Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/108

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n’ajoute rien à la détermination de la vérité des futurs contingents, sinon que cette détermination est connue : ce qui n’augmente point la détermination, ou la futurition (comme on l’appelle) de ces événements, dont nous, sommes convenus d’abord.

38 Cette réponse est sans doute fort juste, l’on convient que la prescience en elle-même ne rend point la vérité plus déterminée : elle est prévue parce qu’elle est déterminée, parce qu’elle est vraie ; mais elle n’est pas vraie, parce qu’elle est prévue : et en cela la connaissance du futur n’a rien qui ne soit aussi dans la connaissance du passé et du présent. Mais voici ce qu’un adversaire pourra dire : Je vous accorde que la prescience en elle-même ne rend point la vérité plus déterminée, mais c’est la cause de la prescience qui le fait. Car il faut bien que la prescience de Dieu ait son fondement dans la nature des choses, et ce fondement, rendant la vérité prédéterminée, l’empêchera d’être contingente et libre.

39 C’est cette difficulté qui a fait naître deux partis : celui des prédéterminateurs[1], et celui des défenseurs de la science moyenne. Les dominicains et les augustiniens sont pour la prédétermination, les franciscains et les jésuites modernes sont plutôt pour la science moyenne[2]. Ces deux partis ont éclaté vers le milieu du seizième siècle et un peu après. Molina[3] ui-même (qui est peut-être un des premiers avec Fonseca[4], qui a mis ce point en système, et de qui les autres ont été appelés molinistes), dit dans le livre qu’il a fait de la Concorde du libre arbitre avec la grâce, environ l’an 1570, que les docteurs espagnols (il entend principalement les thomistes), qui avaient écrit depuis vingt ans, ne trouvant point d’autre moyen d’expliquer

  1. Prédétermination ou prémotion physique des thomistes, consiste à dire que Dieu fait immédiatement en nous-mêmes que «nous nous déterminions d’un tel côté, mais que notre détermination ne laisse pas que d’être libre, parce que Dieu veut qu’elle soit telle. » (Bossuet, Du Libre arb., c. vnr.) P. J.
  2. La science moyenne ou conditionnée consiste à dire que Dieu voit certainement les actes libres, à condition qu’ils soient déterminés par la grâce. (lit. c. vn.) P. J.
  3. Mouxa (Louis), théologien espagnol, né en 153Ô à Cuenca (Nouvelle-Castille), mort à Madrid en 1601. Son livre De Liberi arbitrii cum grains donis concordiâ (Lisbonne, in-1% 1518), est très célèbre, comme le fondement de l’opinion des inol.ini.sl.es, les adversaires des jansénistes. Les premiers donnaient plus au libre arbitre, les seconds à la grâce. Il a fait également un traité de, /»»̃liliâ et jure (Mayence, 1659, G vol. in P. J.
  4. Foxseca (Pierre de), surnommé l’Aristote portugais, né en 1528 fa Carlizada (Portugal), mort en 1599 passe avec Molina pour l’inventeur de la Science moyenne. On a de lui un Coninienfuire sur lu métaphysique d’Aristote. en 4 vol. P. J.).