dieu est le seul dont l’action est pure et sans mélange de ce qu’on appelle pâtir ; mais cela n’empêche pas que la créature n’ait part aux actions aussi, puisque l’action de la créature est une modification de la substance qui en coule naturellement, et qui renferme une variation non seulement dans les perfections que Dieu a communiquées à la créature, mais encore dans les limitations qu’elle y apporte d’elle-même, pour être ce qu’elle est. Ce qui fait voir aussi qu’il y a une distinction réelle entre la substance et ses modifications ou accidents, contre le sentiment de quelques modernes, et particulièrement de feu M. le duc de Buckingham[1], qui en a parlé dans un petit discours sur la religion, réimprimé depuis peu. Le mal est donc comme les ténèbres, et non seulement l’ignorance, mais encore l’erreur et la malice consistent formellement dans une certaine espèce de privation. Voici un exemple de

  1. Buckingham (Georges Villiers clo), fils du célèbre favori de Jacques Ier et (le Charles 101', et lui-même ministre et favori de Charles H, né à Londres en 1237, mort en 16SS. On a de lui fin Discours succinct afin de démontrer qu’il est raisonnable d’avoir une religion, 1685, in-i" Preuves de lu Divinité, 16S7, in-S".