Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/96

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un péché avec quelques moindres anges de son département, peut-être en s’élevant mal à propos contre un ange d’un soleil plus grand ; qu’en même temps, par l’harmonie préétablie des règnes de la nature et de la grâce, et par conséquent par des causes naturelles arrivées à point nommé, notre globe a été couvert de taches, rendu opaque et chassé de sa place : ce qui l’a fait devenir étoile errante ou planète, c’est-à-dire satellite d’un autre soleil, et de celui-là même peut-être dont son ange ne voulait point reconnaître la supériorité, et que c’est en cela que consiste la chute de Lucifer ; que maintenant le chef des mauvais anges, qui est appelé dans la sainte Ecriture le prince, et même le dieu de ce monde, portant envie avec les anges de sa suite à cet animal raisonnable qui se promène sur la surface de ce globe, et que Dieu y a suscité peut-être pour se dédommager de leur chute, travaille à le rendre complice de leurs crimes et participant de leurs malheurs. Là-dessus Jésus-Christ est venu pour sauver les hommes. C’est le fils éternel de Dieu en tant que fils unique ; mais (selon quelques anciens chrétiens, et selon l’auteur de cette hypothèse) s’étant revêtu d’abord, dès le commencement des choses, de la nature la plus excellente d’entre les créatures pour les perfectionner toutes, il s’est mis parmi elles ; et c’est la seconde filiation, par laquelle il est le premier-né de toute créature. C’est ce que les cabalistes appelaient Adam Cadmon. Il avait peut-être planté son tabernacle dans ce grand soleil qui nous éclaire ; mais il est enfin venu dans ce globe où nous sommes, il y est né de la Vierge, et a pris la nature humaine pour sauver les hommes des mains de leur ennemi et du sien. Et quand le temps du jugement approchera, lorsque la face présente de notre globe sera sur le point de périr, il y reviendra visiblement pour en retirer les bons, en les transplantant peut-être dans le soleil, et pour punir ici les méchants avec les démons qui les ont séduits : alors le globe de la terre commencera à brûler et sera peut-être une comète. Ce feu durera je ne sais combien d’Aeones[1]. La queue de la comète est désignée par la fumée qui montera incessamment, suivant l’Apocalypse, et cet incendie sera l’enfer, ou la seconde mort dont parle la sainte Écriture. Mais enfin l’enfer rendra ses morts, la mort même sera détruite, la raison et la paix recommenceront à régner dans les esprits qui avaient été

  1. Αἰώνες, siècles. P. J.