Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/134

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y paraît avoir du penchant. La seconde opinion est celle de la traduction, comme si l’âme des enfants était engendrée (per traducem) de l’âme ou des âmes de ceux dont le corps est engendré. Saint Augustin y était porté, pour mieux sauver le péché originel. Cette doctrine est enseignée aussi par la plus grande partie des théologiens de la confession d’Augsbourg. Cependant elle n’est pas établie entièrement parmi eux, puisque les universités de Iéna, de Helmstadt et autres, y ont été contraires depuis longtemps. La troisième opinion, et la plus reçue aujourd’hui, est celle de la création ; elle est enseignée dans la plus grande partie des écoles chrétiennes, mais elle reçoit le plus de difficulté par rapport au péché originel.

87 Dans cette controverse des théologiens sur l’origine de l’âme humaine, est entrée la dispute philosophique de l’origine des formes. Aristote et l’école après lui ont appelé forme ce qui est un principe de l’action, et se trouve dans celui qui agit. Ce principe interne est, ou substantiel, qui est appelé âme, quand il est dans un corps organique, ou accidentel, qu’on a coutume d’appeller qualité. Le même philosophe a donné à l’âme le nom générique d’entéléche ou d’acte. Ce mot, entéléchie, tire apparemment son origine du mot grec qui signifie parfait, et c’est pour cela que le célèbre Hermolaüs Barbarus[1] l’exprima en latin mot à mot par perfectihabia, car l’acte est un accomplissement de la puissance ; et il n’avait point besoin de consulter le diable, comme il a fait, à ce qu’on dit, pour n’apprendre que cela. Or le philosophe stagirite conçoit qu’il y a deux espèces d’actes, l’acte permanent et l’acte successif. L’acte permanent ou durable n’est autre chose que la forme substantielle ou accidentelle : la forme, substantielle (comme l’âme par exemple) est permanente tout à fait, au moins selon moi, et l’accidentelle ne l’est que pour un temps. Mais l’acte entièrement passager, dont la nature est transitoire, consiste dans l’action même. J’ai montré ailleurs que la notion de l’entéléchie n’est pas entièrement à mépriser, et qu’étant permanente, elle porte avec elle non seulement une simple faculté active, mais aussi ce qu’on peut appeler force, effort, conatus, dont l’action même doit suivre si rien ne l’empêche. La faculté n’est qu’un attribut, ou bien un mode quelquefois ; mais la force, quand elle n’est pas

  1. Heiuiolaus Barbarus ou Ermolao Baruaro, savant illustie duxvic siècle, né à Venise en 1454, mort à Rome en 1493. On a de lui les livres suivants Coinpendium Et/ticonun lihronimÇin S', Venise, 1544) ; Coiii/jendium scientise nul. ràlis in Aristolele (in-8°, Venise, 1515) ; Themistii purapârruis in Ai’istotrtis posteriora ana.lt/tica lutine versa (Paris, 1511). P. J.