Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/144

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n’est plus connu que le Tolle, lege (Prends et lis), que saint Augustin entendit crier dans une maison voisine, lorsqu’il délibéra sur le parti qu’il devait prendre parmi les chrétiens divisés en sectes, et se disant Quod vitæ sectabor iter ? ce qui le porta à ouvrir au hasard le livre des divines écritures qu’il avait devant lui, et d’y lire ce qui tomba sous ses yeux ; et ce furent des paroles qui achevèrent de le déterminer à quitter le manichéisme. Le bon M. Stenonis, Danois, évêque titulaire de Titianopolis, et vicaire apostolique (comme on parle) à Hanovre et aux environs, lorsqu’il y avait un duc régent de sa religion, nous disait qu’il lui était arrivé quelque chose de semblable. Il était grand anatomiste et fort versé dans la connaissance de la nature ; mais il en abandonna malheureusement la recherche, et d’un grand physicien il devint un théologien médiocre. Il ne voulait presque plus entendre parler des merveilles de la nature, et il aurait fallu un commandement exprès du pape in virtute sanctce obedientice, pour tirer de lui les observations que M. Thévenot lui demandait. Il nous racontait donc que ce qui avait contribué beaucoup à le déterminer à se mettre dans le parti de l’église romaine, avait été la voix d’une dame à Florence, qui lui avait crié d’une fenêtre : N’allez pas du côté où vous voulez aller, monsieur, allez de l’autre côté. Cette voix me frappa (nous dit-il), parce que j’étais en méditation alors sur la religion. Cette dame savait qu’il cherchait un homme dans la maison où elle était, et, le voyant prendre un chemin pour l’autre, lui voulait enseigner la chambre de son ami.

101 Le père Jean Davidius[1], jésuite, a fait un livre intitulé : Veridicus christianus, qui est comme une espèce de bibliomance, où l’on prend les passages à l’aventure, à l’exemple du Tolle, lege de saint Augustin, et c’est comme un jeu de dévotion. Mais les hasards où nous nous trouvons malgré nous ne contribuent que trop à ce qui donne ou ôte le salut aux hommes. Figurons-nous deux enfants jumeaux polonais, l’un pris par les Tartares, vendu aux Turcs, porté à l’apostasie, plongé dans l’impiété, mourant dans le désespoir ; l’autre sauvé par quelque hasard, tombé depuis en

  1. Davidius (le P.), jésuite de Courtray, mort à Anvers en 1G13. Auteur d’un très grand nombre d’ouvrages théologiques, de titres mystiques Ilereticutn araneum Horologium passionis Fuyu spiritualis Alphabetum spiritmUi : ; Viridarinm ritttuni Horlulus deliciarum animes P..1.