Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/128

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où la volonté n’a point de part, dans un cheval, dans un diamant, dans un homme ; et celui qui a dit de Caton d’Utique qu’il agissait vertueusement par la bonté de son naturel, et qu’il lui était impossible d’en user autrement, a cru le louer davantage.

76 Les difficultés auxquelles nous avons tâché de satisfaire jusqu’ici ont été presque toutes communes à la théologie naturelle et à la révélée. Maintenant il sera nécessaire de venir à ce qui regarde un point révélé, qui est l’élection ou la réprobation des hommes avec l’économie ou l’emploi de grâce divine par rapport à ces actes de la miséricorde ou de la justice de Dieu. Mais lorsque nous avons répondu aux objections précédentes, nous avons ouvert un chemin pour satisfaire à celles qui restent ; ce qui confirme la remarque que nous avons faite ci-dessus (Discours prélimin., § 43), qu’il y a plutôt un combat entre les vraies raisons de la théologie naturelle et les fausses raisons des apparences humaines qu’il n’y en a entre la foi révélée et la raison. Car il n’y a presque aucune difficulté contre la révélation, sur cette matière, qui soit nouvelle et qui ne tire son origine de celles qu’on peut objecter aux vérités connues par la raison.

77 Or, comme les théologiens presque de tous les partis sont partagés entre eux sur cette matière de la prédestination et de la grâce, et font souvent des réponses différentes aux mêmes objections, suivant leurs principes divers, on ne saurait se dispenser de toucher aux différends qui sont en vogue entre eux. L’on peut dire en général que les uns considèrent Dieu d’une manière plus métaphysique et les autres d’une manière plus morale ; et l’on a remarqué déjà autrefois que les contreremontrants prenaient le premier parti et les remontrants le second. Mais, pour bien faire, il faut également soutenir d’un côté l’indépendance de Dieu et la dépendance des créatures ; et, de l’autre côté, la justice et la bonté de Dieu, qui le fait dépendre de soi-même, sa volonté de son entendement, de sa sagesse.

78 Quelques auteurs habiles et bien intentionnés, voulant représenter la force des raisons des deux partis principaux pour leur persuader une tolérance mutuelle, jugent que toute la controverse se réduit à ce point capital, savoir quel a été le but principal de Dieu en faisant ses décrets par rapport à l’homme ; s’il les a faits uniquement pour établir sa gloire en manifestant ses attributs, et en formant, pour y parvenir, le grand projet de la création et de la