Page:Déjacque - À bas les chefs !.djvu/8

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toujours s’entendre dire : « Mais vous parlez de supprimer les élus du suffrage universel, de jeter par les fenêtres la représentation nationale et démocratique, que mettrez-vous à sa place ? Car enfin, il faut bien quelque chose, il faut bien que quelqu’un commande… un comité de salut public, alors ? Vous ne voulez plus d’un empereur, d’un tyran, cela se comprend ; mais qui le remplacera… un dictateur ? car tout le monde ne peut pas se conduire, et il en faut bien un qui se dévoue à gouverner les autres… » Eh ! messieurs ou citoyens, à quoi bon le supprimer, si c’est pour le remplacer ? Ce qu’il faut c’est détruire le mal et non le déplacer. Que m’importe à moi qu’il porte tel nom ou tel autre, qu’il soit ici ou là, si, sous ce masque et sous cette allure, il est encore et toujours en travers de mon chemin ? On supprime un ennemi, on ne le remplace pas. La dictature, la magistrature souveraine, la monarchie, pour bien dire, — car reconnaître que l’autorité, qui est le mal, peut faire le bien, n’est-ce pas se déclarer monarchiste, sanctionner le despotisme, apostasier la Révolution ? Si on leur demande, à ces partisans absolus de la force brutale, à ces prôneurs de l’autorité démagogique et obligatoire, comment ils l’exerceront, de quelle manière ils organiseront ce pouvoir fort, les uns vous répondent, comme feu Marat, qu’ils veulent un dictateur avec les boulets aux pieds et condamné par le peuple à travailler pour le peuple.

D’abord distinguons : ou ce dictateur agira par la volonté du peuple, et alors il ne sera pas réellement dictateur, ce ne sera qu’une cinquième roue à un carrosse, ou bien il sera réellement dictateur, il aura en mains guides et fouet, et il n’agira que d’après son bon plaisir, c’est-à-dire au profit exclusif de sa divine personne. Agir au nom du peuple c’est agir au nom de tout le monde, n’est-ce pas ? Et tout le monde n’est pas scientifiquement, harmoniquement, intelligemment révolutionnaire. Mais j’admets, pour me conformer à la pensée des blanquistes par exemple, — cette queue du carbonarisme, cette franc-maçonnerie ba-bé-bou-viste, ces invisibles d’une nouvelle espèce, cette sociétés d’intelligences… secrètes, — qu’il y a peuple et peuple, le peuple des frères initiés, les disciples du grand architecte populaire, et le peuple ou tourbe des profanes. Ces affiliés, ces conspirateurs émérites s’entendront-ils toujours entre eux ? Seront-ils toujours d’accord sur toutes les questions et dans toutes leurs sections ? Qu’un décret soit